231. A LA MÊME.

Le 17 novembre 1751.



Ma très-chère sœur,

Je suis obligé de vous envoyer encore un chasseur pour remettre au Margrave un paquet du comte Podewils. J'ai reçu deux de vos lettres à la fois, et quant à l'une, qui regarde le major Bonin, le Margrave est entièrement maître de le prendre; mais je vous avertis d'avance qu'il ne peut se comporter avec personne, et je crains que le Margrave n'en soit pas content.

Vous n'avez aucun lieu de vous presser à lever ce régiment; dans<229> l'état présent de l'Europe, je vous donne sûrement deux ans d'attente, et je crois que le Margrave pourrait très-bien en ce temps embourser des payes mortes.

Je crois que le margrave d'Ansbach ne sera pas resté longtemps chez vous; il n'est pas fait pour goûter les douceurs de la société; la passion de la chasse, et la vie crapuleuse qu'il mène depuis si longtemps, le déplacent quand il se trouve chez des personnes raisonnables.

J'attends ma sœur, le Duc et leur fille aînée, le 4 du mois prochain. Il y a sept ans que la Reine n'a pas revu ma sœur. Ce sera un grand plaisir de la revoir. Elle tient un petit bureau d'esprit, à Brunswic, dont votre médecin1_229-a est le directeur et l'oracle. Il y a de quoi pouffer de rire quand elle parle de ces matières : sa vivacité naturelle ne lui a pas laissé le temps de rien approfondir; elle passe continuellement d'un sujet à l'autre, et dépêche vingt décisions en moins d'une minute.

Si ma sœur d'Ansbach se trouve encore à Erlangen, faites-lui, je vous prie, mes plus tendres compliments, et daignez me croire avec la plus parfaite tendresse, ma très-chère sœur, etc.


1_229-a M. de Superville. Voyez ci-dessus, p. 64.