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64. A LA MÊME.

Ruppin, 15 juin 1739.



Ma très-chère sœur,

Les soulagements que Superville vous procure me font augurer avantageusement de l'heureux effet de ses remèdes; je ne doute aucunement que le Roi ne vous le laisse autant que vous en aurez besoin, d'autant plus que le Margrave s'est résolu de faire une galanterie de six pieds au Roi.

Vous avez bien de la bonté de vous être informée si ponctuellement auprès de Superville de Remusberg1_73-a et de mes frivoles occupations; c'est une marque incontestable de la bonté et de la tendresse que vous avez pour moi. Je voudrais, ma chère sœur, que ma personne et mes occupations pussent vous être de quelque utilité; mais rien ne m'est plus insupportable que de ne vous être bon à rien.

Votre cher esprit, qui daigne m'accompagner, est sans doute mon génie heureux, comme l'ont soutenu quelques philosophes, que chacun avait un génie protecteur et un génie envieux de son bonheur.

Oui, je suis protégé par ce puissant génie,
Mes yeux sont éclairés du feu de son esprit;
Plus que par Apollon, Minerve et Uranie,
Dans le sentier du vrai par vous je suis conduit.

Pardon de ces vers, ma chère sœur; ce sont plutôt des enfants de mes sentiments que des fruits de mon esprit.

Je ne souhaite rien avec tant d'ardeur que d'avoir bientôt de bonnes nouvelles de votre santé. J'espère que le ciel ne m'enviera<74> point cette satisfaction-là, et que l'habileté du sieur Superville me rendra salutare meum.1_74-a

Je suis avec toute la tendresse imaginable, et avec ces sentiments qui sont inconnus à tous ceux qui ne savent point aimer, ma très-chère sœur, etc.


1_73-a Voyez les Mémoires de la Margrave, t. II, p. 276 et 277, où l'auteur rappelle un portrait fort désavantageux que M. de Superville lui avait tracé du caractère de Frédéric.

1_74-a Voyez t. XXI, p. 253.