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192. DE M. JORDAN.

Berlin. 24 avril 1745.



Sire,

Mon mal augmente d'une façon à me faire croire que je n'ai plus lieu d'espérer ma guérison. Je sens bien, dans la situation où je me trouve, la nécessité d'une religion éclairée et réfléchie. Sans elle, nous sommes les êtres de l'univers les plus à plaindre. V. M. voudra bien, après ma mort, me rendre la justice que, si j'ai combattu la superstition avec acharnement, j'ai toujours soutenu les intérêts de la religion chrétienne, quoique fort éloigné des idées des théologiens. Comme on ne connaît la nécessité de la valeur que dans le péril, on ne peut connaître l'avantage consolant qu'on retire de la religion que dans l'état de souffrance. Les païens en ont su tirer parti, et j'en fais l'expérience, V. M. peut m'en croire. Elle m'a toujours soupçonné de socinianisme. Comme j'ai toujours abhorré le nom de secte, je crois que chaque honnête homme a sa religion formée suivant les lumières de son esprit, et confirmée suivant ses besoins. Que je meure, ou que je vive, je mourrai, je vivrai dans les sentiments de la plus vive reconnaissance due à toutes les grâces dont il a plu à V. M. de m'honorer.

J'ai l'honneur d'être, etc.

193. A M. JORDAN.

Mon cher Jordan, on dit que ta santé s'est dérangée de nouveau; d'autres disent que tu te remets; je ne sais qu'en croire. Je serai dans peu de jours à Berlin, et fais du moins que quelqu'un qui t'aura vu me dise à mon arrivée positivement de tes nouvelles. Adieu; je souhaite qu'elles soient bonnes.