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127. AU COMTE ALGAROTTI.

Meissen, 30 décembre 1760.

Je vous remercie de votre lettre obligeante et de la part que vous avez prise à notre victoire de Torgau. Le succès de cette bataille aurait été plus brillant encore, si mon armée avait pu aller aussi rapidement que votre imagination; j'aurais eu Dresde. Trois ou quatre heures de différence m'ont fait manquer cette ville. Je ne puis rien vous dire sur ce qui arrivera chez le prince Ferdinand; la saison, les mauvais chemins empêchent d'agir, et il n'est pas possible de pouvoir traîner, dans ces terrains si rompus, des chariots et des canons. Vous êtes heureux de ne point connaître tous ces embarras. Profitez de votre bonheur, et jouissez à Bologne d'autant de tranquillité que nous avons ici de bruit et de tumulte. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

128. DU COMTE ALGAROTTI.

Bologne, 10 février 1761.



Sire,

J'espère que Votre Majesté recevra dans peu des boutargues et une Vie d'Horace. Je me flatte, Sire, que les boutargues réussiront, et je voudrais bien qu'il en fût de même de mon Horace. S'il peut amuser V. M. pendant quelques quarts d'heure,

Cum tot sustineas et tanta negotia solus,a

je crois qu'il ressemble un peu à l'ancien, qui avait aussi le bonheur d'amuser les premiers personnages de son temps. Ces messieurs, pourtant, malgré le bruit qu'ils font encore, et malgré le précieux vernis que leur donnent tant de siècles, n'en déplaise,


a Horace, Épîtres, liv. II, ép. 1, Ad Augustum, v. 1.