<57>C'est ce dont votre original
Paraît ne s'embarrasser guère.
Hier au soir, tout solitaire,
Je réfléchissais à loisir
Sur les moyens de vous guérir.
Je disais : O destin contraire!
Contre d'Argens qui peut t'aigrir?
Ne poursuis plus en ta colère
Sa personne qui m'est si chère;
Le marquis ne doit point mourir.
De larmes mes yeux s'obscurcirent;
Fatigué, mes sens s'assoupirent,
Et las de m'entendre gémir,
Le doux sommeil vint m'endormir.
Pendant qu'ainsi je me repose,
L'esprit encor plein des regrets
De vos maux et de leurs progrès,
Ma paupière à peine était close,
A peine je m'assoupissais,
Que soudain du fond d'une nue
Paraît un fantôme à ma vue,
Tout environné d'arguments,
A l'œil vif, aux regards perçants.
La Vérité, si peu connue,
L'aimait comme un de ses amants,
Et de ses rayons éclatants
Ombrageait sa tête chenue.
C'était Bayle, qui si longtemps
Lutta contre les vrais croyants.
« Je viens du palais d'Uranie,
Dit-il, pour te sauver d'Argens;
C'est mon fils, je suis son Élie,
Que mon esprit le fortifie.
Ses docteurs sont des ignorants;
Son mal n'est point la pulmonie,
C'est réplétion de génie.
Il faut que son cerveau purgé