<240>moin des conséquences qu'ils entraînent, et mes yeux, en mourant, auront la consolation de voir ma patrie libre.

Je vous fais mille excuses, ma chère duchesse, de tout le bavardage que vous recevrez de moi. J'ai le malheur de m'égarer en vous écrivant. Je me crois assez heureux pour converser avec vous, et je m'étends au delà des bornes de la modération. Vous direz, en recevant celle-ci : Quel impitoyable raisonneur! Oh! que je me garderai bien de lui écrire, pour ne point m'attirer des épîtres qui m'ennuient, et qui ne finissent point! Et je l'aurais bien mérité, si je n'attendais pas mon pardon de votre extrême indulgence, à laquelle je n'ai lieu de prétendre qu'en faveur des sentiments de la haute estime et de la considération avec lesquelles je suis,



Ma chère duchesse,

de Votre Altesse
le fidèle cousin et serviteur,
Federic.

58. A LA MÊME.

(Potsdam) 18 mai 1764.



Madame ma cousine,

Je suis bien heureux d'avoir fait ma confession à une théologienne aussi indulgente que vous l'êtes, ma chère duchesse. Défunt Cyprianus, de sévère mémoire, m'eût dévoué à l'anathème, et peut-être il aurait rompu tout commerce avec moi comme avec un impie, pour avoir censuré son grand docteur de la réforme, le sieur Luther, sur ce qu'il n'a pas poussé un peu plus loin sa pointe. Plus l'on vit dans ce monde, plus on s'aperçoit que la vérité est peu faite pour devenir le partage des hommes : les voiles de la nature, les bornes étroites de notre esprit, l'amour du merveilleux, dont chaque homme a sa petite portion, l'intérêt et l'imposture, qui se servent des erreurs les plus absurdes pour