<112>Ne sentait plus qu'horreur, que désespoir,
Tandis qu'Irus, insensible et tranquille,
Vit l'ennemi s'emparer de la ville,
Voler, piller, brûler, sans s'émouvoir.
La pauvreté, qui nous met hors d'atteinte,
Nous met encore à l'abri de la crainte;
Sans bien, on a l'esprit toujours égal,
Tandis qu'on voit ces grands, ces âmes vaines,
Se consumer en d'inutiles peines,
Pour se soustraire à leur destin fatal.
Loin des chagrins qui rongent ces illustres,
Vous avez su, pour avoir mieux choisi,
Sur votre chef rassembler seize lustres,
Vivant toujours joyeux et sans souci.
Ne changez donc jamais de conduite,
Dépensez tout, soyez bon parasite,
Et vous vivrez satisfait et content,
Toujours heureux et toujours jouissant
Des biens qu'enfin vous laissa la fortune.
Lorsque vos yeux sont chargés de pavots,
Un rêve affreux, d'une image importune,
Ne troublera jamais votre repos.
Permettez donc encor que je compare
Votre destin au sort d'un vieil avare.
Quand le jour vient, ce jour tant odieux,
Qu'il lui faudra dénicher de ces lieux,
Ce gros richard, qu'on dit homme de mise,
Tout moribond, péniblement s'épuise
A fabriquer un ample testament.
Aux tribunaux, quoiqu'on s'en formalise,
Vingt avocats affamés, disputant,
Trouvent pour eux ses biens de bonne prise,
Et vont réduire, en vous le commentant,
Ses volontés et ses dons à néant.
Vous êtes sûr, en perdant la lumière,
Qu'exactement on exécutera
Et codicille et volonté dernière;