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RÉPONSE DU ROI, AU NOM DE LA PRINCESSE. Octobre 1743.

C'est pour vous faire part, monsieur, de l'aventure la plus étrange de ma vie que j'ai le plaisir de vous écrire. Comme vous y avez donné lieu, je ne pouvais me dispenser de vous en faire le récit. Retirée dans ma solitude, dans le temps que Morphée sème ses pavots, je goûtais le plaisir d'un sommeil doux et tranquille. Un songe charmant s'emparait de mes sens. Apollon, d'un port majestueux, l'air doux et gracieux, suivi des neuf Sœurs, se présente à ma vue. « J'apprends, dit-il, jeune mortelle, que tu reçus des vers de mon favori. Une chétive prose fut toute ta réponse; j'en fus offensé. Ton ignorance fit ton crime; te pardonner, c'est l'ouvrage des dieux. Viens, je veux te dicter. » J'obéis en écrivant ce qui suit :

Quand vous fûtes ici, Voltaire,
Berlin, de l'arsenal de Mars,
Devint le temple des beaux-arts;
Mais trop plein de l'objet dont le cœur vous sut plaire,
Émilie, en tous lieux présente à vos regards ....
Enfin l'illusion, une douce chimère,
Me fit passer chez vous pour reine de Cythère.
Au sortir de ce songe heureux,
La vérité, toujours sévère,
A Bruxelles bientôt dessillera vos yeux;
Je sens assez de nous la différence extrême.
O vous, tendres amis, qui vous rendez fameux!
Au haut de l'Hélicon vous vous placez vous-même;
Moi, je dois tout à mes aïeux.
Tel est l'arrêt du sort suprême :
Le hasard fait les rois, la vertu fait les dieux.

<92>A ces mots je m'éveillai; à mon réveil vous perdîtes un empire, et moi, l'art de rimer. Contentez-vous, monsieur, qu'une deuxième fois, en prose, je vous assure de l'estime parfaite avec laquelle je suis

Votre affectionnée
Ulrique.