<320>ment de terre dont vous parleza s'est réellement fait sentir dans mon pays, le long des rivages de la mer; à Stettin, l'Oder est enflée dans l'espace de quatre minutes, et a fait une crue de douze pieds; elle a inondé tout le faubourg, mais cela n'a duré qu'un moment. A Templin, le lac s'est soulevé; il a inondé tout d'un coup un de ses bords, et a obligé les pêcheurs qui étaient dessus de se sauver. En Frise, la même chose est arrivée à peu près sur les bords de l'Amasis et sur ceux de la mer; en Hollande, en Irlande, la même chose, avec des effets plus désastreux pour les habitants. Pour moi, qui ne suis pas grand physicien, mais qui me suis fait mon système de physique, comme Buffon a fait le sien, j'attribue tous ces phénomènes au principe que je suppose : je crois qu'il y a au centre de la terre un feu élémentaire qui, agité par différentes causes, se forme des canaux souterrains aboutissant vers la surface de la terre, et que ce feu, mis dans un mouvement plus violent, a poussé des rameaux sous la mer, dont effectivement l'un a crevé sur les côtes d'Irlande; le grand foyer s'est trouvé précisément sous Lisbonne. La matière sulfureuse et salpêtrique dont le sol de ce pays est empreint a donné plus de nourriture à ce feu, qui par conséquent, dans cet endroit, a fait l'effet d'une mine qui saute. Je vous donne mon raisonnement pour ce qu'il vaut, c'est-à-dire, pour une conjecture. Mon préjugé m'v fait peut-être ajouter un degré de crédibilité plus fort qu'il ne paraîtra à d'autres; mais je suis très-persuadé qu'il en est ainsi. Après tout, si je me trompe sur cette matière, ce qui me console, c'est que je ne suis pas le seul, et que la plupart qui s'égarent le font pour chercher midi à quatorze heures, au lieu que ce que je dis a de la vraisemblance et de la simplicité. Mais, ma chère sœur, c'est aux physiciens que vous avez à Baireuth à décider sur cette matière; pour moi, dont la destinée est de me démêler de la fourberie des hommes, je pourrais me tromper facilement sur les causes secrètes que la nature nous


a Celui du 1er novembre 1755. Voyez t. IV, p. 29 et 30.