<248>nous seconde. Ce sera l'épée, et non la plume, qui amènera les choses à la pacification générale. L'épuisement d'argent fera ce que la raison et l'humanité auraient dû faire; le combat finira faute de combattants.a Enfin on verra du nouveau, et je crois presque qu'il faudra faire encore une campagne, outre celle que nous avons commencée. Je vous donne matière à d'amples conjectures. Je voudrais vous fournir des nouvelles plus agréables; prenez-les telles qu'elles conviennent au temps qui court. Travaillez tranquillement sur Plutarque, et soyez un peu moins paresseux à me donner de vos nouvelles. Adieu, cher marquis; je vous embrasse.

188. AU MÊME.

Wahlstatt, 18 août 1761.

Je vous écris, mon cher marquis, du centre de l'armée russe et autrichienne. Cependant jusqu'ici il n'y a encore rien à craindre. Je crois qu'en quelques jours nos affaires en viendront à une décision. C'est le moment critique, où nous aurons le plus besoin de la fortune; ce sont des événements où la prudence n'a pas autant de part qu'il serait à désirer, et où l'on voit périr le prudent et prospérer le téméraire;b mais basta. Vous voyez votre politique confondue, et vous en convenez. Cela ne m'étonne pas, car il y a quelque chose là-haut qui se moque de la sagesse des hommes. Tout ce qui paraît probable souvent est le moins vrai. L'espérance, l'ambition, la haine, l'intérêt, sont des passions qui modifient si différemment les hommes, que ce qui paraît bien à l'un paraît très-mauvais à l'autre. De là vient, marquis, qu'il est impossible aux hommes de pénétrer l'avenir; en parler, c'est deviner. J'aimerais autant expliquer les énigmes que le sphinx


a

Et le combat cessa, faute de combattants.

Corneille,

le Cid

, acte IV, scène III.

b Voyez t. X, p. 41 et 77, et t. XII, p. 65.