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VIII. LETTRE DU CARDINAL DE RICHELIEU AU ROI DE PRUSSE.

Des champs Élysées, le 15 octobre 1756.



Sire,

Il nous est arrivé depuis peu une quantité d'habitants de la terre, qui nous ont rendu compte des avantages que Votre Majesté vient de remporter sur ses ennemis. On ne parle dans notre tranquille séjour que de vos victoires. Quoique les ombres n'aient plus pour le monde sublunaire cet attachement outré qu'ont les hommes qui l'habitent, elles conservent cependant les sentiments que tout citoyen doit avoir. Ainsi je participe, quoique mort, aux avantages de la France. Je m'intéresse à la gloire d'un État que j'ai gouverné autrefois, et je goûte le doux plaisir que ressent un tuteur en voyant croître la fortune d'un pupille qui lui a été confié. C'est donc en qualité de bon Français que j'ose féliciter Votre Majesté de ses heureux succès, qui sont si utiles à la monarchie française. Je vois, Sire, que vous suivez mon exemple, et que vous ne vous écartez pas de mes principes. Vous ne perdez pas de vue les véritables ennemis de la France, et, en ne vous éloignant jamais de cette saine politique, vous égalez les exploits de Gustave-Adolphe. Ah! que j'applaudis aux sages mesures que prend Votre Majesté pour