<181> était le seul motif qui lui avait fait prendre la plume. Cette lettre fit peu d'impression sur l'Empereur; il y répondit en propres termes : « Ma gloire exige que je tire raison des outrages que les Danois ont faits à ma personne, surtout à mes ancêtres. Il ne sera pas dit que les Russes font une guerre pour mes intérêts où je ne me trouve pas à leur tête; d'ailleurs, la cérémonie de mon couronnement exige une trop grande dépense; cet argent sera mieux employé contre les Danois. A l'égard de l'intérêt que vous prenez à ma conservation, je vous prie de ne vous en point inquiéter : les soldats m'appellent leur père; ils disent qu'ils aiment mieux être gouvernés par un homme que par une femme; je me promène seul, à pied, dans les rues de Pétersbourg; si quelqu'un me voulait du mal, il y a longtemps qu'il aurait exécuté son dessein; mais je fais du bien à tout le monde, et je me confie uniquement à la garde de Dieu; avec cela je n'ai rien à craindre. » Cette réponse n'empêcha pas que le Roi ne continuât à travailler pour éclairer ce prince sur les dangers qui le menaçaient. MM. de Goltz et de Schwerin eurent ordre de mettre cette matière sur le tapis dans des conversations familières qu'ils avaient avec ce monarque; mais ce fut en pure perte qu'on lui dit que dans un pays où régnaient des mœurs aussi féroces qu'en Russie, un souverain ne pouvait prendre assez de précautions pour la sûreté de sa personne. « Écoutez, répondit-il enfin, si vous êtes de mes amis, ne touchez plus cette matière, qui m'est odieuse. » Il fallut alors garder le silence, et abandonner ce pauvre prince à la sécurité qui le perdit.

Les dieux pour perdre Troie aveuglèrent nos jeux.Virgile,

Énéide

, livre II.

Ces choses n'empêchèrent pas que les négociations pour la paix et pour l'alliance n'allassent grand train. Dès le commencement de juin, l'Empereur envoya au Roi le comte de Schwerin avec le traité de paix et d'alliance signé, et avec un ordre au comte de Czernichew,