<211> de galanterie que cette princesse avait entretenue avec un comte Po-niatowski. Cette froideur pensa devenir une rupture ouverte depuis l'avénement de Pierre au trône, à cause que l'Impératrice s'était attribué de certaines prérogatives dans les églises grecques, qui n'appartiennent qu'à la personne même du souverain. L'Empereur, jaloux de son autorité, l'apprit et en fut vivement irrité. Dans les premiers moments de son emportement, il voulut faire enfermer son épouse dans un couvent. Il s'ouvrit de ce dessein au duc de Holstein son oncle. Ce prince, d'un génie faible et borné, en dissuada l'Empereur, et lui conseilla de borner son ressentiment à une réprimande sévère qu'il ferait à l'Impératrice. Pierre III eut l'imprudence de menacer du couvent une princesse qu'il fallait y mettre sans l'avertir, ou qu'il fallait ménager davantage. L'Impératrice cacha la colère et le désir de vengeance dont elle était animée, par des dehors d'abattement et des larmes feintes. Dès ce moment, elle conçut le dessein d'usurper le trône et de se défaire de son époux.

Le gouverneur du grand-duc son fils, le comte Panin, fut le premier complice qu'elle s'associa. Ce seigneur, dont l'ambition n'avait point de bornes, voulait être le premier personnage de l'État : plein de ressentiment de ce que l'Empereur ne l'avait pas placé d'une manière plus convenable à son mérite, il envisagea cette conjuration comme un chemin qui le conduirait aux premières dignités de l'Empire, et il en embrassa le parti avec enthousiasme. M. de Panin s'ouvrit de ce dessein à la princesse Daschkoff, avec laquelle il était lié. Cette femme, d'un caractère romanesque, entra avec d'autant plus de facilité dans ses vues, qu'elle était jalouse de ce que l'Empereur lui préférait sa sœur, la comtesse de Woronzoff, dont il avait fait sa maîtresse. Cette offense imaginaire l'excita à une vengeance réelle. Elle travailla avec chaleur à grossir le parti. Elle gagna bientôt quelques officiers aux gardes, gens sans fortune, sans mérite, qui, cherchant leurs avantages particuliers dans les troubles publics, étaient pleins