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175. A LA MÊME.

Potsdam, 16 novembre 1746.



Ma très-chère sœur,

Les assurances de votre amitié me sont toujours chères; que ce soit par un principe de singularité ou par imitation de la mode, peu m'importe; pourvu que vous me vouliez du bien, et que ce soit sincèrement, cela me suffit. Pour moi, suivant les principes de l'ancienne bonhomie allemande, je me sens porté à aimer mes parents, quand même quelquefois je les vois rebéquer. Je crois que vous êtes à présent à Baireuth, dans le centre des arts et des plaisirs; nous en avons quelques-uns ici; mais je suis bien loin de croire que les arts languissent en France; c'est le lieu de l'Europe où ils trouvent le plus d'encouragement. On a composé vingt nouvelles comédies et tragédies, à Paris, pour les noces du Dauphin, tandis que nous n'en avons pas une en Allemagne. Nous sortons de la barbarie, et nous sommes encore au berceau; mais les Fiançais ont déjà fait du chemin, et ils ont surtout plus d'un siècle d'avance en toute sorte de succès. J'ai un habile graveur,1_167-a à Berlin, qui fait de beaux tableaux au pastel; je prendrai la liberté de vous en envoyer un, pour voir s'il vous accommodera. J'attends de Paris des peintres et des sculpteurs pour l'Académie; mais ils ne sont point arrivés encore, et ces peintres ne sont que pour l'histoire. Nous avons reçu un admirable décorateur qui s'appelle Bellavita, et nous attendons encore l'Astrua,1_167-b très-bonne chanteuse. Tout cela sont des étrangers, et s'ils ne forment pas des élèves de notre nation, il en sera comme du temps de François Ier, qui fit venir les arts d'Italie en France, mais qui n'y fructifièrent pas. Ma sœur de Brunswic est heureusement accouchée; celle de Suède s'est<168> mise dans le cas d'imiter son exemple, ce qui nous promet encore un ample népotisme.

On se prépare à de grandes fêtes dans notre voisinage; les Saxons vont marier un prince et deux princesses. Nous en ferons peut-être davantage ce carnaval, mais à coup sûr avec moins de cérémonie. Je vous souhaite la continuation de la bonne santé dont vous paraissez jouir, vous priant de me croire avec une sincère tendresse, ma très-chère sœur, etc.


1_167-a George-Frédéric Schmidt. Voyez t. XIX, p. 20.

1_167-b Voyez t. X, p. 193.