<79> donner, à Erlangen ou quelque part, un emploi où il soit beaucoup moins bien qu'il ne l'est à présent. Ce serait, en deux mots, ce que je vous conseillerais. Et quant à votre voyage, je ne vois pas la raison pourquoi vous le voulez rompre; laissez parler les sots, et allez, à la garde de Dieu, à Montpellier. Vous ne pourrez pourtant jamais contenter tout le monde; ainsi, qu'il vous suffise de faire ce qui est bien, et d'ailleurs de ne vous embarrasser de qui que ce soit.a Je vous réponds même que si, à votre retour, vous donnez un grand homme au Roi, il dira que vous avez fort bien fait de voyager. Permettez que j'ajoute encore une considération à celle-ci : c'est qu'on interprétera comme une faiblesse du Margrave s'il ne poursuit pas le voyage qu'il avait projeté. Quoi! un Meermann, une madame Sonsfeld (qui, par parenthèse, crie comme un chat qu'on écorche de ce qu'elle n'est pas du voyage, et qui voudrait animer toute la terre là contre), ne voudront pas que vous alliez à Montpellier;b quelque imbécile habitant de Baireuth ne le voudra pas non plus; et pour cela il faudra déférer à leurs avis! Non, ma chère sœur, j'ose vous prier de ne vous point détourner si légèrement d'une chose qui doit servir au bien de votre santé, et de poursuivre hardiment le voyage. Je vous avoue que j'abandonnerais celui d'Italie; mais pour celui de Montpellier, j'en prends le hasard sur ma tête. D'ailleurs, ne rendez pas des coquins plus durs qu'ils ne le sont déjà par votre bonté; il faut, à quelque prix que ce soit, que Meermann soit puni. Chassez votre tailleur, et ne poussez pas la bonté jusqu'à l'indolence. Pardonnez-moi, ma très-chère sœur, la liberté que je prends de vous dire si librement mes sentiments. J'ai compris que vous êtes embarrassée, et j'ai cru que vous ne seriez peut-être point fâchée de voir quel-


a La Margrave, citant cette lettre de son frère dans ses Mémoires, t. II, p. 290, y ajoute la phrase suivante : « Au bout du compte, le Roi n'a plus rien à vous ordonner, » phrase qui ne se trouve ni dans l'autographe du 30 septembre, ni dans aucune autre lettre de Frédéric.

b Mémoires, t. II, p. 282-285.