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3. DE LA MÊME.

Le 14 juin 1740.



Mon très-cher frère,

Depuis que vous m'avez donné la gracieuse permission de vous écrire sur le vieux pied, j'aime encore une fois autant vous réitérer de mon respect et tendresse. Je ne puis vous dire quel contentement j'ai d'entendre dire tous les jours mille biens de vous et de la manière gracieuse et bienfaisante dont vous commencez votre règne. C'est une véritable consolation pour tout le monde, et vous vous faites adorer de vos sujets. La Reine-mère est très-contente de la manière dont vous agissez avec elle, et il me semble que vous faites oublier tous les regrets. J'ai écrit à la vieille de Blankenbourg,1_383-a qui vous assure de ses respects; elle regrette fort Duhan, et chacun a du regret de le voir partir, quoique, pour moi, je le voie dans de si bonnes mains, que j'aurais tort de ne lui pas laisser ce bonheur. Connaissant, mon très-cher frère, votre bon cœur et votre humeur, j'ai bien pensé que vous n'auriez aucune joie de vous trouver si grand seigneur, puisque vous aimez une certaine liberté qui ne peut toujours être dans le poste où vous êtes. Mais à présent soyez content, puisque vous avez un si bon but, d'être en état de faire du bien à tant de monde et de pouvoir mettre en œuvre tout le bon dont votre cœur est rempli. Il me semble que ce sera un grand bonheur pour tout le genre humain. La seule chose dont je vous supplie, mon cher frère, c'est de penser à votre santé, car elle m'est présentement doublement chère; et tâchez de la ménager et de ne vous pas trop fatiguer, car si à présent vous aviez mal au doigt, je serais dans des inquiétudes affreuses; et renoncez, je vous prie en grâce, à tous les vins échauffants, car cela vous mettra le feu au corps. Je finis mon<384> prêche en me recommandant toujours, avec le Duc, dans la continuation de vos bonnes grâces, étant toute ma vie, mon très-cher frère, etc.


1_383-a Voyez ci-dessus, p. 100.