<43>n'avez qu'à vous y employer. Je vous admirerai, si vous y réussissez, et je n'en serai pas moins avec estime et amitié, etc.

31. DU COMTE ALGAROTTI.

Dresde, 20 mai 1742.



Sire,

Voilà l'objet que je m'étais proposé dans mon séjour de Dresde bien rempli. Je voulais être à portée des nouvelles, et V. M. nous en donne de bien grandes et de bien importantes. V. M. a commencé la guerre, et, selon toutes les apparences, elle va la finir par la glorieuse victoire qu'elle vient de remporter dans les plaines de Chotusitz. Ne dirait-on pas, Sire, que V. M. a choisi ce champ de bataille exprès pour la commodité des poëtes, qui trouveront dans Mollwitz et dans Chotusitz des rimes toutes faites? Je l'en félicite, Sire, et fais mon compliment à M. de Broglie, qu'elle a tiré d'imbroglio, à Prague, qu'elle a sauvé, et à la Saxe, qu'elle vient de garantir. On prépare ici des canonnades et des Te Deum; et assurément ils ne sauraient employer pour une plus belle occasion leur orchestre et leur poudre. Je ne crois pas, Sire, qu'on ait jamais donné de bataille qui ait décidé de tant de choses à la fois, et il était réservé à V. M. de la gagner, comme à la tête et au bras tout ensemble de la ligue. Je féliciterais V. M. encore davantage sur ce nouvel accroissement de gloire, si je connaissais moins les qualités de son cœur. La perte de tant de braves gens, et le triste état surtout de celui qui s'est toujours rendu si digne de son estime et de sa faveur,a doit avoir diminué, le jour même de son triomphe, la vivacité du plus grand plaisir dont le cœur humain soit susceptible, et que V. M. aurait mérité de ressentir dans toute sa pureté et son étendue.


a Le général-major comte de Rottembourg, ami du Roi, qui eut le bras cassé à la bataille de Chotusitz. Voyez t. II, p. 137 et 168, et t. XVII, p. 230 et 231.