<140> montagnes votre ligne de défense, occupez-en les principales gorges par des détachements, et mettez-vous du côté de l'ennemi pour soutenir cette ligne; car on ne défend rien en se mettant derrière rivière ni montagne, mais en restant de l'autre côté. Si vous trouvez un pays où il y a nombre de places fortes, n'en laissez aucune derrière vous, mais prenez-les toutes; alors vous cheminez méthodiquement, et vous n'avez rien à craindre de vos derrières. Si vous prenez beaucoup de places, faites-en démolir la plus grande quantité pour épargner des garnisons, et ne conservez que celles dont vous avez besoin pour vos vivres et pour votre sûreté en cas de retraite. Après avoir supposé ce que vous voulez faire, raisonnez comme l'ennemi, supposez ce qu'il peut vous opposer, et rédigez votre projet sur les difficultés qu'il vous fera. Il faut que tout soit calculé d'avance, et que l'on ait compté sur tout ce que l'ennemi peut faire; car c'est la marque d'un homme superficiel ou ignorant dans le métier de la guerre, lorsqu'il est obligé de dire : Je ne l'aurais pas cru.a Prévoyez donc tout, et en ce cas-là vous aurez d'avance trouvé remède à tous les inconvénients, car ce que l'on pense à tête reposée vaut mieux cent fois que des résolutions prises sur-le-champ, qui ne sont ni digérées ni pesées; les impromptu peuvent réussir, mais ils valent toujours mieux lorsqu'on les a faits d'avance. Il faut aussi bien distinguer les projets de campagne qui se font au commencement d'une guerre, ou après quelques campagnes. Ceux de la première espèce, s'ils sont bien faits, peuvent décider de toute la guerre, si l'on sait bien prendre tous les avantages sur l'ennemi que vous donnent ou vos forces, ou le temps, ou un poste dont vous vous rendez maître le premier. Ceux de la seconde espèce se règlent sur tant de circonstances, qu'il est impossible de prescrire des règles générales, sinon de garder sa ligne de défense et de ne point pousser de pointes. Surtout, dans tous ces projets, de quelque nature qu'ils soient, il faut


a Voyez t. XXVI, p. 588.