<217>comme les enfants se bornaient à cultiver les champs de leurs pères, au lieu de défricher des terres nouvelles, il s'ensuivait que ces petits héritages ne fournissant pas, dans les meilleures années mêmes, à l'entretien d'un peuple aussi nombreux, les obligeaient à s'expatrier pour trouver ailleurs leur subsistance : de là ces grands débordements de barbares qui inondèrent les Gaules, l'Afrique et même l'empire romain.

Les Germains étaient chasseurs par nécessité, et guerriers par instinct; leur pauvreté rendait les guerres intestines qu'ils se faisaient, courtes, car l'intérêt ne s'en mêlait jamais. Leurs généraux, qui depuis devinrent leurs princes, s'appelaient Fürsten, ce qui est une dérivation du mot de conducteur. Ils étaient renommés par leur taille haute, et pour avoir des corps robustes et endurcis aux travaux les plus pénibles. Leurs vertus principales étaient la valeur, et la fidélité avec laquelle ils observaient leurs engagements; ils célébraient ces vertus par des hymnes, qu'ils apprenaient à leurs enfants pour les transmettre à leur postérité.

Les auteurs latins rendent eux-mêmes un illustre témoignage à la valeur des Germains, en nous apprenant la défaite de Varus et de quelques autres chefs des armées romaines. Si l'on applaudit au courage d'une nation qui, toutes choses égales, est victorieuse d'une autre, combien plus ne doit-on pas admirer la bravoure de ces Germains qui, n'ayant pour eux que la confiance en leur propre force, et une inflexible opiniâtreté à ne point céder la victoire, triomphèrent de la discipline romaine, et de ces légions qui avaient à peine achevé de subjuguer la moitié du monde connu?

Quoi qu'en aient dit la plupart des historiens, il n'en est pas moins vraisemblable que les Romains passèrent l'Elbe malgré les Suèves; car on a découvert auprès de Zossen,52 dans un champ carré de huit cents pas, quantité d'urnes pleines de médailles de l'empereur Antonin, de l'impératrice Faustine, et de quelques affiquets dont se paraient les dames romaines. Ce n'est pas assurément un champ de bataille, car les Suèves n'auraient pas enfoui sous terre l'argent de leurs ennemis, pour honorer leurs


52 A six milles de Berlin.