<248> Marc-Aurèle, Trajan, Julien, enfin une quantité de ces âmes mâles et viriles qui préféraient les intérêts et l'avantage du public au leur propre. Mais je ne sais comment imperceptiblement je m'égare; je voulais vous écrire une lettre, et si je ne m'arrête, je vais composer un traité. Je vous en fais mille excuses. Le plaisir de m'entretenir avec vous m'entraîne, et je crains de vous importuner. Soyez toutefois persuadé qu'entre tous ceux qui forment le corps politique auquel je tiens, il n'en est aucun, mon cher ami, que je sois plus porté de servir que vous, étant avec toute l'estime possible, etc.

III. LETTRE D'ANAPISTÉMON.

Je vous fais mille remercîments de la peine que vous vous donnez pour m'expliquer une matière dont je n'avais que des idées fort vagues, et que j'avais peu examinée. Au lieu d'avoir trouvé votre lettre trop longue, elle m'a paru trop courte, parce que j'entrevois qu'il vous reste encore quantité de choses à m'expliquer; cependant ne trouvez pas étrange que je vous fasse quelques objections. Éclairez mon ignorance, détruisez mes préjugés, ou bien fortifiez-moi dans mes idées, si elles sont justes.

Est-il possible qu'on aime véritablement sa patrie? Ce soi-disant amour n'aurait-il pas été inventé par quelque philosophe ou par quelque rêve-creux de législateur, pour exiger des hommes une perfection qui n'est pas à leur portée? Comment voulez-vous qu'on aime