<I>

ŒUVRES DE FRÉDÉRIC LE GRAND TOME XX.

<II><III>

ŒUVRES DE FRÉDÉRIC LE GRAND TOME XX. BERLIN IMPRIMERIE ROYALE (R. DECKER) MDCCCLII

<IV><V>

CORRESPONDANCE DE FREDERIC II ROI DE PRUSSE TOME V. BERLIN IMPRIMERIE ROYALE (R. DECKER) MDCCCLII

<VI><VII>

CORRESPONDANCE TOME V.

<VIII><IX>

AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR.

Ce volume, le cinquième de la Correspondance, la conduit jusqu'à l'an 1778. Les lettres dont il se compose sont au nombre de trois cent quatre-vingt-quatorze, dont trois cent sept du Roi; elles forment quinze groupes.

I. LETTRES DE FRÉDÉRIC A GRESSET. (24 octobre 1740 - 27 septembre 1769.)

Il avait été question, en 1736, d'attirer le chantre de Vert-Vert à Rheinsberg;I-a mais la négociation ne réussit pas. Frédéric entretint néanmoins une correspondance avec Gresset. Il écrit à Voltaire, le 26 octobre 1740 : « Je vous envoie une odeI-b en réponse à celle de Gresset; » et à Jordan, le 24 septembre 1741 : « Domine, j'envoie à Ta doctorale Science une très-badine lettre pour Gresset,I-c que je te charge de lui envoyer, de copier, de critiquer et de parafer. Si tu trouves cette lettre jolie, envoies-en une copie, comme en ton nom, à Voltaire. » Il écrit encore à Jordan, le 24 juin 1742 : « J'ai reçu de Gresset une Épître charmante, dont je vous régalerai à mon retour. »

<X>Gresset renouvela de temps en temps ses hommages au Roi, sans jamais venir les lui rendre en personne. On peut consulter là-dessus la lettre du marquis d'Argens à Frédéric, du 5 septembre 1747, t. XIX, p. 27, et celle de Gresset à d'Argens, du 26 septembre 1747,II-a que nous avons annexée à celles de Frédéric à Gresset. - Le Roi écrit à d'Alembert, le 4 décembre 1772 : « Lorsqu'un Fontenelle,II-b un Voltaire, un Mairan,II-c un CrébillonII-c encore, et même l'auteur de Vert-Vert,II-c composaient, c'était un plaisir d'apprendre des nouvelles de la France, qui étaient celles du Parnasse, etc. » Voyez enfin les lettres de Frédéric à Voltaire, du 28 mars 1738 et du 16 janvier 1773.

C'est à M. Louis du Bois, à Ménil-Durand, près de Livarot, département du Calvados, que nous devons les copies de nos six lettres, faites par lui « avec la plus scrupuleuse exactitude, » comme il nous le dit dans sa lettre du 3 mai 1844.

II. LETTRE DE FRÉDÉRIC A M. STEINBART. (16 mars 1770.)

Gotthilf-Samuel Steinbart, né à Züllichau le 21 septembre 1738, fut nommé, en 1762, chapelain de la maison des orphelins de sa ville natale; en 1766, conseiller du consistoire de la Nouvelle-Marche et directeur du Paedagogium de Züllichau; le 11 mars 1774, professeur ordinaire de philosophie et professeur extraordinaire de théologie à l'université de Francfort-sur-l'Oder. Ce ne fut que le 28 avril 1806 qu'il devint professeur ordinaire de théologie. Il mourut à Francfort le 3 février 1809.

Immédiatement après la publication de l'Essai sur l'amour-propre envisagé comme principe de morale,II-d M. Steinbart composa un ouvrage intitulé : Considérations sur les motifs à la vertu déduits du principe de l'amour de soi-même, Berlin, 1770, et l'envoya au Roi. La réponse de celui-ci à la dédicace de l'auteur a été imprimée dans le Supplément aux Œuvres posthumes de Frédéric II, Cologne, 1789, <XI>t. III, p. 61 et 62. Notre texte est tiré de l'original conservé par la famille de M. Steinbart, à Züllichau. Il diffère en quelques points de celui du Supplément.

III. LETTRES DE FRÉDÉRIC A LA COMTESSE DE SKORZEWSKA. (22 octobre 1768 - 20 juillet 1770.)

La comtesse de Skorzewska, née de Ciecierska, était femme du général polonais Stanislas comte de Skorzewski. Elle était très-attachée au gouvernement prussien, et, au premier partage de la Pologne, elle vit avec plaisir incorporer ses terres aux États de Frédéric. Avant cette époque déjà, elle était souvent venue à Berlin, p. e. en 1765 et en 1767, et le Roi, ainsi que la Reine, l'avaient toujours accueillie avec une faveur marquée.III-a La comtesse de Skorzewska aimait et cultivait les lettres; le 26 janvier 1769, elle fit lire ses Considérations sur l'origine des Polonais dans une séance publique de l'Académie des sciences, à laquelle elle assista. Frédéric donne à cette dame les éloges les plus flatteurs dans sa lettre à Voltaire, du 20 février 1767. Il en parle comme d'une espèce de phénomène. Elle est aussi citée dans la Vie de Brenkenhoff,III-b p. 67, 68, 110 et suivantes.

La comtesse de Skorzewska, veuve depuis 1770, mourut en 1773.

Son petit-fils, le comte Héliodore Skorzewski, chambellan du Roi, demeurant à Prochnowo, près de Margonin, dans le grand-duché de Posen, a bien voulu nous communiquer les huit lettres de Frédéric, encore inédites, que nous publions, et qui sont adressées tant à la comtesse qu'à ses enfants et à sa mère. Il existait un recueil plus complet des lettres de Frédéric à la comtesse de Skorzewska, dans la fameuse collection d'autographes de M. William Upcott, à Londres; mais nous n'avons pu réussir, malgré nos efforts, à les acquérir, ni même à nous en procurer des copies.

<XII>IV. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC M. DARGET. (Mai 1749 - 6 septembre 1771.)

Claude-Étienne Darget, secrétaire du marquis de Valori, ambassadeur français à la cour de Berlin, fit avec celui-ci la campagne de 1745, et se fit prendre par les Autrichiens pour sauver son maître.IV-a Ce trait de dévouement attira sur lui l'attention de Frédéric, qui le nomma son secrétaire des commandements, le 18 janvier 1746, et lui a fait jouer un des principaux rôles dans son poëme du Palladion (t. XI, p. II-VII, et 177-318). On donnait par courtoisie à Darget, membre honoraire de l'Académie des sciences, le titre de conseiller intime, qu'il avait souvent sollicité, mais que le Roi finit par lui refuser formellement. Après son retour en France, le 14 mars 1752, il demanda son congé, qui lui fut expédié le 26 juin 1753. Nous avons lieu de penser que Darget resta toujours attaché de cœur au grand prince qu'il avait fidèlement servi. En 1760, lorsque les Œuvres du Philosophe de Sans-Souci furent imprimées clandestinement à Paris, il chercha à se rendre utile à Frédéric, comme on peut le voir par l'excellent article que M. Sainte-Beuve a inséré, au sujet de notre édition, dans le Constitutionnel du lundi 2 décembre 1850, no 336.IV-b

Darget s'était marié à Berlin avec une demoiselle César, catholique et sœur de M. César, depuis, conseiller intime et trésorier général des accises. De retour à Paris, il fut placé à l'école militaire. Il devint ensuite ministre des évêques de Liége et de Spire. Darget était né en 1712, et mourut en 1778.

Frédéric lui a adressé deux poésies : l'Épître à Darget, Apologie des rois (t. X, p. 238), et la Palinodie, Épître à Darget (t. XI, p. 64).

La correspondance de Frédéric avec Darget a paru pour la première fois dans les Œuvres posthumes de Frédéric le Grand, (Bâle) 1788, t. III, p. 311-379. Elle se compose de quarante-cinq lettres, tirées du portefeuille de Darget (Voyez l. c. t. I, p. 1); les réponses suivent les lettres. Les éditeurs de Berlin ont imprimé cette corres<XIII>pondance dans le Supplément aux Œuvres posthumes de Frédéric II, Cologne, 1789, savoir, t. II, p. 455-482, les vingt-huit lettres du Roi. et t. III, p. 109-158, dix-huit lettres de Darget. Ils y ont ajouté la lettre de celui-ci, du 7 septembre 1750, qui manque dans l'édition de Bâle. De notre côté, nous avons ajouté une lettre inédite, du 25 juin 1764, dont nous avons trouvé l'autographe dans les papiers de M. de Catt. La minute de la lettre du Roi à Darget, du 23 mars 1756, que nous avons trouvée aux archives royales, est tout à fait conforme au texte déjà imprimé.

V. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC LE BARON DE PÖLLNITZ. (8 mai 1742 - Ier août 1773.)

Charles-Louis baron de Pöllnitz, né, le 25 février 1692, à Issum, village de l'ancien archevêché de Cologne, premier chambellan du roi de Prusse, grand maître des cérémonies, membre de l'Académie des sciences, et chevalier de l'ordre de la Générosité, mourut à Berlin le 23 juin 1775.

Les observations qu'il avait faites dans ses nombreux voyages, et sa connaissance du caractère des principaux personnages de presque toutes les cours, lui fournissaient d'inépuisables sujets de conversation. Il possédait de plus l'art de raconter agréablement, comme on peut le voir par ses Mémoires et ses Nouveaux Mémoires, qui étaient une des lectures les plus recherchées de son temps, et eurent plusieurs éditions. C'est aussi pour cela que Frédéric aimait sa société.VI-a Mais après la mort du baron, il écrivit à Voltaire, le 13 août 1775 : « Le vieux Pöllnitz est mort comme il a vécu, c'est-à-dire, en friponnant encore la veille de son décès. Personne ne le regrette que ses créanciers. »

Les volumes précédents renferment plusieurs pièces adressées au baron de Pöllnitz : t. XI, p. 12, l'Épître corrigée à Berlin, le 10 janvier 1750; t. XIII, p. 18 et 126, les poésies intitulées : Au baron <XIV>de Pöllnitz, sur sa convalescence, 1767, et Au baron de Pöllnitz, sur sa résurrection, 1773; t. XIV, p. 121, l'Épître au vieux baron philosophe, sans date; enfin, t. XV, p. 208 et 211, le Congé expédié au baron de Pöllnitz, à sa retraite de Berlin, fait à Potsdam, le Ier avril 1744, et l'Élégie de la ville de Berlin, adressée au baron de Pöllnitz, avril 1744.

Nous avons tiré la plus grande partie de la correspondance de Frédéric avec le baron de Pöllnitz des documents que nous avons ajoutés à notre biographie de Frédéric le Grand, sous le titre de : Urkundenbuch zu der Lebensgeschichte Friedrichs des Grossen, von J. D. E. Preuss, t. II, p. 136, 137-139, 147 et 148; t. III, p. 133-147; et t. V, p. 240-246. Cette correspondance, composée de quarante-trois lettres, a été augmentée de cinq piècesVI-b dont nous avons trouvé les originaux aux archives royales du Cabinet, et de trois lettresVI-c que nous avons tirées de la Vie de Frédéric II, roi de Prusse (par de la Veaux). A Strasbourg, 1787, t. IV, p. 213-218. Enfin, nous avons copié deux minutes aux archives, pour les collationner avec le texte imprimé.VI-d

Le lecteur trouvera facilement la raison qui nous a engagé à insérer dans cette correspondance la lettre de Frédéric à son ministre d'État comte de Podewils,VI-e de même que les trois lettres de l'électrice douairière Antonie de Saxe au baron de Pöllnitz.VII-a

VI. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC LE BARON DE LA MOTTE FOUQUÉ. (23 novembre 1736 - 5 septembre 1773.)

Henri-Auguste baron de La Motte Fouqué naquit, le 4 février 1698, à la Haye, où son père s'était retiré après la révocation de l'édit de Nantes. Le jeune Fouqué n'avait que huit ans lorsqu'il entra, en qualité de page, au service du prince Léopold d'Anhalt-Dessau. En 1715, il s'engagea dans le régiment prussien qui portait le nom de <XV>ce prince, pour faire la campagne de Poméranie. Capitaine en 1723, il eut, six ans plus tard, le commandement d'une compagnie. Il obtint, en 1730, la permission d'aller voir le Prince royal dans sa prison de Cüstrin. Il fréquenta dès lors la société de Rheinsberg, où les membres de l'ordre de Bayard le choisirent pour leur grand maître.VII-b La perte de la faveur du prince Léopold, chef de son régiment, l'obligea de quitter le service de la Prusse le 31 janvier 1739. Recommandé par le Prince royal, le baron de Fouqué confia sa famille à son auguste protecteur,VII-c se rendit à Copenhague, et devint lieutenant-colonel dans l'armée danoise. A son avénement, Frédéric le rappela, le nomma colonel le 23 juillet 1740, et, trois jours plus tard, commandeur du régiment d'infanterie no 37, en le décorant de l'ordre pour le mérite, et en lui conférant les capitaineries de Gramzow et de Löckenitz. En 1742, il le fit commandant de Glatz; le 30 décembre 1744, chef du régiment no 33; en 1745 général-major, par brevet daté du 13 mai 1743; en 1751 enfin, lieutenant-général et chevalier de l'ordre de l'Aigle noir. M. de Fouqué sut mériter toute la bienveillance de son maître par son dévouement sans bornes, soit à la guerre, soit en temps de paix. Nous passons sous silence sa carrière militaire, en renvoyant le lecteur : 1o aux Mémoires du baron de La Motte Fouqué (publiés par G.-A. Büttner), A Berlin, 1788, deux volumes; 2o aux Œuvres de Frédéric, t. III, p. 159 et 161; t. IV, p. 136, et t. V, p. 53, de notre édition; 3o et à la Lebensbeschreibung des Königlich Preussischen Generals der Infanterie Heinrich August Baron de La Motte Fouqué, verfasst von seinem Enkel Friedrich Baron de La Motte Fouqué, Berlin, 1824. On trouve dans notre Urkundenbuch zu der Lebensgeschichte Friedrichs des Grossen, t. III, p. 255-258, deux lettres en allemand de Frédéric à Fouqué, l'une écrite la veille, et la seconde le jour même de la défaite de ce général à Landeshut, et toutes deux importantes pour l'histoire de la funeste journée du 23 juin 1760,VIII-a dont le Roi lui-même avait été en partie cause par les ordres très-formels qu'il avait donnés au général, le 11 et le 14 juin, d'occu<XVI>per de nouveau les montagnes de Landeshut, qu'il avait quittées pour couvrir Breslau.VIII-b

En 1763, à son retour de la captivité qu'il avait subie en Croatie, le baron de La Motte Fouqué, général de l'infanterie depuis le 1er mars 1759, quitta le service à cause de ses infirmités, et demeura à Brandebourg jusqu'à sa mort, arrivée le 3 mai 1774. Il ne cessa d'être l'objet des distinctions les plus flatteuses de la part du Roi. Celui-ci lui adressa, en 1750, une Épître que nous avons reproduite au t. XI de cette édition, p. 17-22.

La correspondance amicale de Frédéric avec le général Fouqué, chef-d'œuvre en ce genre, est comparable et peut-être supérieure à la correspondance de Trajan avec Pline le Jeune. Elle commença le 23 novembre 1736, et dura jusqu'au 5 septembre 1773. Voici l'histoire de la publication et des manuscrits de cette correspondance.

1o L'ouvrage intitulé Tactique et manœuvres des Prussiens. Pièce posthume par M. le D. de G. (le duc de Gisors), avec quelques lettres et réponses du roi de Prusse à M. le baron de La Motte Fouqué, son lieutenant-général, (Sans lieu d'impression) 1767, renferme : p. 43-74, la lettre de Frédéric, du 23 décembre 1758, avec les Réflexions sur quelques changements dans la façon de faire la guerre; p. 75-83, deux lettres de Fouqué, toutes deux de Léobschütz, 2 janvier 1759; et, p. 84-86, la réponse du Roi, du 9 janvier, aux deux lettres précédentes.

2o Les Lettres secrètes touchant la dernière guerre, de main de maître, A Francfort, aux dépens de la Compagnie des libraires, 1771, contiennent, p. 93-204, soixante Lettres du Roi au général de Fouqué touchant les expéditions militaires de l'année 1759.

3o Ces soixante lettres ont été réimprimées avec quelques additions dans le Recueil de lettres de S. M. le roi de Prusse, pour servir à l'histoire de la guerre dernière, A Leipzig, aux dépens des libraires associés, 1772, p. 98-259, sous le titre de Correspondance entre S. M. le roi de Prusse et M. de La Motte Fouqué, général d'infanterie, 1759. Cette correspondance, roulant sur des sujets militaires, ainsi que la précédente, renferme soixante-deux lettres, y compris deux réponses de Fouqué.

4o La collection la plus riche est celle qui a paru dans les <XVII>moires du général Fouqué, publiés par M. Büttner,IX-a t. I, p. 44-288, et t. II, p. 9-242. La première partie, du 23 décembre 1758 jusqu'à la paix de Hubertsbourg, fort intéressante, il est vrai, en ce qui concerne les opérations militaires, et surtout les campagnes de 1759 et 1760, mais étrangère à notre but actuel, ne nous a fourni que quatre pièces, tandis que dans la seconde, qui s'étend jusqu'à la mort du général Fouqué, nous en avons copié quatre-vingt-douze des plus belles, tant lettres que réponses.

5o Une nouvelle source nous a été ouverte par l'acquisition que S. M. le Roi a daigné faire, en faveur de notre édition, d'une collection de trente autographes ou lettres originales de Frédéric, et de trois minutes de lettres de Fouqué.IX-b Treize de ces pièces, que nous imprimons pour la première foisIX-c (y compris une lettre de Frédéric au fils du baron de La Motte Fouqué), sont pour la plupart d'un prix inestimable. Seize autresX-a avaient déjà été publiées par M. Büttner; mais les manuscrits nous ont été fort utiles pour corriger les textes imprimés. Cette collection renferme quatre lettres en allemand, qui ne sont que des ordres de Cabinet. Cependant nous avons copié une de ces pièces,X-b du 20 avril 1763, à cause du post-scriptum familier que le Roi y avait ajouté, de sa main, en français.

6o Les archives royales du Cabinet nous ont fourni, outre une lettre de Frédéric, en français, du 22 avril 1760, soixante lettres de Fouqué au Roi, dont trente-cinq en allemand et vingt-cinq en français, toutes écrites du 18 avril 1759 au 21 juin 1760. Elles sont purement militaires, et ont été imprimées pour la plupart dans les Mémoires de Büttner, les lettres allemandes traduites en français, quoique M. Büttner dise expressément dans son Avant-propos : « J'ai copié sur les originaux les lettres qui paraissent ici pour la première fois. » De ces soixante et une lettres, nous ne reproduisons que celle du <XVIII>Roi, du 22 avril 1760,X-c conforme au texte de Büttner, et la réponse de Fouqué, du 27 avril,X-d très-inexactement publiée par cet éditeur.

7o Pour la lettre du Roi, du 26 octobre 1756,X-e nous l'avons trouvée dans la biographie du général Fouqué, écrite par son petit-fils, p. 106.

La correspondance familière de Frédéric avec le général Fouqué, telle que nous la présentons au lecteur, se compose donc de cent dix lettres, parmi lesquelles il y en a soixante-quatre de Frédéric. La lettre du Roi au fils de son respectable ami,X-f écrite une semaine après la mort de celui-ci, le 10 mai 1774, nous a paru mériter d'être ajoutée à cette correspondance.

VII. LETTRES DE FRÉDÉRIC A M. DE KROCKOW. (12 août 1770 et 23 novembre 1773.)

Antoine de Krockow, né le 4 janvier 1714, à Polzin, dans la Poméranie ultérieure, commença en 1721 sa carrière militaire dans le régiment d'infanterie no 11, en garnison à Königsberg. En 1735, il entra dans l'armée française, et se distingua dans toutes les campagnes qui précédèrent la paix d'Aix-la-Chapelle, entre autres aux batailles de Rocoux et de Laeffelt. M. de Krockow, devenu colonel, fut rappelé en 1756 par Frédéric, qui l'admit au nombre de ses aides de camp. Le 19 septembre 1757, il devint chef du régiment de dragons no 2; le 1er décembre suivant, général-major; et le 9 décembre 1761, lieutenant-général.XI-a Il fut décoré de l'ordre de l'Aigle noir au mois de janvier 1773. M. de Krockow mourut à Landeshut, le 7 septembre 1778, pendant la guerre de la succession de Bavière. Depuis la paix de Hubertsbourg, il avait souvent été reçu par le Roi, qui aimait sa société. Nous avons tiré les deux lettres de Frédéric, citées ci-dessus, de notre ouvrage, Friedrich der Grosse, eine Lebensgeschichte, t. IV, p. 187, et l'on trouve, l. c., p. 193-195, plusieurs fragments de lettres du Roi à M. de Krockow.

<XIX>VIII. LETTRES DE FRÉDÉRIC AU COMTE IGNACE KRASICKI, PRINCE-ÉVÊQUE DE WARMIE. (27 septembre 1773 et 14 mars 1774.)

Ignace Krasicki, comte de Siczin, prince-évêque de Warmie, puis archevêque de Gnesen, naquit à Dubiecko, en Pologne, le 3 février 1735, et mourut à Berlin le 14 mars 1801. Son corps y fut déposé dans les caveaux de l'église de Sainte-Hedwige, et y est resté jusqu'au 14 mars 1829, époque où il a été transféré à Gnesen. C'était un des plus célèbres poëtes polonais du XVIIIe siècle. Il devint sujet de la Prusse au premier partage de la Pologne, et dès lors il fut constamment honoré de l'amitié de Frédéric, qui goûtait fort sa conversation vive et enjouée. Les deux lettres que nous publions sont tirées de notre ouvrage, Friedrich der Grosse als Schriftsteller, Ergänzungsheft, Berlin, 1838, p. 114 et 115.

IX. LETTRE DE FRÉDÉRIC AU BARON DE RIEDESEL. (12 avril 1775.)

La lettre de Frédéric au baron de Riedesel, colonel au service du landgrave de Hesse-Darmstadt, a été publiée dans le Patriotisches Archiv für Deutschland (par Frédéric-Charles baron de Moser), Francfort et Leipzig, 1784, in-8, t. I, p. 221-224; c'est de là que nous l'avons tirée.

Cette pièce, écrite pour honorer la mémoire de la landgrave Caroline, rappelle les lettres de l'Auteur à cette princesse, qui faisait, comme il le dit lui-même, l'ornement de son siècle. On les conserve aux archives de Darmstadt; et le gouvernement du grand-duché de Hesse a communiqué aux archives de Berlin des copies exactes de cette précieuse collection.

<XX>X. LETTRE DE FRÉDÉRIC AU PASTEUR ERMAN. (29 juillet 1776.)

Jean-Pierre Erman, conseiller du consistoire supérieur français, membre de l'Académie des sciences, et, depuis 1792, historiographe de Brandebourg, naquit à Berlin le 1er mars 1735, et y mourut le 11 août 1814.

Dans les Remarques historiques annexées à son Oraison funèbre de Frédéric II, Berlin 1786, où nous avons trouvé, p. 36, la lettre du 29 juillet 1776, M. Erman s'exprime ainsi, p. 35 : « Encouragé par l'approbation honorable que S. M. avait daigné dans plus d'une occasion accorder au zèle et à la fidélité que j'ai dû porter dans l'exercice d'un ministère dont l'importance et l'utilité a toujours vivement touché mon cœur, j'osais quelquefois mettre au pied du trône des sermons relatifs à quelque circonstance intéressante pour l'Église ou la patrie. Le Roi les reçut toujours avec bonté. Une preuve de l'intérêt qu'il prenait à l'influence de la religion sur le bonheur public, c'est la lettre du Cabinet, en date du 29 de juillet 1776, dont je fus honoré à l'occasion d'un sermon sur l'amour de la patrie que j'avais osé présenter à Sa Majesté. »

XI. LETTRE DE FRÉDÉRIC A M. DE DOMASCHNEW. (17 novembre 1776.)

L'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, se disposant à célébrer le jubilé pour le cinquantième anniversaire de sa fondation,XIII-a demanda au Roi la permission de l'inscrire au nombre de ses membres honoraires. La réponse de Frédéric, adressée à M. de Domaschnew, directeur de cette Académie, a été imprimée dans l'ouvrage de Jean-Jacques Moser, Versuch des neuesten Europaïschen Völkerrechts in Kriegszeiten. Francfort-sur-le-Main, 1779, t. I, p. 357. Nous l'y avons copiée, en la collationnant à la minute autographe conservée à Berlin, aux archives royales du Cabinet (F. 58, J). Le Roi a mis de sa main, au haut de cette lettre : « Réponse au Russe de l'Académie de Pétersbourg; » à la fin de la pièce le mot Curialia; enfin, plus <XXI>bas, à droite, sa signature « Fr. » Plus bas encore, à gauche, se trouve la date : « A Potsdam, ce 17 de novembre 1776, » de la main d'un conseiller de Cabinet.

XII. LETTRE DE FRÉDÉRIC A M. DE MOULINES. (18 décembre 1776.)

Guillaume de Moulines, dont nous avons fait mention t. I, p. Ix et t. VIII, p. VIII, naquit en 1728, et mourut à Berlin, le 14 mars 1802. Il publia en 1775, à la demande et à la grande satisfaction du Roi, Ammien-Marcellin, traduit en français,XIV-a et, en 1783, les Écrivains de l'Histoire Auguste, traduits en français.

La lettre de Frédéric à M. de Moulines, du 18 décembre 1776, que nous avons tirée de notre ouvrage, Friedrich der Grosse, eine Lebensgeschichte, t. III, p. 372, se rapporte à l'Éloge de M. de Jariges, grand chancelier et ministre d'État de Sa Majesté le roi de Prusse, par M. de Hymmen, traduit de l'allemand par M. de Moulines. A Berlin, chez George-Jacques Decker, imprimeur du Roi, 1776, vingt-six pages in-8. Voyez t. XVIII, p. VI, no IV.

XIII. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC LÉONARD EULER. (4 septembre 1741 - 1er février 1777.)

Léonard Euler naquit à Bâle le 15 avril 1707. A l'âge de vingt ans, il se rendit à Saint-Pétersbourg, et y devint professeur de physique en 1730. Il fut nommé membre de l'Académie en 1733. En 1735, comme il s'agissait de faire un calcul difficile et pressé, M. Euler s'engagea à le faire en trois jours, et il y réussit au grand étonnement de l'Académie. Ce travail excessif lui attira une fièvre chaude dont il revint; mais un abcès survenu pendant la maladie lui enleva l'œil droit. Frédéric l'ayant invité à venir s'établir à Berlin,XIV-b il y arriva le 25 <XXII>juillet 1741, et, lors de la réorganisation de l'Académie, il fut nommé directeur de la classe des mathématiques. Le Roi eut souvent recours à ses lumières dans des cas extraordinaires. En 1744, par exemple, il lui demanda son avis sur le meilleur traité d'artillerie, sur quoi Euler fit l'éloge de l'ouvrage anglais de M. Robins, qu'il traduisit en allemand. En 1749, le Roi chargea le savant géomètre de revoir le nivellement du canal de Finow. Il examina plus tard les salines de Schönebeck, les machines hydrauliques de Sans-Souci et plusieurs projets de finance, et eut ainsi occasion de rendre à l'État des services réels, en lui épargnant des dépenses aussi onéreuses qu'inutiles. Aussi le Roi le consulta souvent avec la plus entière confiance sur ce qui concernait les affaires de l'Académie de Berlin et de l'université de Halle. Après avoir donné des leçons à la princesse Philippine,XV-a fille du margrave Frédéric de Schwedt, Euler lui adressa, lors du séjour de la cour à Magdebourg, en 1760, 1761 et, 1762, les lettres qu'il publia dans la suite sous le titre de : Lettres à une princesse d'Allemagne sur quelques sujets de physique et de philosophie. Pétersbourg, 1768-1772, trois volumes in-8.

En 1765, il s'éleva des différends entre Sulzer et Euler sur les affaires économiques de l'Académie, différends qui, suivis de quelques propos malins de Frédéric, firent prendre à Euler, en 1766, la résolution de retourner à Saint-Pétersbourg, où il mourut le 18 septembre 1783. Il conserva néanmoins jusqu'à sa fin un grand attachement pour les intérêts de la Prusse et de Frédéric.

Le nom d'Euler revient souvent dans les volumes précédents : t. III, p. 28; t. IX, p. 74; t. X, p. 158 et 196; t. XI, p. 147 et 180; et t. XIX, p. 21.

L'Académie de Saint-Pétersbourg conserve cinquante-sept lettres originales de Frédéric à Euler (vingt-neuf en français, dont trois de la main du Roi, et vingt-huit en allemand), dont elle a bien voulu nous donner des copies exactes. C'est donc à son obligeance que nous devons les vingt-deux pièces dont nous avons fait choix, laissant de côté les ordres de Cabinet en allemand et les lettres en français qui ne répondent pas au but de notre travail. La lettre de Frédéric à Euler, datée de Waldow, 15 septembre 1759, avait déjà été publiée dans l'Éloge de M. Léonard Euler, par Nicolas Fuss. Saint-Pétersbourg, 1783, in-4, p. 42. Quant aux trois lettres de Euler à Fré<XXIII>déric,XVI-a nous les avons tirées de l'ouvrage de König qui parut sous le voile de l'anonyme et le titre de : Versuch einer historischen Schilderung der Residenzstadt Berlin. Berlin, 1799, t. V, partie II, p. 181-183. Nous devons observer ici que, au lieu de Hafner (lettre de Frédéric à Euler, du 21 février 1746), il faut probablement lire Natzmer, nom du chef du 4e régiment de hussards, dont le major de Warnery commandait un escadron.XVI-b Cette hypothèse nous est suggérée par l'examen du fac-simile de ce nom, très-difficile à lire, que M. J. Fritzsche, conseiller d'État à Saint-Pétersbourg, a eu la bonté de nous envoyer, mais qui ne nous est parvenu qu'après l'impression de la lettre dont il s'agit.

XIV. LETTRES DE FRÉDÉRIC AU COMTE DE HODITZ. (30 mai 1758 - 5 mars 1778.)

Albert-Joseph comte de Hoditz, seigneur de Rosswalde (terre située au sud de Hotzenplotz, dans la principauté autrichienne de Jägerndorf), naquit le 16 mai 1706. Il se maria en 1734 avec Sophie, fille du duc Jean-Adolphe de Saxe-Weissenfels et, depuis 1726, veuve du margrave George-Guillaume de Baireuth. Elle avait, vingt-deux ans de plus que lui, se convertit au catholicisme, et mourut en 1752.XVI-c

Ce n'est que depuis 1758 que le comte de Hoditz fut admis dans l'intimité du Roi, qui le remercia, le 26 décembre, des politesses qu'il faisait en toute occasion à ses officiers. Après la paix de Hubertsbourg, le comte de Hoditz alla souvent faire sa cour au Roi quand celui-ci se rendait en Silésie.XVI-d Frédéric lui-même lui fit visite, à la fin d'août 1765,XVII-a à l'occasion de son voyage de Neisse, et ayant repassé par Rosswalde, lors de son voyage de Moravie, au mois de septembre 1770, il fut très-satisfait des plaisirs dont il avait <XXIV>joui dans ce charmant séjour, et invita, en 1771, le comte de Hoditz à venir à Sans-Souci.XVII-b Enfin, le 24 avril 1776, le comte, poursuivi par ses créanciers, se réfugia à Potsdam, remplissant ainsi les désirs du Roi, qui aimait sa conversation.

Le comte de Hoditz, le dernier de sa race, mourut le 18 mars 1778, dans sa maison de Potsdam, située dans la rue qui, en 1784, fut nommée par le Roi Hoditzstrasse. Le comte, de son côté, avait fait faire à Rosswalde, en été 1773, le buste du Roi, en métal fondu, avec l'inscription suivante, en lettres dorées, tirée de l'Arioste, Roland furieux, chant X, stance 84 :

Natura il fece e poi ruppe la stampa.

C'est le premier monumentXVII-c qu'on ait érigé en l'honneur de Frédéric; car celui que le général de PrittwitzXVII-d fit élever, en marbre de Carrare, dans le jardin de sa terre de Quilitz (Neu-Hardenberg), date de 1792, et celui de la province de Poméranie, à Stettin, de 1793. La statue équestre de Breslau, par Auguste-Charles-Édouard Kiss, et celle de Berlin, par Chrétien Rauch, ont été inaugurées, la première le 27 juin 1847, anniversaire de la paix proclamée à Breslau en 1742, et l'autre le 31 mai 1851, anniversaire de l'avénement de Frédéric.

Les Œuvres poétiques de Frédéric renferment, t. XIII, p. 80-85, et p. 139 à 143, deux Épîtres au comte de Hoditz, des années 1771 et 1774.

Quant à la correspondance du Roi avec le comte, nous n'avons trouvé aux archives du Cabinet (Caisse 397, A) que les lettres de Frédéric, au nombre de cent soixante-onze en tout; nous en avons choisi quatre-vingt-une, omettant les autres, qui sont tout à fait insignifiantes. Soixante-dix-neuf de ces lettres, écrites par un conseiller de Cabinet, ne sont que signées par le Roi; les deux lettres du 11 octobre 1770 et du 9 novembre 1774 sont en entier de sa main; à la fin de plusieurs des pièces de notre collection se trouvent des post-scriptum de la main de Frédéric.

<XXV>XV. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC MYLORD MARISCHAL. (Mai 1754 - 1778.)

George Keith, Earl Marischal of Scotland, plus connu sous le nom de lord Marischal ou mylord Maréchal, et sous celui qu'il signait en français, le Maréchal d'Écosse, naquit le 3 décembre 1686.XVIII-a Obligé de quitter sa patrie, parce qu'il était partisan du prince Charles-Édouard, qu'il avait suivi dans ses expéditions de 1715 et de 1719, il se rendit en Espagne, y prit du service, et fut nommé général-major le 30 janvier 1719, et lieutenant-général le 7 juillet 1734. En 1748, il vint à Berlin, où il avait déjà passé en 1738 et en 1744. Il entra au service de la Prusse au mois d'octobre de cette même année 1748. En 1751, Frédéric le nomma son ministre plénipotentiaire près la cour de France. Mylord Marischal fut rappelé le 23 mai 1754, et fait gouverneur de la principauté de Neufchâtel, le 18 juillet. Chargé d'une mission diplomatique en Espagne, en 1759,XVIII-b il fit un détour pour revoir l'Angleterre, et revint dans son gouvernement en avril 1761. En 1764, Frédéric lui fit bâtir, près de Sans-Souci, une maisonXVIII-c où il mourut le 25 mai 1778. Voyez l'Éloge de milord Maréchal, par M. d'Alembert. A Paris et à Berlin, 1779, quatre-vingt-dix-neuf pages in-8.

Le Roi faisait le plus grand cas de mylord Marischal, à qui il adressa, en décembre 1758, une fort belle Épître sur la mort de son frère. Voyez t. XII de notre édition, p. 108-116.

La correspondance familière de Frédéric avec mylord Marischal est des plus intéressantes. Nous devons la plus grande partie de notre texte à la bienveillance d'un célèbre écrivain de notre ville, qui a eu la bonté de nous en communiquer les autographes le 14 novembre 1843. La lettre de Frédéric, du mois de mai 1754, no 1, est tirée des Œuvres posthumes de d'Alembert. A Paris, 1799, t. I, p. 20; et la lettre no 13, écrite après la bataille de Kolin, se trouve dans le <XXVI>Recueil de lettres de S. M. le roi de Prusse, pour servir à l'histoire de la guerre dernière. A Leipzig, 1772, première partie, p. 87-89. Les numéros 17, 18 et 47 ont été copiés sur les autographes, conservés aux archives royales du Cabinet. Quant à la lettre de mylord Marischal, no 45, nous la devons à l'inépuisable complaisance de M. Benoni Friedländer, qui en possède l'autographe. Enfin, nous avons trouvé le billet non daté de mylord Marischal, no 50, dans une collection d'autographes dont le possesseur a bien voulu nous en donner une copie exacte.

Cette correspondance se compose de cinquante lettres, dont quarante-quatre du Roi et six de son ami; l'une des lettres de Frédéric est adressée au roi d'Angleterre, et l'une de celles de mylord Marischal à son frère le feld-maréchal Keith.

Quatre lettres de mylord Marischal, datées de Paris, 20 mars, 26 avril, 12 et 16 juin 1754, que nous avons omises faute de copies françaises, se trouvent dans la traduction allemande des Œuvres posthumes de Frédéric II, Berlin, 1789, t. I, p. XXXVI-XXXVIII; la lettre du 26 avril a donné lieu à la lettre de Frédéric, du mois de mai 1754, la première de notre édition, à laquelle répondent les lettres de mylord Marischal, du 12 et du 16 juin.

Nous annexons à cette correspondance trois lettres de J.-J. Rousseau à Frédéric, et une de celui-ci au feld-maréchal Keith, frère cadet de mylord Marischal. Les lettres de Rousseau ont trait à l'asile que mylord Marischal, qui s'était fait son protecteur, lui avait donné, au nom du Roi, dans la principauté de Neufchâtel, en 1762; nous les avons tirées des Œuvres de J.-J. Rousseau. Édition ornée de figures, et collationnée sur les manuscrits originaux de l'auteur. Paris et Amsterdam, 1797, in-4, t. XV, p. 344 et 345, et t. XVI, p. 234. La lettre de Frédéric au feld-maréchal Keith est de toutes celles qu'il lui a écrites la seule qui nous paraisse propre à être communiquée au lecteur. Elle se trouve dans la collection d'autographes de la Bibliothèque royale de Berlin.

Outre la Table des matières, nous ajoutons à ce volume une Table chronologique générale des lettres contenues dans les quinze groupes dont nous venons de faire rénumération.

Berlin, 13 juin 1851.

J.-D.-E. Preuss,
Historiographe de Brandebourg.

<1>

I. LETTRES DE FRÉDÉRIC A GRESSET. (24 OCTOBRE 1740 - 27 SEPTEMBRE 1769.)[Titelblatt]

<2><3>

1. A GRESSET.

Remusberg, 24 octobre 1740.

Si votre ode n'est pas ce qu'on appelle le langage des dieux, jamais aucun mortel ne le sut ni ne le parla. J'en suis enchanté, et je le serais bien davantage, si je n'en étais pas le sujet.

Quelques pensées me sont venues sur la puissance de la poésie et l'art victorieux des poëtes, qui, moyennant de l'imagination, font de nouvelles créations, et des héros, et des grands hommes, selon qu'il leur plaît. Je vous envoie cette faible production,3-a et j'espère que vous serez assez discret pour ne la point communiquer. C'est un canevas, c'est une ébauche à laquelle il faudrait une habile main comme la vôtre pour lui donner l'élégance et le moelleux qu'il lui faudrait.

Je suis toujours dans les sentiments où j'ai été autrefois sur votre sujet; il dépendra de vous d'en réaliser les effets. Ne vous imaginez point que vous serez gêné ici; nous avons des villes, nous avons aussi des campagnes, et l'on connaît, malgré l'embarras des affaires, tout le prix d'une vie tranquille et appliquée, peut-être la seule heureuse en ce monde.

J'attends votre réponse, et j'espère que je ne trouverai pas à présent les empêchements chez vous que j'ai rencontrés autrefois; du moins trouverez-vous toujours en moi la même estime.

<4>

2. AU MÊME.

Camp de la Neisse, 23 septembre 1741.4-a

J'ai reçu votre lettre et vos vers,4-b dont je vous remercie. J'ai mis sur le compte de votre imagination ce que vos vers ont eu de trop flatteur pour moi, quoique, en faisant abstraction du fond de la chose, ils m'aient paru d'un acabit admirable; mais la vérité et la poésie marchent rarement ensemble.

Pour moi, qui n'ai pas l'honneur d'être
Immortel citoyen des cieux,
J'assigne votre encens aux dieux,
Car il m'étourdirait au lieu de me repaître.

Cette ode que je vous ai envoyée l'hiver passé était si fautive, que je l'ai réprouvée entièrement. Elle a reçu, depuis, une forme plus régulière. Je vous l'enverrai à mon retour de la campagne, à condition que vous brûliez la première.

Mes vers, enfants d'un léger badinage,
Ne sont, Gresset, que des ours mal léchés;
Ils sont perdus, si, par esprit volage,
A Paris vous les affichez.

<5>Il ne faut point publier les faveurs des dames, ni celles des Muses, si tant est qu'on en reçoive; la discrétion est le seul moyen de conserver ces connaissances.

Laissez dans l'oubli confondus
Mon nom et mes vers inconnus.
Heureux qui ne fait de sa vie
Compassion ni jalousie!

Il n'en est pas de même de vos vers.

Par vos immortelles chansons,
Les matières les plus pesantes
Deviennent légères, brillantes,
Comme ces coloris profonds
Que le soleil, par ses rayons,
Rend égaux aux couleurs les plus resplendissantes.

Ce n'est pas tout : la grande science du poëte est de marier si parfaitement les saillies de son imagination avec les préceptes de son art, que cela fasse un ensemble d'une vivacité sans écarts et de règles pratiquées sans pédanterie.

Chez vous la nature ingénue
Se réunit aux lois des arts.
L'une, sans gêne, est toujours nue;
L'autre, observant certains égards
Et n'évitant que les écarts,
Pour règle sait plaire à la vue.
Ainsi les pilotes prudents
Dirigent les enfants d'Éole
Sans l'aiguille de leur boussole,
Et savent gouverner et profiter des vents.

Vous me croyez peut-être désœuvré, en recevant une si longue lettre et tant de mauvais vers à la fois; il n'en est pourtant pas tout à fait ainsi.

Malheur à tous les rois qui ne sont plus que rois,
Absorbés dans leur greffe, imbus de leurs exploits,
Qui, tristement perchés sur le sommet du trône,
Ou dévorent la messe, ou s'endorment au prône,
Et qui de l'étiquette ont conçu la fureur,
Esclaves enchaînés aux bords de leur grandeur!
Il faut savoir descendre et monter au théâtre,
<6>Varier le ton grave avec le ton folâtre,
Loin de représenter, dans sa niche enchâssé,
Un saint par les bigots sur un autel placé,
Solitaire ennuyeux et sombre personnage,
Nourri d'un vain encens, d'un éternel hommage.6-a

Vous me ferez plaisir de m'envoyer ces vers du mois de novembre dont vous me parlez; je les crois égarés à la poste. Adieu; j'attends ces vers et votre réponse.

3. AU MÊME.

Berlin, 28 décembre 1748.

J'ai bien reçu dans son temps, monsieur, votre lettre du 10 avril dernier et le discours de votre réception à l'Académie française.6-b Je vous remercie de l'attention que vous avez eue de me l'envoyer, et je l'ai lu avec grand plaisir. Vous avez, ce me semble, tiré de votre sujet tout le parti dont il était susceptible, et cet ouvrage, si difficile à faire pour avoir été fait si souvent, a pris dans vos mains tous les agréments que les grâces de votre style et de votre esprit pouvaient lui prêter.

L'Académie de Berlin doit être sensible à la remarque que vous faites sur le silence du directeur qui vous a répondu; c'est une suite de votre zèle et de votre bonne volonté pour une compagnie qui s'est plu à couronner la première vos talents. Mais je crois qu'elle ne partage pas l'espèce de dépit que vous montrez si obligeamment pour elle. Elle doit, se renfermant dans ses principes et mes intentions, être aussi indifférente sur les louanges qu'attentive à les mériter.

Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait, monsieur, en sa sainte et digne garde.

<7>

4. AU MÊME.

Potsdam, 4 avril 1750.

