<196>Et la nécessité nous rendrait vertueux;
L'innocence et la paix habiteraient la terre,
Plus de destruction, d'assassinats, de guerre.
Quel grand sujet, Mitchell, à nos réflexions!
Comment concilier ces contradictions?
L'Être suprême est bon, et l'homme est misérable,
Pour nos faibles esprits abîme impénétrable,
Mais secret important loin de nos yeux placé,
Auquel tout notre sort se trouve intéressé.
D'où vient le mal moral? d'où vient le mal physique?
Votre Locke profond, si sage et méthodique,
Et Clarke, et Shaftsbury, n'auraient osé risquer
De toucher cette énigme et de nous l'expliquer.
J'écarte de vos yeux ces visions trop folles
Dont la Grèce égarée inondait ses écoles.
Elle attribuait tout au pouvoir du hasard;
Un système lié par la sagesse et l'art,
Dont l'ordre, le rapport, le but se manifeste,
Démontre ouvertement un ouvrier céleste.
Le hasard n'est qu'un mot, sans rien signifier,
A l'orgueil ignorant qui sert de bouclier.
Voulez-vous de Manès adopter le système,
Concevoir de deux dieux l'égalité suprême?
L'un est l'auteur des biens, l'autre répand les maux,
La discorde aussitôt rendra ces dieux rivaux.
Si Rome succomba quand César et Pompée
Luttaient pour s'arracher leur puissance usurpée,
Quel serait, pensez-vous, le sort de l'univers,
Si le ciel combattait le pouvoir des enfers?
Du trouble et du désordre obligés de s'accroître
Un chaos plus confus aurait donc dû renaître.
Pour soutenir ce monde et pour le protéger,
Un Dieu suffit; son bras ne peut se partager.
Ce Dieu, dont la nature a publié la gloire,
Dont chaque astre en son cours rappelle la mémoire,
Est non seulement grand, éternel et puissant,
Mais clément, débonnaire, et surtout bienfaisant.