<4>cette tête qui avait si longtemps travaillé pour le bien de la maison impériale, fut hors d'état de continuer ce même travail, et de lui rendre les mêmes services. Quelles réflexions humiliantes pour notre vanité! Un Condé, un Eugène, un Marlborough voient l'extinction de leur esprit précéder celle de leur corps; et les plus vastes génies finissent par l'imbécillité! Pauvres humains, ensuite glorifiez-vous si vous l'osez!

La décadence des forces du prince Eugène fut l'époque des intrigues de tous les ministres autrichiens. Le comte de Sinzendorff acquit le plus de crédit sur l'esprit de son maître. Il travaillait peu, il aimait la bonne chère : c'était l'Apicius de la cour impériale; et l'Empereur disait que les bons ragoûts de son ministre lui faisaient de mauvaises affaires. Ce ministre était haut et fier; il se croyait un Agrippa, un Mécène. Les princes de l'Empire étaient indignés de la dureté de son gouvernement; en cela bien différent du prince Eugène, qui, n'employant que la douceur, avait su mener plus sûrement le corps germanique à ses fins. Lorsque le comte de Sinzendorff fut employé au congrès de Cambrai, il crut avoir pénétré le caractère du cardinal de Fleury : le Français, plus habile que l'Allemand, le joua sous la jambe, et Sinzendorff retourna à Vienne, persuadé qu'il gouvernerait la cour de Versailles comme celle de l'Empereur.

Peu de temps après, le prince Eugène qui voyait l'Empereur toujours occupé des moyens de soutenir sa pragmatique sanction, lui dit que le seul moyen de l'assurer, était d'entretenir cent quatre-vingt mille hommes, et qu'il indiquerait les fonds pour le payement de cette augmentation, si l'Empereur y voulait consentir. Le génie de l'Empereur, subjugué par celui d'Eugène, n'osait rien lui refuser : l'augmentation de quarante mille hommes fut résolue, et bientôt l'armée se trouva complète. Les comtes de Sinzendorff et de Starhemberg, ennemis du prince Eugène, représentèrent à l'Empereur que ses pays, foulés par des contributions énormes, ne pouvaient suffire à l'entretien d'une si grosse armée, et qu'à moins de vouloir ruiner de fond en comble l'Autriche, la Bohême et les autres provinces, il fallait réformer l'augmentation. Charles VI, qui ne connaissait rien aux finances non plus qu'au pays qu'il gouvernait, se laissa entraîner par ses