Monsieur, j'ai reçu votre lettre avec grand plaisir. Votre ode, pour être arrivée tard, ne m'en a pas paru moins bonne, et j'accepte bien volontiers l'augure que des vœux aussi heureusement exprimés semblent m'annoncer pour cette année. Cet ouvrage est peut-être un des plus parfaits qui aient été faits en ce genre. Je n'y vois de défaut que d'y être trop loué; mais, si je blâme le peu de ressemblance du portrait, je ne puis m'empêcher d'admirer la beauté du tableau, et, pour ne rien dérober aux applaudissements qui vous sont dus, ce beau morceau, puisque vous le souhaitez, sera lu dans l'Académie.7-a

Je ne me rappelle pas d'avoir fait aucune correction à l'ode que je vous ai adressée. En tout cas, je vous l'envoie telle qu'elle a été retrouvée dans mes archives poétiques. Vous êtes le maître de la faire imprimer, et je consens également que vous publiiez mes lettres. Je doute très-fort cependant qu'elles puissent soutenir le grand jour et la comparaison de vos ouvrages; c'est mettre mon bavardage dans un voisinage trop dangereux. Mais, puisque cela peut vous flatter, je veux bien en courir le risque. On verra aisément que mon objet, en vous écrivant, est moins de quêter des louanges que de vous marquer mon admiration et mon estime.

5. AU MÊME.

Potsdam, 10 septembre 1769.

Ma surprise a été bien agréable en recevant votre charmante lettre, à laquelle je ne m'attendais guère. Je vois avec plaisir que vous n'avez pas oublié un de vos anciens admirateurs et délaissé le Parnasse, comme on me l'avait dit si souvent. Vous au<8>riez eu le plus grand tort du monde d'abandonner un art que vous avez tant embelli, et certes je ne sais pas comment vous auriez pu vous justifier devant les Grâces, vos fidèles amies, qui vous ont si tendrement assuré que vous n'auriez jamais de successeur. Elles vous invitent aujourd'hui à quitter votre silence et votre chaumière pour soutenir l'honneur de la littérature française, qui va s'éclipser. N'oubliez jamais que vous n'avez besoin que de parler le langage de votre génie pour opérer ce que les Grâces exigent de vous, pour fixer les regards et intéresser le goût des sages.

Quant à l'affaire de Laurent et Toirons,9-a dont vous me parlez, je suis entré dans leurs plans avec toute l'envie possible de les aider et de les mettre à même de ne point regretter leur patrie. Si tout est allé contre mon attente et les secours considérables que je leur ai donnés à différentes reprises, ils doivent s'en prendre à eux-mêmes et à leurs arrangements. La justice examine leur cause; elle les traitera avec cette équité dont je ne souffrirai jamais qu'elle se départe. Mais, en décidant moi-même sur une affaire qu'elle a prise à soi, je manquerais à ma façon de penser et à l'équité. Cette loi, que tout m'impose, m'empêche seule de faire pour vous dans cette affaire tout ce que je désirerais. C'est vous dire combien j'aimerais à vous prouver, dans tout autre cas que ce qui est du ressort de ces lois et de la justice, le cas infini que je fais de vous et de vos recommandations.

Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

<9>

6. AU MÊME.

Berlin, 27 septembre 1769.

Ce sera toujours avec un plaisir nouveau que je recevrai et que je lirai vos ouvrages. Souvenez-vous de votre promesse, et que j'aie bientôt ce poëme dont vous me parlez.

Les lettres m'auront obligation de ce que je vous ai engagé à courir de nouveau une carrière où vous avez eu tant de succès.

Je vous l'ai dit et je vous le répète, les affaires des Toirons sont entre les mains de la justice. Je ne puis les évoquer à moi sans manquer à ce que j'ai établi.

Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

GRESSET AU MARQUIS D'ARGENS.

Amiens, 26 septembre 1747.

Permettez-moi, monsieur, de venir vous importuner et vous demander une grâce dont je vous aurai une obligation infinie. Je cherche à remédier par toutes les voies possibles au travestissement sous lequel l'impudence et la friponnerie des imprimeurs m'ont fait courir le monde jusqu'à présent. On me mande d'Amsterdam qu'on m'y barbouille encore actuellement, et que c'est à la réquisition de plusieurs libraires d'Allemagne qu'on va joindre cette mauvaise édition à toutes les précédentes, que je désavoue également. Vous êtes à portée, monsieur, de me sauver le cours qu'elle pourrait avoir en Allemagne; si vous voulez bien faire insérer dans les journaux de Berlin et de Leipzig la lettre imprimée que j'ai l'honneur de vous envoyer, je vous devrai un service essentiel et toute ma reconnaissance. Je voudrais de tout mon cœur trouver l'occasion de vous la prouver et pouvoir vous être bon à quelque chose à Paris; je serai toujours à vos ordres. Me permettrez-vous aussi, monsieur, de vous confier mes <10>craintes et mes espérances sur la plus chère et la plus flatteuse de toutes mes pensées? Suis-je assez heureux pour que S. M. le roi de Prusse daigne encore m'honorer de la protection et des bontés dont ses lettres m'ont flatté? Je n'ai point osé depuis longtemps importuner S. M. par les miennes;

Quis posset dignum pollenti pectore carmen
Condere pro rerum majestate?11-a .....

Si vous vouliez bien, monsieur, renouveler mes très-humbles hommages au Roi et tous les sentiments de mon respect et de mon admiration, vous pourriez m'instruire s'il me sera permis d'envoyer à S. M. la comédie11-b que j'ai donnée cette année au théâtre, et qui ne sera imprimée que quand on la redonnera cet hiver. Tous les arts et tous les talents doivent au maître, au génie qui les éclaire, leur tribut et leur hommage, hommage également au-dessus de l'inutile fiction et de la basse flatterie.

Ce culte servile et frivole
Que l'adulation rend aux titres, aux rangs,
Déshonore à la fois l'usage des talents,
Et le sacrifice, et l'idole.
Que de rois chantés dans leur temps
Par les vils flagorneurs de leur petite gloire,
Et bientôt disparus avec leurs complaisants,
Et leurs autels, et leur mémoire!
Pour qui la vérité brûle-t-elle l'encens?
Quel est l'heureux tribut qu'avoueront les sages?
C'est celui des êtres pensants,
Offert au monarque des sages.

Si vous jugez ces vers dignes d'un instant d'attention, ayez la bonté, monsieur, de les montrer à S. M. et de m'apprendre s'ils ont eu la gloire de lui plaire.

Il y a déjà quelque temps que madame la duchesse de Chaulnes m'a chargé de la lettre que vous trouverez ici. Je n'ai pu la faire partir que fort longtemps après sa date, vu que je ne fais que de <11>recevoir cette lettre imprimée, que je recommande à vos bontés. Je vous réitère, monsieur, tous mes remercîments et toutes mes excuses de la peine que je vous donne. Disposez entièrement de mes services et de ma reconnaissance. Je suis charmé d'avoir cette occasion de vous renouveler les témoignages de mon estime la plus distinguée et les regrets que je partage avec ma patrie sur votre éloignement. J'ai l'honneur d'être avec une parfaite considération, etc.

<12><13>

II. LETTRE DE FREDERIC A M. STEINBART. (16 MARS 1770.)[Titelblatt]

<14><15>

A M. STEINBART.

Potsdam, 16 mars 1770.

Votre pièce15-a et la lettre qui l'accompagnait me sont parvenues. Je vous vois avec plaisir entrer dans mes vues et plaider avec force et avec netteté les droits et les avantages de la vertu. En prenant l'amour-propre pour principe de la morale, je n'ai point prétendu exclure les autres principes. Je sais trop bien qu'on ne saurait avoir assez d'appui pour fonder la morale et de motifs pour porter les hommes à la pratiquer; qu'un principe qui fera son effet sur quelques-uns ne sera pas senti par d'autres. Ainsi j'approuve votre méthode et le principe que vous ajoutez au mien pour donner à ce dernier le degré de force que vous y désireriez. Mais, s'il faut, comme vous le dites, une plus grande autorité aux lois de la conscience pour soustraire les hommes aux limitations arbitraires que l'esprit s'efforce d'imaginer, pourquoi ceux qui trouvent cette autorité dans la religion qu'ils croient et qu'ils professent expliquent et limitent-ils à leur fantaisie, et selon le plus ou le moins de profit apparent, les obligations que la probité leur impose? Voyez votre administrateur.15-b Il est chrétien, calviniste peut-être, ou luthérien, et il se fait dans de certaines circonstances une morale bien opposée à celle qu'il envisage comme divine. Il serait utile de bien lever cette difficulté, et très-important de rechercher la meilleure manière de former les <16>hommes, pour que l'amour-propre, soutenu, si vous le voulez, de votre principe, fasse sur eux, dans toutes les circonstances de leur vie, l'impression la plus prompte, la plus sûre, la plus générale et la plus constante. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

<17>

III. LETTRES DE FRÉDÉRIC A LA COMTESSE DE SKORZEWSKA. (22 OCTOBRE 1768 - 20 JUILLET 1770.)

<18><19>

1. A LA COMTESSE DE SKORZEWSKA.

Potsdam, 22 octobre 1768.



Madame la comtesse de Skorzewska,

La nouvelle que vous me confirmez, par votre lettre en date d'hier, de votre heureuse arrivée ici avec le comte votre époux m'a causé un vrai plaisir. Je compte d'avoir la satisfaction de le voir cette après-midi, comme je vous en ai déjà fait avertir, et vous pouvez être assurée d'avance que les comtes Trembinski, étant vos neveux, seront, de même que tous ceux qui vous appartiennent, agréablement accueillis de ma part. Sur ce, etc.

2. A LA MÊME.

Potsdam, 25 octobre 1768.



Madame la comtesse de Skorzewska,

Votre obligeante lettre du 23 de ce mois m'a été fidèlement rendue, et je suis extrêmement sensible à tout ce que vous me dites19-a de poli et d'obligeant sur l'accueil que j'ai fait à votre époux et à vos neveux. Quoique leur mérite personnel leur ait concilié toute mon estime, je ne saurais cependant vous dissimuler que l'avantage qu'ils ont de vous appartenir a beaucoup augmenté le plaisir que j'ai ressenti de faire leur connaissance; et je regrette véritablement que, par un excès de votre discrétion, je n'aie pas joui de celui de vous voir et de vous faire connaître tout le cas que je fais de votre mérite. J'espère que vous ne me refuserez pas cette <20>satisfaction une autre fois, et que vous profiterez plutôt de la première occasion pour me la procurer. En attendant, vous pouvez être persuadée qu'on ne saurait rien ajouter à la part distinguée et parfaite que vous avez en mon estime. Sur ce, etc.

3. A LA MÊME.

Berlin, 3 janvier 1769.



Madame la comtesse de Skorzewska,

Persuadé comme je suis que les vœux que vous avez formés en ma faveur sont l'interprète fidèle de vos sentiments, je les reçois avec reconnaissance, et je n'en fais pas de moins ardents pour votre bonheur et pour votre prospérité. Rien ne vous manquera, s'ils sont exaucés, et j'aurai en même temps la satisfaction de vous faire voir souvent que j'y prends l'intérêt le plus vif et le plus sincère. Sur ce, etc.

4. A LA MÊME.

Potsdam, 20 juillet 1770.



Madame la comtesse de Skorzewska,

Je sens toute la vivacité de votre juste douleur à la vue de la maladie qui, selon votre lettre du 15 de ce mois, menace les jours de votre époux. Épouse chérie, tendre mère, ces noms qui faisaient autrefois vos délices ne sauraient, dans ce moment terrible, qu'augmenter vos tourments. Je souhaiterais bien pouvoir y apporter quelque adoucissement; mais ma philosophie ne refuse pas à la nature ses droits respectables, et ne blâme pas les agitations dont votre cœur est déchiré. Tout ce qui me reste, c'est de par<21>tager votre affliction avec vous, de former des vœux pour la conservation de votre époux, et de vous renouveler les assurances que je ne discontinuerai jamais de vous accorder, et à vos enfants, ma bienveillance et protection royale. Sur ce, etc.

AUX ENFANTS DE LA COMTESSE DE SKORZEWSKA.

Potsdam, 19 novembre 1773.

La mort de votre mère m'a sensiblement touché. C'était une personne de mérite, et dont les talents et les qualités personnelles me rendront la mémoire à jamais précieuse. Mais je sens en même temps tout ce que ce coup a d'accablant pour vous. A peine relevés de la juste douleur de la perte de votre père, cette mort vous ravit encore l'unique appui et le meilleur guide de votre jeunesse, et cette situation excite toute ma compassion. Ne vous abandonnez cependant pas trop à ces tristes idées. Votre religion peut apporter quelque adoucissement à votre affliction et la tenir dans de justes bornes, et, s'il vous faut encore d'autres ressources, vous les trouverez dans cette protection et cette bienveillance royale dont jouissait feu votre mère, et que je suis tout disposé à transmettre sur ses enfants. Sur ce, etc.

AUX MÊMES.

Potsdam, 26 novembre 1773.

N'ayant aucune connaissance des motifs qui ont engagé mon collége des pupilles à s'opposer à votre retour à Margonin, je vais en prendre des informations précises, pour voir ce que je pourrai faire en votre faveur. En attendant, etc.

<22>

AUX DAMES DE GARCZYNSKA ET DE GORZENSKA, NÉES DE SKORZEWSKA, A MARGONIN.

Potsdam, 5 février 1783.

J'ai reçu la lettre que vous avez bien voulu me faire en date du 27 de janvier dernier, touchant l'éducation de votre frère. Les États d'ici étant proprement ceux où chacun est élevé dans la religion à laquelle il appartient, et n'y ayant aucun pays où l'on soit moins gêné à cet égard que dans celui-ci; que d'ailleurs l'éducation y vaut infiniment mieux que celle qu'on peut recevoir en Pologne, et votre frère se trouvant outre cela mon vassal et n'avoir ainsi nul besoin de la langue polonaise, je ne vois pas de motif valable pour mettre empêchement, comme vous le désirez, à l'éducation qu'on veut lui donner. Ne pouvant donc pour cette fois déférer à votre demande, je me borne à prier Dieu, comme je fais, qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

A MADAME DE CIECIERSKA, A MARGONIN.

Potsdam, 6 février 1783.

L'endroit de l'éducation du jeune comte Skorzewski23-a est indifférent au Roi, pourvu qu'elle se fasse, non dans l'étranger, mais dans les États de S. M., qui ne manquent point de pareils établissements. D'ailleurs, il va sans dire qu'on doit faire un bon choix, et ne confier ce jeune homme qu'à des personnes capables de bien former son esprit et son cœur, en un mot, de lui donner une bonne et raisonnable éducation. C'est aussi dans ce sens que S. M. a donné ses ordres au grand chancelier de Canner, à Berlin, auquel la dame de Ciecierska, grand'mère et tutrice dudit jeune comte, peut s'adresser.

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IV. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC M. DARGET. (MAI 1749 - 6 SEPTEMBRE 1771.)[Titelblatt]

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1. A M. DARGET.

Potsdam, mai 1749.

Votre bavard, votre importun de maître,
Sans vous laisser le temps de respirer,
De procéder ni de vous reconnaître,
En se hâtant finit de griffonner
Le gros fatras, l'insipide volume
Dont accoucha sa trop féconde plume.
Dans le donjon portez ce bout-rimé,27-a
Et qu'en dépit d'Apollon et des Muses
Dans quelques jours je le voie imprimé.
Je vous en fais mes sincères excuses,
Mais tout poëte a l'esprit entiché,
Soit qu'il s'en cache, ou que le sot l'avoue,
De ses beaux vers, que personne ne loue;
Car tout bon mot avec peine arraché
D'un cerveau sec paraît œuvre plus chère
A son auteur, qui l'aime en tendre père,
Et s'applaudit de s'en voir accouché,
Qu'un grand triomphe obtenu de justice
Ne paraissait au valeureux Maurice.27-b
Envoyez donc à monsieur l'éditeur
Ce plat morceau, qui fera la clôture
Du bavardage et de la bigarrure
Dont franchement j'ai regret d'être auteur.

<26>

2. DE M. DARGET.

Berlin, 20 mai 1749.



Sire,

Je reçois dans ce moment des lettres de Paris, que j'ai l'honneur de mettre sous les yeux de V. M. Elles contiennent des nouvelles littéraires et des détails sur M. de Voltaire, dont j'ai pensé que V. M. ne serait pas fâchée d'être instruite.

M. d'Arnaud m'écrit que le voyage de M. de Voltaire pourrait bien être reculé jusqu'au mois de septembre, temps des couches de madame du Châtelet. Il m'indique en même temps un nouveau livre en un volume, dont les connaisseurs font grand cas; il est intitulé : Voyage pittoresque, ou indication de ce qu'il y a de plus beau en sculpture, en peinture et en architecture dans Paris. V. M. ordonne-t-elle que j'écrive au sieur d'Arnaud d'envoyer ce livre?

On ne perd pas un instant, Sire, pour l'impression du poëme; mais je crains bien qu'il ne puisse pas être fini à la fin de ce mois comme je l'avais espéré d'abord, parce que, au lieu de vingt-deux feuilles, il en occupera vingt-huit, et cela, parce qu'il y a des pages qu'il faut un peu élaguer pour amener la fin des chants justement au revers des feuilles; sans cela les culs-de-lampe et les vignettes se trouveraient mal placés, et l'ouvrage serait sans grâce. En vérité, Sire, je fais tout de mon mieux pour que l'édition réponde à la beauté de l'ouvrage; mais cela est très-difficile et au-dessus de mes talents et de ceux de l'imprimeur.

J'ai reçu, Sire, une lettre de M. Petit, qui est toujours à la suite de cette soubrette; mais il désespère de pouvoir la réduire à sept cents écus d'Allemagne. On la dit jolie et spirituelle; V. M. n'aura-t-elle pas la bonté de lui accorder huit cents écus, si elle ne veut pas absolument venir à moins? J'attends ses ordres là-dessus pour donner au sieur Petit une réponse décisive.

Le libraire Néaulme m'a enfin répondu sur l'édition de l'Ovide;29-a il pense que les Élégies amoureuses, celles du Pont, l'Art d'aimer, <27>le Remède d'amour, les Fastes et les Tristes, réunis ensemble et en un seul volume, ainsi que V. M. l'ordonne, le rendraient trop gros et, par là, d'un format peu agréable. Il propose de partager ces six morceaux en deux volumes d'égale grosseur, même impression et même format que l'Horace;29-b il demande quatre cent trente écus d'Allemagne, dont la moitié d'avance, étant, dit-il, hors d'état d'entreprendre cet ouvrage par lui-même. Je supplie V. M. de me faire savoir ses intentions à cet égard. Je suis avec le plus profond respect, etc.

3. A M. DARGET.

Potsdam, 24 mai 1749.

Votre lettre m'a bien été rendue, et je vous sais bon gré de la communication de vos nouvelles littéraires. Je voudrais que vous me fissiez venir de Paris les Mémoires du chevalier Temple,29-c les Lettres du cardinal d'Ossat,29-d et l'Essai sur le commerce, par Melon, et son roman politique.29-e Faites venir, de plus, les Commentaires de César, de la belle édition de Londres, in-folio, et le Dictionnaire de l'Académie française, in-quarto.30-a Je désire que cette commission soit bien soignée. Quand je demande un livre, j'entends qu'on doit me l'envoyer en choisissant la plus belle, la plus correcte et la plus précieuse édition. Cela est clair, cela est <28>simple; il n'y a que les Thieriots qui ne le comprennent pas. Je ne veux point du livre des peintures de Paris, à cause que je crains la séduction. Je vous suis obligé des soins que vous prenez de mon poëme; il devra toute sa beauté à l'éditeur. Quant à la soubrette de Paris, si elle ne veut de mon argent, je me moque de son minois; enfin je ne trouve point à propos d'augmenter l'argent destiné à l'entretien de la comédie. Ce peuple d'histrions est comme la mer, qui reçoit le tribut de mille rivières, sans en avoir jamais assez et sans se remplir davantage.

4. DE M. DARGET.

Berlin, novembre 1749.



Sire,

Je n'ose point parler à Votre Majesté de ma douleur, causée par la mort de mon épouse; j'en suis pénétré à un point que je ne saurais rendre, et qui, si Dieu, le temps et vos bontés, Sire, n'y font point d'effet, va faire de ma vie un tissu de peines et de misères. Je ne me rendrai point sans combattre; mais, si les remèdes que je tenterai trompent mes souhaits, j'espère de l'humanité de V. M. qu'elle permettra que j'aille cacher mes larmes dans une retraite éternelle et laisser à quelqu'un de plus heureux et de plus tranquille que moi le bonheur de la servir comme un aussi bon et digne maître mérite de l'être. Je suis, etc.

5. A M. DARGET.

Potsdam, 10 novembre 1749.

Ne vous abandonnez point à la douleur; si vous êtes raisonnable, vous devez penser que nous ne sommes point immortels, que la vie est courte, et que, pour le peu de temps que nous <29>avons à vivre, ce n'est pas la peine de nous affliger. Les événements sont au-dessus de nous, et c'est se rendre criminel que de murmurer en philosophe contre les lois de la nature et en chrétien contre la volonté de la Providence. Pensez que le ciel ne vous enlève qu'une partie de ce qu'il vous a donné, et que c'est lui faire injure que de mépriser tous les dons qu'il vous laisse encore. Vous avez un fils; c'est votre devoir de penser à l'élever et à lui donner une bonne éducation. Toute votre douleur est perdue; ceux qui sont morts l'ignorent, et les vivants exigent de vous que, après les premiers mouvements, vous lui donniez de justes bornes. Au lieu de vous abandonner à votre affliction, songez à vous distraire. Dès que vous aurez arrangé ce qu'il faut, venez ici; je n'exige rien de vous, sinon que vous vous dissipiez. Le sort de l'humanité est de naître et de mourir; qui s'étonne en voyant arriver ces événements marque qu'il n'a jamais raisonné sur son état. Arrachez vos yeux de l'objet qui vous accable; voyez autre chose. Montaigne dit très-bien que tout dans ce monde a deux anses, une bonne et une mauvaise,31-a et c'est de la façon que nous prenons ces anses que les choses nous affectent. Je sens toute la douleur qui vous accable; mais, indépendamment de cela, je crois que l'esprit que vous avez vous doit faire gagner du temps pour vous consoler. Ne serions-nous pas bien fous, si nous nous désespérions de ce que le jour d'hier est passé? Il s'en passera encore tant d'autres, sans qu'aucun d'eux ne revienne! C'est dans ce moment-ci que vous devez montrer que vous êtes homme, et vous vaincre vous-même. L'Écriture dit que qui peut se subjuguer est plus fort que celui qui emporte des forteresses.32-a Adieu, mon bon Darget; puisse mon sermon faire impression sur votre esprit, et lui rendre le calme dont il a sûrement grand besoin!

P. S. Je vous envoie deux morceaux qui font, selon mon calcul, cinq pages d'impression; les autres cinq suivront dans peu; <30>mais, en relisant mon poëme, j'y ai trouvé tant de fautes et de choses à corriger, que je suis résolu de faire une édition châtiée de toutes les pièces du premier volume.

6. AU MÊME.

Potsdam, 1750.

Je vous renvoie mon Épître corrigée en tous les points. J'ai laissé harcela, pour voir ce que Voltaire en pourra dire; il faut lui laisser le plaisir de reprendre quelque chose. A présent, ayez la bonté de la faire copier, et, s'il se peut, de me la remettre demain. Malheur, mon pauvre Darget, au secrétaire d'un poëte, et maudit, et damné de Dieu, qui toujours versifie! Mes hémorroïdes saluent affectueusement votre v......

7. DE M. DARGET.

Stettin, 7 septembre 1750.



Sire,

En vain veut-on courir l'un et l'autre hémisphère
Pour calmer sa douleur et dissiper ses rats;
On ne change que de climats,
Et l'on garde son caractère.

Je l'éprouve, Sire, et j'aurais bien mieux fait de suivre le conseil que V. M. a bien voulu me donner, et de rester à Berlin, que de venir promener ici ma mélancolie et ma mauvaise santé. J'ai été attaqué, en arrivant, d'un mal de gorge fort incommode, et la fièvre s'y est jointe, de manière que, au lieu de me réjouir avec mes anciens amis, comme je l'avais pensé, je suis obligé de <31>faire des remèdes pour me mettre en état de revoir M. de Voltaire le 12, ainsi que je le lui ai promis.

V. M. verra, par la lettre que je joins ici, l'emploi qu'il fait de son temps, combien il est occupé du bonheur de vivre auprès de vous, et la manière dont il vous aime. Vous connaissez mieux les hommes que moi, Sire, vous possédez supérieurement ce don si essentiel à la place que le ciel vous a confiée; mais, ou je me trompe cruellement, ou V. M. règne dans l'âme de cet autre Virgile comme elle mérite de régner dans l'esprit et dans le cœur de tous ceux qui ont le bonheur de l'approcher et d'admirer en elle et l'homme, et le roi. Je ne le dissimule point à V. M., je fais les vœux les plus vifs pour que M. de Voltaire lui reste, parce que je n'imagine personne dans le monde plus nécessaire à sa vie privée et à ses occupations. Vous verrez, Sire, par sa lettre, comme il prend à cœur tout ce qui intéresse votre gloire. Il n'a assurément pas cru que je la communiquerais à V. M.; c'est un secret aussi que je la supplie de me garder. Mais j'ai pensé qu'elle serait bien aise de connaître comme il s'exprime sur ce qui la regarde, dans ces moments où il est tout à son enthousiasme. Je me flatte que V. M. ne désapprouvera pas ma liberté; elle n'est qu'une suite de mon zèle et de la vérité que je lui dois et que je lui ai vouée pour toute ma vie, comme à un maître que j'aime, j'ose le dire, et que j'admire au delà de toute expression. C'est avec ces sentiments que je suis pour jamais, avec le plus profond respect, etc.

8. A M. DARGET.

Avril 1752.

En vérité, mon bon Darget, je crois que je verrai revenir ici un mamamouchi.34-a Dieu sait quelles singulières idées passent par la tête de vos compatriotes. L'ordre de Saint-Jean de Latran est si <32>méprisé en Italie, qu'on l'achète pour quarante écus. Ce n'est pas la peine de vous faire faire mamamouchi, vous n'avez qu'à vous faire couper six cheveux de tonsure; cela est plus court, et on rira moins d'une tonsure que d'un ordre qui ne donne aucun lustre. Vos médecins français entendent parfaitement, à ce que je vois, l'art de vous faire rendre bourse. Vous reviendrez ici comme vous êtes parti, et vous ne guérirez que par l'exercice; c'est ce que mon ignorance ose vous assurer.

Voltaire s'est conduit ici en faquin et en fourbe consommé; je lui ai dit son fait comme il le mérite. C'est un misérable, et j'ai honte pour l'esprit humain qu'un homme qui en a tant soit si plein de malfaisance. Je me recommande au souvenir de M. le chevalier. Pour Dieu, si vous vous faites mamamouchi, avertissez-m'en d'avance; je pourrais mourir de rire en vous revoyant, ce qui ne serait pas décent.

9. AU MÊME.

Potsdam, juin 1752.

J'ai reçu votre lettre, et je vous prie de défendre à votre esprit de recevoir des impressions de mélancolie. Vous serez reçu ici de même que vous avez été congédié à votre départ, et je serai même assez bon de vous plaindre, au lieu de rire de ce que vous avez dépensé votre argent mal à propos en France. Je ne vous ferai pas même souvenir que je vous ai prophétisé tout ce qui vous est arrivé, et, en cas que vous soyez devenu mamamouchi de Saint-Jean de Latran, je n'en rirai pas même, pourvu que j'en sois averti d'avance. Adieu, mon bon Darget; je vais à l'Opéra.

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10. AU MÊME.

Potsdam, 6 juillet 1752.

Votre lettre est bien noire, mon bon Darget; guérissez une fois des chimères qui vous attristent. Je vous jure que personne ne parle de vous, ni ne médit de vous, ni ne vous calomnie; mais c'est un sang épais qui circule mal dans votre bas-ventre qui envoie ces vapeurs sombres dans votre cerveau. Demeurez donc en France jusqu'en septembre. Vous ne me croyez jamais; je vous ai bien dit que l'air de Paris n'était que l'air d'une grande ville, que les médecins de ce pays-là sont des charlatans comme les nôtres, et qu'il n'y a de remède pour vous que l'exercice. Mais vous ne me croyez jamais que lorsque vous en êtes au repentir. Vous viendrez ici la bourse vide et les hypocondres enflés, et vous aurez appris, à votre grande consolation, que ce n'est point les hémorroïdes, mais un scorbut invétéré qui fait le malheur de votre vie; voilà ce qu'on profite à voyager. Adieu; trémoussez-vous beaucoup, prenez peu de drogues, et choisissez la Pâris36-a plutôt que Vernage et Astruc36-b pour votre médecin, Arlequin pour votre apothicaire, et Scaramouche pour votre baigneur.

11. AU MÊME.

Potsdam, 31 juillet 1752.

Voilà de vos visions hypocondres, mon bon Darget; personne ne m'a parlé de vous ni en bien, ni en mal. C'est de vous que j'apprends que vous avez vendu de la vaisselle; je vivais en sé<34>curité sur ce point, et ne m'en doutais pas. Bannissez donc des chimères qui vous rendent la vie amère, et apprenez de vos compatriotes à être gai et content.

Vous me parlez de deux sujets dont je ne connais que le premier, auteur des Mœurs.37-a Je vous en laisse le choix; prenez celui qui est le plus doux, le plus gai, et dont l'humeur est la plus égale, et offrez-lui la place de La Mettrie avec les conditions y annexées que vous savez. Le pauvre Maupertuis ne va pas bien; je souhaite qu'il reprenne, mais je commence à douter. Tâchez de vous lier avec d'Alembert pour voir s'il voudrait mordre à notre hameçon, et mandez-moi ce que vous en pensez, savoir, s'il y a quelque chose à faire, ou non. Au moins, n'allez pas suer la v..... par plaisir; souvenez-vous de ce que je vous ai dit des médecins, et sachez que, dans ce pays, où l'on dit que l'air est si mauvais, il vient, ces jours passés, de mourir une vieille réfugiée âgée de quatre-vingt-dix-huit ans, et un homme de cent deux ans. Restez donc, puisque la Faculté l'a résolu, à Paris jusqu'au mois de septembre, mais tenez la main sur la bourse, car les Astruc et les Senac37-b aiment encore mieux les espèces que leur malade.

Je suis bien obligé à ces messieurs dont vous me parlez de s'intéresser à mon individu sans me connaître; ma réputation serait en l'air, s'ils m'avaient parlé un quart d'heure. Voilà ce que c'est que de n'être pas connu. Peut-être que, si la belle Hélène reparaissait, au lieu de lui faire la cour, on lui jetterait des pommes cuites au nez; peut-être que, si nous avions parlé au cordonnier de Trajan, il ferait évanouir une partie de la haute opinion que le monde a de lui. Ah! mon cher Darget, qu'ils sont fous ceux qu'une réputation naissante éblouit! C'est un poids bien pesant qu'un nom trop tôt fameux.

Adieu; je vous souhaite des courses de garde-robe deux fois par jour, d'abondantes urines, et de ces mouvements agréables de la nature qui vous assurent de votre virilité.

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12. AU MÊME.

Potsdam, août 1752.

J'ai trouvé un lecteur, mon cher Darget; ainsi je n'ai besoin ni des Morand, ni des Moncrif, ni des Mouhi. L'abbé de Prades a une poitrine qui m'usera les oreilles avant que je l'use, et c'est tout ce qu'il me faut. Je vous plains d'avoir une bougie dans le v .. et des abcès dans la vessie; il faut opposer de la fermeté à la souffrance, et chasser la mélancolie à force de gaieté. Pensez à mes conseils, et pratiquez-les autant que cela se pourra. Le pauvre Maupertuis ne va pas bien; j'ai lieu de craindre que nous ne le perdions. Je ne sais que d'Alembert qui puisse le remplacer; voyez ce qu'il y aurait à faire. Je ne crois pas qu'il soit d'humeur à se confesser, et il pourrait mener une vie douce et heureuse à Berlin; essayez, sondez le terrain, orientez-vous, et poussez-lui une botte à tout hasard. La Touche est arrivé ici; il nous convient infiniment mieux que le mylord.38-a Dieu me le pardonne, j'ai une aversion pour la gent anglaise dont je ne saurais me corriger; ce sont les iniquités du monarque qui rejaillissent sur son peuple. Je pars dans quelques jours pour la Silésie, et j'espère de vous voir ici à mon retour. Que la santé est précieuse, et qu'il en coûte à l'art de la pharmacie pour faire pisser un Darget! Vale.

13. DE M. DARGET.

Paris, 18 septembre 1752.



Sire,

Si jamais il a été permis à un malheureux de se plaindre, c'est assurément à moi. Je suis pénétré des bontés de V. M., je les ai mises à l'épreuve. Elle m'a accordé la grâce de venir travailler <36>ici au rétablissement de ma santé; j'y suis depuis près de six mois. Douleurs, assiduité, dépense, j'ai tout sacrifié pour réussir; tout cela a été inutile, je ne me trouve pas mieux. On assure que c'est le scorbut, mêlé de virus, qui m'accable; on me demande encore jusqu'en janvier pour le détruire par des remèdes doux, mais sûrs, et qui ont besoin de cet air-ci pour avoir leur entier effet. Le médecin qui veut m'entreprendre n'exige d'être payé qu'après le succès; ma famille me presse de me mettre entre ses mains, et le veut sous peine d'exhérédation. Mes amis me sollicitent, l'amour de la vie m'en fait presque une loi; on ne me donne pas deux années à vivre, si je retourne avec mes maux. Mais je n'ai rien promis, et ne puis rien promettre; je dépends de vous, Sire, et j'en dépends bien plus encore par mon attachement et ma respectueuse reconnaissance que par le devoir. Ma situation est cruelle; je voudrais vivre, et je crains de déplaire à V. M. et de lasser ses bontés et sa patience. Mais le public ne sait pas, et vous l'ignorez peut-être vous-même, Sire, à quel point il faut vous être attaché quand on a le bonheur de vous connaître; et, si je vous sacrifie le risque de ma vie, on donnera plutôt cette démarche à l'intérêt et à l'ambition qu'à l'attachement, qui en est pourtant le vrai motif. Je ne veux aussi m'en rapporter qu'à V. M. même; je la supplie d'entrer dans ma situation, de fixer mon irrésolution, peine la plus cruelle de l'âme, et j'ose lui demander son conseil comme au meilleur esprit que je connaisse, et ses ordres comme au meilleur maître du monde; et ce sera sans répugnance que je les exécuterai, soit pour rester ici, si vous avez encore la bonté de m'accorder cette dernière grâce, soit pour retourner, dès que j'aurai reçu les ordres de V. M.; et la difficulté des chemins, la saison, mon état de faiblesse, rien enfin ne m'effrayera. Je remplirai la volonté de V. M., et, si je péris dans cette entreprise, je périrai au moins, à ma manière, au lit d'honneur.

J'ai fait auprès de M. d'Alembert les démarches que V. M. m'a prescrites. Il sent tout le prix de la place que vos bontés lui destinent, il en est pénétré de reconnaissance; mais l'amour de la patrie, la jouissance d'une vie absolument libre, la crainte de perdre le commerce de ses amis, une santé délicate qui ne se sou<37>tient, selon lui, que par l'air natal, tous ces motifs l'emportent sur le sort brillant qui l'attendrait à Berlin. Mais je lui dois, et à la vérité, d'assurer V. M. qu'il ne regrette uniquement que de ne pouvoir pas l'approcher, et j'en suis d'autant plus fâché, qu'il le mérite plus qu'un autre. C'est un homme rare pour l'étendue des connaissances, les qualités du cœur et les dons de l'esprit; mais c'est un philosophe fidèle à ses principes, et qui ne connaît d'autres biens que la vie et la liberté, tel enfin que serait V. M., si le ciel ne l'avait pas fait naître un grand roi. Il n'a qu'un revenu très-modique, et il se promet bien, Sire, d'aller en jouir dans vos États, si jamais la mauvaise humeur des théologiens le met dans la nécessité de quitter une patrie qu'il aime et dont il est chéri. Il sent que c'est sous vos lois seules qu'un philosophe doit chercher un asile; cette idée est celle de tous les gens qui pensent.

Je dînai dernièrement chez M. de La Tour avec un homme que je vis pénétré de tous les sentiments que l'on doit à V. M.; c'est M. de Frey-Chapelle, ancien vice-grand écuyer du roi d'Angleterre, à Hanovre. Je crois qu'il mettrait son bonheur à appartenir à V. M., s'il pouvait être employé utilement à son service. Il me paraît homme sensé et de mérite, versé dans la connaissance des chevaux et la direction des haras. Des gens de ses amis m'ont dit qu'on lui avait offert bien des places dans quelques cours; mais il n'en voudrait aucune qui pût satisfaire l'espèce de ressentiment qu'on a pour lui à celle de Hanovre. Il est catholique romain, mais il me paraît homme sans préjugés, et avoir un fonds de zèle et d'admiration infini pour V. M. Elle a été la source de ma liaison avec M. de La Tour, qui fait, Sire, la profession la plus ouverte de vous être dévoué.

J'attendrai ici avec obéissance, résignation et impatience les ordres qu'il plaira à V. M. de me donner sur tout ce qui était l'objet de cette longue lettre, pour laquelle j'ose demander à V. M. sa patience et son indulgence. Je suis, etc.

<38>

14. A M. DARGET.

Septembre 1752.

Vous voyez, mon bon Darget, qu'il n'y a qu'heur et malheur dans ce monde. Vous gémissez de l'affliction de votre v....., Maupertuis se plaint toujours de sa poitrine, et Voltaire de son scorbut, tandis que votre écuyer hanovrien se porte bien, et veut travailler à la propagation de ces animaux que les Espagnols appellent Alfane, et dont le nom vient en étymologie directe d'Éole.42-a Pour moi, qui ne fais point f..... de cavales pour m'amuser, je n'ai pas besoin de votre écuyer hanovrien, et je vous demande à cor et à cri un géomètre qui ne veut pas de moi. Si cet homme savait le projet que nous avons formé pour l'avancement de la raison humaine, je gage qu'il viendrait ici pour se joindre à quelques adeptes qui raffinent cet or.

Je suis fort content de mon petit hérésiarque anathématisé qui me sert de lecteur.42-b En vérité, Potsdam devient le tripot d'excommuniés, et, admirez la Providence! le tonnerre n'y donne pas, tandis qu'il foudroie les lieux saints et les églises.

Essayez, crédule Darget, de la science des charlatans de Paris, de la vertu de l'air natal et de la puissance de sainte Geneviève, et satisfaites les vœux de la signora Martha, Maria et Salomé; mais je crains fort que vous reviendrez comme vous êtes parti. Mon opinion est toujours la même sur votre maladie; de l'exercice, de l'exercice, et vous guérirez. Adieu; puissent les vœux d'un excommunié, d'un hérétique téméraire, sentant l'hérésie, avançant des propositions malsonnantes, blasphématoires, erronées, fléchir la nature en votre faveur, et vous rendre une partie de cette gaieté qui, dans votre nation, dégénère en folie, etc.

<39>

15. AU MÊME.

Potsdam, avril 1753.

Je crains fort, mon pauvre Darget, que vous n'ayez lieu de vous repentir de votre voyage en France. Vous avez passé par les mains d'une demi-douzaine de charlatans qui ont achevé de ruiner votre santé; vous n'aviez que des obstructions dans le bas-ventre, que toutes sortes de remèdes contraires à ce mal ont augmentées, et, à en juger selon ce que vous me mandez, je crains fort que la poitrine ne soit entamée, et, en ce cas, il n'y a guère d'espérance que je vous revoie jamais.

Je ne m'étonne pas qu'on parle chez vous de la querelle de nos beaux esprits. Voltaire est le plus méchant fou que j'aie connu de ma vie; il n'est bon qu'à lire. Vous ne sauriez imaginer toutes les duplicités, les fourberies et les infamies qu'il a faites ici; je suis indigné que tant d'esprit et tant de connaissances ne rendent pas les hommes meilleurs. J'ai pris le parti de Maupertuis,43-a parce que c'est un fort honnête homme, et que l'autre avait pris à tâche de le perdre; mais je ne me suis pas prêté à sa vengeance comme il l'aurait souhaité. Un peu trop d'amour-propre l'a rendu trop sensible aux manœuvres d'un singe qu'il devait mépriser après qu'on l'avait fouetté. Pour moi, qui vas mon train ordinaire, je suis fort content de mon petit hérésiarque, qui, quoi qu'en dise la Sorbonne, est un bon garçon, et je m'occupe tout doucement à l'étude.

Si vous voyez le gros marquis,43-b dites-lui que je m'intéresse toujours à lui, et que notre gros bon sens, à ce que dit Montesquieu, rend notre nation constante dans ses attachements.

Adieu, mon pauvre Darget. Je crains fort de recevoir de mauvaises nouvelles de votre santé; cependant je souhaite de me tromper, etc.

<40>

16. DE M. DARGET.

Paris, 11 juin 1753.



Sire,

J'ai plus consulté mon zèle et mon courage que mes forces quand j'ai espéré retourner aux pieds de V. M. Mes accidents subsistent toujours avec les symptômes les plus inquiétants; l'humeur se porte alternativement de la région de la vessie à la poitrine, et je vois bien que c'est pour toute ma vie que je suis réduit à un état aussi malheureux. J'avais discontinué les remèdes, pour reprendre les forces nécessaires à mon voyage; la malignité de l'humeur qui m'accable ne veut point d'intervalle dans la manière d'être attaquée, et on me menace de plus grands accidents, si je quitte mon air natal, la seule ressource qui me reste dans un état aussi cruel. Je sens bien moi-même que c'est seulement ici où je puis végéter peut-être encore quelques années, et je me vois forcé, Sire, de renoncer au bonheur de reparaître aux yeux de V. M., ou, par de nouveaux délais, de fatiguer encore sa patience, dont mes sentiments pour elle me font toujours trembler de n'avoir que trop abusé. Que V. M. daigne se rappeler les bontés dont elle m'a comblé depuis près de huit ans, l'état sûr et honorable dont je jouissais auprès d'elle, les espérances dont je pouvais me flatter; qu'elle se rappelle enfin la vérité de mon dévouement par la connaissance qu'elle a de mon caractère, et elle verra que l'amour de la vie et l'espoir de la prolonger est le seul objet auquel je puisse sacrifier des avantages qui remplissaient si bien et ma sensibilité, et mon ambition. V. M. me plaindrait, si elle voyait l'état où je suis en lui écrivant cette lettre. Par combien d'objets ne suis-je pas déchiré! Je ne puis me faire à l'idée de perdre à jamais vos bontés, Sire; daignez me les continuer, je ne cesserai jamais de les mériter. Je tiendrai toujours à V. M. par mes vœux, par mon attachement, par ma reconnaissance, et j'irais avec empressement vouer de nouveau mes services à V. M., si ma santé pouvait se rétablir d'une manière constante. Je voudrais, Sire, ne cesser d'être votre domestique qu'en cessant de vivre, et je voudrais ne vivre que de vos <41>bienfaits; ce bonheur comblerait toutes les espérances que je puis former encore. Dieu m'est témoin que je ne les ai mises qu'en V. M. Je connais trop son bon cœur pour ne pas espérer qu'elle ne m'abandonnera pas, et pour ne pas compter au moins sur sa protection et sur son appui dans les occasions où je pourrais l'implorer. Il est digne de vous, Sire, de montrer du souvenir et de la bonté pour un domestique que son malheur arrache d'auprès de vous. Je me mets aux pieds de V. M. pour la supplier de m'accorder un congé qui réponde à la satisfaction qu'elle a bien voulu me marquer de mes services, et qui me soit un témoignage qu'elle ne m'accable point de sa disgrâce. Mon zèle, ma fidélité et mon attachement ne l'ont jamais méritée; j'en renouvelle les aveux à V. M., et c'est avec ces sentiments et le plus profond respect que je suis et serai jusqu'au dernier moment de ma vie, etc.

