<268>point les sommes que peuvent coûter ces présents, qui sûrement sont plus considérables que ceux que la France donne dans cent ans. J'ai l'honneur, etc.

202. AU MARQUIS D'ARGENS.

Strehlen, 30 novembre 1761.

Je suis fâché, mon cher marquis, que vous ayez eu une crampe d'estomac en recevant ma lettre. Je vous avais envoyé mon Stoïcien, mon Marc-Aurèle, dans l'idée que cette lecture ne serait qu'une spéculation ou un amusement pour vous. Je suis fâché que c'ait été un remède. J'y ai fait des corrections; je les fais transcrire, et vous les enverrai par la première occasion. Je n'ai point la goutte, comme on l'a débité : mais j'ai le sang très-agité, ce qui me l'ait souffrir souvent, et me cause des insomnies fréquentes. Ce sont des bagatelles et des suites naturelles de certaines causes qui sont aisées à deviner. Notre frêle machine n'est pas faite pour résister à toutes les secousses qu'elle reçoit. Elle s'use, elle se détraque, et enfin un choc plus considérable la détruit entièrement. Mais qu'importe? il en faut venir là. Je vous envoie un contea pour vous amuser. Vous voyez que mon inaction n'est pas exempte de quelque travail, et je ne trouve de moyen pour distraire mon esprit qu'à l'appliquer fortement, soit par la lecture, soit par la composition.

Ces ouvrages que vous avez vus à Berlin vont partir pour le lieu de leur destination. Je ne sais quel en sera l'effet. Vous avez éprouvé vous-même qu'il est impossible de prévoir les événements. J'attends donc leur dénoûment sans jamais me fier aux apparences et sans désespérer des hasards favorables. Adieu, mon cher marquis; ménagez votre santé, et n'oubliez pas vos amis absents.


a Le Conte du Violon, Voyez t. XII, p. 233 et 234.