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283. A LA MÊME.

Le 2 décembre 1754.



Ma très-chère sœur,

Ce jour-ci est bien heureux, puisqu'il me procure deux de vos chères lettres; la première annonce votre arrivée à Lyon et les incommodités que vous avez essuyées; la seconde me rassure sur l'état de votre santé. Vous avez été chez les jésuites; c'est un signe certain que votre santé est remise. J'ai bien cru que vous trouveriez tout plein d'antiquités dans cette partie méridionale de la France; les Romains y ont plus séjourné que du côté de Paris, qui était alors barbare. Vous me faites trembler, ma chère sœur; trente volumes in-folio de l'histoire de la Chine! Mon Dieu, qui pourra savoir tout cela? Je crains fort que les bons pères missionnaires ne composent tout à leur aise un roman historique, ou du moins qu'ils ne nous débitent des fables chinoises aussi absurdes que celles des Égyptiens et des Hébreux. J'ai pris mon parti d'avance; il me semble que c'en est bien assez de nos métamorphoses sacrées, et que tout ce que les Chinois pourront inventer ne sera pas plus ridicule. Vous me faites trop d'honneur de vous ressouvenir quelquefois de moi dans le beau pays où vous êtes; et si les Français veulent bien augurer de moi, c'est que peut-être ils me marquent quelque reconnaissance du retour du prince Charles de l'Alsace.1_285-a Daignez, ma chère sœur, ne point oublier un frère qui fait consister le bonheur de sa vie dans votre amitié, et qui ne se croira parfaitement heureux que lorsqu'il pourra vous embrasser et vous assurer de vive voix de la parfaite tendresse avec laquelle il est à jamais, ma très-chère sœur, etc.

<286>Jusqu'à présent vos lettres m'ont été rendues bien conditionnées; mais je ne réponds pas de l'avenir.


1_285-a Voyez t. III, p. 58 et suivantes.