17. A M. DARGET.

Le 26 juin 1753.

Je suis fâché, mon bon Darget, que votre mal vous mette hors d'état de revenir chez moi. Je vous envoie ce congé que je ne vous aurais jamais accordé, si vous ne me l'aviez demandé. Vous me trouverez toujours porté à vous faire plaisir dans tout ce qui sera de ma compétence. Je souhaite de tout mon cœur que vous vous remettiez, et je vous remercie bien sincèrement de tous les services que vous m'avez rendus.

P. S. Je vous laisserais volontiers le fatras de mes sottises; mais il pourrait s'égarer après votre mort, et vous savez à quel point je crains de passer pour poëte.46-a

<42>

18. AU MÊME.

Potsdam, 1er décembre 1753.

J'ai reçu la lettre que vous avez bien voulu m'écrire le 7 du mois dernier, et je suis tout à fait sensible aux sentiments d'attention que vous vous empressez de me marquer. Je reçois tout ce qui me vient de vous avec plaisir, et vous pouvez être assuré de mon souvenir et de l'estime que je conserve à votre égard, malgré votre absence.

Il dépendra toujours de vous de retirer votre fils auprès de vous pour lui donner une bonne éducation sous vos yeux, et vous n'avez qu'à vous arranger à ce sujet, car je n'empêcherai jamais qu'il ne soit rendu à votre tendresse.

Je vous tiendrais au reste très-volontiers compte si vous vouliez quelquefois, selon votre convenance, me marquer de temps en temps quelques nouvelles, et, dans ce cas, vous n'avez qu'à adresser vos lettres au marquis d'Argens, etc.

19. AU MÊME.

Berlin, 7 janvier 1754.

Je suis très-persuadé de la sincérité des vœux que vous faites pour moi et de votre attachement à ma personne. Vous m'avez approché assez longtemps pour me faire connaître la bonté de votre cœur, qui vous a toujours mérité mon estime. Je vous souhaite de tout mon cœur une meilleure santé. Vous me ferez plaisir de vous joindre à mon agent pour me chercher un danseur; mais, si vous en trouvez un, ne concluez rien sans m'en donner avis. Chassez la mélancolie, et tâchez de vous mettre en état de jouir du monde, qui vous aime peut-être plus que vous ne l'aimez, etc.

<43>

20. AU MÊME.

Potsdam, 25 février 1754.

La goutte est un grand mal, mon cher Darget, mais l'hypocondrie est le pire de tous. Si ces humeurs goutteuses soulagent votre foie, c'est un bien que d'avoir la goutte; ce petit tribut doit se payer à l'âge, qui nous éloigne sans cesse du moment de notre origine, et qui nous entraîne vers celui de notre destruction. Mais vous pourriez prendre ma lettre pour un extrait des quatrains de Pibrac, si je la continuais sur le même ton. Vous m'avez fait grand plaisir de me mander des nouvelles de Paris et de celles du poëte;48-a son caractère me console des regrets que j'ai de son esprit. Cet hiver a été épouvantable; vous avez fort bien deviné que je resterais enfermé dans ma chambre, où, à dire le vrai, je suis plus solitaire que je ne voudrais. Notre société s'en est allée au diable; le fou est en Suisse, l'Italien48-b a fait un trou à la lune, Maupertuis est sur le grabat, et d'Argens s'est blessé le petit doigt, ce qui lui fait porter le bras en écharpe, comme s'il avait été blessé à Philippsbourg48-c d'un coup de canon. C'est la plus grande nouvelle de Potsdam; ne m'en demandez pas davantage. Je vis avec mes livres, je converse avec les gens du siècle d'Auguste, et bientôt je ne connaîtrai pas plus les gens de ce siècle-ci que défunt Jordan ne connaissait les rues de Berlin. On dit ici que vous aurez la guerre; j'en serais fâché pour votre marine; il lui fallait au moins encore trois ans pour paraître avec avantage vis-à-vis celle d'Angleterre. Mais, qu'on fasse la guerre <44>ou la paix en Amérique, il y a encore du chemin avant que l'incendie se communique à nos frontières.

Adieu, mon bon Darget; je ne vous apostropherai pas d'un grand Je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde.

21. AU MÊME.

Potsdam, 23 mars 1754.

Je vous remercie des danseurs que vous m'avez procurés. Vous savez l'accueil que j'ai toujours fait aux officiers français qui sont venus dans mes États; c'est pourquoi vous ne devez pas douter que M. de Quincy, dont vous me parlez dans votre lettre, ne soit reçu avec la même bonté, et que je ne lui accorde la même protection et la même bienveillance.

Donnez-moi des nouvelles de Voltaire, lorsque vous en aurez, de quelque espèce qu'elles soient. Je vous sais bon gré de l'attention que vous avez à me donner des marques que vous m'êtes toujours attaché, etc.

22. AU MÊME.

Potsdam, 1er avril 1754.

Je suis bien fâché, mon pauvre Darget, que vous soyez toujours au lit; vous voyez bien que ce n'est pas le climat qui en est cause, mais la maladie que vous portez avec vous. Il me faut encore un troisième danseur et danseuse; ne pourrait-on pas trouver à Paris quelque drôlesse aux yeux fripons, au minois gentil, à la taille élégante, et qui voulût venir cabrioler sur notre théâtre de Berlin? Ce serait une obligation de plus que je vous <45>aurais. Croiriez-vous bien que Voltaire, après tous les tours qu'il m'a joués, a fait des démarches pour revenir? Mais le ciel m'en préserve! Il n'est bon qu'à lire, et dangereux à fréquenter. Le marquis ci-présent50-a vous fait ses compliments, et, pour moi, je vous assure que je ferai toute ma vie plus de cas de votre cœur que de tout l'esprit des beaux esprits. Vale.

23. DE M. DARGET.

Vincennes, 27 avril 1754.



Sire,

Le bonheur de marquer à Votre Majesté mon zèle et mon dévouement me ferait faire des miracles, et c'en serait peut-être un que de trouver une danseuse telle que V. M. la demande. Quand ces filles-là sont d'une aussi jolie figure, Paris est pour elles un Pérou qu'elles ne veulent point abandonner. Quoi qu'il en soit, Sire, les intérêts de votre théâtre sont remis au sieur Petit, agent de V. M., et j'ose l'assurer que personne n'est plus capable que lui de conduire ces sortes de négociations. Il est juste qu'il en ait tout l'honneur, puisqu'il en a toute la peine, et il m'a fait sentir que ce serait nuire à sa besogne que de vouloir le seconder.

Je sais qu'il va partir incessamment pour Berlin un nommé de Caen, horloger; c'est un excellent ouvrier, et V. M. fait en lui une excellente acquisition.

Je ne suis point surpris des démarches de M. de Voltaire pour retourner auprès de V. M. Il a l'esprit trop beau pour ne l'avoir pas raisonnable une fois en sa vie; mais votre répugnance, Sire, est également fondée, puisqu'il a eu le malheur de vous manquer essentiellement. Ce que V. M. a bien voulu m'écrire là-dessus m'a fait d'autant plus de plaisir, que l'on avait débité ici qu'elle avait marqué quelque envie de le revoir. Je sais même que le <46>président51-a en avait été fort effrayé. Je crois que l'on saura un jour des choses bien singulières sur tout cela, que l'obscurité dérobe encore. Quoi qu'il en soit, Sire, votre gloire triomphe et triomphera toujours de tout. On est autorisé à s'amuser des choses agréables quand on en fait continuellement d'utiles, et c'est d'après celles-ci que les princes sont jugés par les sages et par la postérité. Que l'Épître à votre esprit,51-b Sire, ne peut-elle être publique! V. M. doit permettre qu'on la lui dérobe quand elle voudra publier la meilleure de toutes les apologies.

On assure ici que M. de Voltaire passera tout l'été à Plombières, et qu'il se fixera ensuite à Strasbourg; il a fait des démarches pour aller à Lunéville, mais sans succès. Tout ce qui tient à ce pays-ci ne se prêtera jamais à rien qui paraisse s'éloigner de la considération particulière que l'on aime à y marquer à V. M.

Il est vrai, Sire, que ma santé est toujours fort dérangée; cet hiver a été et trop rude, et trop long; tous les climats se sont ressemblés. D'ailleurs, V. M. sait mieux qu'aucun autre à quel point les âmes sensibles sont affectées de tout ce qui les environne. Ce don malheureux de la nature n'est point affaibli chez moi, et le souvenir des bontés de V. M. se représente très-souvent à mon cœur et à mon esprit de la manière la plus attendrissante; la grâce que vous daignez me faire, Sire, en me les continuant, redouble encore cet attendrissement. J'ose supplier V. M. de ne pas m'en retirer les témoignages. Je compte toujours fermement sur la protection qu'elle a daigné me promettre; c'est sur votre appui, Sire, que je fonde les plus fortes espérances. Il est dans la bonté du cœur de V. M. d'aimer que je lui doive mon bonheur, même dans l'éloignement, et il redoublera de prix pour moi quand je le tiendrai d'elle.

Je joins ici la copie de deux lettres qui font grand bruit à Paris, et qui sont authentiques.

Je suis avec le plus profond respect, Sire, etc.

<47>

24. A M. DARGET.

Le 13 mai 1754.

Je vous suis fort obligé, mon bon Darget, des peines que vous vous donnez pour mon théâtre, et je ne doute pas que vos pieuses intentions ne lui portent bonheur. Vous rirez, malgré votre hypocondrie, en apprenant qu'au même jour je reçois des lettres de Maupertuis et de Voltaire, remplies d'injures qu'ils se disent. Ils me prennent pour un égout dans lequel ils font écouler leurs immondices. J'ai fait faire une réponse laconique au poëte, et je me suis contenté de faire souvenir le géomètre que son esprit sortait du centre de gravité au nom du poëte. Je rends grâces au ciel de n'avoir pas les passions aussi vives que ces gens-là, sans quoi je ferais la guerre toute ma vie. Le flegme de nos bons Allemands est, quoi qu'on dise, plus sociable que la pétulance de vos beaux esprits. Il est vrai, de votre propre aveu, que nous sommes pesants, lourds, et que nous avons le malheur d'avoir du bon sens; mais, s'il vous fallait choisir un ami, chez qui le prendriez-vous? L'esprit, mon cher Darget, est un fard qui cache seulement la difformité des traits; le bon sens, moins brillant, par sa justesse même, porte à la vertu, et sans vertu point de société. Mais je ne devrais pas moraliser avec votre hypocondrie; aussi ne le ferais-je pas, si je ne vous savais dans un pays où vous pouvez avoir toutes les dissipations capables de faire évanouir les vapeurs de ma morale. Adieu, mon cher; pissez bien et soyez gai; c'est là tout ce qu'il y a à faire pour vous dans ce monde, etc.

25. DE M. DARGET.

Vincennes, 10 juin 1754.



Sire,

Je n'aurais jamais pensé, je l'avoue, que Votre Majesté eût encore été incommodée de la querelle de MM. de Maupertuis et <48>de Voltaire; ce malheureux procès n'a que trop duré. Mais mon hypocondrie a été véritablement égayée par ce que V. M. veut bien me dire si agréablement, que ces messieurs la prennent pour un égout dans lequel ils font écouler leurs immondices. Je vois par cette expression que V. M. ne s'affecte et ne s'est jamais affectée de ces démêlés que comme il convenait à la supériorité de son génie et de son rang; et c'est une vérité dont la démonstration est si peu indifférente ici à sa gloire personnelle, que j'ai osé me permettre l'indiscrétion de faire part de ce qu'elle a eu la bonté de m'écrire à ce sujet à quelques personnes occupées de tout ce qui touche V. M. Ce qu'elle ajoute ensuite vient aussi à la preuve de ce que je dis avec tant de plaisir de son caractère. Le voici, Sire; vous aimerez à relire ce que vous exprimez si bien : « L'esprit est un fard qui cache souvent la difformité des traits; le bon sens, moins brillant, par sa justesse même, porte à la vertu, et sans vertu point de société. » Ces traits, Sire, peignent votre cœur, et la société gagne à connaître des cœurs tels que le vôtre. Aussi ces expressions ont-elles attendri ceux à qui je les ai montrées, et qui étaient capables d'aimer l'homme dans le grand roi. Il m'est revenu qu'elles avaient été jusqu'à M. de Maupertuis, et qu'il en était très-inquiété; mais c'est sans doute un ridicule qu'on lui prête, et il doit être charmé, par l'attachement que je lui connais pour V. M., qu'elle paraisse dans le public ne s'occuper de sa querelle que comme il devrait peut-être s'en occuper lui-même, c'est-à-dire, s'en amuser; il donnerait, à sa manière, la paix à son ennemi.

J'ai pensé qu'il était dans la respectueuse confiance que j'ai vouée à V. M. de lui rendre compte de ma conduite, qui pourrait être interprétée auprès d'elle d'une manière à altérer ses bontés pour moi, ce dont je ne me consolerais jamais. Mes vues sont droites et toujours dirigées par mon attachement pour vous, Sire. Ce motif doit aussi, j'ose le dire, engager V. M. à pardonner des fautes qu'un zèle trop vif pourrait me faire commettre. Mais ce qui sert à faire connaître ses qualités pour la société peut-il être un crime?

V. M. se souvient donc encore du plaisant panneau dans lequel elle me fit tomber un jour sur le chapitre des Allemands. Je suis <49>si éloigné de disputer la sûreté de leur commerce, que je publie hautement et journellement que je n'ai jamais eu le plus petit chagrin par eux auprès de V. M., et qu'il ne m'en a été causé que par les Français de la nation des beaux esprits, qui n'ont pu me pardonner de me conduire moins follement qu'eux. C'est exactement la seule espèce de peine que j'aie eue au service de V. M. Tous les agréments du pays que j'habite ne me dérobent point au souvenir des bontés de V. M. et aux sentiments du plus tendre et du plus respectueux attachement qu'exige de ma part la manière dont elle daigne me les continuer. Ce n'est que la droiture de mon cœur qui peut me les mériter, et j'ose vous jurer, Sire, que ce cœur-là vous sera toujours acquis et dévoué; daignez en permettre toujours et les aveux, et les hommages. Je suis, etc.

26. A M. DARGET.

Le 29 juillet 1754.

J'ai reçu votre lettre, mon bon Darget, après un tour que j'ai été faire en Franconie pour voir mes deux sœurs. Maupertuis est ici de retour, et ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est qu'il n'a point encore été question de Voltaire. Algarotti a pris la clef des champs; il s'établit à Venise, où il épouse une personne qui, dit-on, lui donne du bien. Voilà un grand dérangement dans la société, et vous autres me faites faire maison neuve malgré moi. Si vous voyez Valori, faites-lui mes compliments.

Je m'en vais à présent à Sans-Souci, où je prendrai les eaux tranquillement, sans entendre parler ni des querelles des dévots, ni des représentations des parlements, ni des envieuses intrigues des beaux esprits. Adieu, mon bon Darget; je vous souhaite gaieté et repos, mais surtout que vous pissiez bien, car point de salut dans ce monde avec des caroncules dans l'urètre.

<50>

27. DE M. DARGET.

Vincennes, 3 août 1754.



Sire,

La bonté de Votre Majesté la porte à me souhaiter du repos et de la gaieté; je n'ai pas plus de celle-ci qu'à Potsdam, et j'y pourrais avoir plus de repos qu'en tout autre endroit du monde, si j'avais eu de la santé et point de fils. C'est à ces deux objets que j'ai sacrifié le bonheur de ma vie, que mon attachement pour vous, Sire, me faisait trouver à vos pieds, et que le souvenir de ces moments-là troublera toujours, au milieu même des agréments que l'on peut goûter à Paris, si je réunissais jamais assez de fortune pour pouvoir me les procurer. Mais c'est ce dont j'ai grand lieu de douter, si la protection et l'appui de V. M. ne décident pas le ministère à faire quelque chose pour moi. C'est où je mets mon espérance, et je me flatte toujours que V. M., qui a daigné me le promettre, ne se refusera point à la réaliser, si l'occasion vient à se présenter.

M. de Voltaire est encore à Plombières, où ses nièces ont été le voir; on ne sait où il ira ensuite. Son séjour à l'abbaye de Sénones avec le célèbre Dom Calmet56-a avait fait débiter beaucoup de propos ridicules sur sa prétendue conversion. Mais il a envoyé quelques articles très-bien faits pour l'Encyclopédie à M. d'Alembert, et y a joint une lettre qui ne marque pas un homme subjugué par les préjugés.

C'est de V. M. que j'ai appris le mariage du comte Algarotti; elle perd en lui un homme fort agréable. S'il pense comme moi, ce sera avec grand regret qu'il a fait faire pour son compte maison neuve à V. M., expression qu'elle daigne employer si obligeamment elle-même.

La lettre que j'ai reçue de M. l'abbé de Prades m'a d'abord véritablement affligé, Sire, dans la crainte où j'ai été que l'édition de vos Œuvres ne fût égarée ou perdue, ce qui ne pourrait qu'inquiéter vivement V. M. Mais quelle apparence qu'une édition entière ait disparu? J'ai bien reconnu, par le petit format <51>in-quarto dont il est question, que V. M. a peut-être oublié qu'elle n'a fait tirer qu'un seul exemplaire de cette sorte pour sa petite bibliothèque de voyage; tous les autres, en grand papier, ont été exactement renfermés au château, à Berlin, dans l'imprimerie, suivant les renseignements que j'en ai donnés en répondant à M. l'abbé de Prades dans le moment que j'ai reçu sa lettre. Mon inquiétude cependant ne sera absolument calmée que lorsque je recevrai la confirmation de ma conjecture; c'est une grâce que j'attends de la bonté de V. M. Elle sait combien les peines d'esprit prennent sur un mélancolique tel que moi. Je souhaite bien vivement que les eaux qu'elle vient de prendre à Sans-Souci aient un effet salutaire; le plus ardent de mes vœux sera rempli.

Je ne puis finir, Sire, sans oser dire à V. M. combien deux choses qu'elle vient de faire ici ont eu une approbation générale : c'est la nomination de M. le baron de Knyphausen57-a pour son ministre, et le bienfait qu'elle accorde à M. d'Alembert.57-b Je sais bien que l'opinion du vulgaire ne décide pas V. M.; mais, comme disait madame de Sévigné à propos du mariage de son fils,57-c c'est toujours quelque chose quand le public est content. Puissiez-vous vivre longtemps, Sire, pour faire des heureux ou pour l'être! Le marquis de Valori est toujours plus sensible à l'honneur du souvenir de V. M., et se met bien sincèrement et respectueusement à ses pieds. Je suis, etc.

<52>

28. DU MÊME.

Vincennes, 5 octobre 1754.



Sire,

Ce n'est que par Votre Majesté que je puis espérer de la fortune et du bonheur, et l'occasion est arrivée où je puis tenir l'un et l'autre de sa bonté et de sa protection. Elle a daigné me le promettre, et j'y mets toute mon espérance.

M. de Séchelles, qui a été nommé contrôleur général des finances, et qui, en cette qualité, est ici le tribunal des grâces solides et pécuniaires, conserve pour V. M. tous les sentiments qu'il a pris à Prague, où il a eu le bonheur d'en être connu personnellement;58-a et je sais qu'il saisira avec empressement l'occasion de faire des choses qui soient agréables à V. M. Elle fera exactement ma fortune, si elle daigne m'accorder une lettre de recommandation pour ce ministre, dans laquelle elle veuille bien l'instruire des bontés particulières dont elle m'honore et de la satisfaction personnelle qu'elle ressentira, si M. de Séchelles veut bien me donner, à sa considération, un intérêt avantageux, soit dans les sous-fermes, soit dans quelques autres affaires de finances.

Cette grâce, Sire, sera victorieuse pour moi, et je devrai à V. M. le bonheur de pouvoir vivre tranquillement et librement partout où je le voudrai, et affranchi de la tyrannie des emplois, qui deviennent toujours difficiles et pénibles quand on a une santé aussi dérangée que la mienne. Je prierai encore très-respectueusement V. M. de prévenir M. le baron de Knyphausen de la protection qu'elle daignera m'accorder en cette occasion, afin qu'il soit autorisé à en demander les effets à M. le contrôleur général; et, dans le cas où V. M. ne crût pas devoir écrire à M. de Séchelles, ce qu'elle a cependant eu la bonté de faire plus d'une fois pendant le temps que j'ai eu l'honneur d'être à son service, j'ose la supplier d'ordonner à M. le baron de Knyphausen de me présenter à ce ministre de sa part, et de lui dire ce que j'ose supplier V. M. de lui écrire, et qu'elle eût la bonté d'en <53>parler au chevalier de La Touche. Mais, Sire, la lettre de V. M. serait d'une tout autre importance pour moi; et c'est parce que cette grâce est plus marquée que j'ose aussi la lui demander avec plus d'instance et plus d'espérance de l'obtenir. Que V. M. me permette de lui rappeler qu'elle a fait, par sa recommandation, la fortune du frère de M. de Maupertuis et de celui de M. de Chasot, qui n'avaient pas le bonheur d'être connus d'elle personnellement, et que, en me comblant de cette grâce, V. M. daigne récompenser un ancien domestique qui lui est toujours dévoué, et des services duquel elle a bien voulu paraître n'être pas mécontente. Cette recommandation, d'ailleurs, ne compromet point V. M., j'ose le lui jurer; il est d'usage que ces intérêts ne s'accordent qu'à la protection la plus puissante.

Comme ces objets de finances se traitent au voyage de Fontainebleau, je désirerais bien être à portée d'y aller présenter la lettre que j'attends de la bonté de V. M. avec la plus respectueuse confiance. Je suis, etc.

29. A M. DARGET.

Potsdam, 19 octobre 1754.

J'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite le 5 de ce mois, et je serai bien aise de pouvoir contribuer quelque chose à votre fortune. Pour cet effet, je donnerai mes ordres à mon ministre à Paris, le baron de Knyphausen, de vous présenter à M. de Séchelles, et de vous recommander de ma part comme un ancien et bon sujet qui m'a servi avec zèle et attachement, et dont je souhaiterais avoir l'obligation d'un bon établissement dans sa patrie audit ministre. Je ne doute point que cela ne produise un bon effet, et je le souhaite d'autant plus, que je serai charmé de vous voir content et heureux.

<54>

30. DE M. DARGET.

Le 9 novembre 1754.



Sire,

J'attends de M. le baron de Knyphausen l'exécution des ordres qu'il doit recevoir de V. M., ainsi qu'elle a daigné me l'annoncer par sa lettre du 19 du mois dernier. Des bontés aussi marquées doivent avoir pour moi l'effet le plus avantageux, et surtout si V. M. veut bien en dire un mot à M. le chevalier de La Touche, afin qu'il écrive ici de conformité. Ma fortune sera votre ouvrage, Sire; j'espère que vous ne l'abandonnerez pas, et que, si cela est absolument nécessaire pour décider mon bien-être, V. M. daignera m'accorder une lettre directe pour M. de Séchelles. Elle connaît les hommes, et elle sait combien les choses qui leur deviennent personnelles de la part d'un grand roi et d'un grand homme ont droit de les intéresser. Je ne souhaite ce peu de fortune, Sire, que pour me procurer une liberté sans laquelle il n'est point de vrai bonheur, et de laquelle je ne ferai usage que pour aller porter quelquefois aux pieds de V. M. mes vœux, mon bonheur même et ma respectueuse reconnaissance. Cette espérance, Sire, est à la tête de tous mes projets, et j'ose supplier V. M. de ne pas détruire une idée qui m'anime et qui me soutient.

Je connais le goût de V. M. pour les ouvrages de Lancret,60-a et je joins ici un mémoire sur dix tableaux de ce maître dont j'ai déterminé un de mes amis à se défaire, s'ils peuvent plaire à V. M. Ce sont, de l'aveu de tout le monde, les plus agréables qui soient sortis de la main de ce peintre, tant pour la correction du dessin que pour l'agrément des figures. Si V. M. trouve bon de me donner quelques ordres à ce sujet, je les exécuterai avec la plus grande exactitude. Ces tableaux sont en si bon état, même pour les bordures, qu'il n'y aurait plus qu'à les mettre en place à leur arrivée.

M. de Voltaire est toujours en Alsace avec madame Denis, sa nièce. On remettra, cet hiver, sa Rome sauvée sur le théâtre; on attend, au retour de Fontainebleau, le Triumvirat, de Crébillon, <55>sur le succès duquel les avis sont partagés. Les comédiens en ont la plus grande opinion; mais ce qui est vrai, Sire, et qui ne le peut être que dans ce pays-ci, c'est que toutes les loges étaient retenues pour les premières représentations de cette tragédie, avant que les rôles en fussent distribués. Je suis, etc.

31. A M. DARGET.

Potsdam, 14 décembre 1754.

Je ne saurais faire pour vous ce que vous me demandez dans votre dernière lettre; je le crois d'ailleurs assez inutile, parce que M. de Séchelles verra bien aisément que je m'intéresse pour vous, dès que vous serez présenté par mon ministre.

Quant aux tableaux dont vous me parlez, je vous dirai que je ne suis plus dans ce goût-là, ou plutôt j'en ai assez dans ce genre. J'achète à présent volontiers des Rubens, des van Dyck, en un mot, les tableaux des grands peintres, tant de l'école flamande que de l'école française. Si vous en savez quelqu'un à vendre, vous me ferez plaisir de me l'indiquer. J'ai toujours les mêmes sentiments pour vous, et vous devez être persuadé que je vous rendrai service dès que cela se pourra.

P. S. Ne vous étonnez point de la mauvaise écriture de cette lettre; j'ai un chat de la Sorbonne qui me sert de secrétaire.

32. DE M. DARGET.

Le 24 décembre 1754.



Sire,

J'ai été présenté à M. de Séchelles, et il a reçu comme il le devait la respectable recommandation de V. M. J'espère qu'elle aura <56>pour moi l'effet salutaire que j'ai tant de lieu d'en attendre, surtout si M. le baron de Knyphausen la rappelle quelquefois à M. le contrôleur général. C'est ce que j'ose demander en grâce à V. M. de vouloir bien lui recommander, et aussi d'avoir la bonté extrême d'en dire un mot à M. de La Touche. Tout ce qui mène à la fortune, même médiocre, est si prodigieusement couru dans ce pays-ci, qu'il n'y a exactement que la force de la protection qui puisse l'emporter; et j'ai toutes les espérances du monde, Sire, qu'on ne refusera pas à celle dont V. M. m'honore les demandes modestes que je me propose de faire. Qu'il sera heureux pour moi, Sire, dans les sentiments qui m'attachent à V. M., de ne devoir mon aisance qu'à son appui et à ses bontés!

M. de Voltaire a été à Lyon, au passage de M. le duc de Richelieu. Il a fait sa cour à madame la M..., qui l'a reçu froidement.62-a Il a été accueilli faiblement des grands, craint des particuliers, et comblé d'éloges par le gros du public. On comptait qu'il y attendrait le retour du duc de Richelieu, qui sera le 10 janvier; mais, le 10 de ce mois-ci, il est parti au moment qu'on s'y attendait le moins, toujours accompagné de madame Denis, et il est allé s'établir au château de Prangins, dans le Pays de Vaud, domination de Berne, sur le lac et à six lieues de Genève. Ce château, qui est fort beau et dans la plus belle situation du monde, lui est prêté par le propriétaire, et l'on pense à Lyon que ce motif d'économie n'a pas peu contribué au parti qu'il a pris. Il a annoncé qu'il irait prendre les bains d'Aix-la-Chapelle; on en doute. Il fait actuellement à Genève une nouvelle édition de l'Histoire universelle, et l'on assure que la publication de la Pucelle ne tient presque à rien. Il ne dissimule à personne que son exil de ce pays-ci est éternel, si cet ouvrage devient public. Il s'est amusé à Lyon à faire jouer aux comédiens quelques-unes de ses tragédies; celle du Triumvirat, de Crébillon, qui fut représentée hier pour la première fois, et <57>avec un très-grand succès, va lui porter un coup très-sensible; on dit qu'il a lait sur le même canevas la Mort de Cicéron.

Le discours que M. d'Alembert prononça, le 19 de ce mois, pour sa réception à l'Académie française fut universellement applaudi et bien fait pour l'être; il y parla de V. M. comme tout le monde en pense.

Nous touchons, Sire, au renouvellement de l'année; j'ose me flatter que V. M. voudra bien me permettre, à cette occasion, de lui renouveler les assurances de tous les vœux que je fais et ferai toute ma vie pour sa santé. Ils sont une suite de ma respectueuse reconnaissance et de mon dévouement pour V. M. Je suis, etc.

33. DU MÊME.

Le 12 mars 1705.



Sire,

Le sieur Petit aura sans doute envoyé à Votre Majesté le catalogue des tableaux de M. Pasquier, ancien député du commerce de Normandie, et qui avait une collection des mieux choisies des différentes écoles; ce cabinet doit être vendu incessamment. On y trouve surtout la Léda du Corrége,64-a du cabinet du Régent, et que feu M. le duc d'Orléans fit pieusement couper en quatre morceaux, qui furent heureusement sauvés du feu par Coypel, qui ne put cependant en garantir la tête; il a rapproché ces morceaux, et la tête a été restituée par de Lien. Ce tableau, si beau par lui-même, et célèbre par ses aventures, sera poussé, dit-on, jusqu'à vingt-cinq mille livres. Il a environ six pieds de haut sur cinq de large; il tiendrait bien magnifiquement sa place dans la galerie que V. M. prépare.

M. de Voltaire s'est enfin décidé entre Genève et Rome; il vient de faire acheter par Cramer, son libraire, un bien de campagne fort beau et bien bâti, sur le lac de Genève, qu'il a payé <58>quatre-vingt-sept mille deux cents livres. Il en a avancé l'argent, et Cramer le lui a vendu à vie quarante mille francs. Il fait actuellement une édition complète, en cinq volumes, de son Histoire universelle. Il paraît fixé à demeurer dans ce pays-là, ainsi que madame Denis; ils y ont fait venir tous leurs meubles et tous leurs livres. Voilà des vers qu'il a faits sur la ville de Lyon :

Il est vrai que Plutus est au rang de vos dieux,
Et ce n'est pas tant pis pour votre aimable ville;
Il n'a point de plus bel asile.
Ailleurs il est aveugle, il a chez vous des yeux;
Il n'était autrefois que dieu de la richesse,
Vous en faites le dieu des arts.
J'ai vu couler dans vos remparts
Les ondes du Pactole et les eaux du Permesse.64-b

M. de Fontenelle a été à la mort; il en a rappelé, et, malgré ses quatre-vingt-dix-neuf ans, il dîne hors de chez lui tous les jours, comme il a fait toute sa vie. Son esprit est toujours gai, et il ne doit cet état qu'à la tranquillité de son caractère. Il n'y a pas trois ans qu'il fit cet impromptu :

Heureux qui ne connaît que ce drôle immodeste
Qui du sexe est toujours vainqueur!
On sait où le mettre de reste;
On ne sait où placer son cœur.

Cela est si plaisamment philosopher à quatre-vingt-dix-neuf ans, que je me flatte que V. M. me pardonnera de lui parler de cette polissonnerie.

Les comédiens français représentent avec succès la tragédie de Philoctète, de M. de Châteaubrun, auteur des Troyennes, que l'on donna il y a un an. Les caractères d'Ulysse et de Philoctète y sont heureusement rendus d'après Homère; cet ouvrage est semé de vers bien faits et de maximes admirables. Un financier dit l'autre jour, à propos de cette pièce : « Cela est assez beau, mais j'aime encore mieux le Sophocle d'Euripide. » Les plaisants <59>disent que ce sont les quatrains de Pibrac mis en action. Je n'ai point vu cette nouveauté, Sire; je suis retenu ici par une humeur de goutte qui s'est réunie à mes autres incommodités. Ma triste expérience me fait admirer bien plus qu'autrefois encore la tranquillité avec laquelle j'ai vu V. M. souffrir les douleurs de cette cruelle maladie. Puisse-t-elle en être préservée pour longtemps! Cet hiver est bien long, et je crains toujours pour votre santé, Sire, l'espèce de solitude à laquelle vous vous condamnez pendant cette saison. V. M. permettra bien à un ancien domestique, toujours également et respectueusement dévoué, de lui montrer à cet égard ses alarmes et ses vœux. Je suis, etc.

34. DU MÊME.

Le 8 juillet 1755.



Sire,

Pendant que Votre Majesté se promenait en Hollande dans un incognito qui a bien dû l'amuser, mais que les gens qui ne connaissent pas tout ce que V. M. peut faire n'imaginent jamais pouvoir marcher avec la royauté, j'étais à Liége, où j'ai consulté les plus habiles médecins sur mon état et sur l'effet que je pouvais attendre des eaux de Spa. Ils m'ont annoncé que je ne pouvais en faire usage qu'après deux mois ou six semaines au moins de remèdes et de régimes préparatoires; qu'il fallait, après, boire de la Sauvenière66-a pendant quatre semaines; et, comme tout cela ne pouvait pas s'accorder avec le temps de mon congé et l'état de mes finances, que d'ailleurs, Sire, grâce aux bontés infinies que vous avez daigné me marquer, la satisfaction et le mouvement que m'a occasionnés ce voyage m'ont donné plus de santé que je n'en ai eu depuis bien longtemps, j'ai pris mon parti de revenir tout doucement ici, puisqu'aussi bien j'avais rempli si délicieusement pour mon cœur l'objet principal de ma course.

<60>Je m'empresse, Sire, de me mettre de nouveau aux pieds de V. M., et de lui faire les plus respectueux et, s'il m'est permis de le dire, les plus tendres remercîments de la manière dont elle a bien voulu me recevoir. Quelle récompense, Sire, pour un dévouement aussi vrai et aussi sincère que celui que j'ai voué à V. M., et dont j'ose la supplier de voir toujours avec une égale bonté et les aveux, et les hommages!

J'ai tout lieu d'espérer que la nouvelle démarche que M. le baron de Knyphausen fera en ma faveur et suivant vos ordres, Sire, auprès de M. de Séchelles produira le plus heureux succès, et je proteste encore à V. M. que je ne désire de fortune que pour pouvoir être en état d'aller de temps en temps lui montrer l'objet de ses bienfaits et prendre à ses pieds de nouveaux motifs de l'aimer et de l'admirer. V. M. a bien voulu me le permettre et me le promettre en me congédiant à Wésel, et je la conjure de ne jamais rappeler de cette grâce.

Voilà, Sire, une Épître nouvelle de M. de Voltaire; je souhaiterais bien avoir le mérite de la nouveauté en l'envoyant à V. M. Il y a des choses charmantes, comme dans tout ce qui vient de lui. Il est dans la plus grande inquiétude sur le sort de sa Pucelle, dont il court des copies dans le monde, et qu'il tremble qu'elle ne soit imprimée; j'ai trouvé ici deux lettres de lui à cette occasion. Il me dit, dans une, avoir envoyé à V. M. le fils de Willelme,67-a qu'elle veut avoir pour son copiste, et qu'il lui a payé son voyage; enfin ses lettres sont toutes tendres et toutes bonnes : il croit avoir besoin de moi.

J'ai vu à Liége un cabinet de tableaux où il y en a deux ou trois qui mériteraient de passer dans la galerie de Sans-Souci; j'ai prié qu'on m'en envoyât le catalogue, sans dire l'usage que j'en voulais faire. Je le ferai parvenir à V. M., et, si ces tableaux peuvent lui convenir, j'ai là quelqu'un qui pourra, à la vente, les acheter avec la conduite que M. Mettra met ici dans ces sortes d'affaires.

J'ai déjà agi pour l'autre commission que V. M. a eu la bonté de me donner, et elle peut être assurée qu'elle sera faite le mieux <61>qu'il sera possible, à son entière satisfaction, dont on est véritablement occupé, et aussi à la manière de M. Mettra.

Je suis avec le plus profond respect, etc.

35. DU MÊME.

Vincennes, 22 août 1755.



Sire,

J'ai eu l'honneur d'écrire et de parler à Votre Majesté de l'Orphelin de la Chine, tragédie nouvelle de M. de Voltaire; on en donna avant-hier 20 la première représentation, et voici la manière dont les meilleurs esprits la jugent. L'exposition de la pièce est admirable, et l'intérêt si vif dès le premier acte, que, s'il allait, par proportion, en augmentant, on en suffoquerait; le troisième et le quatrième sont moins chauds; le cinquième, comme celui de la Rome sauvée, un peu précipité; mais on s'accorde à convenir que l'ouvrage est écrit supérieurement, qu'il y a beaucoup de vers faisant maximes, toutes prises dans le sujet, et de ces beautés de détail qui semblent n'appartenir qu'à Voltaire. Il y a cependant des longueurs que les chargés de procuration, M. d'Argental et autres, prennent sur eux de retrancher pour la seconde représentation; mais ils n'osent pas toucher aux vers qui devraient réunir ces lacunes, de façon qu'il y aura demain plusieurs endroits de quatre vers tout de suite masculins ou féminins. Gengis-Kan, tyran, est un personnage dans le goût de celui du Duc de Foix,68-a qui a tant intéressé V. M.; le rôle de la princesse est inimitable, ainsi que la Clairon, qui le joue.

Voilà, Sire, ce que l'on pense assez universellement. Il y avait de la cabale parmi les comédiens pour des rôles demandés et refusés; il y en a dans le public; mais tout a été obligé de céder aux applaudissements de la plus nombreuse et de la plus brillante assemblée.

<62>Il y a sur cet ouvrage une anecdote singulière, et qui prouve bien la justesse d'esprit de l'auteur dans ces matières. A la lecture qui en fut faite chez M. d'Argental par quelques comédiens et des gens de lettres et de goût, on convint qu'il fallait nécessairement changer le quatrième acte, dont on fit sur-le-champ l'arrangement, avant le départ du courrier. L'auteur, qui, de son côté, avait fait les mêmes réflexions, envoya un quatrième acte changé d'après ces remarques, et comme si elles lui eussent été communiquées. Marmontel revendique, dit-on, le canevas, comme étant celui de son Égyptus; on y trouve quelques situations prises de Polyeucte et d'Athalie; mais, quoi qu'il en soit, tout, jusqu'à présent, disparaît devant les beautés.

Un mal de gorge et des douleurs de rhumatisme, qui me retiennent dans ma chambre depuis quinze jours, m'ont empêché de profiter d'une place que j'avais dans une loge retenue, il y a plus d'un mois, pour cette première représentation. Le peu de santé que la satisfaction extrême et le mouvement de mon voyage à Wésel m'avaient procurée a été bientôt épuisée, et me voilà, Sire, retombé dans l'hypocondrie qui est inséparable d'un état de souffrance dans les âmes qui n'ont pas autant de force que celle de V. M. Mais la bonté de son cœur lui fait voir avec pitié dans les autres ce que son héroïsme lui ferait, dans l'occasion, vaincre avec courage en elle-même. Je sens, Sire, tout le besoin que j'ai eu et que j'ai encore de cette bonté-là, et j'ose en demander la continuation à V. M. comme un bienfait.

M. le comte de Gisors tomba il y a quelques jours, à Metz, dans une pièce d'eau; il s'y serait noyé sans un soldat du régiment des gardes lorraines, qui s'y jeta lui-même pour l'en retirer. C'eût été bien dommage qu'un homme qui, de l'aveu même de V. M., promet une aussi belle carrière, eût péri aussi malheureusement.

La Pucelle court les rues en manuscrit; il ne se peut pas qu'elle ne soit bientôt imprimée; l'auteur en montre une inquiétude qui diminuera beaucoup la joie du succès de l'Orphelin.

Je suis avec le plus profond respect, etc.

<63>

36. DU MÊME.

Paris, novembre 1755.



Sire,

J'avais grand besoin de la dernière lettre que M. l'abbé de Prades m'a fait l'honneur de m'écrire par l'ordre de V. M.; j'avais la plus douloureuse crainte de n'être plus dans le souvenir ni dans les bontés de V. M., et je m'en affligeais aussi sincèrement que j'ose lui dire que je sais l'aimer.

L'Orphelin de la Chine a perdu de son prix à l'impression; il y a des vers durs, d'autres que l'on trouve peu français. C'est au jeu de la Clairon que M. de Voltaire a dû les premiers succès de cette tragédie. La Pucelle, si peu chaste, mais si longtemps cachée, est une débordée qui court aujourd'hui les rues; on la propose dans les maisons à deux louis. L'auteur en a envoyé à Thieriot une copie qu'il a fort châtiée, mais qui n'est pas la bonne, celle de V. M.; les tristes voiles de la décence ne vont pas à cette belle-là.

On assure que M. le duc de Nivernois partira à la fin du mois.70-a V. M. connaît son esprit par plusieurs de ses ouvrages; elle aimera sa sagesse et sa modestie, qui, dit-on, va quelquefois jusqu'à la timidité. Mais V. M. sait que ce mérite et la plus haute naissance n'en affranchissent pas toujours, et elle réunit trop bien d'ailleurs tout ce qui peut en donner, pour n'être pas disposée à l'excuser.

J'ai vu, Sire, par les nouvelles publiques, tout ce que V. M. vient de faire d'agréable et de brillant dans les fêtes de Charlottenbourg.70-b Il me semble la voir retourner, après, délicieusement dans sa retraite de Potsdam. Ces choses-là m'affectent plus que toute autre lecture; je me place avec grand plaisir en des lieux où je vis si souvent en idée, et que je mets toujours dans mes espérances de revoir encore. Il ne faut pas moins que ces ressources de mon imagination, Sire, pour m'en imposer sur les réalités que j'éprouve.

<64>L'arrangement général qui vient d'être fait dans les finances éloigne pour longtemps peut-être l'effet des promesses de M. de Séchelles, et ma mauvaise santé rend mes besoins pressants. Daignez me renouveler votre puissante protection, Sire, je vous en conjure; un mot de V. M. à M. de Séchelles en ma faveur le déciderait à me donner un intérêt dans la ferme des postes, qui va se renouveler. Mais, si V. M. ne croit pas devoir lui en écrire directement, ce qui serait décisif, qu'elle veuille bien en marquer quelque chose à M. le maréchal de Belle-Isle, en écrire encore à M. le baron de Knyphausen, et enfin en parler avec le ton de l'intérêt et de la bonté à M. le duc de Nivernois. Ce n'est qu'en tremblant que je demande cette grâce à V. M., mais c'est à son bon cœur que j'en appelle. Elle daignera se prêter à assurer ma fortune et celle de mon fils par un mot qui, j'ose le lui dire, ne la compromettra pas. Je l'espère de votre bonté infinie pour moi, Sire, mais l'instant est pressant; ce renouvellement des postes se fera dans le courant de cette année, et il m'est de la plus grande importance de n'être pas prévenu. Si je manque cette affaire, qui est sûre, tranquille, et la seule peut-être qui me convienne, toutes mes espérances seront reculées au point d'être presque détruites. Si je ne suis pas assez heureux pour que V. M. m'accorde cette grâce, que je ne sois pas au moins assez à plaindre pour qu'elle ne me pardonne point d'avoir osé la lui demander. Je suis avec le plus profond respect, etc.

37. A M. DARGET.

Potsdam, 1er décembre 1755.

