<310> n'ont pas pu même donner de couleur à leurs actions, les prétextes même leur ont manqué. Était-il possible de prévoir que dans une guerre très-sérieuse, et qui intéresse la nation anglaise, le système et la liberté de l'Europe, les cabales et les divisions intestines prévaudraient si fort contre l'intérêt de la nation, que les ministres oublieraient les intérêts de l'Europe pour leurs querelles domestiques? Comment pouvais-je prévoir que, m'ayant promis une escadre pour la Baltique, ils me la refuseraient tout net le moment où j'en aurais le plus de besoin? Si je ne dis rien du fantôme de l'Empire qui travaille pour ses tyrans, c'est que sa faiblesse a plié de tout temps sous la puissance prépondérante dont il a craint les menaces. Mais la Hollande qui rompt les traités qu'elle a eus avec l'Angleterre, et qui se laisse entourer de tous les côtés par les Français; mais les Danois qui voient que la Suède revient contre ses traités, et que, après avoir repris la Poméranie, elle pourra de même répéter toutes les cessions qu'elle a faites; mais ce même Danemark qui voit tranquillement le pouvoir que les Russes usurpent dans la Baltique, et qui ne se prépare aucune ressource pour se conserver le Holstein lorsqu'il plaira au grand-duc de Russie devenu empereur de vouloir le reprendre : voilà de ces événements que la prudence humaine ne saurait prévoir. Qu'on m'accuse, si l'on veut, au tribunal de la politique; je soutiens que, depuis la ligue de Cambrai,a l'Europe n'a pas vu de complot aussi funeste que celui-ci, que même la ligue de Cambrai ne saurait ni ne se peut comparer au dangereux triumviratb qui s'élève à présent, qui s'attribue le droit de proscrire des rois, et dont toute l'ambition n'est pas encore développée. Accusera-t-on un voyageur d'imprudence, contre lequel trois voleurs de grand chemin, avec leurs troupes, se sont ligués, s'il est assassiné au coin d'un bois par lequel ses affaires l'obligeaient de passer? Tout le monde ne se mettra-t-il


a Voyez t. XIX, p. 252, et t. XXVII. I, p. 336.

b Voyez t. XII, p. 100, 103, 137 et 161.