<87>Ses mets exquis, amorçant les Prussiens,
Les ont changés en épicuriens.
Au temps passé, la volupté grossière,
Sans méditer sur des mets délicats,
Se contentait de surcharger les plats,
Pour assouvir sa dent carnassière;
On était loin de nos raffinements,
On ignorait nos assaisonnements,
On recherchait la viande la plus rare,
Ce qui coûtait le plus passait pour bon.
Pétrone ainsi peint le festin bizarre
Que lui donna certain Trimalcion.
On y servit avec profusion
Des animaux entiers de toute espèce;
D'un porc surtout le cadavre hideux,
Si révoltant, si choquant à nos yeux,
Fut étalé, rôti tout d'une pièce;
Dès que ses flancs furent tranchés en deux,
On en tira l'oiseau brillant du Phase,
Chapons, dindons, becfigues et perdrix.
Les conviés, tous ravis en extase,
A cet aspect jetèrent de grands cris;
Le cuisinier fut loué par bêtise,
Chacun mangea selon sa friandise,
On dévora le porc et ses débris.
Qui servirait à présent à ses hôtes
Un tel repas? Au lieu d'être loué
Des successeurs des Térences, des Plautes,
En plein théâtre on serait bafoué.
Les fins gourmets à table délicate
Ne souffrent point qu'un chétif gargotier
Grossièrement travaille à la sarmate;
On veut surtout qu'habile en son métier,
Par des ragoûts dont la saveur nous flatte
L'artiste ait l'art de nous rassasier.
Il faut encore, et j'allais l'oublier,
Que toute table, élégamment servie,