Je voudrais pouvoir faire pour vous ce que vous me demandez; mais vous auriez dû vous apercevoir que je ne pouvais pas parler de cette affaire au duc de Nivernois, et que le maréchal de Belle-Isle serait bien surpris, s'il recevait une de mes lettres où, au lieu de militaire, je lui parlasse de la ferme des postes. Vous savez, <65>d'ailleurs, que je ne souffre pas que personne se mêle de l'administration intérieure de mes États; je suis trop juste pour demander aux autres ce que je ne trouverais pas bon qu'ils me demandassent. Les services que vous m'avez rendus peuvent vous autoriser à me demander des grâces dans mon propre pays; mais, dès lors que je ne puis vous récompenser moi-même, il serait, je crois, indécent que je voulusse que d'autres le fissent. Demandez quelque chose qui dépende immédiatement de moi, et vous verrez que je n'oublie jamais ceux qui m'ont été attachés et que j'ai aimés.

38. DE M. DARGET.

Paris, 21 novembre 1755.



Sire,

On m'a remis un mémoire qui m'a paru assez important pour devoir être mis sous les yeux de V. M.; la manufacture de savon, dont il est question, pourrait faire un objet intéressant pour les États de V. M., où je crois qu'il ne s'en fabrique pas. Si le projet que l'on propose avait votre agrément, Sire, je mettrais les intéressés ici vis-à-vis du ministre de V. M. pour discuter leurs intérêts et ceux de ses sujets.

Je joins encore ici, Sire, la description de six tableaux qui m'ont été proposés, et qui sont des chefs-d'œuvre dans leur genre; si V. M. pensait qu'ils pussent lui plaire, je les ferais voir à M. le baron de Knyphausen, qui pourrait s'ajuster sur le prix avec le propriétaire, qui jusque-là ne veut pas être connu. Malgré la perfection de l'ouvrage, je crains que les sujets ne soient pas du goût de V. M., qui d'ailleurs ne m'a pas paru faire grand cas de la miniature.

La Pucelle est imprimée à Liége; on en a déjà des exemplaires ici, arrivés très-clandestinement. L'édition n'est pas belle, et est remplie de fautes, aussi bien que les copies manuscrites qui <66>fourmillent dans le public. V. M. trouvera le duc de Nivernois très-instruit sur toutes les anecdotes de notre littérature. Il est déjà entré ici, ainsi que M. le maréchal de Belle-Isle et madame de Pompadour, dans mes intérêts, sur la seule réputation que j'ai d'être un ancien domestique de V. M., auquel elle veut bien quelquefois penser encore. Que ne dois-je pas espérer, Sire, quand vous daignerez faire connaître à M. de Nivernois que je suis assez heureux en effet pour avoir encore quelque part dans le souvenir de V. M.! La suppression des sous-fermes a rendu les moyens de fortune si difficiles, qu'il n'y a que le poids de la protection qui puisse assurer des succès. Celle dont m'honore V. M. fait ma seule espérance, et j'ose lui en demander la continuation et les effets avec la respectueuse confiance dont elle a bien voulu me permettre l'usage. Je suis avec le plus profond respect, etc.

39. A M. DARGET.

Potsdam, 5 décembre 1755.

Je ne doute pas que les miniatures dont vous me parlez ne soient très-belles; elles sont, je l'avoue, d'après les dessins d'un grand maître. Mais je n'aime pas ce genre-là, et vous savez que je ne l'ai jamais aimé. Quant aux entrepreneurs de la manufacture de savon, ils sont absolument inutiles dans mes États; on y fait du savon dans toutes les villes, il y est à très-bon marché, et vous devez vous rappeler qu'on blanchissait très-bien votre linge. Je ne vous en sais pas moins bon gré du zèle que vous ne cessez de me témoigner, et soyez assuré que je serai toujours charmé, lorsque les circonstances me le permettront, de vous donner des marques de ma bienveillance.

<67>

40. DE M. DARGET.

Paris, 6 février 1756.



Sire,

Il paraît ici, mais fort mystérieusement encore, deux ouvrages qui sont également recherchés. L'un est un poëme intitulé Le Plaisir, que l'on donne à M. le duc de Nivernois, que je n'ai pas lu, et qui répond, dit-on, à la délicatesse de son goût et de son esprit, que V. M., si bon juge dans cette partie, est à présent à même d'apprécier. L'autre ouvrage est de M. de Voltaire; c'est un poëme en quatre chants, sur la Religion naturelle,74-a et qui ne laisse rien à désirer, ni pour la justesse des idées, ni pour la bonté de la poésie; c'est enfin, de l'aveu des connaisseurs, le morceau le plus complétement beau qui soit sorti de sa plume. Comme il est dédié à V. M., et qu'elle y est citée plus d'une fois à propos des principes qui y sont établis, je ne doute point que l'auteur ne l'ait envoyé à V. M. Cet ouvrage n'est point imprimé; il n'est pas même possible d'en avoir de copie.

Je n'ose parler à V. M. du sujet qui fait en ce moment l'entretien de toute l'Europe. Tout ce qu'il laisse envisager me pénètre plus que je ne pourrais l'exprimer. Ma destinée, Sire, m'a fait deux patries; je suis né citoyen zélé de l'une, la reconnaissance m'attache éternellement à l'autre; et je trouvais une satisfaction infinie à pouvoir former des vœux qui étaient toujours réunis dans leur objet. L'époque qui pourrait les séparer ne sortira jamais de ma mémoire, et m'intéressera toujours le plus sensiblement. Je supplie V. M. de permettre cet aveu au dévouement si sincère et si durable qu'elle me connaît pour elle. Je suis avec le plus profond respect, etc.

<68>

41. A M. DARGET.

Potsdam, 16 février 1756.

J'ai reçu vos deux lettres, datées toutes les deux du même jour et contenant les mêmes choses, à l'exception d'une, où vous me faites part de vos alarmes sur la convention de Londres; mais je suis surpris qu'un homme comme vous, accoutumé aux affaires, ait pris pour des faits vrais des discours et des raisonnements du peuple. Soyez tranquille, ma convention ne trouble en rien la bonne harmonie avec laquelle j'ai vécu jusqu'ici avec la France, et vous pouvez faire en toute sûreté des vœux pour ma prospérité sans trahir les intérêts de votre patrie. Je vous remercie, au reste, de l'attachement que vous ne cessez de me témoigner. Pissez à votre aise, mon pauvre Darget, et ne craignez rien pour l'Europe.

42. DE M. DARGET.

Le 2 mars 1756.



Sire,

Si jamais j'ai reçu une marque de la bonté infinie de Votre Majesté, c'est assurément dans la manière dont elle daigne me pardonner les deux lettres qu'elle a reçues de moi le même jour, et contenant les mêmes détails de littérature. Je ne puis justifier cette apparence d'étourderie, si éloignée de mon respect pour V. M., qu'en lui disant la vérité avec cette franchise qu'elle aime, et que je lui ai vouée.

Mes alarmes, Sire, sur la convention de Londres étaient puisées dans des sources plus pures et plus importantes que les propos du peuple, et, comme j'envoie cette lettre à Berlin d'une manière sûre, j'oserai dire à V. M. qu'il n'y a point d'efforts que les ennemis communs de la France et de V. M. n'aient faits dans cette occasion pour séparer absolument des intérêts qui sont si bien faits pour être réunis, et qu'il n'y a point aussi de moyen de séduction que l'on n'ait cherché à employer pour déterminer les esprits.

<69>Ce n'était point dans le fond de l'objet, Sire, que ces mêmes ennemis puisaient leurs dangereux arguments. On convient assez universellement que V. M. a fait ce que ses intérêts exigeaient sans doute pour le moment présent, en maintenant en Allemagne une tranquillité qui peut si bien servir à celle de l'Europe, au moins pour la guerre de terre. C'est sur la forme que l'on s'est efforcé d'aigrir les esprits, et il n'y a point, encore une fois, de propos que les ennemis communs, ou ceux qui tiennent à leurs intérêts, ne se soient permis pour couvrir du vernis le plus dangereux le mystère que V. M. a pensé devoir observer dans cette occasion avec notre cour.

C'est dans le fort de ces mouvements, et pénétré des conséquences que j'en voyais tirer par les personnes même les plus attachées ici aux intérêts de V. M., que j'osai lui écrire le 6 du mois dernier, à mon retour de Versailles; mais, comme je sentais bien qu'il pouvait ne pas me convenir de mettre de pareils objets sous les yeux de V. M., j'envoyai à M. le baron de Knyphausen mes deux lettres marquées différemment, en lui observant ce que j'osais mander à V. M. sur la circonstance présente, et que, quelque risque que je pusse courir vis-à-vis d'elle en prenant cette liberté, mon zèle m'y faisait livrer, s'il pensait qu'il fût essentiel aux intérêts communs que V. M. fût informée, même par d'autres que par lui, des impressions de notre cour dans ce moment-là. Ce ministre sait mieux qu'un autre, Sire, jusqu'où, sans manquer à mon pays, je porte l'étendue de mes sentiments pour V. M. J'avais marqué ces lettres différemment, afin qu'il jugeât lui-même, d'après ses propres réflexions, laquelle devait être envoyée, et qu'il brûlât l'autre. C'est sans doute par un malentendu de celui qui a fait le paquet que toutes les deux sont parvenues à V. M. Elle est instruite à présent de la vérité d'un objet qui a dû lui paraître si ridicule, qu'il ne fallait pas moins qu'elle pour l'excuser. Permettez-moi, Sire, d'attribuer ce nouveau témoignage de votre bonté à la connaissance que V. M. a du fond de mon cœur pour elle; je lui demande en grâce de me juger toujours d'après ce principe, qui ne variera jamais, et je supplie V. M. de me rassurer sur la crainte où je suis que ma liberté dans cette occasion ne lui ait déplu. Elle est instruite <70>à présent qu'elle n'a point été occasionnée par une prévention qui serait ridiculement avantageuse de ma part, mais uniquement par mon zèle et mon attachement pour V. M. et pour ma patrie. Je suis, etc.

43. A M. DARGET.

Potsdam, 23 mars 1756.

J'ai reconnu avec grand plaisir, par votre lettre du 2 de ce mois, les sentiments de zèle et d'attachement que vous m'avez témoignés, et l'empressement que vous conservez à m'en donner des marques convaincantes. Les choses singulières que vous y avez touchées ont trop de rapport à mes intérêts, pour ne pas vous remercier de ce que vous avez bien voulu m'en instruire. Il n'y a nulle faute commise dans l'envoi de vos deux lettres; elles m'ont également fait plaisir. Soyez assuré de ma façon de penser pour tout ce qui vous intéresse, qui ne sera jamais susceptible de changement.

J'ai assez d'ennemis, mon bon Darget, mais je ne les crains pas. Pissez bien; cela vaut mieux que tous les royaumes du monde.

44. AU MÊME.

Berlin, 2 avril 1763.

Je vous remercie de la part que vous prenez à la paix conclue en dernier lieu. Les vœux que vous me présentez à cette occasion sont le langage de votre cœur, et vous pouvez vous tenir assuré que j'y suis sensible, etc.

<71>

45. DE M. DARGET.

Paris, 25 juin 1764.



Sire,

Si l'on en croit les nouvelles publiques, la vie de Votre Majesté a été dans le plus grand danger. Mon attachement éternel, si respectueux et toujours le plus sincère pour V. M. m'a fait frémir de cet accident. Mon Dieu, Sire, ménagez-vous donc, et ne vous dérobez point aux précautions qui peuvent y contribuer. Si V. M. daigne se ressouvenir combien elle permettait à mon zèle de lui parler quelquefois sur cet objet, que je lui ai toujours vu trop négliger, elle me pardonnera d'oser lui montrer encore mon inquiétude et mes terreurs. Nous en avons fait avant-hier, M. d'Alembert et moi, l'entretien intéressant de notre soirée. Vous étiez, Sire, avec des âmes honnêtes et qui vous aiment; V. M. daigne-t-elle les aimer toujours? Je n'intéresse pas, pour mon personnel, V. M. par une grande célébrité; mais j'ai celle que vos bontés, Sire, et le contentement que vous avez bien voulu montrer de mes services, m'ont donnée, et, en en rappelant les époques à V. M., je ne fais que lui rappeler ses bienfaits.

J'ose toujours espérer la continuation des bontés et de la protection de V. M.; ma respectueuse confiance est fondée, Sire, sur la connaissance que j'ai de votre cœur et sur celle que V. M. a du mien. Je suis avec le plus profond respect, etc.80-a

<72>

46. A M. DARGET.

Berlin, 7 janvier 1768.

J'ai reçu votre lettre; je vous remercie des vœux que vous faites pour moi, et que je crois sincères. Je souhaite que vous vous portiez bien, que votre vue se conserve. Si vos dents tombent, les miennes éprouvent le même sort. Tout ce qui existe est sujet aux changements; ainsi vous devez prendre votre parti. La vie, mon bon Darget, est une f..... chose quand on devient vieux; ou il faut se résoudre à périr tout de suite, ou de se voir mourir en détail. Mais, indépendamment de cela, il y a une manière d'être heureux; il faut se rajeunir idéalement, faire abstraction de son corps, et conserver une gaieté d'esprit jusqu'à la fin de la pièce, et semer de fleurs les derniers pas de sa carrière. C'est ce que je vous souhaite.

47. AU MÊME.

Potsdam, 6 septembre 1771.

C'est avec plaisir que je défère à la permission que vous me demandez, par votre lettre du 16 d'août dernier, pour votre fils, de pouvoir se présenter à moi pendant le séjour qu'il compte de faire dans mes États. Connaissant le père, je serai également bien aise de voir le fils, de sorte que vous n'aurez qu'à me l'adresser.

<73>

V. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC LE BARON DE PÖLLNITZ. (8 MAI 1742 - 1er AOUT 1773.)[Titelblatt]

<74><75>

1. DU BARON DE PÖLLNITZ.

Chrudim, 8 mai 1742.



Sire,

C'est à regret que j'importune Votre Majesté pour la confirmation de deux grâces qu'il lui a plu de m'accorder dès l'année dernière, savoir, que la pension qu'elle a eu la bonté de m'assurer sur l'Académie de Liegnitz me fût payée du 1er janvier que V. M. a fait la conquête de cette ville, et que je fusse exempté de payer la caisse des recrues. Le comte de Münchow, président des deux chambres de la Silésie, n'ayant pas reçu les ordres de V. M. à ce sujet, refuse de me faire payer, de manière que je ne jouis pas de la grâce que V. M. a bien voulu me faire. Je la supplie très-humblement d'ordonner audit comte de me laisser jouir d'un avantage que je dois uniquement à la générosité de V. M. Je suis avec le plus profond respect, etc.

85-aC'est le voyage de Francfort85-b qui a suspendu la pension, mais le repentir du baron la lui fait rendre.

Ordre à Münchow de la lui payer.

<76>

2. DU MÊME.

Erlangen, 3 mars 1744.



Sire,

Ne trouvant pas dans les médecins d'ici tous les secours que je souhaiterais, je suis intentionné de me faire transporter dans deux ou trois jours à Bamberg, pour y consulter le médecin de l'évêque, qu'on dit être un très-habile homme. Ce n'est pas que j'aie foi à ma guérison, mais pour n'avoir rien à me reprocher; car pour moi, Sire, je me regarde pour si moribond, que je reconnais ne valoir plus rien pour le service de V. M., et que je n'ai d'autre parti à prendre que celui de me retirer entièrement du monde. C'est de quoi je demande très-humblement la permission à V. M. Une rente viagère assez modique, qui est tout ce qui me reste de mon patrimoine, servira à ma subsistance.

Je supplie très-humblement V. M. d'être bien persuadée que de très-fortes raisons me font prendre le parti de préférer la retraite à l'honneur de la servir. Dévoué entièrement à V. M., où pourrais-je être mieux qu'auprès d'elle? Aussi oserai-je lui protester que, après V. M., je ne servirai plus de prince au monde. Je ne cherche que du repos et de la tranquillité; je conjure très-respectueusement V. M. de consentir que j'en jouisse. Quoique retiré de sa cour, je ne me démentirai jamais de l'attachement et du très-profond respect que je dois à V. M., et je saurai vivre et mourir, Sire, etc.

3. AU BARON DE PÖLLNITZ.

Potsdam, 11 mars 1744.

Je viens de recevoir la lettre que vous m'avez écrite en date du 3 de ce mois, sur laquelle je vous dirai en réponse que vous devez réfléchir en homme sage et raisonnable sur le pas que <77>vous méditez de faire, et qui ne laisserait pas que de vous ruiner d'honneur et de réputation. Il n'y a personne qui dût mieux connaître que vous l'état que vous paraissez vouloir embrasser; c'est pourquoi je vous conseille fort d'y penser plus d'un jour avant que de vous exposer à des regrets qui tôt ou tard seraient immanquables et accablants pour vous. Et sur cela, etc.

87-aJe suis assez raisonnable pour vous plaindre; mais je dois vous dire en même temps que je ne vous conseille pas de vous précipiter dans vos résolutions. Vous êtes d'un caractère trop inquiet pour pouvoir jamais vivre en repos quelque part, et, si vous n'avez pas pu vous tenir chez moi, où vous étiez auprès d'un maître qui vous voulait du bien, et qui même vous en a donné des marques, comment tiendrez-vous dans le couvent où vous allez vous mettre en pension? Je suis sûr que c'est la honte de voir échouer le mariage que mademoiselle de Marwitz avait ourdi en votre faveur qui, jointe avec les dettes que votre voyage vous a fait contracter, vous empêche de revenir ici. Mais, si vous aviez été sensé, vous auriez pris votre parti, et vous n'auriez pas ajouté la seconde sottise à la première. Enfin vous êtes le maître de faire ce que bon vous semble; allez même à Rome, si vous le voulez, faites-vous chanoine de Liége, etc. Je suis sûr que vous payerez tous vos bienfaiteurs de la même ingratitude que vous me payez, et que l'inquiétude de votre esprit vous travaillera également, dans quelque endroit que vous vous trouviez. Je prends congé de vous, puisque vous renoncez au monde, et je vous abandonne à la bizarrerie des aventures que votre étoile errante vous réserve.88-a

<78>

4. AU MÊME.

Berlin, 24 juillet 1744.

Pour répondre à votre lettre du 11 de ce mois, remplie des marques de votre repentir, je vous dirai que vous avouerez vous-même que votre conduite envers moi a été ridicule, irrégulière, et même indigne. Après vous avoir fait sentir à diverses reprises mes bontés et ma protection, vous ayant, entre autres bienfaits, donné la valeur de six mille écus pour vous tirer de l'abîme de vos dettes, vous vous êtes avisé légèrement de quitter mon service sans rime et sans raison, et avec une imprudence dont il y a peu d'exemples.

Une ingratitude si marquée me devrait empêcher de faire grâce à un homme qui a assez fait connaître que ses prétendues lumières ne sauraient jamais être accompagnées de droiture, de fidélité et de reconnaissance; ce qui me rappelle le souvenir d'une certaine lettre que j'ai trouvée parmi les papiers de feu mon père de glorieuse mémoire, où l'épiphonème était conçu dans ces termes : « Quand deviendrez-vous sage ... mon Dieu! »

On doit conclure de tout cela que, si je voulais agir selon les règles ordinaires de la justice et de la raison, je serais obligé de vous abandonner entièrement, en vous laissant vous tirer vous-même des tristes suites de votre sottise. Mais, comme je veux prendre en considération que, nonobstant votre esprit, la nature vous a refusé le jugement requis pour mener une vie sans reproche, ce qu'elle ne vous accordera peut-être jamais, j'ai pris la résolution de vous accorder encore une fois votre grâce, le pardon et l'oubli de tout ce que vous avez commis, pourvu que vous vous soumettiez cordialement aux conditions suivantes :

1o Que je prétends faire publier par toute la ville de Berlin que personne ne doit s'émanciper de vous prêter quoi que ce soit, ni en argent, ni en marchandises, sous peine de cent ducats;

2o Que je vous défends absolument de mettre le pied dans la maison d'aucun ministre étranger, ou d'avoir un commerce avec eux dans les autres maisons, ou de leur faire des rapports de ce qui pourra être dit à la table ou dans la conversation;

<79>3o Que, toutes les fois que vous serez admis à ma table, trouvant les autres convives en belle humeur, vous éviterez avec soin de prendre mal à propos le visage d'un cocu, et que vous chercherez plutôt de contribuer à soutenir et à augmenter leur joie.

Voilà les points essentiels que j'ai à vous prescrire. Si vous êtes assez sage que de vouloir et pouvoir remplir ces conditions, je suis prêt de vouloir vous accorder une amnistie entière et un oubli de vos fautes. Sur ce, etc.

89-aSi vous aimez mieux servir les cochons que les grands princes, comme vous l'avez dit, vous ne pouvez manquer de condition, et vous trouverez en Westphalie de l'emploi, sans que vous ayez besoin de moi.

Allez, vous êtes un indigne, et, si je vous tire de la misère où vos folies et vos impertinences vous ont réduit, ce n'est que par pitié, car votre conduite mériterait que l'on vous enfermât entre quatre murailles à jamais.

5. AU MÊME.

Hermsdorf, 26 août 1744.90-a

Les occasions de vous faire plaisir, mon cher Pöllnitz, m'en ont toujours beaucoup fait à moi-même, et je les embrasserai volontiers toutes les fois qu'elles se présenteront, non pas pour m'attirer vos remercîments, mais par la satisfaction que je trouve à vous obliger. J'en aurai une singulière d'apprendre votre retour à Berlin, et qu'une situation tranquille succède, monsieur, aux chagrins que vous avez essuyés. Je m'y intéresserai véritablement, étant à jamais, bien sincèrement, mon cher Pöllnitz, votre adonné ami.

<80>

6. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS.

Berlin, 30 janvier 1745.

J'ai reçu, avec votre billet du 28 de ce mois, la lettre apologétique par laquelle le baron de Pöllnitz tâche à donner quelque tour à la vilaine pièce qu'il a jouée au marchand Martini, à Paris. Je sais ce que j'en dois croire. Mais, ayant pardonné audit Pöllnitz les sottises passées qu'il a faites, je lui passerai encore celle-là, à condition qu'il tâche de satisfaire ce marchand, et qu'il se garde bien de commettre plus de pareils forfaits et avanies, que je ne lui pardonnerai plus, si jamais il y revient, et dont il sentira alors tout le poids de mon indignation. Et sur cela, etc.

7. AU BARON DE PÖLLNITZ.

(1745.)

J'ai lu votre ouvrage, cher baron, avec beaucoup d'attention, et, comme je sais que vous ne voulez point être flatté, je vous dirai mon sentiment avec beaucoup de franchise. Il me semble que vous n'avez pas été d'accord avec vous-même lorsque vous avez commencé à écrire; car vous devez observer que ce que vous m'envoyez est l'histoire de la vie de mon grand-père, où il n'y a jamais eu d'histoire écrite en style épistolaire, et même vous ne le suivez pas tout à fait. Les lettres doivent avoir des libertés et des réflexions plus familières que le style de l'histoire, qui demande de la gravité. Si donc vous voulez écrire l'histoire des deux derniers règnes, réduisez tout en chapitres; tirez plus de lumières des archives pour ce qui regarde les négociations; abrégez les descriptions, les cérémonies qui sentent la gazette; ne parlez tout au plus qu'une fois de vingt-quatre trompettes et de deux timbaliers; étendez-vous plus sur les grandes affaires, <81>et rejetez toutes les puérilités; ne mettez d'anecdotes que l'espèce qui caractérise la façon de penser de la cour et du souverain, et ajoutez-y de temps en temps des réflexions courtes et en style d'épigramme. Si vous voulez écrire des lettres, prenez un style moins grave, parlez-y davantage vous-même, et suivez le style de vos anciens Mémoires,91-a qui me paraît plus aisé et plus divertissant que ceux-ci. Il me semble, quant au gros de l'ouvrage, que vous ne devriez pas toujours comparer les ministres de mon grand-père avec ceux de Louis XIV, et principalement Danckelman à Colbert; il y a une espèce d'affectation à ces comparaisons toutes prises de la cour de France, qui ne feraient pas un bon effet. Ensuite vous dites de Meinders qu'il avait de la finesse, ce qui serait extraordinaire chez un Allemand; et par-ci par-là vous donnez dans le diffus sur les matières de cérémonies et sur des détails de petits particuliers qui n'intéressent personne, comme j'ai aussi pris la liberté de le marquer en marginale avec du crayon, pour que vous puissiez l'effacer. En un mot, ou écrivez gravement, et mettez plus d'étoffe dans votre ouvrage, ou tenez-vous-en aux anecdotes, que vous ornerez par votre style, qui est badin et enjoué. Toutefois ne vous en tenez point à mon jugement, et consultez vos amis, qui pourront vous dire leurs sentiments.92-a

Adieu, baron; je vous souhaite santé et vie, et tout le reste sera facile à redresser et à faire.

<82>

8. AU MÊME.

Potsdam, 2 septembre 1746.

J'ai vu par votre lettre la vive représentation que vous me faites de votre situation, dont vous me paraissez peu content. Je suis persuadé que vous ne pouvez pas passer pour riche; mais je crois qu'il y a beaucoup de personnes, et même de qualité, dont la fortune est plus mince que la vôtre, et qui sont pourtant satisfaites de leur sort. Il est vrai que j'ai jugé à propos de vous faire payer vos appointements par manière de prêt; mais ç'a été par de très-bons motifs, afin de vous mettre en état d'avoir toujours en main quelque argent, qui, s'il était payé par mois, ne manquerait pas d'être dissipé tout d'un coup, ce qui vous jetterait immanquablement dans les inconvénients passés de faire des dettes. Ainsi j'espère que vous rendrez justice aux vues et à l'intention qui me font agir pour votre véritable bien. Sur ce, etc.

93-aQuand serons-nous sage? Trois jours après jamais.

9. AU MÊME.

Potsdam, 2 juin 1747.

Voyant par votre lettre que le mauvais état de votre santé vous empêche de me suivre, je veux bien vous laisser à Berlin pour vous remettre. Cependant il me paraît que votre indisposition vous prend ordinairement quand je suis sur mon départ de Berlin. Je prie Dieu, etc.

93-aNe pouvez-vous pas dire à votre maladie d'avoir patience jusqu'à ce que je vais à Magdebourg?

<83>

10. AU MÊME.

Potsdam, 28 février 1748.

Vous m'avez écrit avec tant de sincérité et de franchise, que vous méritez que je ne mette pas moins de vérité dans ma réponse. Convenez donc que, sans vous offenser, on peut vous accuser de n'être pas trop sage. Avez-vous dû penser que j'aie jamais parlé sérieusement sur votre changement de religion, et convient-il, à soixante ans, de s'occuper de projets aussi chimériques et sujets à tant de travaux et d'inconvénients? Car enfin, quand bien même, vous étant de nouveau soumis au joug de Rome,94-a je serais dans la disposition de vous donner quelques commanderies, le pourrais-je avant qu'il y en eût de vacantes? Tous les commandeurs en Silésie sont plus jeunes que vous, et d'ailleurs pourriez-vous les posséder sans une dispense du grand maître, ou, en suivant les statuts de l'ordre, sans aller courir les caravanes et faire le chevalier novice? Quelle carrière pour un barbon! L'agrément de réussir est-il comparable à la peine de tenter, et pouvez-vous encore oser vous flatter de triompher des obstacles? Détrompez-vous; le ridicule serait peut-être le moindre des chagrins que vous auriez à essuyer. Je n'ai jamais parlé à Rottembourg de vous donner une pension de quatre cents écus, et vous l'aurez sans doute mal entendu. Il n'y en a point de vacante pour les catholiques en Silésie, et, si vous avez eu quelques vues sur la commanderie de Reichenbach, vous pouvez n'y plus songer; j'en ai disposé en faveur du comte de Falkenhayn. Revenez donc à vous-même. Je vous livre à vos réflexions, et vous laisse, sur l'article de la religion, entièrement le maître de votre conduite. Mais je veux que vous soyez persuadé que je n'en ai jamais parlé qu'en badinant; je n'aurais jamais pensé que vous eussiez pris la chose au sérieux, et que vous voulussiez ajouter à votre roman une époque aussi singulière. Sur ce, etc.

<84>

11. DU BARON DE PÖLLNITZ.

Berlin, 13 décembre 1749.



Sire,

Si je n'avais pas plus de confiance dans les bontés de Votre Majesté que j'en ai dans mon propre mérite, je n'entreprendrais pas à lui demander une grâce; mais, étant convaincu, Sire, que je m'adresse au meilleur des maîtres, c'est sans craindre de vous déplaire que j'ose représenter très-humblement à V. M. qu'il y a cinq ans que, ayant eu le malheur de lui déplaire, il lui a plu de me retrancher deux cents écus de mes appointements.95-a J'ai subi ce châtiment, Sire, avec toute la résignation que je dois aux volontés de V. M., fortement persuadé que, si j'étais obligé de reconnaître sa justice lorsqu'elle me punissait, je reconnaîtrais aussi un jour qu'elle sait parfaitement pardonner. Cette idée, Sire, m'est tellement imprimée, que je ne doute pas que, après que V. M. a bien voulu oublier ma conduite passée, elle voudra bien aussi que je participe à ses bienfaits lorsque l'occasion s'en présentera. J'ose, Sire, représenter très-humblement à V. M. que la mort du chambellan Riedel pourrait faire naître cette occasion. Il avait mille écus de pension, destinés de tout temps à l'entretien des inutiles de sa cour. V. M. sans doute n'en changera pas l'usage, et, si tel était son bon plaisir, je la supplie très-humblement, en qualité de premier et de plus ancien inutile de sa cour, de vouloir bien que je rentre dans la jouissance des deux cents écus dont j'ai été privé. Si je suis assez heureux, Sire, d'obtenir cette grâce, ma vieillesse pourra en être soulagée par l'entretien d'un équipage dont la commodité prolongera peut-être des jours que j'ai consacrés à admirer, aimer et respecter V. M., de qui je serai toute ma vie, avec beaucoup de zèle et de soumission, etc.

<85>

12. DU MÊME.

Potsdam, 31 juillet 1751.



Sire,

Depuis sept ans que Votre Majesté a jugé devoir me priver de deux cents écus de mes appointements annuels, j'ai pris plusieurs fois la liberté de la supplier très-humblement de vouloir bien mettre fin à ma punition. V. M. m'a fait espérer qu'elle ferait attention à ma prière; mais sans doute que ses grandes occupations et la malheureuse inutilité dont je lui suis m'ont effacé de sa mémoire, puisque mon sort n'a point été amélioré. Qu'il me soit permis, Sire, de vous réitérer ma très-respectueuse supplication. V. M., en m'accordant la grâce que je lui demande, mettra des bornes à mes importunités, et elle me mettra dans l'heureuse situation de pouvoir arranger mes affaires conformément à sa volonté. Je suis persuadé, Sire, que, si V. M. connaissait mon extrême embarras lorsque je suis réduit à lui exposer mes besoins, elle en serait touchée, car, quoique j'aie une entière confiance en ses bontés, je reconnais vivement que, ne lui rendant aucun service, je n'ai d'autres droits sur ses bienfaits que ceux que tous les malheureux ont sur les cœurs magnanimes.

Je suis avec un très-profond respect, etc.

13. AU BARON DE PÖLLNITZ.

Potsdam, 2 août 1751.

J'ai bien reçu votre lettre du 31 du mois dernier. J'entre véritablement dans votre situation, mais je suis persuadé que, à votre tour, vous entrerez dans les miennes. La mortalité des bestiaux, le débordement des rivières, le dégât des ouragans dans les forêts, tous ces accidents réunis ne me permettent pas de faire pour MM. mes chambellans ce que je voudrais. Prêtez-vous <86>donc aux circonstances, et comptez au reste sur toute la bonne volonté que vous me connaissez pour vous. Sur ce, etc.

14. AU MÊME.

Potsdam, 5 août 1751.

J'ai bien reçu votre lettre du 3 de ce mois. Vous voulez que je me mêle de vos affaires domestiques, moi, dont vous connaissez l'éloignement pour tout ce qui s'appelle détail d'économie, et combien j'évite d'entrer dans tout ce qui regarde les affaires des autres. N'exigez donc point que je prenne connaissance de vos dettes, ni que je nomme une commission pour les examiner; l'intérêt que je prends à ce qui vous touche m'engage à vous refuser. Songez qu'un pareil éclat pourrait vous être préjudiciable, finissez vos affaires à l'amiable, tâchez que le public n'en soit informé que le moins qu'il sera possible, et servez-vous dans cette occasion de votre raison. Vous vous méfiez trop de vos forces, et vous prenez les choses trop au tragique. J'augure mieux de votre génie, et je suis persuadé que vous sortirez victorieux de toutes vos difficultés. Je veux que vous soyez persuadé que j'en serai véritablement charmé. Sur ce, etc.

15. AU MÊME.

Berlin, 26 avril 1753.

J'ai reçu votre lettre du 25 de ce mois, et j'y ai vu le dessein que vous avez formé de prendre les bains et les eaux chaudes pour tâcher de vous rétablir entièrement. Mais, comme je veux vous parler encore là-dessus, vous devez venir à Potsdam; alors je vous communiquerai ma résolution de bouche. Sur ce, etc.

<87>

16. AU MÊME.

Potsdam, 20 mai 1754.

Comme, par votre lettre du 16 de ce mois, vous paraissez plus porté pour les bains d'Ems que pour ceux de Carlsbad, je ne veux point vous gêner là-dessus, et vous pourrez partir pour Ems, vous accordant la permission d'y aller. Sur ce, etc.

17. AU MÊME.

Berlin, 27 mai 1754.

Il ne m'est pas possible de vous accorder la demande que vous faites par votre lettre du 25 de ce mois, la caisse d'où vous tirez votre pension n'étant pas en fonds pour fournir des avances. Sur ce, etc.

18. AU MÉME.

Potsdam, 21 mai 1755.

Si, selon votre lettre du 19 de ce mois, le sieur Trechapel veut venir auprès de moi, il doit se rendre en droiture ici, à Potsdam. Je suis aussi content que, pendant mon absence, vous preniez pour le soulagement de votre santé les eaux de Selters; mais je n'aimerais pas que vous vous éloigniez si fort et jusqu'à Gusow, auprès du comte de Podewils. Je verrais plus volontiers que ce soit chez le comte de Kameke, à Prötzel, ou tel autre endroit que ce puisse être, chez quelque autre de vos connaissances à la campagne. Vous devez vous arranger en conséquence. Sur ce, etc.

<88>

19. AU MÊME.

Potsdam, 19 août 1755.

Sur votre lettre du 17 de ce mois, je veux bien vous accorder la permission de pouvoir aller, pendant le temps de mon prochain voyage de Silésie, sur les terres du sieur de Schulenbourg pour y prendre les eaux. Sur ce, etc.

20. AU MÊME.

Schönfeld, 21 septembre 1758.

J'ai bien reçu les deux lettres que vous m'avez faites, du 29 août et du 17 de ce mois, dont j'ai été content par les sentiments que vous m'y avez déclarés. Je vous accorde d'ailleurs la permission que vous me demandez pour aller séjourner quelques mois auprès de votre frère, à Celle. Et sur ce, etc.

21. AU MÊME.

Breslau, 19 mars 1759.

Sur la très-humble représentation que vous avez voulu me faire le 14 de ce mois, j'ai ordonné à mon trésorier privé Leining de vous envoyer quelque argent pour vous aider à subsister. Sur ce, etc.

<89>

22. AU MÊME.

Leipzig, 18 décembre 1760.

Pour vous répondre à la lettre que vous m'avez faite du 16, je veux bien vous dire que ni la saison ni les chemins ne sauraient permettre que vous vinssiez ici sans trop préjudicier à votre santé. L'agrément que vous trouveriez d'ailleurs ici ne serait que fort médiocre. Pour vous en procurer avec plus d'aisance à Magdebourg, je me propose de vous secourir de quelque somme, qui vous sera payée là par mon ordre. Sur ce, etc.

23. AU MÊME.

Bettlern, 3 juin 1762.

Votre lettre flatteuse et louangère, monsieur le baron, me tire le dernier écu de la poche. C'est le denier de la veuve; ce n'est pas grand' chose, mais cela fera aller votre marmite tant bien que mal. Le temps est mauvais pour tous ceux auxquels je dois, mais je vous promets les dépouilles de la première église de jésuites que nous pillerons, et, si jamais je vous vois la bourse remplie, je vous croirai rajeuni de vingt ans. Voici deux paix que nous venons de faire tout de suite. Si je compte bien sur mes doigts le nombre de mes ennemis, je crois qu'il nous en faut encore quatre pour terminer nos affaires. Le ciel, dont la prudence s'étend plus loin que celle des hommes, mènera cette affaire-ci comme il lui plaira; pour moi, instrument aveugle et indigne de la Providence, j'y coopérerai selon le degré de grâce et d'illumination que je recevrai du Saint-Esprit. Vous savez que c'est de là que nous vient tout notre bonheur. Je vous recommande aux intercessions de sainte Hedwige, en priant Dieu, monsieur le baron, qu'il vous ait, etc.

<90>

24. AU MÊME.

Bettlern, 20 juin 1762.

Je me suis cru grand et puissant seigneur, monsieur le baron, depuis que vous m'avez honoré de votre lettre. Je m'y vois traité de monarque d'importance, et vous me demandez des grâces comme si je pouvais en dispenser. Vous avez oublié apparemment que nous allons entrer dans la septième année que les puissances de l'Europe se plaisent à jouer avec moi au roi dépouillé; je vous jure que je ne sais plus si j'ai un pays ou si je n'en ai point, ni ce que la voracité de mes ennemis se plaira de me laisser. Ce que je puis vous assurer, c'est que dans peu nous nous battrons comme de beaux diables pour savoir qui gardera ce pauvre et misérable bout de terre, que la guerre a presque entièrement ruiné. Quand j'aurai un pays, monsieur le baron, et que vous le saurez, vous pourrez vous adresser en toute liberté à moi pour le soulagement de votre vieillesse; mais à présent, vous et, s'il y en a de plus adroits dans le métier d'escroquer, je vous défie tous ensemble de vous refaire sur moi et sur tout ce qui dépend actuellement de moi. Une église de jésuites ne serait pas si mauvaise; vous n'en sentez pas toutes les conséquences. Il y a à Prague certain tombeau de saint Népomucène très-capable de tenter votre piété, je ne dis pas pour l'argent dont il est fait, mais pour les reliques qu'il contient; il y a de plus un joli petit enfant d'or tout massif, voué et donné par l'Impératrice-Reine à la sainte et immaculée Vierge, et, comme vous savez que les enfants ne sont pas des meubles d'une pucelle, la divine mère de Notre-Seigneur pourrait peut-être facilement se laisser persuader à en favoriser votre humilité. Pensez-y bien, baron, ceci mérite de profondes réflexions : un enfant tout d'or! que d'habits, que de meubles, que de repas il pourrait vous donner! que de dettes il pourrait acquitter! que de créanciers il apaiserait! Ce bel enfant d'or, baron, vous rajeunirait, et il me semblerait vous voir, le possédant, le visage sans rides, la démarche gaillarde, le dos droit comme une asperge, et l'imagination petillante comme du vin de Champagne. <91>C'est ce que je vous souhaite, ne pouvant que souhaiter. Au reste, je prie le Seigneur Dieu, monsieur le baron, qu'il vous ait, etc.

103-aVous trouverez ma lettre bien folle, et moi aussi.

25. AU MÉME.

Potsdam, 17 octobre 1763.

J'ai reçu, à la suite de votre lettre du 16, la note de ce qui serait nécessaire d'être fait et ajusté pour l'entrée et l'audience de l'internonce ottoman. Sur quoi je vous dirai que, quant aux deux trompettes dûment habillés, je donnerai mes ordres au commandeur de mes gardes du corps, le major de Schätzel, afin qu'il donne ces deux trompettes de ce corps, et qu'il fasse ajuster ce qu'il leur faut à cet usage.

Pour ce qui regarde l'estrade pour l'audience publique, placée sous un dais, de même que le fauteuil et la table garnie, etc., vous saurez conserver le dais que vous avez proposé, auquel il n'y aura rien à changer, et moins encore à faire couvrir cela de drap d'or. Il suffira, à ce qu'il me paraît, que tout ceci soit couvert de quelque couverture de soie, qu'on trouvera déjà à la main; ce que vous arrangerez de la manière qu'il le faut avec le tapissier, qui doit se conformer à ce que vous lui direz à ce sujet.

Quant au cheval de bride que le comte de Finckenstein doit fournir à l'interprète de la cour, je donne mes ordres à mon écuyer de Schwerin, afin que, outre les six chevaux de selle harnachés à la turque, au sujet desquels et de leurs harnais il a déjà ordre de tout arranger et de tenir prêt, il ait soin du septième cheval et de son harnais, que le comte de Finckenstein enverra, à l'usage susdit, pour l'entrée de l'internonce. Pour ce qu'il faut aux autres meubles nécessaires dans les maisons que l'internonce occupera, tant à Weissensee qu'à Berlin, je viens d'écrire là-<92>dessus au ministre comte de Finckenstein, pour qu'il ait soin d'ajuster tout ceci conformément au détail que vous en avez donné, et qu'il s'y serve du sieur Boumann, à Berlin, pour tout bien exécuter. Sur ce, etc.

26. AU MÊME.

Potsdam, 21 octobre 1763.

Monsieur le baron de Pöllnitz, en conséquence de ce que vous m'avez représenté par votre lettre du 20 de ce mois, au sujet de quelques dépenses extraordinaires auxquelles votre commission relativement au ministre turc vous doit engager, je vous dirai que je vous ferai payer pour la livrée de chacun de vos trois laquais soixante écus; et quant à un habit pour vous-même, je l'ordonnerai de droguet doublé de velours et chamarré d'or, duquel vous n'avez qu'à choisir la couleur. Et sur ce, etc.

27. AU MÊME.

Potsdam, 29 octobre 1763.

Je suis bien aise de vous dire, sur la lettre que vous m'avez écrite le 26 de ce mois, que les habits en question sont ordonnés pour vous, et que c'est à présent l'ouvrage du tailleur pour les fournir. Sur ce, etc.

<93>

28. AU MÊME.

Potsdam, 2 juin 1764.

Je vous remercie, monsieur le baron de Pöllnitz, du melon que vous m'avez envoyé et de l'intérêt que vous prenez à ma santé. Nous autres vieilles gens ne valons pas le diable; si vous avez la fièvre, j'ai la goutte, qui ne vaut pas mieux. J'espère qu'elle passera bientôt, et que vous serez bien vite quitte de votre mal; je le souhaite de tout mon cœur. Sur ce, etc.

29. AU MÊME.

Potsdam, 14 juin 1764.

Ayant vu, par la lettre que vous venez de m'écrire, que vous vous trouvez rétabli de la maladie qui vous avait saisi, je suis bien aise de vous dire qu'il vous est permis de venir vous présenter ici à moi. Sur ce, etc.

30. AU MÊME.

Potsdam, 28 octobre 1764.

Comme il y a une somme destinée pour les danseurs et danseuses, il faut s'y tenir. Denis peut faire venir les figurantes, qui auront chacune trois cents écus par an, et un figurant, qui aura trois à quatre cents écus. Dervieux et Du Bois doivent rester; je ne veux point de second danseur et de seconde danseuse. Il faut que Denis dise le sujet des trois corps de ballet dans Sacchico; j'en ferai un tout nouveau. Si vous devez continuer de di<94>riger la comédie et la danse? Eh! qui pourrait mieux s'en acquitter que vous, monsieur le baron? Sur ce, etc.

31. AU MÊME.

Potsdam, 13 novembre 1764.

Je suis bien aise, monsieur le baron, que vous ayez accommodé tous les différends. J'espère que l'on me laissera tranquille dans la suite au sujet de ces affaires théâtrales, et que, en vous ménageant bien, vous vous remettrez entièrement. Je le souhaite, et je prie Dieu, etc.

32. AU MÊME.

Potsdam, 22 novembre 1764.

