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VI. A LA DIVINE ÉMILIE.

Les rigueurs du devoir, un père,
Un roi, m'enchaînent en ces lieux.
Ce n'est point ainsi que les dieux,
Esclaves d'une loi sévère,
S'entre-emprisonnent dans les cieux,
Et que leurs esprits, curieux
Des productions de la terre,
Des arts, de la paix, de la guerre,
Ne s'instruisent point par leurs yeux;
Mais c'est aux humains malheureux
De suivre aveuglément, dans leur triste carrière,
Des lois que leur destin, ce tyran, leur veut faire,
De plier sous ce joug leur col impérieux,
Sans fatiguer le ciel par d'inutiles vœux.
C'est ainsi, sublime Émilie,
Que, par d'invisibles liens,
Le devoir sait lier les mains
De la liberté de ma vie,
Et qu'une puissance ennemie
Fait avorter tous mes desseins
Par caprice ou par jalousie.
Sous un titre pompeux asservi, couronné,
Issu d'un sang illustre, à régner condamné,
Le trône n'est pour moi qu'une image illusoire,
Qu'un fantôme trompeur d'une frivole gloire.
Né libre, mais captif auprès d'un trésor,