<91>tromper la cour de Vienne et pour se faire un mérite auprès de vous, il est certain qu'elle m'a dit, dans la conversation, qu'elle avait des pièces très-importantes. Je ne doute pas même qu'elle ne remette des chiffres que la cour de Vienne lui aura fait donner par ceux qu'elle aura chargés de la corrompre, et ces chiffres pourront être utiles à V. M. pour déchiffrer d'autres lettres. Ce qui me fait croire qu'elle a des chiffres, c'est que je lui dis qu'elle faisait sagement d'être fidèle à V. M., et qu'on aurait bientôt connu son infidélité, si elle eût lié quelque correspondance avec la cour de Vienne, à moins d'avoir un chiffre. Elle me répondit que cette difficulté ne l'aurait pas embarrassée, si elle avait voulu manquer à ce qu'elle vous devait. Enfin, Sire, lorsque V. M. nommera quelqu'un à qui cette femme doit s'adresser, vous serez bientôt instruit de tout. Je prie donc V. M. de vouloir me mander ce que je dois dire à cette femme, qui me presse pour avoir une réponse de V. M., et qui m'assure que ce qu'elle a à découvrir est très-important et ne souffre aucun délai. Enfin, Sire, quand il serait vrai que tout ceci ne fût qu'une tête italienne qui se serait échauffée et qui aurait pris des chimères pour des vérités, ce qui pourrait encore bien être, car cette femme ne paraît rien moins que prudente et tranquille, je crois cependant que la peine qu'on aurait prise de savoir ce qu'elle veut déclarer serait si légère, qu'on ne la regretterait pas, quand même on découvrirait que cette femme n'est qu'une folle. J'ai l'honneur, etc.

77. AU MARQUIS D'ARGENS.

Sophienthal, ce 9 (octobre 1759).

Soyez, mon cher, le dépositaire de mes secrets, le confident des mystères de madame Tagliazucchi, l'oreille du trône et le sanctuaire où s'annonceront les complots de mes ennemis. Pour quitter le style oriental, je vous avertis que vous aurez l'oreille rebattue de misères et de petites intrigues de prisonniers obscurs,