Sur la lettre que vous venez de me faire, du 21 de ce mois, au sujet d'une écurie pour deux chevaux et des remises que vous souhaitez d'avoir dans la maison des princes, à Berlin, je vous dirai que, pourvu que cette écurie avec les remises soient vides et ne soient pas employées à autre usage déjà, je veux bien vous les accorder votre vie durant; en conséquence, j'ai fait expédier mes ordres au gouvernement de Berlin. Sur ce, etc.

<95>

33. AU MÊME.

Potsdam, 6 février 1765.

Monsieur le baron, le dindon107-a que Votre Sérénité a eu la bonté de m'envoyer a été servi ce midi sur ma table. On l'a pris pour une autruche, tant il était grand et pompeux; le goût s'en est trouvé admirable, et tous les convives sont convenus avec moi que vous étiez fait pour vous acquitter bien de tout ce que vous entrepreniez. Il me serait douloureux, monsieur le baron, de rester en arrière vis-à-vis de vous, et de ne pas songer à votre cuisine comme vous avez eu la bonté de penser à la mienne. Mais, comme je n'ai pas trouvé parmi les volatiles d'animal assez grand et digne de vous être offert, je me suis rejeté sur les quadrupèdes. Je vous avoue que, si j'avais pu trouver un éléphant blanc du schah de Perse, je me serais fait un plaisir de vous l'envoyer. Faute de cela, j'ai eu recours à un bœuf bien engraissé. Je me suis dit à moi-même : Un bœuf est un animal utile, laborieux et pesant; c'est mon emblème. L'âge qui me mine m'appesantit tous les jours. Je voudrais être laborieux et utile, et, pour vous l'être en quelque façon, vous voudrez bien accepter, monsieur le baron, le petit meuble de basse-cour que je prends la liberté de vous offrir; et, comme je ne me suis pas fié sur ma propre habileté, je l'ai fait choisir chez le plus expert de tous les engraisseurs. Sur ce, etc.

34. DU BARON DE PÖLLNITZ.

Berlin, 7 février 1765.



Sire,

Je supplie très-humblement Votre Majesté d'agréer mes très-humbles remercîments pour le bœuf qu'elle a bien voulu m'en<96>voyer. Si je ne l'ai pas adoré comme le dieu Apis, je l'ai du moins reçu avec toute la vénération que mérite son air respectable. Une foule de peuple l'a admiré à ma porte, et a cru que je l'en régalerais, et l'a vu conduire avec envie dans mon écurie, dont il ne sortira que pour être sacrifié au plus grand des monarques, cérémonie qui sera accompagnée de cris sincères de Vive le Roi! V. M. permettra de finir ma lettre par ce cri, que je réunirai toute ma vie au profond respect avec lequel je suis, etc.

35. AU BARON DE PÖLLNITZ.

Potsdam, 9 avril 1765.

Je reconnais comme je dois les vœux que vous formez pour mon rétablissement par votre lettre que je viens de recevoir, et vous permets d'ailleurs que vous laissiez partir pour Pétersbourg cette lettre que, selon la copie que vous m'en avez jointe, vous avez envie d'écrire à l'impératrice de Russie pour accompagner la relation du carrousel109-a qu'on vous a demandée; ce qui vous vaudra, comme je n'en doute pas, un bon présent. Sur ce, etc.

36. AU MÊME.

Potsdam, 10 octobre 1766.

Je prends une part sensible à l'accident dangereux que vous me marquez vous être survenu avant-hier en descendant l'escalier <97>de votre maison, et je suis en peine des suites de la chute qu'il vous a occasionnée. Je me flatte toutefois que la chose en restera à l'appréhension, et que vous serez dans le cas de prendre encore nombre de fois congé de moi. Sur ce, etc.

37. AU MÊME.

Berlin, 5 janvier 1767.

J'ai vu, par votre lettre du 4 de ce mois, les plaintes qu'elle renferme d'un libelle au bas duquel on a mis votre nom, et je vous félicite que vous ayez là-dessus le sort de plusieurs rois et des plus grands seigneurs de cette terre, qui ne sont pas à l'abri de la satire. Je vous recommande d'imiter la grandeur d'âme avec laquelle lesdits princes y obvient, qui, bien loin d'en faire un crime de lèse-majesté, y répondent par un parfait mépris. Quant au reste, la police ne manquera pas de faire là-dessus les perquisitions usitées en pareil cas. Sur ce, etc.

38. AU MÊME.

Potsdam, 1er juillet 1768.

Comme je serais bien aise de vous voir ici, chez moi, vous me ferez plaisir d'y venir demain. Et sur ce, etc.

110-aVoulez-vous me faire l'honneur de, etc., etc., etc.?

<98>

39. AU MÊME.

Potsdam, 17 août 1768.

Comme je vois, par votre lettre du 16 de ce mois, qu'il manque encore des figurants pour l'Opéra, j'approuve que vous engagiez à cet effet les deux sujets que vous me proposez dans votre dite lettre. Et sur ce, etc.

111-aIl faut commander pour l'hiver l'opéra de Caton et d'Orphée.111-b

40. AU MÊME.

Potsdam, 31 octobre 1769.

Comme je vois, par votre lettre du 29 de ce mois, que l'électrice douairière de Saxe désire que vous vous trouviez à Dresde le 12 du mois prochain, je veux bien permettre que vous vous y rendiez, et même vous charger d'une lettre à cette occasion. Sur ce, etc.

41. AU MÊME.

Potsdam, 28 novembre 1769.

J'ai reçu votre lettre du 25 de ce mois, et, comme pour les opéras du carnaval prochain tout est déjà réglé à Berlin, et que je ne saurais par conséquent profiter que l'année prochaine des offres du ténor italien, que madame l'électrice a la bonté de me faire, vous ne manquerez cependant pas de lui témoigner combien je suis sensible à cette nouvelle marque de son amitié pour moi.

<99>

42. L'ÉLECTRICE DOUAIRIÈRE ANTONIE DE SAXE AU BARON DE PÖLLNITZ.

Dresde, 21 avril 1770.

Je suis sensible, mon cher baron, à l'attention que vous avez de me faire compliment sur les fêtes de Pâques. Cette époque ne m'est point indifférente; elle remettra ma santé, qui se ressent du carême. Je commence à faire usage de mes mains, qu'un accès de goutte avait mises en interdit. Mais je ne m'en plains point, puisqu'elle n'a pas même épargné un monarque qui consacre tous ses moments au bonheur du genre humain. J'espère que l'approche de la belle saison et le délicieux séjour de Sans-Souci achèveront de fortifier une si précieuse santé. Je pense de remettre la mienne à Pillnitz, où nous allons nous établir. Mon voyage de Bavière est renvoyé jusqu'à l'année prochaine; je vous en avertis, mon cher baron, vous l'ayant promis. De toutes les nouvelles que vous me donnez, celle que mesdames les princesses de Prusse et Ferdinand avancent heureusement dans leurs grossesses me fait le plus de plaisir. J'en partage bien sincèrement la joie avec votre auguste maître. S'il ne vous faut plus que des marraines, vous sentez bien qu'il n'y a personne au monde qui ne se tiendrait honoré d'une fonction si agréable, et, au cas que le choix en tombât sur moi, j'en accepterais assurément la proposition avec bien de la reconnaissance. Cela me rapprocherait de la plus chère espérance de revoir ce héros philosophe qui fait constamment l'objet de ma plus haute admiration. Vous n'y perdriez rien, mon cher baron; je serais plus à même de vous convaincre de l'estime avec laquelle je suis invariablement

Votre bien affectionnée
Marie-Antonie.

<100>

43. FRÉDÉRIC AU BARON DE PÖLLNITZ.

Potsdam, 15 juin 1770.

Comme je vois par votre lettre du 14 de ce mois que, par un effet du comportement capricieux du sieur Fierville, je serai trop importuné par les plaintes de son monde, je viens de lui déclarer que, s'il ne change pas de conduite envers ces gens-là et les paye exactement, je pourrais bien commencer à lui retrancher également ses appointements, et le renverrais à la fin tout à fait, en remettant le théâtre sur l'ancien pied.

Au reste, je suis bien aise de vous dire que, si votre santé vous le permet, vous me ferez plaisir de vous rendre ici et de passer quelque temps avec moi. Sur ce, etc.

44. L'ÉLECTRICE DOUAIRIÈRE ANTONIE DE SAXE AU BARON DE PÖLLNITZ.

Pillnitz, 27 août 1770.

Vous avez accusé très-juste, mon cher baron, en accusant le Roi que c'est le plaisir seul de revoir S. M. qui me ramènera dans le Brandebourg, et que, pour être d'autant moins distraite dans les conversations lumineuses de ce monarque, je préférerais sans doute le séjour de Potsdam ou de Sans-Souci à celui de Berlin. Cette réponse est d'un vieux routier qui sait lire dans les cœurs. Oui, mon cher baron, je serai charmée de faire ma cour au Roi à Potsdam, tant que le loisir qu'il voudra me sacrifier aux dépens de ses peuples le lui permettra. Mais être si près de Berlin sans m'acquitter du devoir de la reconnaissance envers la Reine et la famille royale, et surtout de ceux de l'amitié la mieux cimentée pour madame la princesse Amélie, qui, après le Roi, est la personne du monde à qui je suis le plus attachée, aucun prétexte ne <101>me paraît assez fort pour m'en dispenser. Je sens bien que le temps est précieux au Roi; aussi serais-je fâchée qu'il se gênât le moins du monde. Mais je crois que, en repassant par Berlin lorsque j'aurai quitté S. M. pour retourner tristement chez moi, après avoir joui des plus beaux jours de ma vie, le tout s'arrangerait de façon que chacun y trouvera son compte. Je vous prie, mon cher baron, de m'en dire votre sentiment avant le retour de S. M., qui probablement ne sera pas de sitôt. Je compte de me jeter à ses pieds le 26 du mois prochain, en conséquence de la permission qu'il m'en a accordée. Comptez toujours sur ma sincère estime, étant invariablement, etc.

45. DE LA MÊME AU BARON DE PÖLLNITZ.

Dresde, 13 septembre 1770.

Je vous sais beaucoup de gré, mon cher baron, de l'avis confident que vous venez de me donner. Je me le tiendrai pour dit, et il ne sera plus question de mon voyage de Berlin. Il me suffit de savoir qu'il gênerait le Roi pour y renoncer. Ce qui m'en console entièrement, c'est que vous me faites espérer que j'aurai la satisfaction de voir à Sans-Souci et d'entretenir à mon aise ma chère princesse Amélie; me voilà contente. Comme la volonté du Roi sera toujours ma boussole, je serais bien aise de savoir combien de temps je pourrai m'arrêter à Potsdam ou Sans-Souci sans incommoder S. M. Ne sauriez-vous m'orienter là-dessus, pour m'arranger en conséquence? Je vous en ferai bientôt, mon cher baron, mes remercîments de bouche. En attendant votre réponse, je suis avec une sincère estime, etc.

<102>

46. FRÉDÉRIC AU BARON DE PÖLLNITZ.

Potsdam, 14 septembre 1770.

Je vois, par la réponse que vous m'avez communiquée de madame l'électrice, les scrupules qu'elle veut bien se faire pour s'en retourner de chez moi sans avoir préalablement fait les visites convenables à Berlin. Toujours dans l'intention d'observer ces cérémonies, une maladie qui surviendrait vers son départ dans sa famille, ou quelque autre prétexte de commande, dont, si je la connais bien, elle ne manque pas, la pourrait bien obliger de s'en retourner en droiture. Si cependant elle avait envie d'aller à Berlin, vous jugez bien que je n'y mettrai point d'obstacle, quoique, pour dire le vrai, je serais bien aise que vous pussiez l'en détourner et m'éviter un voyage qui ne laisserait pas de me causer bien de l'embarras et du dérangement dans mes occupations.

Au reste, vous verrez par la requête ci-jointe l'idée singulière qui est venue à Tosoni de s'en retourner en Italie, et à laquelle vous lui répondrez de ma part que je trouve qu'il n'est pas sage de quitter le certain pour l'incertain, ne pouvant m'imaginer qu'il sera mieux dans sa patrie qu'il ne l'est ici. Sur ce, etc.

47. AU MÊME.

Potsdam, 17 septembre 1770.

Je suis bien aise de voir, par votre lettre du 16 de ce mois, que vous pensez disposer madame l'électrice de renoncer au voyage de Berlin. Ce sera donc un embarras de moins pour moi, car je n'aurais pu me dispenser d'y aller en même temps. Je ne sais si la feld-maréchale de Schmettau et la comtesse de Kameke sont assez en santé de venir ici. Je vous prie de vous en informer, et, si elles sont en état de faire ce voyage, de leur dire de ma part qu'elles me feront plaisir de se rendre ici le jour de l'arrivée de <103>madame l'électrice, 26 de ce mois. Comme je n'ai pas encore reçu de liste du nombre de voitures dont la suite de S. A. R. sera composée, et que j'ignore de même la route qu'elle prendra, vous tâcherez de me procurer l'un et l'autre aussi vite qu'il vous sera possible, afin que les relais puissent être réglés en conséquence.

Au reste, vous n'oublierez pas de vous rendre ici le 24 avec le comte de Reuss pour aller à temps à la rencontre de l'Électrice, qui probablement n'arrivera que vers le soir.

Pour ce qui est de Tosoni, il me semble qu'il pourra bien se contenter des appointements que je lui donne. Il n'aura jamais autant en Italie. Vous ferez bien de le lui faire comprendre, et qu'il pourrait bien se tromper quand il pense de trouver mieux. Sur ce, etc.

48. AU MÊME.

Potsdam, 20 septembre 1770.

J'ai reçu vos deux lettres du 19 de ce mois, et suis bien aise de voir par leur contenu que la maréchale de Schmettau et la comtesse de Kameke se rendront ici le 26 au matin. Vous demanderez encore à la comtesse de Bredow de ma part si elle ne voudra pas être de la partie et se rendre pareillement ici le même jour.

Au reste, et comme vous me mandez le nombre des chevaux qu'il faudra pour le voyage de l'Électrice et la route que S. A. R. tiendra, j'ai donné mes ordres que les relais soient prêts le 26, comme vous ne manquerez pas de le dire à l'envoyé de Saxe, le sieur de Stutterheim. Sur ce, etc.

<104>

49. AU MÊME.

Potsdam, 31 mai 1773.

Très-sensible aux vœux que vous voulez bien me faire par votre lettre d'aujourd'hui, vous pouvez être persuadé que, ne pouvant point douter de leur sincérité, je ne manquerais pas de vous en témoigner ma juste reconnaissance, si mon départ pour la Prusse ne voulait point que je me borne pour le présent aux assurances de ma bienveillance, de laquelle me réservant cependant de vous confirmer les effets dans les occasions, je prie Dieu, etc.

118-aA mon retour, je pourrai manifester ma reconnaissance au vieux baron.

50. AU MÊME.

Potsdam, 1er juillet 1773.

Vous me surprenez bien agréablement en m'apprenant, par votre lettre du 30 juin dernier, que vous vous trouvez d'une santé assez bonne pour désirer de venir me voir. Faites-le, je vous en prie, et comptez que vous ferez un véritable plaisir à celui qui ne cesse point de prier Dieu, etc.

<105>

51. AU MÊME.

Potsdam, 1er août 1773.

Ce n'est qu'avec peine que j'apprends votre indisposition, et à regret que je vous verrai partir d'ici. Cependant je ne m'oppose point à votre retour à Berlin. Vous y serez sans doute mieux soigné, et je vous laisse entièrement le maître de faire à cet égard ce que vous jugerez le plus convenable à votre état. Sur ce, etc.

<106><107>

VI. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC LE BARON DE LA MOTTE FOUQUÉ. (23 NOVEMBRE 1736 - 5 SEPTEMBRE 1773.)[Titelblatt]

<108><109>

1. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Rheinsberg, 23 novembre 1736.

Mon cher Fouqué, j'ai eu le plaisir de recevoir votre lettre, et je serai toujours charmé de vous voir chez moi. Je vous prie d'en être entièrement persuadé et de me croire avec bien de l'amitié,



Mon cher Fouqué,

Votre bien affectionné ami.

123-aVous n'avez besoin de me faire des excuses que sur ce que vous êtes parti trop tôt de chez moi. Depuis que vous n'y êtes plus, les cerfs et les sangliers ont plus de repos que oncques. Si vous vous ressouvenez parfois avec plaisir d'avoir été chez moi, j'espère que ce vous sera un motif pour revenir un jour chez un hôte qui sera toujours charmé de vous voir. Depuis votre départ, Chasot se dispute encore tous les soirs avec Jordan. Un de ces soirs, il lui soutint de pied ferme qu'il était formé de la composition de douze œufs.

2. AU MÊME.

Berlin, 22 janvier 1739.

Monsieur de Fouqué, j'ai remis et recommandé la lettre à Hacke;124-a j'en attends la réponse. Le prince d'Anhalt m'a écrit; <110>il se plaint extrêmement de vous, il ajoute même qu'il a demandé au Roi votre congé. Je lui ai répondu qu'il ne devait point trouver mauvais que je prenne votre parti en vous recommandant ailleurs, et que je fasse à votre égard ce que l'on fait à l'égard d'une personne que l'on aime et que l'on estime. Vous aurez sans doute déjà reçu la copie des deux lettres que j'ai écrites en votre faveur. Je vous apprendrai bientôt ce quelles auront produit. Je suis, etc.

124-bJ'ai pensé partir pour l'éternité d'une colique violente et de crampes d'estomac qui menaçaient ma vie d'une fin subite. Heureusement j'en suis réchappé, et j'ai la satisfaction de vous dire que je vous ai fait obtenir votre congé, et que j'espère de pouvoir vous donner en peu de bonnes nouvelles du Danemark. Si l'argent vous manque, écrivez-le-moi.

3. AU MÊME.

Berlin, le dernier de janvier 1739.

Monsieur Fouqué, j'ai bien reçu toutes vos lettres. J'attends avec impatience réponse à celles que j'ai écrites en votre faveur; aussitôt que je l'aurai reçue, je ne manquerai pas de vous les envoyer d'abord. Soyez assuré que j'emploierai tout ce qui dépendra de moi pour vous rendre service dans cette occasion. Je suis, etc.

125-aSylla est brouillé avec Denys de Syracuse. J'ai écrit à Sylla125-b tout ce que je devais lui marquer sur votre sujet. Lorsque je recevrai les réponses de D. et de S., je vous les enverrai.

<111>

4. AU MÊME.

Ruppin, 23 août 1739.

125-aMonsieur, ayant eu le plaisir de recevoir votre lettre du 24 de juillet, je vous suis très-obligé des marques d'amitié que vous avez bien voulu m'y donner. Mandez-moi, je vous en prie, si le général Lövenörn a reçu le vin de Champagne que je lui envoyai il y a quelque temps, et si son fils lui a rendu ma lettre. Le Roi m'ayant fait présent du haras de Prusse,125-c vous me feriez plaisir si vous pouviez me procurer une couple de chevaux entiers, des plus beaux qu'on les trouve en Danemark, et de la hauteur de dix-sept mains. Mais prenez bien garde qu'ils n'aient des éparvins, ou soient d'une race sujette à ce défaut. Avant que de les acheter, mandez-moi le prix, et soyez persuadé des sentiments d'estime avec lesquels je suis, etc.

5. AU MÊME.

Remusberg, 27 mai 1740.

126-aMon cher Fouqué, vous faites comme les bons chrétiens, qui, à l'article de la mort, renoncent au monde, puisqu'ils se voient au moment de le quitter. Vous renoncez à Copenhague et à Christian, puisque vous touchez au moment où je vous rappellerai de ce séjour passager pour vous rejoindre éternellement au troupeau de vos amis. Vous faites bien de prendre part à ce qui se passe à Remusberg; ce n'est point œuvre surérogatoire, ce n'est qu'œuvre réciproque. Vous avez assez bien jugé de ce qui se fera, et dans peu Remusberg, et Gargantua nommément, seront plus brillants que jamais. Nous vous y attendons dans <112>peu, et, n'en déplaise à Christian, il sera obligé de se contenter qu'un honnête homme l'ait servi une année entière.

Je vous embrasse, mon cher Fouqué, de tout mon cœur, et vous prie de me croire votre très-fidèle et constant ami.

6. AU MÊME.

Charlottenbourg, 19 juin 1740.

127-aCher Fouqué, j'ai été fort réjoui par votre lettre; mais je l'aurais été infiniment davantage par votre présence. Votre famille et moi, nous la souhaitons beaucoup; je ne sais si je ne la désire pas plus encore que vos enfants. Adieu; ne nous faites plus languir, et plantez là votre Christian avec toute sa gloire.

7. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Elseneur, 28 juin 1740.



Sire,

127-bQui suis-je, pauvre mortel, que mon seigneur et mon roi daigne se souvenir de son serviteur avec tant de grâces et de bonté, dans le temps même que V. M. consacre ses moments précieux et ses soins aux besoins de son peuple. Quant à moi, j'en ai l'âme ravie, et tout le monde, Sire, retentit de l'éclat de votre gloire, non dans ce vain éclat d'un Crésus, mais semblable à la sagesse d'un Solon, qui n'a que la vertu pour guide. Vos bienfaits, Sire, et le temps, ne vous feront reconnaître que des ingrats, car vos grâces surpassent leurs forces et leur attente.

<113>Je relus hier la lettre de V. M., et jamais je ne ressentis plus de joie.

Christian vient de m'octroyer le congé et de me marquer par son greffier que, en considération du parfait dévouement qu'il se ressent pour V. M., il me le donne avec le brevet de colonel, m'ordonne encore de me rendre à Schlev.,128-a où il veut me voir et me parler.

Je pars demain, et me rendrai le plus prompt que possible aux pieds de V. M., pour lui renouveler les vœux d'une affection et d'une fidélité inviolable, l'entière soumission et le profond respect avec lesquels je suis, etc.

8. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Neudorf, près de Nollendorf,128-b 26 (octobre 1756).

Je vous remercie, mon cher Fouqué, de la part que vous prenez aux succès de ma campagne. J'ai fait ce que j'ai pu. Les ennemis ont apparemment fait plus de fautes que mes officiers, de sorte que, cette année, nous avons réussi. Mais toute cette campagne n'est que l'entablement au jeu d'échecs. L'année qui vient, la partie commencera, et c'est une rude tâche que je me suis proposée d'être sage toujours. Le projet est hardi pour un étourdi comme vous me connaissez; j'y ferai ce que je pourrai. Je placerai votre Goltz. J'ai des compagnies à revendre, et je me déferai de toutes les lourdes bêtes de l'armée, comme le commencement s'en est déjà fait. Je ne regarde pas la campagne comme entièrement finie, et je crois que nous aurons encore un petit bout d'arrière-saison. Je m'y prépare, et j'ai pris mes arrangements d'avance, pour qu'on ne me prenne pas sans vert. Adieu, mon <114>cher. Je vous embrasse, et je marche demain pour arranger cent mille coïonneries héroïques qui cependant toutes sont nécessaires.

9. AU MÊME.

Breslau, 23 décembre 1758.

Je vous envoie, mon cher ami, l'obole de la veuve; recevez-la d'aussi bon cœur que je vous l'ai destinée. C'est un petit secours dont vous pouvez bien avoir besoin dans ces temps calamiteux.

Je vous envoie en même temps quelques Réflexions,129-a qui sont tout le fruit que j'ai recueilli de ma dernière campagne.

Selon les apparences, les quartiers d'hiver seront tranquilles; l'ennemi ne fait aucune démonstration de vouloir nous y troubler. Je ne crois pas qu'il en soit de même du prince Ferdinand. Mais laissons l'avenir sous le voile où la Providence a voulu le cacher, et, pour parler du présent, soyez persuadé de l'amitié et de l'estime que je vous conserverai jusqu'à la fin de mes jours. Adieu.

10. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Léobschütz, 2 janvier 59.



Sire,

Souvenez-vous de vos bienfaits, et pensez que vous m'avez enrichi au delà de mes désirs. Pour comble de bontés, vous venez de me faire un présent de deux mille écus. Je vous en rends de très-humbles actions de grâces, et je tâcherai d'en faire le meilleur usage pour votre service.

<115>Je juge par les traits de générosité de V. M. que ses trésors sont inépuisables. Tant mieux, je vous en félicite, et suis, etc.

11. DU MÊME.

Léobschütz, 2 janvier 1759.



Sire,

Il est étonnant, il est même surnaturel de voir Votre Majesté suffire à tant d'occupations différentes, et qui toutes sont d'un détail infini; aussi êtes-vous l'unique dans ce monde qui puisse y fournir.

Sans contredit, celles de la guerre sont les plus pressantes et les plus nécessaires; et je vois aussi, par les Réflexions que V. M. vient de faire sur cet objet important, qu'elle l'a profondément médité. Personne n'est plus capable que vous, Sire, de faire de solides réflexions; elles sont le fruit de la grande expérience que vous avez acquise. Personne n'a soutenu des guerres comparables à celles que vous avez faites; l'histoire ne présente rien de tel, et, quoique dans cette dernière campagne vous n'ayez point fait de conquêtes, les faits mémorables qui la caractérisent, l'activité que vous y avez déployée, et le courage avec lequel vous avez soutenu et repoussé les puissances les plus formidables de l'Europe, vous immortaliseront à jamais, et vous donnent le pas sur tous les héros anciens et modernes.

La flatterie, Sire, n'est point de mon caractère; le monde entier vous rend justice.

Il semble, Sire, que, en me communiquant vos Réflexions sur la tactique et sur quelques parties de la guerre, V. M. approuve, ou plutôt m'ordonne de lui en dire mon sentiment; c'est un maître qui veut se faire instruire par son écolier. J'obéis, et je me flatte de ne courir aucun risque, puisque la sincérité de mes sentiments vous est connue, aussi bien que mon attachement pour votre service et mon zèle pour votre auguste personne.

<116>Si la guerre continue, il faut espérer que vous n'aurez plus autant d'armées ennemies sur les bras, et qu'il s'en détachera quelques parties. Si ce concert continue, naturellement nous devons succomber.

Les remarques auxquelles V. M. a donné le plus d'attention portent principalement sur trois points : 1o la manière de camper des Autrichiens; 2o l'attaque de leur armée en marche; 3o leur nombreuse artillerie.

Quant au premier point, qui est celui des camps inabordables des Autrichiens, tant sur leur front que sur leurs flancs, je crois qu'il ne serait à propos de les imiter que lorsqu'on aurait pour objet de leur défendre un passage ou l'entrée d'un pays, de couvrir une place, ou d'éviter le combat, supposé que notre armée fût de beaucoup inférieure à la leur. Autrement, deux armées qui auraient le même objet courraient risque de passer une campagne à ne rien faire de considérable, ce qui ne convient pas à notre situation; et c'est certainement aussi ce qui n'arrivera pas, car il se fera des détachements de part et d'autre, d'où il résultera dans la position des armées des changements qui pourront occasionner des combats.

Je pense qu'un camp qui aurait ses ailes bien appuyées, de manière à ne pouvoir être tourné, et dont le front ferait une pente, sans avantage réel de part ni d'autre, je pense, dis-je, qu'un pareil camp nous conviendrait. Une position semblable pourrait engager les Autrichiens à venir à nous, et nous donnerait la facilité de marcher à leur rencontre; il ne s'agirait alors que de trouver des camps dont les appuis étayeraient les ailes et les flancs.

Rien de plus solide, Sire, de mieux pensé et de plus désirable que d'attirer les ennemis dans la plaine. Il est vrai que ce projet n'est praticable que par le sacrifice d'une grande partie de votre pays; mais, d'un autre côté, cela pourrait nous conduire au but; il ne serait question alors que de bien pourvoir les places frontières.

Je ne sais si ma conjecture est juste; mais, en examinant la conduite du général Daun dans la dernière campagne, je doute que vous réussissiez à faire sortir ce vieux renard de ses terriers, <117>s'il conserve le commandement de l'armée. Il s'est fait un système tout opposé à votre projet. Les batailles de Hohenfriedeberg et de Lissa sont toujours présentes à la mémoire des Autrichiens.

Si votre projet peut avoir lieu, il nous conduira à deux choses, qui sont de céder à nos ennemis le premier pas et les marches, au lieu que nous les avons toujours prévenus par l'ouverture des campagnes.

Le second point regarde l'attaque de leur armée en marche; mais leurs marches, comme V. M. le remarque, sont si bien conduites et si exactement masquées par la multitude de leurs troupes légères, qu'on ne doit guère se flatter de remporter des avantages réels dans une occasion semblable.

Il en est de même de l'attaque de leurs postes, qui sont également forts et inabordables; ce serait y sacrifier une infinité de monde, et le succès en serait très-incertain. Si le poste est mauvais, ils l'abandonnent. C'est ce que nous avons vu pratiquer à plusieurs de leurs généraux.

Malgré ces difficultés, il serait bien fâcheux qu'il ne se présentât pas dans le cours d'une campagne une occasion de les trouver en défaut.

L'article de l'artillerie est le troisième point, et sans doute il est capital. V. M. convient des faits suivants : que l'artillerie des Autrichiens est de beaucoup supérieure à la nôtre, qu'elle est mieux servie, et qu'elle atteint de plus loin par la bonté de la poudre et par la quantité qu'ils en emploient dans la charge des pièces. L'exécution de cette artillerie formidable a seule donné lieu aux remarques que V. M. a faites sur la valeur intrinsèque de notre infanterie présente.

Les Romains adoptèrent les épées de bonne trempe des Gaulois, et asservirent leurs vainqueurs. Suivons leur exemple, Sire, ainsi que vous l'avez résolu; opposons artillerie à artillerie avec la proportion des artilleurs, et vous ferez des régiments de votre armée autant de légions sacrées de Thébains. Il n'y a que cette supériorité d'artillerie, dont ils ont senti les effets, qui ait un peu ralenti leur ardeur naturelle.

Je suis, etc.

<118>

12. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Breslau, 9 janvier 1759.

Je ne suis pas aussi riche que vous le pensez, mon cher ami; mais, à force d'industrie et de ressources, j'ai trouvé mes fonds pour la campagne prochaine, de manière que tout sera exactement payé d'ici à la fin de février. J'ai partagé avec vous et une couple d'amis ce qui restait à ma disposition; ainsi vous devez plutôt me comparer au pauvre Irus qu'à l'opulent Crésus.

Je vous remercie de votre réponse aux Réflexions militaires que je vous ai envoyées. Je pense comme vous; mais il ne faut sonner mot de tout ceci.

Les Turcs remuent; ils ne resteront pas longtemps les bras croisés. Le roi d'Espagne est mourant. Voilà de l'occupation pour ces lâches conjurés qui travaillent à me nuire.

Si les gens qui ne portent point de chapeaux se tournent vers les barbares, toute cette horde disparaîtra, et la Suède quittera par conséquent la partie; s'ils se tournent vers nos insolents voisins, ils ne pourront pas s'opposer vigoureusement à moi et aux circoncis en même temps; et si par-dessus tout cela le roi d'Espagne meurt, la guerre s'allumera aussitôt en Italie, et nos fous et étourdis compatriotes seront obligés de se brouiller avec leurs insolents et fiers tyrans.

Tout cela empêche de former à présent un plan d'opérations. Il faut que le temps nous révèle ce qui doit arriver, et que l'on voie les mesures que prendront nos ennemis; alors on pourra se déterminer sur ce qu'il sera convenable de faire. Adieu, mon cher ami; je vous souhaite santé et prospérité dans cette nouvelle année. Je vous embrasse de tout mon cœur, en vous assurant de ma tendresse et de mon estime, qui ne finiront qu'avec ma vie.

<119>

13. AU MÊME.

Freyberg, 22 avril 1760.

La prévôté de l'église cathédrale de Brandebourg se trouvant vacante et à ma disposition par la mort du feu prince Maurice d'Anhalt, je profite de cette occasion pour vous témoigner à quel point je suis satisfait de votre zèle et de votre attachement inaltérable pour mon service. Voilà le motif qui me porte à vous conférer le bénéfice en question, avec tous les droits et revenus qui s'y trouvent attachés; en conséquence de quoi j'ai donné les ordres nécessaires au ministre d'État le baron de Danckelman.

Mais, comme il y a encore un article à régler au sujet d'un capital de douze mille écus que le feu roi mon père a assuré audit prince Maurice sur le fonds de ce bénéfice pour être restitué par son successeur aux héritiers, comme il y fut obligé lui-même par rapport aux héritiers de Grumbkow quand ledit bénéfice lui fut dévolu, il faudra que vous régliez préalablement cet article avec les héritiers du prince, d'autant plus que le capital mentionné sera également assuré à vos héritiers futurs, comme vous aurez occasion de vous en convaincre par mon ordre émané à ce sujet au ministre d'État de Danckelman.

Je souhaite sincèrement vous voir jouir de ce bénéfice au moins autant d'années que le feu maréchal de Grumbkow en a joui. Sur ce, etc.

14. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Löwenberg, 27 avril 1760.



Sire,

Il semble, Sire, que vous ayez pris à tâche de me rendre opulemment riche malgré le peu de penchant que j'y porte, et, pour comble d'embarras, vous me faites ecclésiastique. Je m'acquit<120>terai aussi mal des fonctions de cette charge que du rôle d'Arbate,135-a si je dois y officier. Cependant je m'en console; pourvu que j'aie la satisfaction de remplir vos idées pendant la guerre, et que vous y soyez heureux, Sire, j'y sacrifierais volontiers le prévôt, le chapitre, et ma vie. Je suis, etc.

Je ne suis nullement embarrassé pour la restitution des douze mille écus, Sire; vous y avez trop bien pourvu.

15. AN DEN BARON VON L. M. FOUQUÉ.

Berlin, den 20. April 1763.

Mein lieber General von der Infanterie von Fouqué.136-a Den Einhalt Eures Schreibens vom 15. dieses habe Ich mit vieler Zufriedenheit ersehen, und wird solche dadurch noch mehr vergrössert werden, wann Ihr jetzo nur, wie Ich wünsche und verlange, alle Sorgfalt vor die Retablirung Eurer Gesundheit und deren völligen Herstellung haben werdet, damit Ich das Vergnügen haben kann gegen Euch darzuthun, wie Ich bin Euer wohl affectionirter König.

136-bRemettez votre santé, mon cher; votre ancien ami réparera toutes les brèches de votre fortune.

<121>

16. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Magdebourg, 20 juin (1763).

Je viendrai ce soir, mon cher ami, coucher chez vous136-c sans façon; vous ne le trouverez pas mauvais. Adieu; à revoir.

17. AU MÊME.

(Sans-Souci) 21 juillet 1763.

Je vous envoie, mon cher ami, ce service si longtemps attendu, qui est enfin fini. Je souhaite que vous vous en serviez de longues années à votre grand contentement.

Mandez-moi, je vous prie, comme va votre santé; j'ai grande envie de vous envoyer Cothenius,137-a pour que vous vous serviez de vrais remèdes, et non de drogues qui ne vous font rien. J'attends sur cela votre réponse, en vous assurant de ma sincère et parfaite amitié. Adieu.

18. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 25 juillet 1763.



Sire,

Je n'ai rien perdu pour avoir attendu. Bien loin de là, vos bontés, vos bienfaits, joints à la beauté et à la magnificence du service d'argent que V. M. vient de m'envoyer, surpassent de beaucoup mon attente.

<122>Cent fois je fais réflexion et me dis : Pourquoi et par quel motif ce grand homme roi, ce cher et digne prince me comble-t-il de tant de grâces, et, plus que tout cela, m'honore-t-il depuis plus de trente ans d'une constante amitié?137-b Pardonnez l'expression, Sire, mais je n'en connais point de plus précieuse ni de plus glorieuse pour moi. Mon amour-propre s'en trouve trop flatté. Enfin je m'y perds, et n'y trouve aucune raison à m'en attribuer les acquis; car, Sire, avec toute la science que possède V. M. du caractère des hommes, vous ne sauriez pénétrer les replis de mon cœur, ce qui seul néanmoins pourrait me consoler et tenir lieu de quelque chose, ne pouvant d'ailleurs vous prouver la réalité de mes sentiments.

Ma santé est bonne, Sire, puisque je ne sens aucun mal; je dors passablement bien, l'appétit est de même, grâce au chocolat et au quinquina de V. M., auxquels je l'attribue. C'est là le bon côté. Celui qui lui est opposé, ce sont les jambes, les hanches, la poitrine et la voix, que la moindre agitation met hors d'œuvre.

Je ne suis plus bon à rien, et rien ne m'est plus convenable que la vie de chanoine et le repos; ajoutez pour combler vos grâces, Sire, celle de m'en faire jouir pour le reste de mes jours. Je chanterai des horas à votre gloire et pour la prospérité de votre incomparable personne jusqu'au dernier instant de ma vie. Je suis, etc.

19. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

(Sans-Souci) 30 juillet 1763.

Si ce que je vous ai envoyé vous a été agréable, c'était ce que j'avais le plus souhaité; c'était le but, mon cher, que je m'étais proposé.

<123>Vous vous étonnez que je vous aime. Vous devriez plutôt vous étonner si je n'aimais pas un officier de réputation, honnête homme, et de plus mon ancien ami.

Je voudrais que votre santé se remît tout à fait, et je vous avoue que je ne perds point encore l'espérance. Il faut que vous vous soigniez, que vous preniez vos aises, et que la tranquillité, le quinquina et les herbes vous rendent vos forces.

Vous resterez à Brandebourg tant que vous voudrez; cependant vous me rendrez visite quelquefois. Il n'y a pas loin, et, quand je saurai que vous voudrez venir, je vous enverrai mes chevaux à moitié chemin.

Adieu, mon cher ami; je suis à vous de cœur et d'âme.

J'ai ici ma sœur de Schwedt139-a et toute sa famille.

20. AU MÊME.

(4 octobre 1763.)

Je vous envoie, mon cher ami, un grand verre que j'ai encore trouvé à Berlin de la succession de mon père. Je souhaite qu'il vous amuse un moment.

Je n'entends plus parler de vous que par des étrangers qui passent par Brandebourg. M'avez-vous oublié, ou me ferez-vous le plaisir de me venir voir quand cela ne vous incommodera pas?

Adieu, mon cher; je vous embrasse.

<124>

21. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 6 octobre 1763.



Sire,

J'ai des défauts que je connais sans pouvoir m'en corriger; mais le vice de l'ingratitude m'est inconnu. Jugez donc, Sire, si je puis oublier mon auguste bienfaiteur. Non, je ne crois pas qu'il se passe une heure du jour où je ne pense avec toute la sensibilité possible à la reconnaissance que je dois à V. M.

Je vous rends grâces, Sire, du beau verre que vous m'avez envoyé; il ornera mon buffet avec ceux que j'ai encore trouvés à Glatz.

Le froid, que je préférais autrefois à la chaleur, ne me convient plus. Je suis travaillé depuis trois jours d'une colique pour m'être promené au vent et avoir pris quelques fruits. Je bouche et calfeutre tous les trous de ma maison pour m'en garantir; je condamne des portes et des cheminées, afin que V. M. ne soit plus exposée aux vents coulis dans la chambre où elle a logé, si jamais elle vient à passer par Brandebourg. Je vous demande grâce et dispense, Sire, pendant le froid. Je suis, etc.

22. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

(2 décembre 1763.)

Je vous envoie, mon cher ami, du café turc qu'un mamamouchi140-a m'a donné.140-b Vous m'oublieriez tout à fait, si je ne vous faisais ressouvenir de moi. J'en aurai bientôt une nouvelle occasion que je saisirai avec empressement.

Adieu, mon cher ami; conservez-moi une petite place dans votre cœur.

<125>

23. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 6 décembre 1763.

Grand Dieu! quel homme nous as-tu donné? Le gouvernement de ses États, celui de ses armées, son commerce turc, ses palais et mille autres soins, la conduite de l'Europe, l'Asie à sa disposition, tout cela n'est rien, et ne saurait suffire à ses occupations; il faut qu'il m'envoie du café. Que ne pouvez-vous régir le monde tout entier, et ne prendre jamais fin! Je suis, etc.

24. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Berlin, 16 (décembre 1763).

Il y a, mon cher ami, une assignation de cinq mille écus pour vous chez Buchholtz, caissier de la Hofstaats-Kasse, que vous pouvez tirer quand vous le jugerez à propos. Cela servira pour payer une partie de ce que vous devez au prince Maurice pour le dôme de Brandebourg. Bonne santé, mon cher, soignez-vous bien, pour que j'aie le plaisir de vous revoir à Sans-Souci. Adieu, mon cher; je vous embrasse.

25. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 22 décembre 1763.



Sire,

Le prince Maurice et ses héritiers sont acquittés il y a longtemps. C'est prodiguer vos trésors que de vouloir m'en faire part. Vos grâces m'ont mis en possession d'un bien plus que <126>suffisant pour vivre honorablement. Permettez, Sire, que je vous en fasse le détail. J'ai dix-neuf mille écus placés à la Landschaft, à Berlin, etc., etc., et, pour surcroît d'embarras, cinq mille écus comptant, dont je ne puis faire usage, si V. M. n'a la grâce de les faire placer à ladite Landschaft, et d'alléger mon fardeau au lieu de le surcharger. De plus, Sire, vous m'avez meublé en prince. Tout cela, et bien au delà, en comptant ce que le diable tient dans ses griffes, j'entends les Autrichiens, sont les effets de vos bontés non méritées.

Ne vous fâchez pas, Sire, si je vous prie de mettre des bornes à vos présents pécuniaires et d'être persuadé que les assurances que V. M. me donne de sa précieuse amitié, et même son sac de café m'est infiniment préférable à tous les milliers d'or et d'argent qu'elle pourrait m'offrir. Je suis inviolablement, etc.

26. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 10 avril 1764.

Je reviens, mon cher ami, de la Silésie et de Glatz, où j'ai tout trouvé mieux que je ne m'y étais attendu.

J'ai trouvé ici de la porcelaine que je vous envoie pour vous faire souvenir de moi, en attendant que je puisse vous envoyer de la porcelaine de ma manufacture de Berlin.

Ceux qui vous ont vu m'ont dit que vous aviez bon visage, mais que vous étiez faible. J'ai encore quelque vin du Rhin de l'année 1684; si vous en voulez, mandez-le-moi, il sera à votre service. Il y a encore aussi du vieux vin de Hongrie. Vous n'avez qu'à dire un mot, et vous l'aurez.

Mandez-moi quand vous voudrez venir me voir, car je n'y renonce pas.

Nous exerçons à présent de corps et d'âme, pour remettre nos affaires en bon train. Cela commence à reprendre, et je vous avoue que j'ai du plaisir à voir reformer de nouveau cette armée <127>que j'ai connue si bonne autrefois, que j'ai vu ruiner par des guerres sanglantes, et qui, comme un phénix, renaît de ses cendres.

Adieu, mon bon et cher ami. Je vous aime de tout mon cœur; soyez-en persuadé, ainsi que de l'estime que j'ai pour vous.

27. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 12 avril 1764.



Sire,

Je prends toute la part imaginable au contentement que le voyage de Silésie vient de donner à V. M., ce qui n'est uniquement dû qu'à la conduite que vous y avez tenue pendant la guerre et aux bons arrangements pris depuis la paix. Une ou deux récoltes comme la précédente raccommoderont le pays, et le monde y repeuplera comme le grain.

Mon opinion sur le sujet de votre armée, Sire, est qu'une couple d'années la remettra non seulement sur un bon pied, mais qu'elle surpassera même par sa valeur intrinsèque celle des premières campagnes, puisque nous étions tous apprentis et dans le noviciat, au lieu que les trois quarts de l'armée d'à présent ont fait la guerre, et que vous y avez formé autant d'officiers.

Je suis pénétré, Sire, de votre gracieux souvenir et du présent de la porcelaine, que je trouve infiniment belle. Je souhaite que la fabrique de Berlin y réponde, ne pouvant m'imaginer qu'elle puisse la surpasser.

