<118>Je la remercie infiniment des marques de bonté dont elle daigne m'honorer, et je la prie d'être persuadée que j'en conserverai le souvenir jusqu'à la mort. J'envoie à V. M. quatre exemplaires de la nouvelle édition de Charles XII; je joins à ces exemplaires celui que V. M. m'a renvoyé corrigé de la première édition, pour qu'elle puisse juger qu'il n'y a plus une seule faute dans la seconde. Je vous prie d'être persuadé que ce n'est pas ma faute s'il y en a eu dans la première. J'avais la fièvre, et j'ai été obligé de me fier pour les dernières épreuves aux imprimeurs; mais j'ai revu quatre fois les épreuves nouvelles, et je ne crois pas qu'une édition des Elzévirs puisse être plus correcte. Vos vers sur les prophètes sont charmants. Mais vous avez beau vous plaindre de la fortune, je vois qu'elle vous est toujours attachée, quoiqu'elle ait semblé vous abandonner quelquefois. L'affaire de Maxen est fâcheuse, j'en conviens; mais songez qu'elle est arrivée le 20 du mois, que le 21 du même mois l'amiral Hawke a détruit la flotte française, le 22 les alliés ont pris Munster, le 25 le prince votre neveu a battu les Würtembergeois.a

J'ai mille et mille choses à vous dire; mais je vous écris à la hâte, parce que je suis accablé d'un rhume violent qui, depuis quinze jours, ne me laisse pas un moment tranquille, et me cause une toux qui va quelquefois jusqu'à me faire cracher du sang en quantité. On dit que le plaisir et la consolation des damnés, c'est d'avoir des compagnons. Si j'étais un diable, je serais fort consolé de mon mal, car il est épidémique dans Berlin, et aussi fréquent que l'année de la coqueluche, il y a environ vingt-deux ans. J'étais alors militaire; pourquoi faut-il que je ne sois aujourd'hui qu'un misérable fardeau de la terre, quand je souhaiterais avoir cent vies pour les sacrifier au service de V. M.? J'ai l'honneur, etc.


a L'affaire de Maxen arriva le 20 novembre 1759; le même jour, l'amiral Hawke battit l'amiral Conflans dans la baie de Quiberon, et le général Imhof prit Munster : le 30 novembre, le prince héréditaire de Brunswic surprit le duc de Würtemberg à Fulde. Voyez t. V, p. 31-33, 42, 10 et 11.