<266>Dans le tumulte affreux d'une guerre cruelle,
Si ma muse emprunta du sage Marc-Aurèle
De force et de vertu les préceptes divins
Pour braver la fureur des haines des humains,
Si ma mourante voix anime encor ma lyre,
C'est un cygne qui chante au moment qu'il expire.

Le stoïcisme convient à la situation où je me trouve. Il faut se faire illusion sur le mal tant que l'on peut, et la seule consolation que nous avons se tire de la nécessité de souffrir et de l'inutilité du remède. Épicure ni saint Paul ne peuvent me dire mieux; l'un redouble ma douleur en me liant à la félicité, l'autre me débite ses visions, qui peuvent amuser un homme oisif, et non consoler un affligé. Si le sujet vous paraît trop grave pour la poésie, songez que je ne l'ai choisi que pour moi et pour mieux me ressouvenir, à l'aide de la méthode et des vers, des maximes que Marc-Aurèle a écrites sans ordre, et dont souvent les unes répètent en d'autres termes ce qu'il avait déjà dit. Adieu, mon cher marquis; rendez vos Grecs meilleurs physiciens, soyez heureux, et souvenez-vous quelquefois de moi.

201. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 4 (24a) novembre 1761.



Sire,

J'ai lu vos vers avec admiration, et vous me les avez envoyés dans un temps où il ne fallait pas moins que le plaisir qu'ils m'ont causé pour soulager l'abattement où m'a jeté un misérable mal d'estomac qui me laisse à peine l'usage de la pensée. Mais je prends patience, et, lorsque je souffre ou que je languis, je répète ces vers :


a La date du 24 novembre est tirée de la traduction allemande des Œuvres posthumes, t. XIII, p. 186.