<88>

74. AU MARQUIS D'ARGENS.

Cottbus, 17 septembre 1759.

Voilà Berlin, à la vérité, hors de danger. Les Russes sont à Guben et à Forsta; mais je suis encore environné d'embarras cruels, de piéges et d'abîmes. Il est fort aisé, mon cher marquis, de dire, Il faut faire une guerre défensive; mais j'ai un si grand nombre d'ennemis, que force m'est d'embrasser l'offensive par nécessité. Je suis ici dans un triangle où j'ai les Russes à gauche, Daun à droite, et les Suédois à dos. Faites la guerre défensive, je vous en conjure. C'est tout le contraire; je ne me soutiens, jusqu'ici, qu'en attaquant tout ce que je puis, et en me procurant de petits avantages que je tâche de multiplier le plus qu'il m'est possible. Je fais, depuis la guerre, mon noviciat de zénonisme; je crois, si cela dure, que je deviendrai plus indifférent, plus impassible qu'Empédocle et que Zénon même. Non, mon cher marquis, je n'exigerai point de vous que vous veniez me trouver. Si je vis, je ne penserai à vous revoir que lorsque l'hiver aura établi une bonne trêve pour six mois. Entre ci et ce temps, il y aura bien du sang de versé, et beaucoup d'événements, bons et mauvais, qui nous éclairciront de notre sort. Adieu; je vous embrasse, mon cher marquis.

75. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 29 septembre 1759.a



Sire,

Je connaissais à Votre Majesté toutes les qualités de César, mais je ne savais pas qu'elle y joignît celles du grand amiral de Coligny, plus craint, plus admiré, plus redoutable à ses ennemis


a Berlin, 17 septembre 1709. (Variante des Œuvres posthumes, t. XIII, p. 88.)