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VIII. LETTRES DE FRÉDÉRIC A LA PRINCESSE SOPHIE-ALBERTINE DE SUÈDE. (12 JANVIER 1772 - 9 NOVEMBRE 1782.)[Titelblatt]

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1. A LA PRINCESSE S.-A. DE SUÈDE.

Berlin, 12 janvier 1772.



Madame ma nièce,

J'ai été charmé au possible de voir par votre lettre le plaisir que vous avez eu des étoffes dont vous y faites mention. Je vous prie d'être très-persuadée que je ressentirai toujours une grande satisfaction de pouvoir vous prouver l'estime et la tendresse avec lesquelles je suis,



Madame ma nièce,

de Votre Altesse Royale
le fidèle oncle,
Federic.

2. A LA MÊME.

Le 10 août 1772.



Ma chère nièce,

Je vous ai vue partir avec bien de la douleur; je me suis séparé de votre chère mère, que j'aime si tendrement et peut-être que je ne verrai plus de ma vie, et de sa chère fille, qui possède son cœur. Ce sont des moments douloureux, et qui ne s'effaceront jamais de mon souvenir. N'oubliez pas un vieil oncle, ma chère nièce, qui vous aime<104> bien, mais qui sent lui-même que son âge ne le rendait pas propre à vous amuser. Faites souvenir quelquefois votre respectable mère d'un frère qui l'adore, et soyez persuadée du tendre attachement avec lequel je suis, etc.

3. A LA MÊME.

Le 11 août 1782.



Ma très-chère nièce,

Le coup funeste dont vous avez été atteinte m'a frappé également, ma chère nièce; cet événement fatal est arrivé lors même que toute la famine se flattait que nous pourrions encore conserver longtemps cette sœur si tendrement aimée. Je vous plains de tout mon cœur d'avoir perdu une mère si digne de votre attachement et de votre affection, d'autant plus que personne ne réparera cette perte. Les enfants sont destinés à porter leurs parents au tombeau; mais j'étais plus âgé que ma sœur, je devais la précéder, et c'est malheureusement moi qui lui paye le tribut de mes larmes. Ah! ma chère nièce, je ne suis guère en état de vous consoler; j'ai besoin de secours moi-même. Il faut, malgré qu'on en ait, que la raison étouffe la voix de la nature, et que le temps nous habitue à des privations aussi sensibles que sont celles de nos plus proches parents, qui ont sur nous les droits que le sang et leur mérite personnel leur donnent. Je vous embrasse, ma chère nièce; je prendrai toujours part à tout ce qui vous regarde, étant avec le plus tendre attachement, etc.

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4. A LA MÊME.

Potsdam, 9 novembre 1782.



Madame ma nièce,

Je suis très-sensible au souvenir que vous avez bien voulu me témoigner par votre lettre, et à l'envoi du cachet du Grand Électeur qui s'est trouvé parmi les effets de feu votre chère mère, ma sœur. Je vous ai bien de l'obligation de l'un et de l'autre. Je conserverai le dernier, plus comme une marque de souvenir de cette sœur chérie, qui l'a possédé si longtemps, que non par aucune autre considération. La douleur si profondément gravée dans votre cœur de la perte de cette tendre mère, je la partage, soyez-en persuadée, bien vivement avec vous. Mes dispositions, et mon empressement à vous faire plaisir dans toutes les occasions qui se présenteront, vous en donneront des preuves non équivoques, ainsi que de l'amitié et de l'attachement parfait avec lequel je suis, etc.