<227>et force les hommes à les essuyer sans qu'ils puissent les éviter. Ceci sent bien le dogme d'un calviniste. Y a-t-il une prédestination, n'y en a-t-il pas, je n'en sais rien. Je ne crois guère que la Providence se mêle de nos misères; mais je sais à n'en pas douter, par expérience, que les conjonctures forcent les hommes dans les partis qu'ils prennent, qu'ils n'influent point dans l'avenir, qu'ils font des projets dont le vent se joue, et qu'il arrive souvent le contraire de ce qu'ils avaient imaginé et résolu. Je viens de reprendre les hémorrhoïdes fluides; ce maudit mal m'excède et me fatigue prodigieusement. Je ressemblerai bientôt à Job de mille maux atteint.a Mais c'est trop vous parler de ce qui me regarde; j'aurais été plus retenu sur cet article, si je ne savais la part que vous y prenez. Adieu, mon cher marquis; aimez-moi toujours, car je suis bon diable, et ne m'oubliez pas.

172. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin. 16 mai 1761.



Sire,

J'apprends par toutes les nouvelles publiques que Votre Majesté est arrivée heureusement en Silésie, et qu'à son approche ses ennemis se sont retirés vers la Bohême. Je ne doute pas que vous ne lassiez une campagne heureuse et digne d'un héros tel que vous, dont la fortune rougirait de ne pas couronner à la fin la constance et la valeur.

Les gazettes avaient dit que Voltaire avait obtenu la liberté de retourner à Paris; mais cela ne s'est point confirmé. Si cette nouvelle avait été vraie, ce rappel aurait été occasionné par un


a Le fameux

sonnet de Job

, par Benserade, commence par ce vers :

Job, de mille tourments atteint.

On connaît les discussions littéraires qui eurent lieu pour décider lequel, de ce sonnet ou de celui d'Uranie, par Voiture, était le meilleur.