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5. AU MÊME.

Berlin, 15 avril 1740.

Poursuivez vos travaux, aimable Algarotti.
Votre feu généreux ne s'est point ralenti,
Et, quittant le compas,a déjà sous votre plume,
Pour l'honneur des Romains, s'épaissit un volume.
L'univers est pour vous un jardin bigarré,
Peint par l'émail des fleurs, ou de fruits décoré,
Où, toujours voltigeant en abeille légère,
Vous butinez le miel de parterre en parterre,
Et préparez pour nous des sucs si bienfaisants.
Que ne promettent point tous vos heureux talents!
Par vous le grand Newton ressuscite à Venise,
Et Jules César renaît aux bords de la Tamise.

Je souhaite que ce Jules César, conduit par son auteur, puisse arriver bientôt à Berlin, et que j'aie le plaisir de l'applaudir en votre présence. Vous n'avez rien perdu en ma lettre; ce ne sont que quelques mauvais vers de moins dans le monde, et quelque verbiage inutile de dérobé à votre connaissance. Comme vous êtes poëte, mon cher Algarotti, je ne m'étonne point que vous compariez un morceau de papier barbouillé par moi chétif à des flottes somptueuses qui apportent des trésors du nouveau monde.

L'heureuse imagination,
Le ton d'une muse polie,
L'agrément de la fiction,
La vivacité du génie
De vos poëtes d'Italie,
Et l'hyperbole en action,
Par leur science si féconde Ont
souvent étonné le monde.
Relevant de petits objets,
Et rabaissant de grands sujets,
Tout leur est soumis à la ronde.
Sublime éloquence, art divin,
Vous savez nous plaire et séduire,
Et, maîtresse du genre humain,
Tout l'univers est votre empire.


a Voyez ci-dessus, p. 4.