Ceux qui vous ont accusé l'état de ma santé en ont fort bien jugé. J'ai bonne apparence à table et assis; mais il me semble que le corps, les jambes et la voix s'affaiblissent de plus en plus. J'ai dessein de prendre le petit-lait et les herbes vertes le 10 ou 15 de mai, pendant trois semaines. Disposez de moi, Sire; décidez si je dois jouir du bonheur de me mettre à vos pieds avant ou après ma cure, ou aux dépens du petit-lait même.

<128>Puisqu'il faut opter pour les vieilles drogues, je crois devoir donner à l'oxycrat ancien du Rhin la préférence à l'hypocras de Hongrie. Je suis, etc.

28. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 18 avril 1764.

Je vous envoie, mon cher ami, du vin vinaigre du Rhin, comme vous me l'avez demandé. Je souhaite qu'il vous donne des forces et rétablisse votre santé. Je ne troublerai point l'usage de votre petit-lait, car je suppose que notre exercice et tout cet attirail militaire ne vous touche plus. Je compte vous venir voir en allant à la revue de Magdebourg; à mon retour, je m'en retournerai tranquillement habiter Sans-Souci. Si alors vous voulez venir chez moi, vous me ferez plaisir; nous serons seuls, sans monde, et vous ne serez gêné par rien.

Ne me parlez pas avec mépris de ma fabrique de porcelaine; elle est plus belle que celle de Meissen. Mais la maison ne sera tout à fait achevée qu'au mois de septembre, avec les douze fours que je fais bâtir, ce qui empêche encore qu'on ne travaille dans le grand. Cependant on fait déjà des choses plus belles que jamais on n'en a imaginé à Meissen. Je vous en donnerai des essais en passant par chez vous, et dès l'automne nous aurons des services et tout ce qu'on voudra.

Adieu, mon cher ami; n'oubliez pas les absents, et surtout moi, qui vous aime tendrement.

<129>

29. AU MÊME.

Le 21 avril 1764.

Après que vous avez insulté à ma manufacture de porcelaine, il faut, mon cher, que je la justifie. Je vous envoie un déjeuner aussi beau que ce que jamais on a travaillé à Meissen, et vous recevrez en même temps une tasse peinte en figures, qui vous convaincra que notre ouvrage vaut au moins celui de Saxe.

Nous nous occupons ici à tirer notre poudre aux moineaux. Le temps est froid, mais cela n'empêche pas que nous n'allions notre chemin.

Adieu, mon cher; je vous souhaite bonne santé, contentement et vie.

30. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 22 avril 1764.



Sire,

Rien n'est plus humiliant que d'être réduit à la nécessité de se rétracter. Cependant, quoi qu'il en coûte, je me sens assez au-dessus de cette mauvaise honte, d'autant plus que, étant naturellement porté pour la sincérité et le vrai, ce caractère m'oblige donc à reconnaître mon erreur, en me déclarant en faveur de la fabrique de porcelaine de V. M., tant pour le relief de l'ouvrage que la vivacité des couleurs du service à thé, qui l'emporte sur ce que j'ai vu de celle de Saxe. Pour ce qui est de la tasse mosaïque, je m'imagine y trouver le pinceau de Watteau, tant elle est ravissante.

Vous avez, Sire, un talent bien particulier, puisque, au lieu de punir la témérité de mes doutes, je m'en trouve récompensé par ce beau présent. Si ce n'était la crainte d'être puni une seconde fois, je m'aviserais encore d'une autre réflexion, savoir, <130>si les experts de votre fabrique n'auront pas le sort de ces machinistes dont les modèles ne réussissent qu'en petit.

Vous ajoutez sans doute, Sire, une demi-année au cours de ma vie par l'envoi de l'oxycrat, dont je me servirai comme de remède. Je suis pénétré de tant de bienfaits, et ce qui me mortifie le plus, c'est le défaut de vous en pouvoir prouver ma reconnaissance et de témoigner à V. M. la réalité du zèle, de l'attachement et de la fidélité que j'ai pour sa personne.

Vivez, Sire, pour le bien de l'État et votre gloire. Exercez, manœuvrez, et vous fâchez un peu quelquefois; tout cela contribue à votre santé, selon le système de feu le vieux routier.147-a Je suis, etc.

P. S. Vous serez très-bien venu chez vous à Brandebourg, Sire, et vous y trouverez à midi le pot-au-feu d'un réfugié.

31. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 27 avril 1764.

Je suis charmé de l'aveu que vous me faites, mon cher ami, de la bonté de ma porcelaine. Nous attendons que le grand bâtiment soit achevé pour travailler en grand. Cela ne peut avoir lieu qu'à la Pentecôte; alors il faut établir les dix grands fours pour la cuisson de la porcelaine, de sorte que l'ouvrage ne pourra être véritablement en train que vers le milieu de septembre. On a déjà fait de grandes pièces dans les deux fourneaux que nous avons, qui ont fort bien réussi; mais nous avons des commissions pour la Russie et la Hollande, auxquelles on travaille incessamment pour les expédier. J'entretiens actuellement cinq cent sept personnes à cet ouvrage. Il n'y a que les fours qui nous arrêtent; mais au mois de septembre cet obstacle sera levé.

<131>Vous vous imaginez, mon cher, que je suis encore aussi vif qu'autrefois; mais vous vous trompez. J'ai mis de l'eau dans mon vin, et je corrige à la vérité ce qu'il y a de défectueux dans la partie de l'exercice, mais sans sortir de mon assiette ordinaire. Ce qui regarde le commun soldat sera l'année prochaine en ordre aussi bien qu'avant la guerre. Pour ce qui regarde l'officier, c'est où porte ma plus grande attention; pour qu'ils deviennent ensuite vigilants dans le service, et qu'ils se forment le jugement, je leur fais enseigner la fortification, et avec cela on tâche de les obliger à raisonner sur tout ce qu'ils ont à faire. Vous comprenez bien que cette méthode ne saurait réussir en général; mais dans le grand nombre nous formerons des sujets et des officiers qui ne seront pas généraux par brevet, et qui en auront vraiment les qualités.

Adieu, mon cher ami; je vous manderai quand je pourrai venir à Brandebourg. Je vous embrasse de tout mon cœur.

32. AU MÊME.

Le 1er juin 1764.

Si je ne vous écris pas moi-même, mon cher ami, c'est que j'ai la goutte à la main gauche. Vous direz peut-être que je pourrais bien conduire la plume de la main droite; mais le papier m'échapperait, et je ne veux pas fatiguer vos yeux d'un griffonnage de chat. Cet accident, qui m'est venu fort mal à propos, m'a empêché de voir les régiments de la Poméranie et de la Nouvelle-Marche, et m'a obligé de différer de deux jours la revue des régiments de Magdebourg.

J'irai sans façon chez vous, comme un ancien ami, en passant par Brandebourg. J'y serai le 4 à midi. Je n'amène avec moi qu'un seul ami,148-a bien digne de votre amitié et de votre estime; <132>ainsi nous ne serons que nous trois, si vous le trouvez bon. Il ne faut que peu de chose pour me nourrir; je ne vous demande qu'une bonne soupe et un plat d'épinards, bon visage d'hôte, et de vous trouver en bonne santé. Ce dernier article est de tous celui que je vous recommande le plus.

Adieu, mon cher ami; j'espère vous assurer alors de toute mon estime.

33. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 16 septembre 1764.



Sire,

Un proverbe dit que les choses qui coûtent de la peine produisent des effets d'autant plus agréables. Cela étant, j'ai lieu de croire que V. M., après avoir parcouru en chevauchant les Alpes de la Silésie, doit être très-satisfaite de son voyage. Je le souhaite, Sire, et juge avec fondement que vous ne ferez jamais le tour de vos contrées sans vous rappeler la peine que vous a coûtée la gloire de leur conquête. Jouissez du repos, Sire, s'il en est pour vous, que Sans-Souci vous présente avec ses fruits excellents, et agréez mes actions de grâces pour la part dont vos Krutisch149-a m'ont pourvu pendant votre absence. Portez-vous bien, Sire, et prospérez en toutes vos entreprises. Je suis, etc.

34. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 16 septembre 1764.

Je suis très-sensible aux sentiments d'attachement que vous avez bien voulu me renouveler par votre lettre d'aujourd'hui, <133>à l'occasion du voyage que j'ai heureusement fait en Silésie. J'y ai trouvé les choses en assez bon état, et ne suis fâché que d'y avoir vu votre beau-fils150-a dans un état des plus malingres, qui donne tout lieu d'appréhender qu'il cessera bientôt de vivre. Sur ce, je prie Dieu, etc.

P. S. Me voici de retour, mon cher. Je puis dire de mon voyage économique et militaire que, si je n'ai pas trouvé tout également bien, du moins tout est passable.

35. AU MÊME.

Le 19 octobre 1764.

J'ai reçu, mon cher ami, le pâté du Périgord de Brandebourg.150-b Je l'ai gardé pour apprendre si vous en voulez prendre votre part. Je suis tout seul; si le voyage ne vous incommode pas, ou si d'autres raisons ne vous retiennent, il dépendra de vous de rendre une petite visite à votre ami.

Le pauvre Nimschöffsky, qui était un bon et digne officier, vient de décéder. J'en suis fâché, mais bientôt nous irons le rejoindre dans ce pays d'où personne ne revient.

Nous avons fait des manœuvres qui ont réussi tant bien que mal. Les officiers de l'état-major ne sont pas encore reformés; il faut encore quelques années pour remonter cette machine sur le pied précédent. Cependant je me fais vieux, et je devrais plutôt penser à graisser ma voiture pour le grand voyage qu'à manœuvrer avec des troupes que, selon toutes les apparences, je ne mènerai plus à l'ennemi.

<134>Adieu, mon cher; bonne santé, contentement et bonne humeur, voilà ce que je vous souhaite bien cordialement.

36. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 22 octobre 1764.



Sire,

Le retour de mon domestique m'aurait averti trop tard de l'honneur que V. M. me destinait à midi, si d'ailleurs je n'eusse été empêché de m'y rendre par des incommodités hémorroïdales dont je ne fais que me remettre. Les ordres gracieux de V. M. me permettent de lui alléguer ces raisons. Je la supplie d'accorder pendant cette saison le repos et la chaleur convenable à mon état valétudinaire, pour mettre, s'il se peut, quelque intervalle à la suite du colonel Nimschöffsky, en qui vous avez perdu un très-digne et bon officier; non que je craigne la mort, mais je serais assez d'accord de jouir quelque temps de la tranquillité et de la douceur que vos bontés procurent à ma vie. Ce qui en redouble l'agrément, c'est de vous savoir bien portant, Sire. Je l'attribue aux promenades journalières de V. M.

Puissiez-vous enfiler vos allées, bâtir cinquante années de suite des colonnades et des palais, puis voiturer avec le char d'Élie droit au paradis. Je suis, etc.

37. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 26 octobre 1764.

Demeurez, mon cher ami, au coin de votre foyer, parce que la chaleur vous est salutaire. Conservez-vous, c'est votre premier <135>devoir; et puis, si vous n'avez rien de mieux à faire, pensez quelquefois à votre ami absent.

Je conçois que la perte que vous venez de faire vous doit être sensible; votre gendre était jeune, il avait échappé à tous les dangers d'une guerre meurtrière, et puis il s'en va mourir dans le moment qu'il devait recueillir les récompenses de ses services. Cela est cruel; mais il faut dire comme cette femme lacédémonienne qui, apprenant que son fils avait été tué à la bataille de Marathon, dit : « Je savais, en le mettant au monde, qu'il n'était pas immortel. » Un peu plus tôt, un peu plus tard, il faut en venir là; tel a été le sort des races précédentes, et tel sera le nôtre. Cependant, tandis qu'on est dans le monde, il est juste d'en profiter quand on le peut, et d'en prendre les douceurs, qui servent d'antidote aux amertumes dont la vie de tous les hommes est empoisonnée.

Je vous remercie de vos truffes de Magdebourg. Noël152-a en fait un pâté, et, comme vous n'avez pas pu goûter le vôtre, je vous enverrai le mien.

Adieu, mon cher ami; portez-vous bien, bannissez la tristesse de votre esprit, et conservez-moi un ami pour qui mon estime ne cessera qu'avec ma vie.

38. AU MÊME.

Le 19 décembre 1764.

Je vous envoie, mon cher ami, une petite marque de souvenir. Je vous destinais un service de table et des vases; mais nous ne pouvons avoir ces choses qu'au mois de mars, où toute la fabrique sera montée et en état de fournir ce qu'on voudra.

Portez-vous bien, mon cher, et n'oubliez pas vos vieux amis. Adieu.

<136>

39. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 24 décembre 1764.



Sire,

Quoique la réception de votre belle porcelaine me cause beaucoup de joie, cette joie ne saurait néanmoins surpasser celle que je ressens de la satisfaction que vous doit donner la réussite de cette fabrique, puisque c'est votre production et votre ouvrage, qui répond à tout le reste de vos entreprises. Je vous en félicite, Sire, et ne doute pas que ce grand et bel établissement ne parvienne bientôt à sa dernière perfection.

Agréez, Sire, les vœux sincères de mon cœur pour le renouvellement d'année et la conservation de votre santé. Je suis, etc.

40. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 10 février 1765.

Je vous envoie, mon cher ami, un fragment de pâté du Périgord véritable, avec des truffes qui viennent de ce pays-là. Je souhaite qu'il vous ragoûte, et que cette occasion me procure des nouvelles de votre santé, car, quoique voisin, je n'apprends pas le mot de ce qui vous regarde, bien que personne ne s'y intéresse plus que votre ancien et fidèle ami.

41. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 11 février 1765.



Sire,

Je suis très-sensible à la bonté de votre gracieux souvenir, et me réjouis fort de vous savoir dans votre repos. Il paraît très-<137>convenable, Sire, d'en prendre de temps en temps à votre âge pour faire vie qui dure. La différence de l'original du pâté du Périgord à la copie de Brandebourg me paraît très-remarquable. Je dois la même justice à celui de Sans-Souci, et trouve, selon mon goût, que l'assaisonnement de sire Noël l'emporte sur l'original même.

Ma santé est fort journalière; je ne sors de mon enclos que pour me rendre au temple, y porter mes vœux pour la prospérité de V. M., et puis de temps en temps pour déterrer un blaireau. D'ailleurs, je vis dans la retraite, et ne vois chez moi que quelques officiers de la garnison, mes collègues et ma fille, qui depuis peu de temps est revenue s'établir à Brandebourg avec ses deux enfants, Henriette et Wilhelmine de Nimschöffsky, dont le défunt m'a nommé tuteur. C'est dans cette qualité, Sire, que j'ose supplier V. M. de vouloir leur accorder la grâce de trouver un jour place au chapitre de Halle. Je suis, etc.

42. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 11 mars 1765.

Je reviens de Berlin, mon cher ami. J'ai été à ma fabrique de porcelaine, j'y ai trouvé deux vases et une jatte à bouillon; j'ai cru que cela pourrait vous faire plaisir, et je vous les envoie. Les grandes garnitures des cheminées ne sont point achevées; on travaille aux formes, et dans six semaines au plus tard on pourra avoir de tout ce qu'on voudra. Je ne vous oublierai pas, mon cher, dès que je trouverai quelque chose digne d'orner votre retraite.

Adieu, mon cher ami; mandez-moi comment vous vous portez.

<138>

43. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 15 mars 1765.



Sire,

Je ne crois pas qu'un enfant puisse ressentir plus de joie aux étrennes que j'en ai eu à la réception de vos vases et de la jatte. Je les trouve d'une beauté achevée, tant pour la blancheur de la porcelaine que pour le goût et les couleurs. Je suis convaincu que ni le Japon ni l'Europe n'ont rien produit de semblable, ni en si peu de temps. Il ne me reste plus, Sire, que le désir de pouvoir reconnaître dignement toutes les grâces dont V. M. daigne me combler.

Ma santé est passable. La voix s'affaiblit de plus en plus; il y a des jours où j'ai peine à me faire entendre. Je suis, etc.

44. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 25 avril 1765.

Mon cher ami, j'ai eu depuis cinq semaines la goutte et les hémorroïdes d'une façon plus violente que je ne les ai eues jamais; et, comme le mal est passé, et que je commence à me remettre à présent, je n'ai rien de plus pressé que de vous donner de mes nouvelles. Je souhaite d'en apprendre de bonnes de votre part, et que votre santé aille en augmentant. J'espère, mon cher, que ce que je vous en écris ne vous sera pas désagréable, et que votre réponse me tranquillisera sur l'état de votre santé.

Adieu, mon cher; je vous embrasse de tout mon cœur, et j'espère que vous ne serez pas fâché si je viens chez vous en allant à Magdebourg.

<139>

45. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 28 avril 1765.



Sire,

Je suis au comble de la joie, Sire, de vous savoir mieux portant, et je rends mes très-humbles actions de grâces à V. M. de la consolante nouvelle qu'elle vient de m'en donner. Il m'a paru être présent aux violentes douleurs de votre goutte, Sire, jusqu'à m'en faire grincer des dents, ce qui apparemment a augmenté en même temps les souffrances d'une enflure à mes deux jambes dont je suis incommodé depuis quelques semaines. Je commence à me remettre par le moyen du petit-lait. Mais votre santé, Sire, me tient plus à cœur que la mienne, et j'ose supplier V. M. de faire tout son possible pour vous donner, durant la belle saison, le temps de reprendre vos forces.

Vous serez le bienvenu chez vous à Brandebourg; je me trouverai trop heureux et honoré dans mon refuge de pouvoir vous présenter le pot-au-feu. Je suis, etc.

46. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 6 juin 1765.

Je serai le 9 à midi chez vous, mon cher ami. Je viens tout seul; cela n'exige ni festin, ni dépense. Le pot-au-feu, pris à la lettre, est suffisant. Je souhaite de vous y voir en bonne santé, gai et de bonne humeur.

Ici, à la revue, il y a eu du haut et du bas. Ce n'est ni comme à Berlin, ni comme à Stettin; mais il faut que cela vienne. Adieu, mon cher ami; je vous embrasse tendrement.

<140>

47. AU MÊME.

Le 26 juin 1765.

Je vous envoie, mon cher ami, quelques fruits de Sans-Souci; j'ai encore quelque chose pour vous, que je voudrais vous donner à vous-même. La cour de Brunswic vient ou arrive ici le 10 du mois prochain. Voilà le temps, mon cher, dont je puis disposer; c'est à vous de choisir le vôtre. Adieu, mon cher ami; je vous embrasse.

48. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 27 juin 1765.



Sire,

Depuis l'existence de Brandebourg, on n'y a point vu paraître, selon toute apparence, dans la saison présente les différentes sortes de fruits que V. M. vient de m'envoyer. Vous y ajoutez, Sire, l'ordre de venir en cueillir moi-même, et je n'y manquerai sûrement pas.

Le sieur Cothenius m'ayant mis aux bains depuis quinze jours, ce qui ne laisse pas de me soulager, je supplie V. M. d'en permettre la continuation jusqu'à samedi prochain, afin que j'aie, le dimanche suivant, le bonheur de me mettre à ses pieds et de lui témoigner que je suis, etc.

49. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 16 septembre 1765.

Je reviens de Silésie, mon cher ami. Les eaux de Landeck m'ont rendu l'usage des jambes, et à présent il ne me paraît presque pas que j'aie eu la goutte.159-a

<141>J'ai vu votre régiment mieux en ordre que jamais. Luck159-b est un très-bon officier, et qui sert par honneur et par ambition.

Je souhaite que mon jardinier vous ait bien servi durant mon absence. C'est à moi maintenant à être votre pourvoyeur et à fournir votre ménage de fruit et de ce qui peut vous être agréable; mais j'exige que vous me donniez des nouvelles de votre santé, pour que je sois tranquille sur le sujet de mon bon vieil ami, que j'aimerai jusqu'au tombeau. Adieu.

50. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 16 septembre 1765.



Sire,

La confirmation que je viens de recevoir de Votre Majesté du bon effet que les eaux de Landeck lui ont procuré me donne une joie extrême. Votre contentement, Sire, fait le mien et mon unique consolation. Je ne cesserai jamais de faire les vœux les plus sincères pour la santé de V. M.

Je ressens toute la satisfaction possible, Sire, de ce que vous avez trouvé mon régiment en bon ordre. Le lieutenant-colonel Luck m'a marqué avec bien de la joie les marques réelles que V. M. lui a données de sa gracieuse approbation, ce qui doit l'engager à faire de plus en plus paraître son zèle pour votre service.

Vous m'ordonnez, Sire, de vous donner de mes nouvelles. J'ai eu depuis près de quatre semaines des douleurs de sciatique; je me suis avisé de me servir du baume de la Mecque, dont j'avais environ quinze ou dix-huit gouttes que j'ai prises en autant de jours. Je m'en trouve plus dispos et beaucoup soulagé.

Je vous rends grâces, Sire, de vos excellents fruits, et suis, etc.

<142>

51. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 18 septembre 1765.

Heureusement, mon cher ami, il m'est encore resté un flacon de baume de la Mecque, que l'effendi m'a donné. Je vous l'envoie avec le plus grand plaisir du monde, et j'y ajoute mille vœux pour que ce baume vous fasse tout le bien imaginable. Portez-vous bien, et n'oubliez pas le plus fidèle et le plus ancien de vos amis.

52. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 19 septembre 1765.



Sire,

On vient de me rendre le flacon de baume de la Mecque que Votre Majesté me fait la grâce de m'envoyer. Jamais prince au monde n'a pris plus de soins pour son serviteur que V. M. pour ma santé. Ce qui vous distingue, Sire, des autres princes, c'est que vous faites tant de bien à un homme qui ne peut par le moindre service vous en témoigner sa reconnaissance. Quel sort, Sire, de ne pouvoir répondre à tant de bontés que par les sentiments de l'attachement inviolable et de la fidélité avec laquelle je serai jusqu'au dernier moment de ma vie, etc.

53. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 31 décembre 1765.

Bon jour et bon an, mon cher ami. Je vous envoie un présent de vieillard à vieillard : une chaise commode que vous pouvez <143>trousser et baisser selon votre fantaisie, du vrai baume de la Mecque pour restaurer vos forces, et des breloques de ma manufacture de porcelaine pour vous amuser. Quand je vous verrai, l'été, à Potsdam, je vous ferai quelque galanterie plus solide. En attendant, je fais, mon cher ami, des vœux pour votre santé, vous assurant que personne n'y prend plus de part que votre ancien et fidèle ami.

54. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 3 janvier 1766.



Sire,

Votre Majesté ne m'aurait jamais prévenu sur le compliment de la nouvelle année, si ce n'était qu'un effet d'attention et de discrétion ne m'en eût empêché; d'ailleurs je suis persuadé, Sire, que, de tous les compliments que vous recevez à cette occasion, il n'y en a certainement pas qui puissent surpasser la sincérité des sentiments de mon cœur pour votre gloire et bien-être.

Je vous remercie, Sire, des belles et bonnes étrennes que vous avez la grâce de m'envoyer, et félicite V. M. de la satisfaction que lui doit donner la réussite de sa porcelaine, d'autant plus que, étant la dernière en date, elle l'emporte en beauté sur toutes les autres. Je ferai bon usage du fauteuil, et m'y dorloterai de mon mieux. Le premier envoi de baume de la Mecque de V. M. m'ayant donné quelque force, guéri des crampes et de la sciatique, j'ai lieu d'espérer que le second volume achèvera le reste, excepté la respiration et la voix, qui semblent diminuer de plus en plus. Je suis, etc.

<144>

55. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 9 janvier 1766.

Je suis charmé, mon cher ami, que les bagatelles que je vous ai envoyées vous aient été agréables. C'est le dernier flacon de baume de la Mecque qui me restait. J'ai fait écrire à Constantinople, pour en tenir en réserve, si vous en souhaitez.

Notre carnaval ressemble aux jours ouvriers à Brandebourg; il n'y a ni spectacle ni rien, à cause d'un deuil de famille qui m'afflige sensiblement.163-a Je me suis relâché pour les derniers quinze jours en faveur de notre jeunesse, qui n'est guère sensible à la tristesse des autres.

Votre ferme de tabac163-b avance bien, et je me flatte que vous aurez lieu d'en être content.

Adieu, mon cher ami; soignez bien votre santé, et comptez toujours sur mon cœur, qui sera à vous à l'avenir comme durant le passé.

56. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 9 janvier 1766.



Sire,

Je suis pénétré de toutes les bontés que vous me témoignez, au point que je ne puis en rendre les remercîments convenables, tant par rapport aux soins que V. M. prend de ma santé que <145>pour celui qu'elle prend de mes intérêts. Ce dernier point m'engage à lui demander une nouvelle grâce. Sire, la voici. J'ai perdu à la prise de Glatz toutes mes obligations; il y en avait pour dix-huit mille cinq cents écus de votre Landschaft de Berlin, dont je joins ici la note. Je supplie V. M., pour la sûreté de ma famille, de vouloir m'en accorder de conformes aux premières, qui étaient soussignées de sa main.

Nous sommes autorisés, tant par la raison que par l'usage, de modérer le chagrin aussi bien que la joie. Conséquemment, Sire, V. M. peut sans scrupule jouir du carnaval et du masque.

Comme V. M. se porte bien à l'entrée de son année climatérique, je me flatte que sa santé sera de longue durée. Je suis, etc.

57. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Berlin, 12 janvier 1766.

La lettre que vous m'avez faite du 9 de ce mois m'ayant été remise, j'ai saisi avec plaisir l'occasion de vous marquer ma bonne volonté pour vous obliger, et ai donné mes ordres précis à la Landschaft, afin de faire expédier de nouveau et envoyer à ma confirmation les contrats, selon le dénombrement que vous en avez joint sur les fonds que vous y avez placés, et dont les premiers originaux ont été perdus à la prise de Glatz. Et sur ce, je prie Dieu, etc.

164-aVous recevrez, mon ami, vos quittances dès qu'on me les aura envoyées.

<146>

58. AU MÊME.

(9 février 1766.)

Je vous envoie, mon cher ami, une petite provision de truffes d'Italie qu'on m'a fait tenir par Vienne. Je souhaite qu'elles vous soient agréables, qu'elles vous ragoûtent, et réveillent votre appétit.

J'attends ici tranquillement dans mon trou le retour du printemps; cette saison-ci n'est pas faite pour notre âge. Nous autres vieillards ne ressuscitons qu'au printemps, et végétons en été; mais l'hiver n'est bon que pour cette jeunesse bouillante et impétueuse qui se rafraîchit à des courses de traîneaux et à se peloter de neige.

Adieu, mon cher ami; je fais des vœux pour votre conservation et pour tout ce qui peut répandre des agréments sur votre vie.

59. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 11 février 1766.



Sire,

Je rends grâces à Votre Majesté des truffes d'Italie qu'elle vient de m'envoyer. Ceux qui auront goûté de l'une et de l'autre espèce trouveront que celles de votre bon pays de Magdebourg et de Halberstadt les surpassent infiniment. Le long voyage des ultramontaines peut en être la cause.

Puissiez-vous, Sire, jouir longtemps de tous les mets et de tout ce qu'il y a de bon dans ce monde, puisque personne n'en est plus digne que vous! Je me flatte, Sire, que vous passerez bien au delà de mon âge de soixante-neuf ans, surtout depuis les effets des bains de Landeck, qui vous ont raffermi au point de supporter également le froid et le chaud de la saison au temps de vos manœuvres.

<147>Je deviens sourd, Sire, et j'ai toute la peine du monde à me faire entendre. Votre serviteur s'achemine tout doucement vers le grand voyage. Tôt ou tard, et quelle qu'en soit l'issue, soyez persuadé que je vous aimerai, Sire, avec un dévouement inviolable et le plus profond respect jusqu'au dernier moment de ma vie. Je suis, etc.

60. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

(16 février 1766.)

Votre lettre, mon cher ami, m'a attristé. Vous me parlez de votre départ, et, si cela dépend de moi, j'ai envie de vous conserver le plus longtemps possible. On trouve partout des hommes, mais rarement d'aussi honnêtes gens et d'aussi fidèles amis que vous. Soignez-vous le plus qu'il est possible, pour que je ne vous perde pas sitôt, et songez au chagrin que j'aurais, si je me voyais séparé de vous pour jamais. Un peu de surdité ne fait rien à l'affaire; on a des cornets qui facilitent l'ouïe; feu madame de Rocoulle166-a en avait, et je vous en ferai faire, de sorte que j'espère qu'à l'aide du beau temps vous reprendrez des forces, et que je pourrai avoir encore le plaisir de jouir de vous à Sans-Souci.

Plein de cette persuasion, je vous prie de faire tout ce qu'il faut pour vous conserver, afin que j'aie alors le plaisir de vous embrasser et de vous donner des marques de ma sincère tendresse. Adieu.

<148>

61. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 19 février 1766.



Sire,

Je ne puis répondre à vos bontés; un torrent de larmes me serre le cœur, et l'expression me manque. Toute ma consolation, et ce qui me flatte le plus, c'est que vous m'estimez au nombre de vos amis. Mais qui suis-je, moi, pour recevoir tant de grâces? Un chien mort, comme Méphiboseth.167-a

L'ordinaire des princes n'est pas d'avoir l'âme si tendre; et vous qui les surpassez tous, Sire, comment s'est-il pu faire que vous l'ayez si flexible pour vos amis? Aussi j'en reconnais tout le mérite, la grandeur et le prix.

Je ne crois pas, Sire, et le ciel m'en est témoin, qu'on puisse surpasser les sentiments d'attachement que j'ai pour votre auguste personne. Je baisse beaucoup et de tous côtés; je parle fort peu, parce qu'on a peine à m'entendre, et même je ne puis articuler ce que je veux dire, comme feu le général de Rochow. Peut-être que la belle saison y portera quelque changement, et me procurera encore le seul bien où j'aspire en ce monde, qui est de vous voir. Je suis, etc.

62. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

(24 février 1766.)

Je vois bien qu'il faut vous fortifier, mon cher ami. On a voulu goûter, il y a deux jours, du vin de Hongrie de mon grand-père; on l'a trouvé bon. J'ai gardé la bouteille, je vous l'envoie. C'est la dernière; puisse-t-elle vous faire du bien!

Si vous voulez d'autres vins vieux, j'en ai de toutes les espèces, et je me ferai un vrai plaisir de vous les fournir; vous <149>n'avez qu'à le dire. Je fais mille vœux pour votre conservation, en vous embrassant de tout mon cœur. Adieu, mon cher ami.

63. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 2 mars 1766.



Sire,

Quel dommage et quelle perte pour Votre Majesté de vous priver de tout ce qu'il y a de plus délectable en fait de vin, et d'être d'un goût si opposé à celui de saint Luc!168-a Ce saint homme, avancé en âge sans doute et avec un estomac débile, jugea en bon connaisseur que le vin vieux était préférable au nouveau. Nonobstant les sentiments si contraires de V. M., je ne cesserai de faire les vœux les plus ardents pour la conservation de ses précieux jours. Je suis, etc.

64. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

(16 avril 1766.)

Je vous envoie, mon cher ami, quelques légumes et ce qu'il y a de plus nouveau dans le jardinage. Je souhaite que cela vous fasse plaisir, que vous en mangiez en bonne santé, et que cela vous fasse ressouvenir de votre vieil ami.

<150>

65. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 17 avril 1766.



Sire,

Je vous rends grâces des légumes que Votre Majesté vient de m'envoyer. Ce n'est qu'à Sans-Souci où l'on puisse trouver des choses si précoces. Également pénétré de joie de vous savoir en bonne santé, Sire, que de reconnaissance pour votre gracieux souvenir, je suis, etc.

66. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Potsdam, 19 avril 1766.

Je reçois avec sensibilité les témoignages de reconnaissance que vous m'avez marqués par votre lettre du 17 de ce mois. Comme je souhaite d'avoir des nouvelles sur l'état présent de votre santé, faites-moi le plaisir de me mander comment vous vous portez. Et sur ce, je prie Dieu, etc.

67. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 22 avril 1766.



Sire,

C'est ajouter le comble à vos grâces, Sire, que de m'ordonner de vous mander l'état de ma santé. Le rapport sincère que je puis en faire à V. M. est que ma situation est presque toujours la même, c'est-à-dire, fort valétudinaire. Ma voix reste faible, mes pieds sont enflés, et mes jambes ont peine à me porter. <151>Cependant il semble que mon ouïe va mieux depuis peu, ce que j'attribue, Sire, à votre baume de la Mecque et à la saison présente.

Je supporte mes infirmités avec constance, Sire, pourvu que vous jouissiez d'une parfaite santé.

Rüdiger, par vos ordres, vient de m'envoyer des asperges dont je rends mes actions de grâces à V. M. Je suis, etc.

68. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 31 mai 1766.

Mon cher ami, je m'invite tout rondement à dîner chez vous sans façon, comme l'amitié l'autorise, pour le 2 juin, ce qui est après-demain.

Je me réjouis d'avance, mon cher Fouqué, d'avoir le plaisir de vous embrasser. Je serai à onze heures chez vous. Adieu, mon cher ami.

69. AU MÊME.

Le 5 juillet 1766.

Je vous envoie, mon cher ami, quelques fruits de mon jardin. J'ai eu à faire jusqu'ici; à présent je suis seul. Cependant je ne vous invite à venir que quand la pluie sera passée, parce que le froid qu'il fait à présent ne serait pas convenable à votre santé. Vous aurez la bonté de me dire naturellement si ce petit voyage vous convient, et quand vous voulez le faire, pour que je vous envoie de mes chevaux d'avance.

Adieu, mon cher ami; je reconnaîtrai ce plaisir que vous voulez me faire, et je vous embrasse.

<152>

70. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 5 juillet 1766.



Sire,

Je vous rends grâces des bons fruits que Votre Majesté vient de m'envoyer. Plus mon cœur est pénétré de reconnaissance pour le gracieux souvenir de V. M., et plus je suis mortifié, Sire, de me voir dans la situation qui m'ôte le pouvoir de me rendre à vos ordres. Mes maux de reins sont encore les mêmes, et ne me permettent pas de quitter mon fauteuil. J'espère que le beau temps en dissipera les douleurs, et me mettra en état de satisfaire l'empressement respectueux que je ressens de me jeter aux pieds de V. M. Je suis, etc.

71. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 16 juillet 1766.

Je vous ai envoyé un médecin;172-a mais, comme je sais que vous ne vous en servez que fort superficiellement, je vous envoie, mon cher ami, des melons qui peut-être seront plus de votre goût. Le médecin prétend que vous avez passé le temps de la saignée, mais que, en vous faisant tirer un peu de sang, vous vous trouverez beaucoup soulagé. Personne ne prend plus de part que moi à votre conservation; ainsi ne trouvez pas étrange que j'entre dans les détails de votre santé et de ce qui peut prolonger les jours de mon ancien et fidèle ami. Adieu, mon cher; je vous embrasse.

<153>

72. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 16 juillet 1766.



Sire,

Ce sont vos bontés seules qui me soulagent. Je vais me servir des bains que votre médecin m'a ordonnés. Je me saigne régulièrement deux fois par an, le 15 avril et le 15 octobre. Au reste, je me rapporte au goût du public, en donnant aux cerises et aux melons la préférence sur la casse, le séné et la rhubarbe. Je suis, etc.

73. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Potsdam, 10 septembre 1766.

Votre lettre du 7 de ce mois m'a fait d'autant plus de plaisir, puisqu'elle me confirme les mêmes sentiments d'attachement pour moi que je vous ai toujours connus, par la part sincère que vous prenez à mon voyage de Silésie, dont je suis heureusement de retour, ayant tout lieu d'en être satisfait. Je souhaite seulement que votre santé, qui m'intéresse toujours beaucoup, soit parfaite, et que j'en aie de temps en temps de bonnes nouvelles, priant au reste Dieu, etc.

74. AU MÊME.

(26 septembre 1766.)

Je vous envoie, mon cher ami, du vin de Hongrie, ayant appris en Silésie que vous en désiriez; et je vous envoie en même temps <154>de mes raisins, que vous goûterez, en cas qu'ils ne vous soient point nuisibles. J'ai aussi écrit à Constantinople pour du baume de la Mecque, sur ce que je soupçonne que le vôtre sera consumé. Enfin je voudrais contribuer à votre conservation autant qu'il dépend de moi. Secondez-moi, mon cher, dans cette entreprise, par les soins de votre santé, pour que je conserve le plus longtemps que possible mon bon, ancien et fidèle ami. Adieu.

75. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg. 27 septembre 1766.



Sire,

Quels soins prenez-vous d'un homme qui ne vous est plus utile à rien! Il ne suffit pas que V. M. m'envoie du vin de Hongrie et des raisins qui entre eux se disputent à qui l'emportera pour le goût; il faut encore que l'Asie y fournisse de son baume. Comment puis-je, Sire, répondre aux bontés infinies dont V. M. me comble? Mon cœur éprouve tous les effets de la reconnaissance, mais l'expression me manque.

Rien ne contribue plus à ma conservation, Sire, que les soins gracieux de V. M., sans lesquels je ne serais peut-être plus. Le baume de la Mecque, Sire, ne laisse pas que de me donner des forces, et je me servirai de votre vin de Hongrie pour fortifier mon estomac, en chantant la louange et la gloire de mon incomparable bienfaiteur.

Quel chagrin pour moi, Sire, de n'être plus en état de prouver par mes services le zèle et le dévouement inviolable avec lequel je suis, etc.

<155>

76. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

(17 octobre 1766.)

J'ai enfin, mon cher ami, reçu du baume de la Mecque, que mon ministre174-a m'a rapporté de Constantinople. Je vous l'envoie, en faisant mille vœux qu'il vous fasse tout le bien possible, en vous assurant que personne ne s'y intéresse plus que votre vieil et fidèle ami.

77. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 17 octobre 1766.



Sire,

Ce n'est pas assez que Votre Majesté ait rendu mes jours heureux, elle cherche encore à les prolonger par les soins gracieux qu'elle prend de ma santé. Je vous rends grâces, Sire, pour la provision de baume de la Mecque que vous venez de m'envoyer. Je me servirai de cet excellent remède comme d'un confortatif et comme d'un témoignage de vos bontés. Je suis, etc.

78. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Berlin, 19 décembre 1766.

Je vous envoie, mon cher ami, un service de ma porcelaine que je vous ai destiné depuis longtemps, et que les fours ont empêché d'achever plus tôt. Je vous prie de vous en servir; s'il se casse, je le compléterai facilement.

<156>Portez-vous bien, vivez pour ma consolation, et jouissez de toutes les prospérités que comporte l'humaine nature. Ce sont les vœux que fait pour vous le plus ancien et le plus fidèle de vos amis.

79. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 23 décembre 1766.



Sire,

S'il y a un moyen de prolonger mes jours, je crois que Votre Majesté en possède le secret, témoin la joie que je ressens du beau présent de porcelaine que je viens de recevoir.

Il est certain, Sire, qu'en se servant le matin du baume de la Mecque, à midi d'une soupe bien mitonnée dans vos belles terrines, et au dessert de votre vieux vin de Hongrie, il y a toute apparence que la continuation peut mener fort loin.

Jugez, Sire, de la vive reconnaissance et de l'obligation que je dois à V. M. pour toutes ses grâces et ses bontés. Comme je ne vous suis plus utile à rien, Sire, mon temps sera toujours employé à chanter votre los, honneur et gloire, et à faire des vœux pour la prospérité de votre auguste personne. Je suis, etc.

80. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 18 février 1767.

Je vous envoie, mon cher ami, un petit pâté du Périgord. Je souhaite qu'il vous soit agréable, et que votre santé soit assez bonne pour le manger sans incommodité.

Ceux qui viennent de Brandebourg disent que vous vous portez bien; ce ne sera jamais autant que je le souhaite, car <157>personne ne s'intéresse tant à votre conservation que votre ancien et fidèle ami.

81. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 18 février 1767.



Sire,

Je vous rends grâces du pâté du Périgord dont il vous a plu me faire part. Je le trouve fort bon, et le haut goût n'y manque certainement pas. Mais le moyen de faire tout tourner en bien à qui que ce soit, c'est d'en user sobrement. Je compte sûrement que V. M. fera de même.

Quant à ma santé, Sire, elle est passable, grâce au temps présent, qui me permet, de temps à autre, de déterrer un blaireau ou un renard; d'ailleurs, je parle à ne plus me faire entendre, et je marche en chancelant. Je ne suis plus assuré que sur un seul point, qui est l'attachement inviolable avec lequel mon cœur vous sera voué jusqu'au dernier moment de ma vie. Je suis, etc.

82. DU MÊME.

Brandebourg, 4 septembre 1767.



Sire,

J'ose me flatter que votre voyage se sera terminé heureusement, à votre satisfaction; j'en juge par l'avancement que vous avez trouvé à propos de faire. La part que j'y prends pour le colonel Luck me fait augurer que V. M. a été contente du régiment. Pour comble de mes vœux, continuez, Sire, à vous bien porter; et, après avoir satisfait à vos voyages et à vos revues, j'espère <158>que vous allez vous délasser en préparant une bonne réception au prince d'Orange, et terminer le tout par de belles et glorieuses noces.178-a Permettez-moi, Sire, de vous en faire mes compliments de félicitation. Je rends grâces à V. M. de la part que j'ai eue pendant votre absence aux melons de Sans-Souci. Je suis, etc.

83. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 7 septembre 1767.

Je suis de retour, mon cher ami, de Silésie, où j'ai trouvé votre régiment très-beau et en très-bon ordre.

Je vais marier bientôt ma nièce; je vous inviterais volontiers aux noces, mais je sais que vous préférez la retraite au grand monde. Je vous embrasse de tout mon cœur.

84. AU MÊME.

Le 12 novembre 1767.

Mon cher ami, je vous envoie du baume de la Mecque arrivé incessamment de Constantinople, des raisins de ma vigne, et quelques bouteilles de ce vieux vin du Rhin que vous aimez. Je souhaite que cela vous soit agréable, et que vous vous en régaliez. Vivez, mon cher ami, pour vos amis, surtout pour moi, qui suis le doyen de tous, et qui vous serai attaché jusqu'au trépas. Adieu.

<159>

85. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 13 novembre 1767.



Sire,

Je suis sensiblement touché des nouvelles marques de vos bontés et des grâces que V. M. vient de me témoigner par les soins qu'elle prend de la conservation de mes jours.

J'ai lieu de m'estimer le plus heureux des mortels, surtout, Sire, si le ciel, un jour, vient à ratifier les grâces que vous m'avez témoignées pendant ma vie. J'ose l'espérer, et me fonde sur l'amitié que je porte à son oint, pour la prospérité et la conservation duquel je ne cesserai de lui adresser mes vœux. Je suis et serai, Sire, jusqu'au dernier moment de ma vie, etc.

86. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 23 décembre 1767.

Mon cher ami, je croirais avoir mal passé la Noël, si je ne vous envoyais pas une petite marque de mon souvenir. Voici de ma porcelaine, pour que vous jugiez des progrès de ma fabrique, et voici des truffes que j'ai reçues de Turin. Je souhaite que l'un et l'autre vous soit agréable, que vous vous portiez bien, et que vous n'oubliiez pas votre ancien et fidèle ami.

87. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 30 décembre 1767.



Sire,

N'être plus bon à rien, et jouir des grâces et des bienfaits du Roi son maître, est une satisfaction qui ne se fait pleinement ressentir qu'à mon âge.

<160>Vous jugerez, Sire, de la joie que produit en mon cœur votre gracieux souvenir et les belles étrennes qu'il vous a plu d'y ajouter. La production de votre fabrique de porcelaine est un ouvrage achevé, dont la beauté et le goût surpassent tout ce qu'on peut voir en ce genre. Quant aux truffes de Turin, qui à mon goût ne valent rien, peut-être que celles de votre pays auraient le même sort en faisant un voyage semblable.

