<164>Quoi qu'il en soit, en ce moment,
J'espère pourtant fermement
Que tout bon chrétien me pardonne,
Et que Dieu, tout doux, tout clément,
En voudra faire tout autant.
Vous surtout, dont j'ambitionne,
Soit dans mes camps, ou sur le trône,
Les suffrages et l'agrément,
Vous m'absoudrez tout doucement
De ce péché, que la Sorbonne,
Même l'archange Gabriel,
S'il argumentait en personne,
Trouverait un péché véniel.

Voici la dernière lettre en vers et le dernier badinage que vous recevrez de moi; le quart d'heure de Rabelais est prêt à sonner, et ce remuement que fait l'ennemi m'oblige à porter toute mon attention sur ses démarches. Je vous ai écrit, mon cher, qu'il y avait une lueur d'espérance pour nous; mais il y a bien loin de là jusqu'à la certitude, et cette espérance n'est pas aussi fondée que je le désirerais. Il n'y a point de milieu dans cette campagne : ou de grands maux, ou de grands biens; ou l'État sera bouleversé, ou nous prendrons un fort ascendant sur nos ennemis. Je fais de mauvais sang pendant cette crise, et mon impatience naturelle et mon inquiétude me tourmentent beaucoup. Vous verrez que les Français ne feront point la paix. Enfin, dans cette subversion générale, je suis mis hors toutes les règles de la prudence, et notre pauvre vaisseau erre à l'aventure et au gré du vague Éole.

Il n'y a point ici de service fait à la fabrique; j'en ai commandé un, et je n'y ai pas omis les symboles de la philosophie et du scepticisme, ce que vous approuverez, j'espère. Je ne sais, mon cher, si jamais je dînerai à Potsdam, ni ce que je deviendrai dans cette confusion générale. Si elle se débrouille heureusement, je serai à vous; sinon, faites mon épitaplie. Adieu, mon cher; je vous embrasse.