<XXIII>Depuis, les moines, qui seuls avaient quelques connaissances, ont laissé des annales trouvées dans leurs couvents, qui ont servi à l'histoire d'Allemagne; mais quels matériaux pour l'histoire! Les Français ont eu un Évêque de Tours, un Joinville et le Journal de l'Estoile, faibles ouvrages de compilateurs qui écrivaient ce qu'ils apprenaient au hasard, mais qui difficilement pouvaient être bien instruits. Depuis la renaissance des lettres, la passion d'écrire s'est changée en fureur. Nous n'avons que trop de mémoires, d'anecdotes et de relations, parmi lesquelles il faut s'en tenir au petit nombre d'auteurs qui ont eu des charges, qui ont été eux-mêmes acteurs des événements, qui ont été attachés à la cour, ou qui ont eu la permission des souverains de fouiller dans les archives, tels que le sage président de Thou, Philippe de Comines, Vargas, fiscal du concile de Trente, mademoiselle d'Orléans,a le cardinal de Retz, etc.; ajoutons-y les Lettres de M. d'Estrades, les Mémoires de M. de Torcy, monuments curieux, surtout ce dernier, qui nous développe la vérité de ce testament de Charles II, roi d'Espagne, sur lequel les sentiments ont été si partagés.

Ces réflexions sur l'incertitude de l'histoire, dont je me suis souvent occupé, m'ont fait naître l'idée de transmettre à la postérité les faits principaux auxquels j'ai eu part, ou dont j'ai été témoin, afin que ceux qui à l'avenir gouverneront cet État puissent connaître la vraie situation des choses lorsque je parvins à la régence, les causes qui m'ont fait agir, mes moyens, les trames de


a Anne-Marie-Louise d'Orléans, connue sous le nom de Mademoiselle, duchesse de Montpensier; morte en 1693.