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XII. LETTRE D'UN OFFICIER PRUSSIEN A UN DE SES AMIS, A BERLIN.

Prenez-vous-en à notre inaction, monsieur, si depuis longtemps vous n'avez reçu de mes nouvelles. Notre armée est aussi oiseuse cette année qu'elle a été agissante les précédentes. Voici la troisième marche que nous faisons; nous avons quitté l'Ossa pour grimper sur le Pélion; à moins de placer notre camp sur le Caucase, il ne saurait être plus haut; cela nous procurera une tranquillité parfaite. Vous avez bien raison, monsieur, de penser que la guerre ne s'apprend point dans les livres; cela est si vrai, que, les siècles précédents, temps de grossièreté et d'ignorance, on assiégeait les villes, et l'on croyait faire beaucoup. Voyez comme tout se raffine : à présent on assiége des provinces entières. Les Autrichiens et les Russes prétendent avoir formé la circonvallation de la Silésie. La nuit du 11 au 12, le maréchal Daun a fait ouvrir la tranchée devant cette province; sa première parallèle prend de Beerberg, et s'étend à Steinkirch; il a établi une batterie de quatre-vingts canons sur la montagne de Marklissa, et Loudon a placé une batterie à ricochet sur les hauteurs de Lauban. Nos artilleurs se flattent à la vérité qu'on ne les démontera pas sitôt; je plains leur sécurité, ces bonnes gens s'aveuglent. Il n'y a pas plus de trois milles de Marklissa à Liebenthal, où est