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169. AU MÊME.273-a

Potsdam, 27 juin 1743.

Je vois que vous tremblez encor,
Vous craignez pour vous, pour le monde,
Que le grand phénomène Hétor,
Que le ciel à jamais confonde!
Vienne terminer notre sort.
Pour vous, ce serait grand dommage :
Dans la fleur encor de votre âge,
Vous avez fait au genre humain
Au moins mille fois plus de bien
Que ce prélat273-3 qu'en beau langage
La Neuville a rendu divin.273-b
Partout votre bon cœur opère :273-4
Par vos soins l'école s'éclaire,
Le pauvre par vous est nourri,
Les fous vous appellent leur père,
Les Madeleines leur mari.

Voilà pourquoi il est bon que cette vilaine comète se passe encore pour quelque temps de l'appétit de vous rôtir. Pour moi, il n'y aurait pas tant de perdu pour le monde;

Car vous savez que, jeune fou,
J'ai renversé ces vieux systèmes
Que les marins, peuple jaloux,
Avaient élevés pour eux-mêmes,
Que nos aïeux topinamboux,273-c
Qui les vénéraient à genoux,
Auraient cru que c'était blasphème
De penser à les voir dissous.
<247>Ainsi, quand sur moi, misérable,
Cette affreuse comète Hétor
Lancerait son feu redoutable,
Elle n'aurait, ma foi, pas tort.

Du moins tu vois que je sais me rendre justice, et que, si je connais ton mérite, j'ai encore la vertu de t'estimer et de t'aimer sans jalousie. Voltaire, je crois, va quitter la France tout de bon. Adieu.


273-3 Cardinal Fleury, mort alors.

273-4 Jordan avait l'inspection des universités, de la maison de travail et de la maison des fous.

273-a Voyez, t. XI, p. 82 et 83, où cette pièce est imprimée avec quelques variantes, sous le titre de : Vers à Jordan, sur la comète qui parut en 1743.

273-b Voyez t. X, p. 250, et t. XI, p. 82.

273-c Voyez t. XI, p. 83.