Je vous souhaite, Sire, une bonne et heureuse année. Portez-vous bien, soyez content, et prospérez toujours. Je suis, etc.

88. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 7 janvier 1768.

Je vous envoie, mon cher ami, le dernier office180-a que je rends à un neveu que j'ai beaucoup aimé. Je puis vous assurer qu'il n'y a rien d'ajouté, et que son caractère et ses connaissances étaient telles que je les ai dépeints.

Je ne vous enverrai plus de truffes d'Italie; il faut que votre cuisinier ne sache pas les accommoder, car tout le monde les a trouvées ici excellentes.

Adieu, mon cher ami; je vous embrasse, en faisant mille vœux pour votre conservation.

89. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 8 janvier 1768.



Sire,

Je suis sensiblement touché de la mort du prince Henri, duquel à la vérité je n'ai eu de connaissance que de sa figure aimable. <161>Les soins que vous avez pris, Sire, de son éducation, les espérances que vous fondiez sur le mérite de ce cher prince, et l'éloge que vous lui donnez, sont à la fois un témoignage de l'amitié que vous lui portiez et des bonnes qualités qu'il possédait. C'était, en un mot, votre ouvrage. J'assistais à son oraison funèbre à l'église du dôme, où l'on chantait une hymne qui me fit pleurer à chaudes larmes; c'était :

Das Grab ist da, die besten Jahre
Sind auch des blassen Todes Raub;
Er legt den Schönsten auf die Bahre,
Und wirft den Stärksten in den Staub;
Die Grabschrift, die die Tugend gräbt,
Macht, dass man auch im Tode lebt, u.s.w.181-a

La perte de cet aimable prince est pour ainsi dire irréparable, si ce n'est, avec permission de V. M., qu'elle veuille redoubler ses soins pour le Prince de Prusse, auquel généralement l'on attribue le caractère d'honnête homme avec tous les sentiments qui y répondent. Vous le devez, Sire, à votre propre gloire, au sang et à l'État, de plus, à la reconnaissance et à l'obligation que ce prince vous en aura.

Je vous rends grâces, Sire, de l'exemplaire dont il vous a plu de m'honorer, et que j'estime un ouvrage parfait. Je suis, etc.

90. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 26 avril 1768.

Mon cher ami, j'apprends du général Kleist que vous êtes indisposé, et je vous envoie mon médecin pour s'informer de votre <162>santé. Je fais mille vœux pour vous; c'est à quoi je borne mes facultés. Si j'étais médecin, je voudrais vous guérir, et si j'étais Dieu, je vous rendrais immortel, car les honnêtes gens devraient l'être; mais ma puissance ne va qu'à faire des vœux pour vous.

S'il y a ici quelque chose à votre service, vous n'avez qu'à dire un mot; tout ce qui dépend de moi se fera.

Je souhaite d'apprendre de vous de bonnes et d'agréables nouvelles. En attendant, je vous embrasse tendrement. Adieu.

91. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 27 avril 1768.



Sire,

Sans être ni Dieu, ni médecin, vos bontés et vos grâces ne laissent pas que d'opérer de bons effets, surtout la joie que je ressens de vous savoir en parfaite santé, dont je vous souhaite la continuation pendant une longue suite d'années.

Quant à moi, je vais mon chemin, et je m'apprête peu à peu pour le grand voyage. Le quinquina vient de me guérir de la fièvre; il ne me reste plus, pour achever la cure, que de pouvoir entendre, parler et marcher.

Je me rappelle que, ayant engagé défunt le duc de Barby, il y a trente ans passés, à se servir des bains de Lauchstädt près de Halle, il y alla avec deux béquilles, et en revint sain et sauf au bout de quatre semaines, marchant comme à l'ordinaire. Je serais fort tenté d'en faire l'expérience, si V. M. m'en accorde la permission, ce qui toutefois ne se fera qu'après le passage de V. M. par Brandebourg. Je suis, etc.

<163>

92. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 28 avril 1768.

Je suis bien aise de voir par votre lettre que votre santé se rétablit, et que vous êtes intentionné de vous servir des eaux de Lauchstädt. Il dépendra absolument de vous d'y aller quand vous voudrez, pourvu que cela ne soit pas justement dans le temps des revues prochaines, quand j'irai à Magdebourg; et, en passant par Brandebourg, je voudrais bien avoir le plaisir de vous voir. Sur ce, etc.

93. AU MÊME.

Le 23 octobre 1768.

Mon cher ami, voici le petit tribut que je vous offre; ne regardez pas à la somme, mais ne considérez que le cœur tendre du plus fidèle de vos amis, qui voudrait vous faire plaisir. Ménagez-vous bien, vivez comme Mathusalem, et soyez persuadé que je vous aimerai de corps et d'âme jusqu'à mon dernier soupir.

94. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 24 octobre 1768.



Sire,

Je ne sais que répondre aux grâces et aux bienfaits dont je me vois comblé. Les expressions par lesquelles je voudrais marquer à V. M. ma reconnaissance me manquent. Cependant, Sire, j'ose assurer V. M. que je suis moins sensible à tous les trésors que <164>vous pourriez m'offrir qu'aux termes gracieux qu'il vous plaît d'y ajouter.

Mon cœur vous est garant, Sire, de l'attachement inviolable que j'aurai jusqu'au dernier moment de ma vie pour votre auguste personne. Je suis, etc.

95. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 22 décembre 1768.

Mon cher ami, voici une petite marque de souvenir que je vous envoie. L'usage est que les familles se fassent des présents à la Noël, et je vous traite comme de la famille, tant en qualité d'honnête et preux chevalier sans peur et sans reproche qu'en qualité de mon ancien ami.

Ayez bien soin de votre santé, pour que je conserve mon bon et vieil ami le plus longtemps possible, et que j'aie encore souvent le plaisir de vous assurer de vive voix de toute l'étendue de ma tendresse et de mon estime.

96. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 24 décembre 1768.



Sire,

Il s'en faut de beaucoup que mes enfants aient ressenti à leurs étrennes la joie que j'ai eue à la réception des vôtres et du gracieux souvenir dont il vous a plu de m'honorer. Que ne puis-je reconnaître dignement tant de bontés! Je ne le puis qu'en idée et par des vœux qui sont d'autant plus sincères, qu'ils partent de cœur et d'affection. Je ne parle plus à me faire entendre, <165>et je perds l'ouïe. Je cherche à Berlin un petit cornet pour suppléer, s'il est possible, à ce défaut, tel que madame Rocoulle en a eu, sans le pouvoir trouver. Je suis, etc.

97. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 9 janvier 1769.

Je vous envoie, mon cher ami, tous les instruments acoustiques que j'ai pu recueillir ici, avec une note sur leur usage. Je souhaite qu'ils vous rendent l'ouïe et soulagent votre vieillesse. Si je pouvais vous rajeunir, je le ferais; mais cela passe mes forces. Je vous embrasse de tout mon cœur.

98. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 12 janvier 1769.



Sire,

S'il y a moyen de me rétablir, je dois certainement l'attendre des bontés de V. M. Je vous rends très-humblement grâces, Sire, des instruments que vous venez de m'envoyer, et dont les deux plus grands font leur effet. J'en ferai demain l'épreuve au temple, où je prierai pour la prospérité de mon auguste bienfaiteur. Je suis, etc.

<166>

99. DU MÊME.

Brandebourg, 5 septembre 1769.



Sire,

Permettez que je vous témoigne la part que je prends à votre heureux retour de la Silésie et de la visite remarquable qu'elle vient de recevoir de S. M. I. à Neisse,187-a trait qui sera à jamais mémorable dans votre histoire. Je souhaite, Sire, que le tout se soit terminé à la satisfaction de V. M., et que ce prince, désireux de s'instruire, en rendant justice à vos talents militaires, ne veuille pas un jour mettre à profit contre son maître, à l'exemple des Russes, les instructions qu'il vient d'en recevoir. Je suis, etc.

100. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 7 septembre 1769.

Mon cher ami, je vous suis bien obligé de la part que vous prenez à la visite que j'ai reçue. Ce jeune empereur est un prince plein de mérite et d'ambition. Il m'a témoigné toute l'amitié qu'un de mes plus proches parents pourrait avoir pour moi. Il m'a même dit qu'il ne comptait jamais faire usage envers moi ou ma famille de ce qu'il pourrait apprendre chez nous. Il est parti très-satisfait, et m'a invité l'année prochaine à venir chez lui, ce que je lui ai promis, comme cela n'était que juste.

On a trouvé votre régiment très-beau et en bon ordre. Toutes ces troupes sont dans un tel état, qu'il ne reste presque rien à désirer pour elles que leur conservation; en un mot, j'ai eu tout lieu d'être content de mon voyage. Je vous envoie des fruits de mon verger, car, mon cher ami, à notre âge il ne nous reste que de cultiver nos jardins.

<167>Je vous embrasse du fond de mon cœur, en vous assurant que je suis tout à vous.

101. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 8 septembre 1769.



Sire,

Je suis charmé d'apprendre par votre gracieuse lettre que vous êtes satisfait et de la visite de S. M. I., et de tout votre voyage. Je ne souhaite plus que de vous savoir toujours en bonne santé; rien ne saurait égaler la consolation que j'en ressens. Je vous rends grâces, Sire, du fruit excellent que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Je suis, etc.

102. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 29 décembre 1769.

Je vous envoie, mon cher ami, des étrennes de ma fabrique de porcelaine. Les progrès en sont sensibles, et je souhaite que cela puisse vous faire quelque plaisir. C'est ce que je désire, vous aimant et vous considérant comme un preux chevalier et comme le plus ancien de mes amis. Je suis à vous de corps et d'âme.

<168>

103. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 29 décembre 1769.



Sire,

Je vous rends grâces des étrennes que Votre Majesté a eu la bonté de m'envoyer. La beauté de la porcelaine s'augmente de jour en jour, et je crois qu'elle est parvenue à son plus haut période, tant en beauté de dessin qu'en blancheur.

Ce qui m'est le plus sensible est le gracieux souvenir de V. M., et ce que je souhaite ardemment est la parfaite santé et la conservation de son auguste personne. Je suis, etc.

104. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 6 mai 1770, jour de la bataille de Prague.

Je vous envoie, mon cher ami, du vieux vin de Hongrie pour vous en délecter le même jour que vous fûtes, il y a treize ans, si cruellement blessé par nos ennemis.189-a

J'ai eu la goutte, qui m'a fort maltraité cette fois par trois accès consécutifs aux deux jambes comme aux genoux; mais je n'y pense plus.

Nous exerçons que c'est une merveille, et je vais mon train tant qu'un souffle de vie m'anime.

Puissiez-vous aussi bien vous porter que je le désire, et être persuadé de la tendresse et de l'estime infinie qui m'attachent à votre personne. Adieu.

<169>

105. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 7 mai 1770.



Sire,

Je vous rends grâces du vieux vin de Hongrie que vous avez eu la bonté de m'envoyer pour célébrer le jour de la bataille de Prague. Il me servira de confortatif, vu que je baisse par tous les organes.

Le rétablissement de V. M. contribue au mien. La triste expérience que vous en avez fait que vous savez y porter remède par le régime. Je souhaite qu'elle soit durable, et que vous puissiez faire les exercices jusqu'à la fin du siècle. Je suis, etc.

106. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 24 décembre 1770.

Je vous envoie, mon cher ami, une petite marque d'amitié et de souvenir que j'espère que vous prendrez comme venant de la part de votre plus ancien et fidèle ami. Je souhaite qu'à la nouvelle année vous recouvriez la voix, la vue et l'ouïe, que vous m'aimiez toujours un peu, et que vous soyez persuadé de mon amitié et de mon estime. Adieu.

107. DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Brandebourg, 28 décembre 1770.



Sire,

Je suis sensiblement touché du souvenir que Votre Majesté vient de me réitérer, et c'est avec bien du regret que je ne puis recon<170>naître dignement tant de bontés. Je ne le puis que par les vœux les plus sincères et par les assurances que votre contentement fait mon unique consolation et mon seul soulagement dans mes infirmités, qui s'augmentent toujours, et dont je n'ai aucun lieu d'espérer quelque changement. Je rends grâces à V. M. de la belle porcelaine qu'elle a eu la bonté de m'envoyer, et qui surpasse tout ce que j'ai vu jamais en ce genre. Je suis, etc.

108. DU MÊME.

Brandebourg, 23 septembre 1771.



Sire,

Permettez-moi de vous témoigner la part que je prends à votre heureux retour de la Silésie. Souhaitant de tout mon cœur qu'il se soit terminé en parfaite santé et à la satisfaction de V. M., je vous rends grâces, Sire, du fruit excellent qui m'est parvenu par l'ordre de V. M. pendant son absence. Je suis, etc.

109. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

(24 septembre 1771.)

Je suis bien aise, mon cher ami, que les fruits vous aient été agréables. C'était à cette intention qu'ils vous ont été envoyés, et encore parce que j'ai supposé que Brandebourg n'en fournirait pas beaucoup cette année. Je reviens de la Silésie, où j'ai trouvé beaucoup d'ouvrage achevé, mais où il reste cependant encore bien des choses à faire.

Votre régiment commence à devenir beau, mais je ne vous en parle point, parce que, dans l'état d'infirmité où vous vous trouvez, cela vous causerait des regrets qu'il faut vous épargner.

<171>Adieu, mon cher ami; ménagez bien votre santé, aimez-moi toujours, et soyez persuadé que, comme de tous vos amis je suis le plus ancien, j'en suis aussi le plus fidèle.

110. AU MÊME.

Potsdam, 5 septembre 1773.

La lettre de félicitation que vous venez de m'écrire sur mon heureux retour de la Silésie m'a été d'autant plus agréable, qu'elle m'est une marque assurée de la continuation de votre attachement pour moi. Recevez-en ici mes sincères remercîments et les vœux que je fais en même temps pour votre conservation, en priant Dieu, etc.

192-aJe souhaiterais, mon cher ami, que vous fussiez en situation que je pusse vous embrasser chez moi.

AU FILS DU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Potsdam, 10 mai 1774.

Je viens de recevoir les marques de l'ordre de l'Aigle noir dont feu votre digne père était décoré, de même que le cheval de service que vous m'avez adressé sous le 9 de ce mois; et, voulant bien vous remercier de l'envoi que vous m'en avez fait, et vous réitérer à cette occasion les assurances de ma protection et bienveillance royale, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

<172><173>

VII. LETTRES DE FRÉDERIC A M. DE KROCKOW. (12 AOUT 1770 ET 23 NOVEMBRE 1773.)[Titelblatt]

<174><175>

1. A M. DE KROCKOW.

Potsdam, 12 août 1770.

C'est avec bien du plaisir que j'accepte le nouveau témoignage de zèle et d'affection que vous venez de me donner à l'occasion du prince que ma chère nièce, la Princesse de Prusse, vient de mettre au monde.197-a Un événement aussi intéressant pour moi et pour toute ma maison royale m'a rempli de la plus vive joie; et ce qui me la rend encore plus sensible, c'est que toute la patrie la partage avec moi. Puisse-t-elle aussi un jour partager avec moi celle de voir marcher ce jeune prince sur les traces glorieuses de ses ancêtres! Et sur ce, je prie Dieu, etc.

2. AU MÊME.

(Sans-Souci) 23 novembre 1773.

Les vœux que vous venez de m'exprimer dans votre lettre du 17 de ce mois à l'occasion de la naissance du second fils197-b de mon cher neveu, le Prince de Prusse, ont trouvé cet accueil favorable et que j'aime tant à faire éprouver aux sentiments du vrai pa<176>triote. J'y reconnais votre zèle et votre attachement pour moi et pour toute ma maison royale, qui sont les meilleurs hommages que vous puissiez m'offrir, et qui vous garantiront pour toujours cette bienveillance royale que je ne manque jamais d'accorder et de conserver au mérite.

<177>

VIII. LETTRES DE FRÉDÉRIC AU COMTE IGNACE KRASICKI, PRINCE-ÉVÊQUE DE WARMIE. (27 SEPTEMBRE 1773 ET 14 MARS 1774.)[Titelblatt]

<178><179>

1. AU COMTE IGNACE KRASICKI.

Potsdam, 27 septembre 1773.



Monsieur l'évêque de Warmie,

L'église catholique de Berlin est achevée au point qu'il ne lui manque que la consécration.201-a Cette solennité étant déterminée au 15 du mois d'octobre prochain, vous voudrez bien y officier et, pour vous rendre pour cet effet à Berlin, me dire combien il vous faut de chevaux de relais, afin que je puisse vous en faire expédier et parvenir le passe-port. En attendant le plaisir de vous voir à cette occasion,201-b je prie Dieu qu'il vous ait, etc.

2. AU MÊME.

Potsdam, 14 mars 1774.



Monsieur l'évêque de Warmie,

Les devoirs de votre charge vous rappelant dans votre diocèse, je ne puis qu'applaudir au désir que vous faites paraître de vous y rendre. C'est donc avec plaisir que je vous en accorde la per<180>mission, et, en vous souhaitant un bien heureux voyage, je joins ici un passe-port pour des chevaux de relais, qui contribuera à diminuer les frais de votre retour. Absent ou présent, vous aurez toujours à mon estime la part que vous méritez, et je ne manquerai pas de vous en donner, dans l'occasion, de nouvelles preuves convaincantes. En attendant, je prie Dieu qu'il vous ait toujours, etc.

<181>

IX. LETTRE DE FRÉDÉRIC AU BARON DE RIEDESEL. (12 AVRIL 1775.)[Titelblatt]

<182><183>

AU BARON DE RIEDESEL.

Potsdam, 12 avril 1770.



Monsieur le colonel baron de Riedesel,

Le sujet de la présente rappelle à ma mémoire un événement bien triste. C'est la perte que nous avons faite, il y a quelques années, de madame la landgrave de Hesse-Darmstadt,205-a cette princesse accomplie qui faisait l'ornement et l'admiration de notre siècle. Vous savez que j'ai toujours fait un cas infini de son mérite, et que sa mort prématurée m'a bien vivement affecté. Mais vous n'ignorez pas non plus que, à la première nouvelle de son décès, j'ai d'abord pris la résolution d'orner son monument d'une urne205-b consacrée à apprendre aux siècles futurs mes sentiments de vénération pour ses talents et ses vertus distinguées. Elle est achevée à l'heure qu'il est, cette urne. Je vous la ferai tenir par le voiturier Charles d'ici, et je ne saurais la mieux adresser qu'à vous, mon cher colonel, qui êtes parfaitement instruit comment l'illustre défunte a désiré qu'elle fût posée pour son monument. <184>Quelque triste que soit le devoir auquel je vous appelle, vous m'obligerez cependant en vous en acquittant d'une manière conforme à ses intentions; et je saisirai à mon tour toutes les occasions qui se présenteront pour vous tenir compte des soins que vous donnerez à cette commission. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait, etc.

<185>

X. LETTRE DE FRÉDÉRIC AU PASTEUR ERMAN. (29 JUILLET 1776.)[Titelblatt]

<186><187>

AU PASTEUR ERMAN.

Potsdam, 29 juillet 1776.

Le Roi ne peut qu'applaudir au sujet du sermon que le professeur et pasteur Erman a prononcé dans l'église française de Berlin le 21 de ce mois. La religion gagne toujours par ses liaisons intimes avec le bien public, et ses ministres ne sauraient mieux avancer ses intérêts qu'en mettant cet accord parfait dans tout son jour. Il paraît que ce sermon remplit parfaitement bien ce but, et S. M. veut bien remercier le susdit professeur Erman de l'exemplaire qu'il lui en a adressé avec sa lettre du 28 de ce mois.

<188><189>

XI. LETTRE DE FRÉDÉRIC A M. DE DOMASCHNEW. (17 NOVEMBRE 1776.)[Titelblatt]

<190><191>

A M. DE DOMASCHNEW.

Potsdam, 17 novembre 1776.

Monsieur de Domaschnew, je reçois avec bien de la reconnaissance les offres de l'Académie de Pétersbourg. Je ne suis que ce que les Italiens appellent dilettante, et par conséquent peu propre à me trouver dans la compagnie de quelques-uns des plus savants hommes de l'Europe, dont la profondeur des connaissances m'est connue. Cependant ce qui peut justifier le choix de l'Académie de Pétersbourg, c'est la part sincère que je prends à tout ce qui peut augmenter la prospérité et la splendeur de l'empire de Russie, de son auguste souveraine et de son illustre famille; et, comme certainement les sciences éclairent en répandant leurs connaissances et leurs découvertes, qu'elles adoucissent les mœurs, servent de consolation à ceux qui les cultivent, et étendent la gloire des États qui les protégent aussi loin que les armes des guerriers, je m'intéresserai toujours vivement pour cette Académie, qui publiera et transmettra à la postérité les talents insignes du grand génie qui est à sa tête. Sur ce, je prie Dieu, etc.

<192><193>

XII. LETTRE DE FRÉDÉRIC A M. DE MOULINES. (18 DÉCEMBRE 1776.)[Titelblatt]

<194><195>

A M. DE MOULINES.

Potsdam, 18 décembre 1776.

Je ne puis qu'applaudir aux motifs qui vous ont engagé à traduire l'Éloge de feu mon grand chancelier de Jariges. Des talents aussi distingués, joints à une droiture à toute épreuve, méritent bien d'être transmis à la postérité, surtout quand le monument en porte des caractères aussi frappants de la plus exacte vérité. Il est bien à souhaiter que celui-ci excite bien d'autres à imiter un aussi bel exemple. La patrie y gagnerait infiniment, et ils feraient ses délices. Sur ce, etc.

<196><197>

XIII. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC LÉONARD EULER. (4 SEPTEMBRE 1741 - 1er FÉVRIER 1777.)[Titelblatt]

<198><199>

1. A LÉONARD EULER.

Camp de Reichenbach, 4 septembre 1741.

Monsieur Euler, j'ai été bien aise d'apprendre que vous êtes content de votre sort et établissement présent. J'ai donné les ordres nécessaires au grand directoire pour la pension de seize cents écus que je vous ai accordée. S'il y a encore quelque chose dont vous aurez besoin, vous n'avez qu'à attendre mon retour à Berlin. Je suis, etc.

2. AU MÊME.

Znaym, 1er mars 1742.

Ayant vu par votre lettre du 20 du mois passé que la duchesse de Würtemberg vous demande des leçons de mathématiques pour les princes de sa maison,221-a je vous en accorde la permission avec bien du plaisir, étant au reste, etc.

3. DE LÉONARD EULER.

Berlin, 19 janvier 1743.



Sire,

Mon devoir et zèle pour l'intérêt et la gloire de Votre Majesté m'obligent d'exposer que, depuis qu'il a plu à V. M. d'ajouter <200>aux revenus de la Société royale ceux des almanachs en Silésie, ce fonds serait déjà presque suffisant d'entretenir une académie des sciences sur le même pied que celle de Pétersbourg ou de Paris. Car le département littéraire à Pétersbourg ne coûte qu'environ douze mille roubles par an, et, quoique les revenus de la Société ne me soient pas assez connus, on m'a pourtant assuré qu'ils n'importent guère moins que vingt mille écus par an.

C'est pourquoi, s'il plaisait à V. M. de destiner à l'avenir cette somme à l'établissement d'une académie des sciences, il y aurait à présent la meilleure occasion d'engager un suffisant nombre d'habiles personnes, et de présenter à V. M. en peu de temps une académie des sciences aussi parfaite que celle de Paris.

Il y a près de six mois que M. Hedlinger,222-a médailleur du roi de Suède, attend ici les ordres de V. M. C'était aux instances de M. Knobelsdorff222-b que je l'ai persuadé d'entreprendre ce voyage; mais, n'ayant rien entendu depuis si longtemps, il se prépare à son départ, sensible d'avoir fait cette course sans avoir pu témoigner son zèle à V. M.

Je suis avec le plus profond respect, etc.

4. A LÉONARD EULER.

Charlottenbourg, 21 janvier 1743.

Votre lettre du 19 de ce mois m'a fait connaître vos idées sur le fonds prétendu d'une académie des sciences. Mais je crois que, étant accoutumé aux abstractions des grandeurs de l'algèbre, vous avez péché contre les règles ordinaires du calcul. Sans cela, vous n'auriez pas pu vous imaginer un si grand revenu du débit <201>des almanachs en Silésie. Quant au médailleur Hedlinger, je souhaiterais de l'engager pour mon service, le connaissant pour un habile homme. En tout cas, je serais satisfait, s'il voulait s'engager seulement pour trois ou quatre ans. Vous lui en parlerez, et vous lui demanderez quels gages il prétendra par an, s'il lui plaît de rester quelques années ici, en travaillant pour moi. Je suis, etc.

5. DE LÉONARD EULER.

Berlin, 24 janvier 1743.



Sire,

Ayant fait à M. Hedlinger les propositions dont il a plu à Votre Majesté de me charger, il m'a remis la réponse ci-jointe.

A l'égard du projet d'une académie des sciences, je supplie V. M. de le regarder comme un effet de mon désir infini de me voir dans un état où je pourrais en quelque manière me rendre digne des grâces dont il plaît à V. M. de me combler. Au reste, j'ai voulu prouver que le fonds entier de la Société serait presque suffisant pour établir une académie des sciences, et M. le docteur Lieberkühn prouvera mieux que moi la solidité de ce projet.

Je viens de découvrir la cause physique des effets de l'aimant, qui satisfait parfaitement à tous les phénomènes. Comme c'est la question que l'Académie des sciences de Paris a proposée pour l'année qui vient, je ne voudrais pas y envoyer ma théorie sans la permission de V. M.

Oserais-je aussi, Sire, supplier V. M. d'employer mon frère, qui est peintre, à quelque ouvrage, et de lui faire la grâce qu'il puisse subsister ici?

Je suis avec le plus parfait zèle, etc.

<202>

6. A LÉONARD EULER.

Berlin, 29 janvier 1743.

Voyant par votre lettre que le sieur Hedlinger ne trouve pas son compte de s'engager ici pour quelques années, je ne veux lui causer de l'embarras, ni empêcher son voyage. Je vous félicite d'ailleurs d'avoir découvert la cause physique des effets de l'aimant, et il vous sera libre d'envoyer votre solution à l'Académie des sciences de Paris. Quant à votre frère, je chercherai à lui fournir de l'ouvrage; mais, ne le connaissant pas, je ne saurais juger de sa capacité, si vous ne m'envoyez point quelques pièces de sa façon. Je suis, etc.

7. DE LÉONARD EULER.

Berlin, 19 octobre 1743.



Sire,

Votre Majesté m'a fait la grâce, en me rappelant de Pétersbourg, de in accorder les frais du voyage; mais, comme je me suis trouvé jusqu'ici hors d'état de servir la nouvelle Académie à laquelle j'ai été appelé, je n'ai pas osé demander l'accomplissement de cette précieuse promesse.

Or, maintenant, me voyant dans l'état de faire valoir mon peu de savoir auprès de la nouvelle Société littéraire, je prends la liberté de supplier V. M. de m'accorder gracieusement trois cents écus pour mon voyage, qui m'a coûté près de cinq cents écus. Mais, ayant joui de ma pension ici dès mon départ de Pétersbourg, j'en dois rabattre deux cents, que j'ai déjà reçus pour le temps pendant lequel j'ai été en voyage. La nécessité où je me trouve de payer ma maison m'oblige de faire cette très-humble demande à V. M., et, pour mériter cette grâce, je tâcherai de tout mon pouvoir de rendre à la nouvelle Société tous les services dont je suis capable.

<203>Cette Société se trouve, à mon avis, déjà sur un si bon pied, qu'il ne manque plus qu'un bon mathématicien avec un habile astronome pour la rendre aussi et peut-être plus parfaite que celle de Paris. M. Daniel Bernoulli, à qui V. M. a déjà fait offrir un engagement, serait le plus habile homme pour la première place, et, en cas que sa présence ne soit pas jugée nécessaire, il s'offre de travailler à Bâle pour la Société autant qu'il a fait jusqu'ici pour l'Académie de Pétersbourg, moyennant une petite pension par an.

Pour un astronome, je ne crois qu'on en saurait trouver un qui fût plus habile que M. Heinsius, professeur en astronomie à Pétersbourg, qui est déjà sur le point de retourner en Allemagne.

Le magistrat de ma patrie m'a chargé de présenter à V. M. la lettre ci-jointe. Je suis avec le plus profond respect, etc.

8. A LÉONARD EULER.

Berlin, 14 décembre 1743.

J'ai bien reçu votre lettre du 12 de ce mois, par laquelle vous me faites vos plaintes contre le régiment d'Anhalt, qui a jugé de son intérêt d'enrôler votre neveu, destiné pour devenir commerçant. Comme je sais qu'il est d'une bonne taille, ce qui marque un tempérament flegmatique qui ne me paraît pas propre pour l'activité et la souplesse si nécessaire à un habile marchand, je crois que la nature l'a destiné pour embrasser le métier des armes. Ainsi j'espère que vous n'envierez pas au susdit régiment cet homme, dont j'aurai soin de faire la fortune en votre considération. Sur ce, je prie Dieu, etc.

<204>

9. AU MÊME.

Berlin, 21 février 1746.

J'ai été bien aise d'apprendre, par votre lettre du 17 de ce mois, l'envie que les deux frères de votre neveu Vermeulen marquent d'entrer dans mon service. J'attends celui qui jusqu'ici a servi en Russie, et vous me le ferez présenter par le major-général de Borcke. Quant à l'autre, qui est auprès de vous, vous n'avez qu'à l'adresser au colonel de Hafner,227-a auquel j'ai ordonné de le placer dans l'escadron de Warnery. S'ils font leur devoir comme il faut, vous pouvez compter sur leur avancement. Sur ce, etc.

10. AU MÊME.

Potsdam, 24 décembre 1747.

Pour répondre à votre lettre du 22 de ce mois, je vous dirai que, s'il y a une place d'enseigne à remplir au régiment de Nassau, et que votre neveu Vermeulen, qui y est porte-étendard, mérite de la remplacer, son chef, le lieutenant-général comte de Nassau, ne manquera pas de m'en faire la proposition. C'est ce qu'il faut donc attendre. Sur quoi je prie Dieu, etc.

11. AU MÊME.

Potsdam, 20 juillet 1750.

Pour répondre à votre lettre du 17 du mois courant, touchant l'envie que le sieur de Loen vous a témoignée, pendant votre séjour à Francfort-sur-le-Main, de venir s'établir à Berlin avec sa <205>famille, s'il y pouvait obtenir un emploi convenable, je vous dirai que vous pouvez lui écrire qu'il n'avait qu'à s'y rendre, qu'il y serait bien reçu, et ne resterait pas longtemps sans être pourvu d'une charge convenable, quoique ce ne puisse être de celle qu'eut feu le président de Reichenbach, vu que j'en ai déjà disposé ailleurs. Sur ce, etc.

12. AU MÊME.

Potsdam, 28 octobre 1750.

Les médaillons que vous m'avez envoyés, et que vous retrouverez ci-clos, méritent toute mon approbation, et l'on peut fort bien connaître par leur perfection le célèbre et habile Hedlinger. Aussi souhaiterais-je bien d'en avoir les coins mêmes, si je savais seulement combien le sieur Hedlinger en voudrait avoir, ou combien je pourrais lui en offrir. Vous me feriez donc plaisir de vous en informer et de vous en expliquer alors à moi.

13. AU MÊME.

Potsdam, 5 novembre 1750.

J'ai bien reçu votre lettre du 31 du mois dernier, et je vous remercie du soin que vous vous êtes donné d'écrire au sieur Hedlinger. Mais il me semble que je ne vous avais point parlé de faire venir les coins du médaillon dont il m'a envoyé l'empreinte. Mon intention n'a jamais été de le priver de ce bel ouvrage. Je sens trop combien ce grand artiste peut être occupé de posséder un coin qui lui a tant coûté de travail, et dont la réussite intéresse si fort sa réputation. C'est un monument qui ne doit point <206>sortir de ses mains, et ce serait trop229-a exiger de sa complaisance que de l'en ôter. J'ai voulu simplement savoir le prix qu'il mettait à de pareils morceaux, afin de faire usage de son talent supérieur dans les occasions où je pourrai en avoir besoin. Il convient que vous en écriviez en conséquence.

14. AU MÊME.

Berlin, 30 décembre 1750.

Malgré l'envie que j'ai de voir le sieur de Loen établi à Berlin, il faut cependant que, pour éviter tout malentendu, je vous déclare que les circonstances présentes ne me permettraient pas de donner audit sieur de Loen la pension de deux mille écus dont il paraît se flatter. D'ailleurs, il n'y a pas moyen de l'accommoder d'aucune charge dans quelqu'un des dicastères, toutes les places étant actuellement pourvues. Il faut donc que le sieur de Loen prenne ses mesures là-dessus, et examine s'il lui conviendrait de venir s'établir à Berlin sans autre condition que d'y vivre sous ma protection et sans en demander qui me fussent onéreuses. Vous lui ferez donc réponse en conséquence.

15. AU MÊME.

Potsdam, 26 mai 1753.

J'ai bien reçu votre lettre du 24 de ce mois avec le présent qui l'accompagnait. Quelque plaisir que la beauté et la bonté des fruits que vous m'avez envoyés m'ait causé, j'en ai encore ressenti davantage de l'attention que vous avez bien voulu me té<207>moigner par là. Je vous en remercie, et je verrai avec satisfaction les occasions pour vous en marquer ma reconnaissance.

16. AU MÊME.

Potsdam, 13 juillet 1755.

Bien content de l'honneur que l'on vous a fait de vous conférer une place d'associé étranger à l'Académie de Paris, je vous donne avec plaisir l'agrément que vous me demandez pour pouvoir l'accepter, et je vous renvoie ci-joint la lettre que vous avez reçue du comte d'Argenson à ce sujet.230-a

17. AU MÊME.

Waldow, 15 septembre 1759.

231-aJe vous remercie des petites lunettes d'approche qui me sont arrivées à la suite de votre lettre du 14 de ce mois, et je loue le soin que vous prenez de rendre utile aux hommes la théorie que vous fournit votre étude et votre application aux sciences. Comme mes occupations présentes ne me permettent pas de les examiner avec l'attention que mérite tout ce qui me vient de votre part, je me réserve à le faire quand j'en aurai plus de loisir. Sur ce, etc.

<208>

18. AU MÊME.

Potsdam, 30 août 1763.

Je reconnais comme je dois votre attention pour tout ce qui peut m'intéresser et m'être agréable. J'ai vu les propositions que vous m'avez communiquées à la suite de votre dernière lettre, qu'un nommé Denffer vous a faites touchant la porcelaine de Saxe. Ce n'est point le secret de la composition que nous désirons d'apprendre; nous en sommes parfaitement instruits. Ce qui nous a manqué jusqu'à présent pour faire travailler à cette porcelaine, c'est le fourneau, auquel cependant l'on travaille actuellement, et qui sera bientôt achevé, et nous mettra à même de mettre le reste en perfection. Sur ce, etc.

19. AU MÊME.

Potsdam, 3 décembre 1763.

Ayant vu la demande que vous me faites, par votre lettre du 2 de ce mois, de donner mon agrément au mariage du cornette van Delen avec votre fille, je veux bien vous faire remarquer en réponse qu'il est d'un usage reçu chez nous qu'ordinairement les enseignes et cornettes n'osent se marier dans ce pays-ci, et qu'ils sont obligés de s'abstenir du mariage jusqu'à ce qu'ils soient plus avancés dans les grades militaires. Sur ce, etc.

20. AU MÊME.

Potsdam, 16 juin 1765.

Je vous sais gré des détails dont vous m'avez informé par votre lettre du 13 de ce mois relativement aux revenus et dépenses de <209>l'Académie, et au sujet desquels je veux bien vous faire observer que, comme les almanachs sont un des principaux articles des revenus de l'Académie, il ne faut point de Köhler, mais plutôt mettre les almanachs en ferme pour seize mille écus. Cela est beaucoup plus sensé que votre avis, et moi, qui ne sais point calculer des courbes, je sais pourtant que seize mille écus de recette en valent mieux que treize mille. Sur ce qui regarde le point du fumier pour le service du jardin de l'Académie, que mes écuries ont refusé, je viens de donner mes ordres au grand écuyer comte de Schaffgotsch d'y remédier et de faire en sorte que mes écuries fournissent, tout comme auparavant, le fumier pour l'engrais dudit jardin.

Le bénéfice de huit et un tiers pour cent que, selon votre lettre, l'Académie a accordé jusqu'ici à ses commissionnaires est exorbitant, et trois pour cent est déjà beaucoup pour ces gens-là; et, quant aux réparations des édifices à faire de l'Académie, je viens d'ordonner qu'on m'envoie l'état de l'Académie et l'argent qu'il y a en caisse, après quoi il sera facile de voir ce qu'on pourra employer aux différentes réparations.

Comme d'ailleurs l'Académie ne sait plus se servir du copiste français, le nommé Castagne, par les circonstances que vous en alléguez, mon intention est qu'il doit être mis de côté.

Au reste, comme l'Académie n'a pu parvenir jusqu'ici à bout avec les juifs de Silésie sur l'article de l'almanach, je viens d'écrire à mon ministre de Schlabrendorff pour s'employer dans cette affaire et la finir promptement à l'avantage de l'Académie. C'est en conséquence de tout ce que dessus que j'écris à la commission ordonnée pour examiner les revenus et les dépenses de l'Académie, afin de s'y conformer. Sur ce, etc.

<210>

21. AU MÊME.

Potsdam, 17 mars 1766.

233-aAyant reçu votre lettre du 15 de ce mois, par laquelle vous sollicitez, comme vous l'aviez fait par deux lettres précédentes, votre congé, je veux bien vous dire par la présente que vous me ferez plaisir de vous désister de cette demande et de ne plus m'écrire sur ce sujet.

22. AU MÊME.

Potsdam, 2 mai 1766.

234-aJe vous permets, sur votre lettre du 30 d'avril dernier, de quitter pour aller en Russie.

23. AU MÊME.

Potsdam, 16 avril 1776.

Je ne puis que recevoir très-favorablement les observations que vous me présentez sur l'établissement des rentes pour les veuves, entrepris à Berlin, bien persuadé de la pureté des motifs qui vous les dictent. On ne saurait prendre assez de précautions pour donner un fondement solide à des établissements de cette nature. Et sur ce, etc.

<211>

24. AU MÊME.

Potsdam, 11 octobre 1776.

Vos éclaircissements sur les établissements publics, tant en faveur des veuves que des morts, porteront sans doute l'empreinte de la solidité ordinaire de vos ouvrages, et ce n'est qu'avec plaisir que je reconnais, à l'exemplaire que vous m'en avez adressé à la suite de votre lettre du mois de septembre dernier, l'intérêt que vous ne discontinuez point de prendre au bonheur de vos anciens compatriotes. Je vous remercie de cette attention, et sur ce, etc.

25. AU MÊME.

Potsdam, 1er février 1777.

Je félicite l'Académie impériale des sciences de pouvoir se glorifier d'un doyen de vos talents et de votre mérite, et il m'a été infiniment agréable d'apprendre par votre plume les sentiments qu'elle a manifestés à mon agrégation. Ma lettre à son digne directeur235-a vous aura déjà fait connaître combien j'ai été sensible au choix qu'elle a fait de mettre mon nom à côté de son auguste protectrice, et il m'est extrêmement doux de me voir encore allié à cette grande princesse dans une société de savants en même temps que je le suis par des liens tout aussi solennels dans celle des puissances de l'Europe. Les uns et les autres feront toujours ma gloire et ma consolation, et l'intérêt que je prendrai toujours au bonheur et à la prospérité de S. M. I. et de son auguste mai<212>son animera également les sentiments que je conserverai toute ma vie pour une académie qui, sous sa conduite et direction, est parvenue à ce degré de lustre et de perfection dont peu d'académies ont à se glorifier. Vous me rendrez un service bien agréable de me servir d'interprète de ces sentiments dans vos assemblées, et sur ce, etc.

<213>

XIV. LETTRES DE FRÉDÉRIC AU COMTE DE HODITZ. (30 MAI 1758 - 5 MARS 1778.)[Titelblatt]

<214><215>

1. AU COMTE DE HODITZ.

Quartier général, près de Prossnitz, 30 mai 1758.

Monsieur le comte de Hoditz, votre lettre du 23 de ce mois m'a causé bien de la satisfaction, et je vous sais gré des sentiments que vous avez voulu y marquer. Vous pouvez être persuadé de toute ma bonne volonté pour vous faire éprouver ma protection autant que les circonstances présentes le permettront, et je viens de donner mes ordres que, s'il n'y a pas moyen d'exempter entièrement vous et vos sujets de toute contribution ou livraison pendant cette guerre, par les raisons que vous avez bien pénétrées vous-même, l'on ne doive au moins ni vous prégraver, ni surcharger vos sujets, mais les traiter avec ménagement en tout ce qui sera possible. Soyez d'ailleurs assuré que, par les sentiments que je vous connais à mon égard, je serai charmé des occasions où je pourrai vous donner des marques convaincantes de ma protection et de ma bienveillance. Et sur cela, je prie Dieu qu'il vous ait, etc.

2. AU MÊME.

Potsdam, 2 septembre 1763.

Monsieur le comte de Hoditz, ma nièce la duchesse de Würtemberg venant me dire tous les égards et les attentions que vous avez pour moi, j'ai bien voulu vous en marquer ma reconnaissance et vous assurer que tôt ou tard je trouverai l'occasion de vous obliger et de vous témoigner en effet combien je suis sen<216>sible aux sentiments de considération et d'amitié que vous montrez dans toutes les occasions vis-à-vis de moi. Sur quoi je prie Dieu, etc.

3. AU MÊME.

Potsdam, 10 avril 1764.

Monsieur le comte de Hoditz, je ne suis point indifférent à l'attention que vous m'avez marquée en m'envoyant une pièce aussi singulière que le livre que vous avez joint à votre lettre du 2 de ce mois. Je vous en remercie bien, et espère d'avoir la satisfaction de vous revoir quand je serai, le mois de septembre de cette année-ci, de retour en Silésie. Sur ce, etc.

4. AU MÊME.

Hundsfeld, 6 septembre 1764.

J'ai reçu, monsieur le comte de Hoditz, la lettre que vous m'avez faite en dernier lieu. Je vous prie d'être persuadé du gré que je vous sais de vos attentions, et du plaisir que j'ai de vous remercier de la bonne réception dont les princes mes neveux se louent fort de votre part. Sur ce, etc.

5. AU MÊME.

Potsdam, 29 novembre 1764.

Monsieur le comte de Hoditz, je ressens sensiblement les témoignages de votre attachement, que vous venez de me renouve<217>ler par votre lettre du 19 de ce mois, à l'occasion de la mort de votre frère. Je vous en fais mon compliment sincère de condoléance; mais ce que vous me marquez de la bonne succession que vous recueillez par cet événement m'est d'ailleurs un motif de vous en féliciter, puisque cela vous doit soulager, et réparer les pertes que vous avez essuyées par les malheurs de la guerre passée. Je ne saurais qu'applaudir au parti que vous avez pris judicieusement de jouir dorénavant de la vie si bien que possible. Par une suite des sentiments que j'ai pour vous, mes vœux sont que vous en profitiez jusqu'à l'âge le plus reculé, et vous devez être assuré de la part que je prends toujours à ce qui vous regarde. Recevez, au surplus, mes remercîments de la galanterie que vous m'avez faite par m'envoyer ces bons faisans que vous avez joints à votre lettre comme les premiers de votre nouvelle acquisition, et qui m'ont été agréables. Soyez persuadé, au reste, que ce sera toujours avec plaisir que je verrai les occasions de vous marquer mon estime. Sur ce, etc.

241-aJ'espère, mon cher comte, que votre succession vous mettra assez à l'aise pour pouvoir entreprendre un jour un certain voyage.

6. AU MÊME.

Neisse, 27 août 1765.

