<300>Vous voulez me donner du pain;b n'y a-t-il aucun de vos sujets qui en manque? Otez de devant mes yeux cette épée qui m'éblouit et me blesse; elle n'a que trop fait son devoir, et le sceptre est abandonné. La carrière est grande pour les rois de votre étoffe, et vous êtes encore loin du terme; cependant le temps presse, et il ne vous reste pas un moment à perdre pour aller au bout.a

Puissé-je voir Frédéric le juste et le redouté couvrir ses États d'un peuple nombreux dont il soit le père, et J.-J. Rousseau, l'ennemi des rois, ira mourir au pied de son trône.

3.

Wootton, 30 mars 1766.



Sire,

Je dois au malheur qui me poursuit deux biens qui m'en consolent : la bienveillance de mylord Maréchal, et la protection de V. M. Forcé de vivre loin de l'État où je suis inscrit parmi vos peuples, je garde l'amour des devoirs que j'y ai contractés. Permettez, Sire, que vos bontés me suivent avec ma reconnaissance, et que j'aie toujours l'honneur d'être votre protégé, comme je serai toujours votre plus fidèle sujet.


b Voyez ci-dessus, p. 322.

a Dans le brouillon de cette lettre, il y avait à la place cette phrase : « Sondez bien votre cœur, ô Frédéric! Vous convient-il de mourir sans avoir été le plus grand des hommes? »; et à la fin de la lettre cette autre phrase : « Voilà, Sire, ce que j'avais à vous dire; il est donné à peu de rois de l'entendre, et il n'est donné à aucun de l'entendre deux fois. » (Note de l'édition des Œuvres de J.-J. Rousseau publiée en 1797.)