<66> gloire, et voilà la guerre allumée.a On apaise ce feu pour un temps, mais on ne peut l'éteindre, et tôt ou tard il en faut venir à la séparation. Pour moi, je suis soigneux de les prévenir, et j'aime toujours plutôt les chasser que de dépendre de leurs caprices. M. Benda,b des enfants d'Apollon, est assez sage à présent, et je dois louer leur bonne conduite, quoique je sois sûr qu'elle ne sera pas de durée. Quantz part la semaine qui vient, et dans peu il sera à Baireuth. Que j'envie son sort! On est bien heureux, ma très-chère sœur, lorsqu'on peut vous voir, et on ne l'est qu'imparfaitement quand on ne peut que vous écrire.

Je suis avec tous les sentiments que vous m'inspirez si justement, ma très-chère sœur, etc.

58. A LA MÊME.

Remusberg, 23 novembre 1738.



Ma très-chère sœur,

Il m'est impossible de laisser partir Quantz sans vous assurer de mon tendre attachement. J'aurais bien envié le bonheur qu'il aura de vous rendre ses devoirs, si je ne me flattais encore de je ne sais quelle espérance vague et peut-être chimérique de vous revoir. Je voudrais que la flûte de Quantz, qui parle infiniment mieux que lui, puisse


a

Deux coqs vivaient en paix; une poule survint,
Et voilà la guerre allumée.

La Fontaine,

Fables

, liv. VII, fab. 13.

b Voyez t. XXVI, p. 606.