<83>grine est d'être obligée de rester en arrière, ne pouvant vous prouver, comme je le voudrais, combien je vous aime et vous suis attachée. Pardonnez ma petite vivacité de dernièrement; elle n'est pas tout à fait condamnable, n'y ayant rien de plus sensible que de se voir calomnier, et cela, auprès de ses parents. Je n'ai pas voulu cependant faire la moindre démarche sans vous consulter. Je crois que le meilleur parti qu'il y a à prendre est celui que vous conseillez; mais il est dangereux en cela, que cet homme demandera son congé, qu'on ne pourra lui refuser, qu'il s'établira à Berlin, où il continuera à me décrier et à la cour, et en ville. Pour son beau-fils, quoique je sois informée de ses tricheries, je ne puis l'en convaincre, et cela ne fait pas honneur de chasser des domestiques sans savoir quelle raison leur donner. Je crois donc que le meilleur sera de les ranger tous et de les remettre dans leur devoir, de les laisser dans leurs emplois, mais avec de telles restrictions, qu'ils ne soient pas en état de me nuire, ni de se donner des airs. D'ailleurs, la pauvre femme, qui est innocente, me fait pitié, et je ne puis l'abandonner sans me reprocher de l'ingratitude.a Je vous assure cependant que je ne l'ai jamais considérée que sur le pied d'une vieille et fidèle domestique, ne pouvant se vanter ni de ma confiance, ni de m'avoir gouvernée. La maladie du Margrave a seule rompu notre voyage. Il est vrai que celui de Montpellier aurait pu se faire; mais le moyen de l'entreprendre? Tout le monde y étant averti que nous y viendrions, nous ne pouvions plus garder l'incognito, et pour soutenir notre caractère, surtout en France, où les princes d'Allemagne sont très-peu considérés, la dépense aurait été trop excessive. D'ailleurs, Montpellier est le plus ennuyant endroit du monde, où il n'y a que très-peu de noblesse, et, à ce que nous avons appris depuis peu, les hivers sont souvent très-rudes; au lieu qu'à Naples, il y règne quasi toujours un été perpétuel. Toutes ces considérations nous ont fait remettre notre


a Voyez les Mémoires de la Margrave, t. I, p. 50, 53, 62, 64 et suivantes.