<7>Abreuvez-vous, jeunes héros;
Mais gardez-vous de son ivresse.
On ne sent pas, dans la chaleur,
Dans le transport, dans le délire
Des passions que l'on respire,
Jusqu'où peut aller leur fureur.
Croyez-en mon expérience,
Associez la tempérance
Aux goûts de ces plaisirs charmants;
Vous êtes dans votre printemps,
Et le conseil de la prudence
Est de vous ménager pour en jouir longtemps.
Les destins ont borné les facultés de l'homme;
Le prudent seul, bon économe,
En garde encor pour ses vieux ans.
Ce n'était pas ainsi que, d'une voix tremblante,
J'exerçais ma muse naissante
A chanter, jeune encor, les succès de l'amour;
Le temps, de sa main malfaisante,
D'une voix naguère brillante
Éteint le charme sans retour.
Adieu gaîté, plaisir, et santé florissante;
Le sort inexorable et sourd
S'obstine à vouloir dès ce jour
Que la raison, cette pédante,
Sur mon esprit règne à son tour.
Vous voyez maintenant quelle est la différence
De l'hiver de nos ans et de l'adolescence;
L'une jouit de tout, l'autre n'use de rien.
Selon le sentiment d'un fameux moraliste,
Le jeune est un fou gai, le vieillard, un fou triste;
Cependant le leibnizien,
Dans l'école, à grands cris obstinément persiste
A soutenir que tout est bien.

A Potsdam, le 20 de février 1765.