<96>il n'en est pas moins vrai, cependant, que ledit Ranuzzi, que vous avez donné ordre d'arrêter, était un espion envoyé par Daun, qui avait le dessein, en sortant de Berlin, d'aller à votre armée, et que madame Tagliazucchi aurait fort bien fait de chasser de sa maison dès le moment qu'elle le connut, sans entrer dans tous ces pourparlers qui ne sont peut-être pas aussi innocents que le prétend ladite dame. Enfin, Sire, je remercie V. M. de m'avoir débarrassé de toutes ces tracasseries, qui commençaient à bien fatiguer ma paisible philosophie. J'ai l'honneur, etc.

81. AU MARQUIS D'ARGENS.

Sophienthal, 25 octobre 1759.

Je suis perclus de tous mes membres; je n'ai à ma disposition que ma main droite, dont je me sers pour vous prier de venir à Glogau tenir compagnie à mon infirmité. Les chemins sont sûrs. Les Russes sont vers Posen, et Loudon s'en va, par Cracovie, retourner en Moravie. La goutte m'abîme, le chagrin me dévore, je suis ici sans société, presque sans secours. Je ne pourrai me faire transporter qu'en cinq ou six jours, tant je suis faible et impotent, et je suis si à bas, qu'il faut que je renonce à finir moi-même la campagne.

Menez Noëla avec vous; peut-être qu'il pourra me rendre mes forces.


a Voyez ci-dessus, p. 93.