<201>L'empereur Henri l'Oiseleur triompha ensuite, à l'exemple de Charlemagne, des habitants des bords de l'Elbe et de l'Oder; et, après bien du sang répandu, ces peuples furent subjugués et convertis. Les chrétiens détruisirent par zèle les idoles du paganisme, de sorte qu'il ne nous en est presque resté aucun vestige. Les niches de ces idoles vacantes furent remplies de saints de toute espèce; et de nouvelles erreurs succédèrent aux anciennes.

Environ l'année 939,a l'empereur Othon Ier fonda les évêchés de Brandebourg et de Havelberg :39 il crut apparemment opposer par ce moyen une digue au débordement de l'idolâtrie, à laquelle ces peuples étaient enclins, comme les princes bâtissent des citadelles dans des villes nouvellement conquises, pour réprimer l'indocilité et la mutinerie de leurs habitants.

Le Brandebourg, une fois converti au christianisme, tomba bientôt dans l'excès du faux zèle; il se rendit à la fois tributaire du pape, de l'Empereur, et du margrave qui le gouvernait. Le peuple ne tarda pas à se repentir de sa sottise : il regretta ses idoles, qui étaient des objets palpables de son culte, et qui lui étaient bien moins onéreuses que les tributs qu'il payait tous les ans au pape, qu'il ne voyait jamais. L'amour de la liberté, la force d'un ancien préjugé, l'avantage de son intérêt, tout le ramena à ses faux dieux. Mistevoius, roi des Vandales, se mit à la tête du parti du paganisme renaissant; et il rétablit l'ancien culte, après avoir chassé le margrave Thierry de Brandebourg.

Ce furent encore des guerriers qui, pour la troisième fois, rétablirent le christianisme dans le Brandebourg; la religion catholique, triomphante, y parut alors sans contrainte, et entraîna après elle les plus grands scandales. Les évêques étaient ignorants, cruels, ambitieux, et de plus guerriers; ils portèrent les armes en personne contre les margraves et contre d'autres voisins, pillant, ravageant, brûlant les contrées, et s'arrogeant, malgré une vie aussi souillée de crimes, un pouvoir absolu sur les consciences.

Ces désordres étaient si communs dans ces temps, que l'histoire en fourmille d'exemples; je me contenterai d'en rapporter deux


39 Angelus.

a 949 et 946.