<376>Sérieusement, votre ouvrage est bon, fait avec tout l'art et la sagesse possible, et rempli de la plus excellente érudition. J'ai fort applaudi à l'apologie de l'empereur Julien et à la manière dont vous convainquez les saints Pères de mensonges et de fraudes pieuses. Je serais obligé de copier tout l'ouvrage, si je voulais vous rendre compte de tout ce que j'approuve. Il n'y a qu'un article sur lequel je crois que vous n'avez pas eu assez de retenue : c'est celui de la vénalité des charges civiles en France. Cela vous a conduit sur un sujet délicat, en touchant la corde des maîtresses et des confesseurs des rois. Mais l'apologie du roi de Portugal est à merveille, et je pense comme vous au sujet de ce siècle philosophique, qui est en vérité aussi méchant et aussi barbare que les précédents. L'animosité, le désir de vengeance, l'ambition et le fanatisme seront en tout temps des sources de crimes et de forfaits. Ceux qui s'abandonnent à ces funestes passions bouleversent le monde, tandis que quelques pauvres philosophes cultivent la sagesse dans le silence de leur obscurité. Cela a toujours été ainsi, et, sans être prophète, je pense qu'après nous ce sera à peu près de même. Je ne vous en dirai pas davantage, parce que le moment approche où j'aurai la satisfaction de vous revoir. Nous avons fait avec l'ennemi une convention pour l'hiver, qui nous procurera quelques mois de tranquillité. Je donne cette lettre à un chasseur qui pourra, si vous le voulez bien, arranger votre voyage. Je vous donne rendez-vous à Leipzig pour le 5 de décembre. Vous partirez et arrangerez votre voyage selon votre commodité. Je m'en fais une vraie fête, et je me réjouis autant de vous revoir que Médor de voir son Angélique. Menez la bonne Babet avec vous, et prenez toutes vos commodités, pour que je puisse jouir tout mon soûl de votre conversation. Adieu, mon cher marquis : je vous embrasse.