<88>pagne; s'il avait procédé de même le long de tous les fleuves qui traversent la Pologne : il s'assurait des points d'appui fixes, et maintenait par là le pays dont il s'était déjà emparé; ces établissements lui auraient facilité le moyen de tirer des contributions et d'amasser des subsistances; cela même réduisait la guerre en règle, et coupait court à toutes ces incursions des Moscovites et des Saxons. Les postes bien fortifiés obligeaient ses ennemis, s'ils voulaient faire des progrès, à la nécessité d'entreprendre des siéges dans des contrées éloignées où le transport de l'artillerie devenait d'autant plus difficile, que les chemins y sont mauvais et marécageux; et au cas de quelques revers, le Roi, ayant ses derrières assurés, ne pouvait jamais voir les affaires désespérées; ces places lui donnaient le temps de réparer ses pertes, d'arrêter et d'amuser un ennemi victorieux.

Par les mesures différentes que Charles prit, il ne fut jamais maître en Pologne que des contrées que ses troupes occupèrent; ses campagnes ne furent que des courses continuelles; au moindre caprice de la fortune, sa conquête était sur le point de lui échapper; il fut obligé de donner un nombre de combats inutiles; et il ne gagna, par ses exploits les plus brillants, que la possession précaire d'une province dont il avait chassé ses ennemis.

Nous approchons insensiblement des temps où la fortune commença à se déclarer contre notre héros. Je me propose de redoubler de circonspection dans l'examen des événements qui lui furent contraires. Ne jugeons point des projets des hommes par l'issue de leurs entreprises. Gardons-nous d'imputer au manque de prévoyance des malheurs produits par des causes secondes, causes que le peuple nomme hasard, et qui, ayant tant d'influence dans les vicissitudes humaines, trop multipliées ou trop obscures, échappent aux esprits les plus transcendants.

Il ne faut point rendre le roi de Suède responsable de tous les malheurs qui lui sont arrivés; il faut, au contraire, s'appliquer à distin-