Monsieur le comte de Hoditz, la nouvelle que vous me donnez de la mort de l'Empereur m'était déjà entrée avant que je reçusse votre lettre, et je vous avertis, par amitié pour vous, que vous feriez bien de retrancher les fêtes que vous méditez,242-a et qui, à l'occasion de cette mort, pourraient vous faire du tort. Sur ce, etc.

<218>

7. AU MÊME.

Breslau, 8 septembre 1765.

Monsieur le comte de Hoditz, je vous remercie des beaux fruits que vous m'avez envoyés, mais bien plus encore des sentiments d'attachement que vous témoignez avoir pour moi. Je suis sensible aux pertes que vous pouvez avoir faites par l'incendie que vous me marquez qu'il y a eu chez vous; je vous félicite toutefois que vous n'y ayez pas fait de plus grandes pertes, et que votre château n'ait pas été brûlé. Sur ce, etc.

242-bJe vous plains de tout mon cœur du malheur qui vient de vous arriver à Rosswalde, et je souhaite que la divine providence veille sur vous et sur tout ce qui vous appartient.

8. AU MÊME.

Potsdam, 20 avril 1766.

J'ai reçu, monsieur le comte de Hoditz, la lettre de condoléance que vous m'écrivez sur la chétive conduite de l'évêque de Breslau,243-a et je ne saurais vous cacher que je suis bien aise de sa désertion, et que je serais véritablement fâché de le ravoir. Pour ce qui est de son frère, dont vous me parlez, il y a longtemps qu'il a fait banqueroute, et je suppose que le lieu où pourra se tenir son frère lui sera très-indifférent, pourvu qu'il puisse se flatter d'en recevoir de l'argent. Sur ce, etc.

243-bVous vous ressouvenez que Judas était un des douze qui trahit un certain Juif. Faut-il s'étonner qu'une cervelle légère comme celle de Schaffgotsch veuille me traiter de même? Mais <219>il en sera cette fois pour sa peine; le temporel de cet homme vaut mieux que ce qu'il prétend avoir de spirituel.

9. AU MÊME.

Potsdam, 27 juillet 1766.

Monsieur le comte de Hoditz, j'ai reçu votre lettre du 21 de ce mois. Je suis bien aise que, selon que vous me le marquez, vous ayez vu l'Empereur. Je vous conserve d'ailleurs une parfaite reconnaissance de la façon dont vous vous énoncez à mon égard, et, comme je compte d'être rendu vers la fin d'août prochain en Silésie, je ne sais si pour lors je pourrai me flatter de vous y voir. Sur ce, etc.

10. AU MÊME.

Romberg, 4 septembre 1766.

Monsieur le comte de Hoditz, j'ai reçu votre lettre du 1er de ce mois, et je suis bien sensible à la reconnaissance que vous m'y témoignez de l'accueil que je vous ai fait à Neisse. Je vous prie d'être persuadé que j'ai été charmé de vous y voir, et que les sentiments d'attachement que vous me marquez me sont des plus agréables. Sur ce, etc.

244-aJe pars dans trois jours, mon cher comte, et je vous recommande à la protection de celui qui veille sur tous ses ouvrages, me flattant de vous revoir sain, gai et content.

<220>

11. AU MÊME.

Potsdam, 23 mars 1767.

Monsieur le comte de Hoditz, toutes les lettres que je reçois de vous sont obligeantes, et je vous remercie de celle que vous m'avez faite encore en dernier lieu, et avec laquelle vous m'avez fait parvenir de jeunes arbres de myrobolans rouges et jaunes, y joint du bon brunze.245-a Quoique tout cela m'ait été bien agréable, j'y aurais pourtant préféré la nouvelle de votre santé, que je vous prie de ne pas négliger de rétablir, le plus tôt le mieux, par de bons remèdes. Sur ce, etc.

245-bJ'espère, mon cher comte, de vous revoir encore cette année-ci en bonne santé. Laissons là les champs Élysées; vous n'y arriverez que trop tôt.

12. AU MÊME.

Breslau, 30 août 1767.

Monsieur le comte de Hoditz, j'ai été bien aise de voir, par votre lettre du 27 août, que vous ayez été content du séjour que vous avez fait à Neisse avec moi, et vous pouvez être assuré que j'ai été très-charmé de vous y voir. Au reste, j'ai permis à l'abbé Bastiani de se rendre chez vous, et sur ce, etc.

<221>

13. AU MÊME.

Potsdam, 16 octobre 1767.

Monsieur le comte de Hoditz, j'ai vu avec plaisir, par votre lettre du 9 de ce mois, la part que vous témoignez prendre, à l'occasion du mariage de la princesse ma nièce avec le prince d'Orange, à ce qui me touche de si près, et je vous en fais sincèrement des remercîments. Mon contentement eût été parfait, si vous y eussiez été présent, et j'espère que vous ne me refuserez pas cette satisfaction à une autre occasion. Et sur ce, etc.

246-aJ'ai bien regretté de ne vous pas voir ici; quand pourrez-vous y venir?

14. AU MÊME.

Potsdam, 16 février 1768.

Monsieur le comte de Hoditz, je me rappelle que vous avez eu la bonté, il y a quelques années, à un de mes voyages en Silésie, de me présenter des prunes que je trouvais excellentes. Vous fûtes si obligeant que de vous offrir à vouloir me procurer, soit d'Austerlitz, ou de Selowitz, la sorte d'arbre qui portait ces fruits. Ne prenez donc pas mauvais que j'accepte présentement l'offre que vous m'avez faite alors, et que je vous prie de m'envoyer, aussitôt qu'il vous sera possible, soit des arbres entiers, ou simplement des greffes de cette sorte de prunier. Vous me ferez un sensible plaisir, si vous voulez bien vous charger de cette commission pour moi, et je vous en aurai beaucoup d'obligation. Sur ce, etc.

<222>

15. AU MÊME.

Potsdam, 20 mars 1768.

Monsieur le comte de Hoditz, j'ai bien reçu votre lettre du 14 de ce mois. J'y vois avec plaisir les soins que vous m'y marquez avoir pris pour me faire parvenir les myrobolans que je désire. Je vous en sais un gré parfait, et serai très-charmé de vous en prouver ma reconnaissance. Sur ce, etc.

247-aJ'espère que vous pourrez à présent obtenir la permission de la cour de Vienne pour faire un voyage ici.

16. AU MÊME.

Potsdam, 7 avril 1768.

J'ai reçu, monsieur le comte de Hoditz, les arbrisseaux dont vous avez bien voulu accompagner votre lettre du 31 mars dernier. C'est un grand présent pour moi, dont je vous remercie de bon cœur, souhaitant de même de pouvoir un jour vous en présenter des fruits. Si au reste il y a quelque chose ici, dans mon jardin, qui vous puisse faire plaisir, vous n'avez qu'à me le dire et être persuadé que vous ne serez pas refusé. Sur ce, etc.

17. AU MÊME.

Potsdam, 11 juillet 1768.

Monsieur le comte de Hoditz, je vous adresse avec celle-ci le stucateur Sartori, qui a ordre de s'instruire chez vous comment préparer et employer cette espèce de verre dont vous avez fait gar<223>nir des chambres entières. Vous me ferez plaisir de lui faire donner tous les renseignements dont il pourrait avoir besoin à cet égard. Et sur ce, etc.

18. AU MÊME.

Schweidnitz, 24 août 1768.

Je serai très-charmé, monsieur le comte de Hoditz, de vous trouver, selon que vous me le promettez par votre lettre du 13 de ce mois, à Neisse quand j'y arriverai,248-a et je vous y ferai de bien grands remercîments de ce que vous avez pris la résolution de vous prêter à l'invitation que je vous ai faite d'assister, à Breslau, aux noces du prince Frédéric de Brunswic.248-b Sur ce, etc.

19. AU MÊME.

Potsdam, 15 mars 1769.

Monsieur le comte de Hoditz, mon Sans-Souci n'est que le palais du repos et de l'amitié. C'est dans cette solitude agréable que j'en goûte toutes les douceurs. Les amis absents n'y sont pas oubliés. Vos sentiments pour moi vous ont mis depuis longtemps de ce nombre; j'en connais toute la sincérité, et j'aime à m'en rappeler le souvenir. Votre vin d'Istrie et les six barils de brunze y seront donc très-bien accueillis; je les accepte avec reconnaissance. Agréez-en mes remercîments, et, en attendant que je trouve une occasion favorable de prendre ma revanche, soyez assuré que je vous aime et que je vous estime. Sur ce, etc.

<224>

20. AU MÊME.

Neisse, 21 août 1769.

Monsieur le comte de Hoditz, il ne se peut rien de plus affectueux que le contenu de la lettre que vous m'avez écrite le 20 de ce mois. Vous connaissez l'amitié que j'ai pour vous; elle me fait désirer l'affermissement de votre santé, et vous êtes sans doute persuadé, par les sentiments que vous me connaissez pour vous, que je m'intéresse véritablement à votre conservation, et que je vous souhaite longues années de vie. Je serai charmé de vous voir ici, selon que vous me le faites espérer, et je veux bien ne pas vous laisser ignorer que S. M. l'Empereur compte d'y arriver le 25 de ce mois. Sur ce, etc.

21. AU MÊME.

Potsdam, 26 février 1770.

250-aMon cher comte, si vous avez besoin d'alliés, je serai toujours le vôtre, et je compte, cette année, de vous voir à Rosswalde, à mon retour de Moravie.

22. AU MÊME.

Potsdam, 16 avril 1770.

Monsieur le comte de Hoditz, je reçois dans cet instant le brunze que vous m'avez fait le plaisir de m'envoyer avec votre lettre du 8 de ce mois. Venant de vous, il ne saurait être que délicieux. <225>Je vous en fais bien des remercîments. Le Champagne que je vous ai promis est parti avant-hier. J'espère que vous le trouverez bon, surtout après le brunze; s'il ne l'est pas, ce ne sera au moins pas la chaleur qui l'aura gâté en chemin, le temps qu'il fait ici étant aussi affreux qu'il puisse être chez vous. Je suis bien aise que vous soyez content de mon alliance contre votre confédéré, mais je doute que vous en ayez besoin; il ne sera pas plus redoutable que ses confrères. Vous n'avez que faire de craindre que j'oublie Rosswalde à mon voyage de Moravie; faites seulement que je vous y trouve en bonne santé. La mienne, après une attaque de goutte assez rude, est, Dieu merci, assez bien rétablie. Je vous remercie de la part que vous voulez bien y prendre, et sur ce, etc.

23. AU MÊME.

Potsdam, 6 mai 1770.

Monsieur le comte de Hoditz, votre lettre du 29 avril dernier m'a enchanté. Le cœur a son langage, comme l'esprit a le sien; mais, en fait de sentiments, le premier est beaucoup plus énergique. Je viens d'en faire une nouvelle expérience très-agréable par la lecture de votre lettre. Tout y respire les sentiments d'un cœur qui m'est entièrement dévoué. Mais j'en fais aussi tout le cas qu'il mérite, et il y a longtemps qu'il vous a concilié toute mon estime et toute mon affection. L'une et l'autre est tout aussi tendre que l'intérêt que vous avez pris à mon rétablissement, et que vous venez de m'exprimer d'une manière bien flatteuse; et il ne me reste à désirer que d'avoir des occasions bien fréquentes de vous en donner des preuves agréables et convaincantes. Je me réserve de vous en dire davantage lorsque j'aurai le plaisir de vous revoir.

En attendant, je vous sais gré du tableau que vous m'avez fait du grand écuyer comte de Dietrichstein. Il a augmenté de <226>beaucoup le désir que j'ai de revoir une personne d'un mérite aussi distingué. Sur ce, etc.

24. AU MÊME.

Potsdam, 8 juillet 1770.

J'ai reçu, monsieur le comte de Hoditz, la lettre que vous m'avez bien voulu écrire le 1er de ce mois, et, très-sensible à toutes les marques d'affection et d'attachement dont elle est remplie envers moi, soyez persuadé que je les saurai toujours apprécier et vous en tenir bon compte dans les occasions. Au reste, je compte que, à mon voyage de Moravie,252-a j'aurai le plaisir de vous voir deux fois à Rosswalde, c'est-à-dire, en y allant et à mon retour. Tout ce que je vous prie, c'est d'éviter de vous mettre en dépense. Vous savez combien je suis éloigné de vous en causer, et vous me feriez assurément passer moins agréablement mon temps chez vous. Sur ce, etc.

25. AU MÊME.

Potsdam, 22 juillet 1770.

252-bJe verrai à Rosswalde mon cher comte, et je vous admirerai comme la reine de Saba admira la sagesse de Salomon, et surtout son sérail, qui était, soit dit par parenthèse, un peu plus nombreux que le vôtre. Ce sera, j'espère, le 31 août que je me flatte de jouir de votre vision béatifique, si vous l'approuvez.

<227>

26. AU MÊME.

Neisse, 31 août 1770.

Monsieur le comte de Hoditz, je reconnais entre autres à la façon dont vous vous exprimez, dans votre lettre du 30 de ce mois, à l'occasion du désastre qui est arrivé au général-major d'Anhalt,253-a à quel point vous m'aimez. Je vous en sais le gré le plus parfait, et je puis vous dire, pour vous rassurer sur son sujet, que le mal qui lui est arrivé par la fatale chute qu'il a faite n'est pas sans espoir, et que je m'attends à le voir hors de danger et rétabli en peu. Je compte, au reste, toujours d'avoir le plaisir de vous voir le 2 de septembre, et ma satisfaction de vous rencontrer bien portant égalera l'estime et l'amitié que j'ai pour vous. Sur ce, etc.

27. AU MÊME.

Potsdam. 16 septembre 1770.

Monsieur le comte de Hoditz, je suis encore tout enchanté de mon séjour à Rosswalde, et l'idée du plaisir que j'y ai goûté me suit partout. Partout je vois mon aimable hôte empressé à me donner mille preuves de son attachement et à me procurer mille plaisirs. Que ne puis-je, mon cher comte, vous exprimer tout ce que le souvenir de ce séjour a de délicieux pour moi! Souffrez que, étant loin de vous, je puisse au moins vous assurer par écrit que je me rappellerai toujours avec un plaisir infini les moments que j'ai passés chez vous, et que je ne cesserai jamais de former des vœux ardents et sincères pour votre conservation et prospérité. Sur ce, etc.

<228>

28. AU MÊME.

Potsdam, 21 septembre 1770.

Monsieur le comte de Hoditz, après mon retour ici je me suis empressé à satisfaire au plus tôt à la promesse que je vous ai faite de vous envoyer des cygnes de ces contrées. Le porteur de celle-ci est chargé pour cet effet de vous en présenter quelques-uns de ma part, et je vous prie de les agréer comme une marque de mon estime pour vous et du désir que j'ai de vous faire plaisir. Sur ce, etc.

29. AU MÊME.

Potsdam, 3 octobre 1770.

254-aJe vous ai envoyé des cygnes, mais dont le chant harmonieux n'approche pas de celui des nymphes de Rosswalde.

30. AU MÊME.

Potsdam, 11 octobre 1770.

254-bSi les cygnes avaient eu l'intelligence que leur supposaient les poëtes anciens, je les aurais chargés de vous dire dans le langage le plus harmonieux tout ce que je sens de reconnaissance pour la belle réception que vous m'avez faite. Mais, comme leur chant ne ressemble plus à celui de Cycnus, je me borne à espérer qu'ils vous fourniront de bon duvet pour bourrer les coussins et les matelas que vous employez pour vos expéditions amoureuses ou dans vos maladies.

<229>

31. AU MÊME.

Berlin, 29 décembre 1770.

Monsieur le comte de Hoditz, je suis charmé de voir, par votre lettre du 6 de ce mois, que vous vous portez beaucoup mieux que je ne l'ai cru. Combien peu j'ai à me fier aux nouvelles qui m'en sont venues d'autre part, puisque celles-ci vous disaient bien mal! Je souhaite seulement que votre santé se raffermisse de plus en plus et si bien, qu'à la fin vous puissiez réaliser une bonne fois l'espérance de venir me voir. Faites-le, croyez-m'en, comte, et soyez persuadé d'avance que, n'étant pas du tout disposé à vous recevoir en étranger, vous me serez toujours le bienvenu. Cependant je prie Dieu, etc.

32. AU MÊME.

Berlin, 6 janvier 1771.

Monsieur le comte de Hoditz, les assurances de votre attachement inaltérable, que vous venez de me renouveler dans votre lettre du 26 décembre dernier, m'ont été infiniment agréables. Quand on aime les personnes autant que je vous aime, tout ce qui nous vient de leur part nous fait plaisir. Il y a cependant un article, dans cette lettre, qui m'a fait de la peine; c'est celui de l'état toujours chancelant de votre santé. Si j'avais été instruit par Hippocrate, je serais votre médecin, et je ferais tous mes efforts pour affermir une santé à laquelle je prends tant d'intérêt. Mais, n'ayant point cette vocation, il ne me reste que des vœux à former. Je les forme avec toute l'ardeur dont je suis capable, et leur parfait accomplissement me fera le plus sensible plaisir. Sur ce, etc.

<230>

33. AU MÊME.

Potsdam, 3 février 1771.

Monsieur le comte de Hoditz, je suis charmé de voir, par votre lettre du 28 janvier dernier, les bonnes espérances que vous me faites concevoir des soins que j'ai fait ordonner à mon chirurgien général256-a d'avoir de votre guérison. Vous voyez au moins que je n'oublie rien pour éviter que vous ne me fassiez faux bond, ce que je suis persuadé que vous ne vous pardonneriez pas vous-même, en autant toutefois que cela dépend de vous, puisque vous n'ignorez point la part que je prends à votre conservation. Souhaitant, au reste, d'apprendre bientôt votre entier rétablissement, je prie Dieu, etc.

34. AU MÊME.

Potsdam, 8 avril 1771.

Monsieur le comte de Hoditz, j'ai reçu votre lettre du 7 de ce mois, par laquelle je vois que vous êtes intentionné de vous en retourner chez vous. Bien sensible au plaisir que vous m'avez fait de venir me voir et de passer quelques semaines chez moi,257-a je souhaite seulement que, pendant ce peu de séjour, vous vous soyez amusé assez bien, que vous ayez lieu d'en être content, et principalement que tout ce voyage soit d'une influence si avantageuse pour votre santé, que je vous revoie bien portant en Silésie. Cependant je prie Dieu, etc.

<231>

35. AU MÊME.

Potsdam, 12 avril 1771.

Monsieur le comte de Hoditz, je vous envoie à la suite de celle-ci le passe-port que vous avez désiré, et dont vous pourrez vous servir pour faciliter votre retour en Silésie; et, me réservant au reste le plaisir de prendre encore congé de vous et de vous réitérer de vive voix les souhaits que je vous fais pour un bon voyage et une heureuse arrivée chez vous, je prie Dieu, etc.

36. AU MÊME.

Potsdam, 13 avril 1771.

Monsieur le comte de Hoditz, je suis charmé de voir, par votre lettre du 13 de ce mois, que vous êtes content du séjour que vous venez de faire chez moi. Ne doutant point que ce voyage ne fasse l'effet sur votre santé tel que vous le puissiez désirer et que je le souhaite de bon cœur, j'espère que j'aurai le plaisir de vous retrouver bien portant en Silésie, et, en attendant, je prie Dieu, etc.

37. AU MÊME.

Potsdam, 17 avril 1771.

Monsieur le comte de Hoditz, je vois par votre lettre du 16 de ce mois que, le passage par eau en Silésie n'étant pas encore tout à fait libre, vous êtes obligé de vous arrêter à Berlin. Je n'en suis pas fâché, je vous l'avoue; le temps, ne pouvant manquer de se mettre au beau, sera plus favorable à votre santé, et <232>vous rendra le trajet moins désagréable. En attendant, vous faites bien de vous amuser à Berlin. Je souhaite seulement que vous y passiez votre temps le moins mal possible, et sur ce, etc.

38. AU MÊME.

Potsdam, 20 avril 1771.

Monsieur le comte de Hoditz, étant parti, comme je vois par votre lettre du 19 de ce mois, contre vent et marée, ce m'est une marque aussi assurée qu'agréable que vous vous trouvez d'une santé à l'épreuve de toute la rigueur de la saison. Je vous en félicite de bon cœur, et, vous en souhaitant de même une heureuse continuation pendant tout votre trajet, et que vous arriviez à bon port chez vous, je prie Dieu, etc.

39. AU MÊME.

Potsdam, 8 mai 1771.

Monsieur le comte de Hoditz, je suis bien fâché de voir, par votre lettre du 3 de ce mois, qu'une indisposition qui vous est survenue vous a obligé de vous arrêter en chemin. J'espère cependant qu'elle n'aura point de suites, et que j'apprendrai bientôt que vous serez, entièrement remis et bien portant, arrivé chez vous. Je le souhaite au moins de bien bon cœur, priant Dieu, etc.

259-aVous changez, mon cher comte, de projets d'un jour à l'autre. Vous quittez les rivières pour la terre ferme; je souhaite que cet élément vous soit plus favorable que l'autre.

<233>

40. AU MÊME.

Potsdam, 19 juin 1771.

Monsieur le comte de Hoditz, à en juger par le style enjoué de la lettre que vous m'avez fait le plaisir de m'écrire le 6 de ce mois, vous êtes entièrement remis des fatigues de votre corvée de Potsdam. J'en suis bien aise par la part sincère que je prends à votre contentement, et vous en félicite. Au reste, vous avez beau me prôner la satisfaction que vous ressentez encore de votre séjour d'ici; la saison était trop fâcheuse pour vous procurer des amusements dignes de vous, et au défaut desquels il a fallu me borner à de tristes ressources pour vous faire passer votre temps le moins mal qu'il m'a été possible. J'espère cependant que ce ne sera pas la dernière fois que j'aurai le plaisir de vous voir, et alors je tâcherai de redresser ce qui, pour cette fois, n'était pas en mon pouvoir de changer. En attendant, je prie Dieu, etc.

260-aNous chantons ici : Vive le patriarche de Rosswalde!

41. AU MÊME.

Glatz, 21 août 1771.

260-bJ'espère, mon cher comte, de vous revoir à Neisse.

<234>

42. AU MÊME.

Potsdam, 8 septembre 1771.

Monsieur le comte de Hoditz, très-sensible aux vœux sincères dont, selon votre lettre du 2 de ce mois, vous avez bien voulu accompagner mon retour chez moi, et qui ont été si efficaces, que j'y suis heureusement arrivé, ne doutez point, mon cher comte, que mon amitié pour vous n'y réponde parfaitement, souhaitant de bon cœur que je vous revoie encore bien des années aussi bien portant que je vous ai quitté. Connaissant au reste par moi-même combien parfaitement vous savez arranger des fêtes, je n'ai aucun doute que vous n'ayez une satisfaction entière de celles que vous venez de donner, et dont j'aurai grand plaisir de recevoir des nouvelles. En les attendant, je prie Dieu, etc.

43. AU MÊME.

Potsdam, 4 octobre 1771.

Monsieur le comte de Hoditz, je vous fais cette lettre pour accompagner les raisins que je prends plaisir de vous envoyer. Je ne sais s'ils vaudront ceux de Rosswalde; mais, si vous pensez que c'est la main de l'amitié qui vous les présente, ils ne laisseront pas que de vous être agréables. Je souhaite seulement qu'ils vous parviennent en bon état, et que vous les trouviez à votre goût, au reste priant Dieu, etc.

<235>

44. AU MÊME.

Potsdam, 23 octobre 1771.

Monsieur le comte de Hoditz, je suis charmé de voir, par votre lettre du 18 de ce mois, que les raisins que j'ai eu le plaisir de vous envoyer vous sont bien parvenus et vous ont été agréables. Je souhaite seulement que vous les ayez trouvés à votre goût, de quoi cependant j'ai lieu de douter, la saison ayant été en général peu favorable cette année pour pousser les fruits à leur point de maturité. Au reste, il me fait bien plaisir de remarquer que vous jouissez d'une bonne santé. Tâchez, cher comte, de vous la conserver aux désirs d'un ami qui ne cesse point de prier Dieu, etc.

45. AU MÊME.

Berlin, 29 décembre 1771.

Monsieur le comte de Hoditz, la lettre que vous avez bien voulu m'écrire sous le 22 de ce mois, et les vœux que vous m'y faites à l'occasion de ce renouvellement d'année, me confirment bien agréablement les sentiments d'affection que vous me portez. Croyez aussi, cher comte, que je n'oublierai point d'y répondre toujours de la manière que vous pouvez le désirer, et que les souhaits que je fais continuellement pour votre prospérité et la conservation de votre santé sont d'autant plus sincères, que le plaisir de vous revoir chez moi dépend entièrement de leur accomplissement. Mes sœurs, la reine de Suède aussi bien que la princesse Amélie, n'ignorant point combien je vous aime et estime, et combien vous méritez de l'être par l'attachement que vous avez pour moi, ne laissent pas que d'être autant sensibles à votre bon souvenir qu'elles sont fâchées que votre santé réponde si peu au désir qu'elles auraient de vous voir ici. Cependant je me flatte que le proverbe qui dit : Quod differtur non au<236>fertur, dira vrai à votre égard; au moins je le souhaite d'aussi bon cœur que je prie Dieu, etc.

46. AU MÊME.

Potsdam, 5 août 1772.

On ne vous a point dit vrai, cher comte, quand, selon votre lettre du 31 juillet dernier, on vous a voulu faire accroire que je ne viendrais pas cette année à Neisse. J'y viendrai, croyez-m'en, et m'y arrêterai comme de coutume; mais ce qu'il y a pourtant de vrai, et que je regrette beaucoup, c'est que j'y trouverai tant d'occupations, qu'il ne me restera guère de temps à donner à mes amis. Cependant je me réjouis d'avance de vous y voir et, comme j'espère, en parfaite santé; au moins je le souhaite d'aussi bon cœur que je prie Dieu, etc.

47. AU MÊME.

Wenig-Mohnau, 31 août 1772.

Monsieur le comte de Hoditz, ce sont les sentiments d'amitié et d'attachement que vous avez pour moi qui vous ont dicté la lettre que vous m'avez écrite le 27 de ce mois. Comptez que j'y suis très-sensible. Votre présence à Neisse m'a fait un vrai plaisir, et je partirai content d'ici de vous avoir vu, et les nouvelles que de temps en temps je pourrai recevoir de votre santé me seront toujours agréables au delà de l'expression. Et sur ce, etc.

<237>

48. AU MÊME.

Potsdam, 11 avril 1773.

Monsieur le comte de Hoditz, je connais votre cœur, et je sais qu'il m'est très-sincèrement attaché. Tout ce que vous m'en dites dans votre lettre du 4 de ce mois m'en fournit une nouvelle preuve bien agréable, et, bien loin de m'ennuyer, a ramené dans mon esprit ces moments doux et précieux que j'ai passés avec vous. Le souvenir m'en sera toujours cher, et par cela même je n'ai pu qu'applaudir à l'idée que vous avez eue de consacrer un de vos bâtiments à ma mémoire. Je ne puis pas, à la vérité, vous rendre la pareille, mais votre nom et votre mérite ne s'effacera jamais dans mon cœur, où la plus vraie estime et amitié les a gravés en caractères indélébiles et éternels. Sur ce, etc.

49. AU MÊME.

Potsdam, 11 août 1773.



Monsieur le comte de Hoditz,

Si je vous aime? Quelle demande! Rappelez-vous tout ce que je vous ai dit et répété à ce sujet, tant de bouche que par écrit. C'est le meilleur garant que je puisse vous en offrir. Il vous en convaincra que l'on ne saurait rendre plus de justice à votre mérite et à vos sentiments. J'admire le premier, et le souvenir des derniers me fait toujours un plaisir infini. Mais que vous dirai-je du monument dont vous me parlez dans votre lettre du 6 de ce mois? Je me réserve de vous exprimer tout ce que je pense sur cette nouvelle marque de votre attachement, lorsque j'aurai le plaisir de vous voir à Neisse. Je vous y attends au moins sûrement, en conséquence de la promesse que vous venez de me faire, et je serai bien charmé de vous y trouver en bonne santé. Vous n'y serez nullement gêné, et je serai content, pourvu que je puisse <238>vous convaincre que l'on ne saurait rien ajouter à mes sentiments d'estime et d'amitié pour l'aimable staroste de Rosswalde. Sur ce, etc.

50. AU MÊME.

Goldschmieden, près de Breslau, 1er septembre 1773.

Monsieur le comte de Hoditz, la lettre que vous m'avez écrite à votre retour chez vous m'a été des plus agréables. J'y reconnais les sentiments que vous avez pour moi; j'y suis des plus sensibles, et je ne discontinuerai pas de vous en conserver la plus parfaite reconnaissance. Je m'intéresse d'ailleurs bien vivement à votre conservation, et sur ce, etc.

51. AU MÊME.

Potsdam, 15 septembre 1773.

Monsieur le comte de Hoditz, je vous sais un gré infini de la liste des fleurs et des semences que vous m'avez adressée à la suite de votre lettre du 5 de ce mois. Elle me met à même de satisfaire mon inclination et d'embellir votre jardin selon votre propre goût. Je m'y conformerai exactement, et je tâcherai d'obtenir toutes les différentes sortes que vous désirez. Tout ce qui me fait quelque peine, c'est qu'il y en a que je n'ai pas moi-même dans mon jardin, et qu'il faut faire venir de Hollande, par où leur expédition pourrait bien souffrir un délai de quelques semaines. Je ferai cependant tout mon possible pour me les procurer encore assez à temps et vous les faire adresser avant le terme où il faut les mettre en terre. Ici, c'est au mois de novembre qu'on passe à cette opération, et, pourvu que je puisse <239>vous les faire tenir dans le courant du mois prochain, je me flatte toujours que vous pourrez les voir au printemps prochain dans toute leur beauté. Je le souhaite du moins bien sincèrement, puisque je n'ai rien plus à cœur que de contribuer à votre satisfaction, et de vous confirmer par là les sentiments distingués d'estime et d'attachement que je vous conserverai jusqu'à la fin de mes jours. Sur ce, etc.

52. AU MÊME.

Potsdam, 19 septembre 1773.

Monsieur le comte de Hoditz, la réponse que je vous ai faite en dernier lieu relativement aux fleurs que vous m'avez demandées était à peine partie, que, contre mon attente, mes jardiniers fleuristes sont venus m'avertir, à ma grande satisfaction, que toute la quantité contenue dans la liste que vous m'en aviez fait tenir vous pourrait être fournie d'ici, à une bagatelle près, que je n'estime pas vous intéresser assez pour vous faire perdre peut-être toute une année en la faisant venir de Hollande. Je n'ai donc rien de plus pressé que de vous dépêcher tout cet amas de fleurs dans les cinq caisses dont cette lettre est accompagnée, et à laquelle je joins ici une liste exacte et détaillée de toutes les fleurs y contenues; et, souhaitant au reste qu'elles vous fassent autant de plaisir qu'il m'en fait de vous les envoyer, je prie Dieu, etc.

53. AU MÊME.

Potsdam, 26 janvier 1774.

Monsieur le comte de Hoditz, vous parlez presque comme Voltaire dans votre lettre de félicitation du 14 de ce mois; mais vous <240>pensez infiniment mieux que lui. Vous réunissez l'éloquence et le sentiment dans vos vœux au retour de mon jour de naissance, et c'est précisément cette combinaison qui me rend extrêmement sensible à tout ce que vous demandez au ciel en ma faveur. Oui, mon cher comte, je vous rends cette justice qu'il n'y a pas un mot dans tous vos vœux qui ne parte d'un cœur qui m'est très-sincèrement attaché et dévoué; et vous me rendrez en retour celle d'être persuadé qu'il n'y a ni bonheur ni prospérité que je ne vous souhaite du fond de mon cœur, et que l'intérêt que j'y prendrai sera toujours aussi vif et tendre que le sont les sentiments d'estime et d'amitié que vous me connaissez pour vous. Sur ce, etc.

54. AU MÊME.

Neisse, 23 août 1774.

Monsieur le comte de Hoditz, la lettre que vous m'avez écrite pour vous congédier de moi m'a d'autant plus attendri, que je connais la vérité des sentiments que vous m'y exposez. J'aurais sans doute souhaité que l'état actuel de votre santé et les circonstances vous eussent permis de vous arrêter plus longtemps auprès de moi; mais j'espère que, l'année prochaine, je pourrai avoir le plaisir de vous voir et de vous réitérer de bouche la part invariable que je prends à votre conservation. Et sur ce, etc.268-a

55. AU MÊME.

Le 9 novembre 1774.

268-bJ'ai appris, mon cher comte, que vous étiez malade et que vous aviez du chagrin, deux choses qui me font également de la peine.<241>On prétend que vos affaires sont ruinées au point que vous avez été obligé de congédier tout votre monde et de vous réduire sur le petit pied. Cela m'a fait naître l'idée de vous recueillir ici, où cependant vous serez entièrement maître de votre personne, et de vous aider d'une pension de deux mille écus. Il dépend de vous d'accepter ou de refuser ce parti, selon que vous le trouverez convenable ou non pour vos circonstances où vous vous trouvez. Au moins venez-vous l'envie que j'ai de vous rendre quelque service. J'espère que vous recevrez mon offre sur ce pied-là, et que vous serez persuadé du vrai désir que j'ai de vous voir heureux et content. Adieu.

56. AU MÊME.

Potsdam, 13 novembre 1774.

Monsieur le comte de Hoditz, l'abbé Bastiani ne vous a rien dit que ce que mon cœur sentait pour vous à la nouvelle de tous les malheurs qui vous accablent. Il a été le fidèle interprète de mes sentiments, et votre lettre du 4 de ce mois me fait juger qu'il n'a rien négligé pour vous convaincre de la tendre part que j'y ai prise, et du désir vif et sincère que j'ai de répandre sur vos jours ces douceurs et ces agréments que vous méritez à si juste titre. Oui, cher comte, c'est l'unique motif de l'offre que je vous ai fait faire par le susdit abbé de venir vous établir auprès de votre ami, et cet établissement a trop de charmes pour moi, pour ne point vous réitérer mes instances de le réaliser. Mais je suis trop discret pour l'exiger plus tôt que vos affaires domestiques ne vous le permettront. Vous serez plutôt entièrement le maître de remplir mes vœux quand vous le jugerez à propos. Il me suffit que mon idée ne vous répugne point; je m'en remets pour l'exécution à votre bon plaisir, et je trouverai même dans mon attente l'avant-goût du plaisir que j'aurai de vous posséder pour toujours. Donnez pour cet effet tous vos soins au rétablissement de <242>votre santé, et comptez que personne au monde ne saurait y prendre un intérêt plus vif et plus tendre. Sur ce, etc.

57. AU MÊME.

Potsdam, 27 novembre 1774.

Monsieur le comte de Hoditz, votre lettre du 18 de ce mois m'a de nouveau attendri; elle m'a fait sentir toute la rigueur du sort qui vous persécute. C'est une nouvelle expérience que le mérite n'échappe pas toujours aux caprices de la fortune. Mais le parti que vous prenez est celui d'un homme sage. Quoique nullement insensible à ces coups, vous n'en êtes cependant point abattu. Votre grandeur d'âme vous soutient dans les différents revers que vous éprouvez. Vous savez plier au temps et céder aux circonstances, et je me sais un gré infini de l'asile que je vous ai offert, et que vous venez d'accepter. Il est tout préparé, et il ne dépend que de vous de vous y rendre. J'attends ce moment avec empressement, et, si mes vœux sont exaucés, il ne tardera pas d'arriver. J'aurai soin d'y répandre toutes les douceurs possibles, et peut-être vous feront-elles oublier le passé et couler des jours plus tranquilles et heureux qu'à votre charmant Rosswalde. En attendant, je prie Dieu, etc.

58. AU MÊME.

Berlin, 20 décembre 1774.

Monsieur le comte de Hoditz, ne vous inquiétez pas sur la manière de m'exprimer votre reconnaissance de l'asile que je vous ai offert. Un cœur aussi sensible que le vôtre, c'est tout ce que <243>je demande. Donnez plutôt tous vos soins à votre prompt et parfait rétablissement, afin que vous puissiez vous rendre bientôt à mes vœux et éprouver tous les sentiments d'estime et d'attachement que j'ai pour vous. C'est tout ce qui me reste à répondre à votre chère lettre du 13 de ce mois, et sur ce, etc.

59. AU MÊME.

Berlin, 2 janvier 1775.

Monsieur le comte de Hoditz, si mon amitié et mes vœux suffisaient pour vous rendre votre première santé et force, il y a déjà longtemps que vous ne compteriez que des jours parfaitement sains, tranquilles et heureux. Mais, quelque vif et sincère que soit mon attachement pour vous, je ne saurais passer les bornes de l'humanité, et il faut que je me renferme dans ce qui dépend de moi et que le nouveau période que nous venons de commencer me fournit une occasion très-agréable d'observer. C'est de renouveler mes vœux ardents pour votre prompt et parfait rétablissement, pour votre bonheur et prospérité inaltérable, enfin pour tout ce qui peut vous rendre heureux et content. Vous faut-il des garants que tout ce que je viens de vous dire part d'un cœur qui vous estime et qui vous aime? Le temps passé vous en fournira en abondance, tout comme je me flatte que vous en trouverez encore dans l'avenir. En attendant, je vous remercie de la petite pièce de la plume du comte de Lamberg,272-a et sur ce, etc.

<244>

60. AU MÊME.

Potsdam, 10 mai 1775.

Monsieur le comte de Hoditz, j'apprends avec plaisir par votre lettre du 5 avril que l'état de votre santé se rétablisse un peu; je souhaite que cela continue et aille toujours mieux. Si vous venez à Neisse, je serais charmé de vous y voir, et, si tant est que vous ayez besoin de quelques secours, vous pourrez vous expliquer plus clairement sur la nature de ceux que vous attendez de ma part. Et sur ce, etc.

272-bExpliquez-vous plus nettement, mon cher comte, sur vos besoins.

61. AU MÊME.

Potsdam, 19 juin 1775.

Monsieur le comte de Hoditz, le détail de vos embarras domestiques m'a fait une peine infinie, et il est tout naturel qu'il ait excité en moi le désir ardent d'être à même de vous en délivrer. Jusqu'ici je ne vois pas comment satisfaire un désir aussi conforme à mes sentiments pour vous. Cette idée m'occupera cependant toujours, et je vous prie d'attendre mon arrivée en Silésie. Peut-être alors pourrai-je vous soulager et contribuer au rétablissement de votre bonheur et prospérité. Sur ce, etc.

<245>

62. AU MÊME.

Potsdam, 17 septembre 1775.

Monsieur le comte de Hoditz, s'il y a du plaisir à faire des heureux, ce plaisir devient plus sensible encore par les sentiments de reconnaissance de ceux qui sont les objets de nos soins empressés et affectueux; et c'est précisément le cas où je me trouve, mon cher comte, par tout ce que vous me dites de poli et d'obligeant dans votre lettre du 8 de ce mois. Sans attribuer à mes petits secours tout le mérite que vous leur donnez, je vous prie de les regarder comme un mémorial de tout ce que je sens pour vous, et de tout ce que je suis disposé à faire pour répandre sur votre asile ici tous les agréments et toutes les douceurs dont vous aurez besoin pour couler des jours tranquilles et heureux. Sur ce, etc.

63. AU MÊME.

Potsdam, 29 octobre 1775.



Monsieur le comte de Hoditz,

L'on vous a dit vrai, mon cher comte, j'ai été malade, et un accès de goutte m'a bien tourmenté. Mais je me porte mieux, Dieu merci, et je suis dans la convalescence. J'espère que mon rétablissement sera bientôt parfait, et l'ardeur de vos vœux y aura sûrement quelque part. J'aime au moins à m'en persuader, et votre lettre du 23 de ce mois ne me permet pas d'en douter. Je mérite les sentiments que vous m'y renouvelez, par cet intérêt vif et tendre que je prends à tout ce qui vous regarde, et par l'envie que j'ai de contribuer à la douceur de vos jours. L'asile que vous me demandez vous est toujours ouvert; il ne dépend que de vous d'y entrer quand vous le jugerez à propos. Dans quelque temps que vous y fassiez votre retraite, vous y serez <246>très-bien reçu, et je vous l'offre de nouveau aux conditions qui vous sont déjà connues, priant, en attendant, Dieu, etc.

64. AU MÊME.

Potsdam, 10 décembre 1775.

Monsieur le comte de Hoditz, le tableau est bien touchant, que présente votre lettre du 3, de l'état de langueur où vous vous trouvez. J'y compatis, et ma compassion est d'autant plus vive, que je viens moi-même de sortir des douleurs cuisantes de ma goutte, qui m'a tourmenté cette année-ci plus longtemps que jamais. Grâce au ciel, elle m'a quitté à la fin, et je me trouve dans la convalescence et dans l'espérance de reprendre bientôt mes forces. Je voudrais bien que vous pussiez en dire autant, mon cher comte, de votre paralysie. Cette nouvelle me ferait un plaisir infini par l'amour que je vous porte, et qui ne finira point. Mais votre lettre m'apprend que vos maux ne finissent pas encore, et que j'ai besoin encore de toute l'ardeur de mes vœux pour vous en procurer le rétablissement. Je les redouble donc de tout mon cœur, et prie Dieu qu'il vous rende bientôt votre santé, qui m'est si chère, et qu'il vous ait ensuite toujours, etc.

65. AU MÊME.

Potsdam, 18 janvier 1776.

Monsieur le comte de Hoditz, votre lettre du 12 de ce mois m'a enchanté. Elle présente un tableau parfait des sentiments de votre cœur, et sa fidélité y répand des agréments dont un cœur formé pour la vraie amitié est seul capable de goûter toutes les délices. <247>Oui, mon cher comte, votre joie sur ma convalescence, qui, Dieu merci, fait tous les jours des progrès nouveaux et assurés, vos vœux à l'occasion de mon jour de naissance, tout me garantit la place que je continue d'occuper dans votre cœur, et qui fera toujours l'objet de mes désirs; et, s'il me reste encore quelque chose à souhaiter, c'est de voir, à mon tour, parfaitement accomplis tous les vœux que je ne cesse de former en votre faveur. En attendant, etc.

66. AU MÊME.

Potsdam, 4 mai 1777.

Monsieur le comte de Hoditz, je viens de recevoir de mon ministre d'État de Hoym le rapport ci-joint, que je suis bien aise de vous communiquer, afin que vous puissiez le lire et me le renvoyer ensuite. Ce n'est point encore ce que j'attendais; aussi ai-je demandé des explications plus claires et plus détaillées, qui ne tarderont vraisemblablement pas de m'entrer. Soyez donc tranquille et patientez-vous tant soit peu dans l'espérance que tout ira bien, ce que je souhaite autant pour ma propre satisfaction que pour la vôtre. Sur ce, etc.

67. AU MÊME.

Potsdam, 24 mai 1777.

Monsieur le comte de Hoditz, j'ai vu avec plaisir par votre lettre d'hier les nouvelles assurances que vous me donnez de votre attachement. Je vous en tiens bon compte, et vous recommande, à cette occasion, de vous ménager autant que possible, et surtout de ne pas vous hasarder au grand air avant que vous ne vous <248>trouviez entièrement rétabli, et que vous n'ayez premièrement repris toutes vos forces. Sur ce, monsieur le comte de Hoditz, je prie Dieu, etc.

68. AU MÊME.

Potsdam, 31 mai 1777.

Monsieur le comte de Hoditz, je viens de recevoir vos félicitations sur mon heureux retour. Croyez que, si je suis sensible au tendre intérêt que vous prenez à tout ce qui me regarde, je ne le suis pas moins, à la vérité d'une manière bien différente, à vos peines et à vos chagrins. Je désire plus que personne de les voir finir; j'y contribuerai certainement autant que possible, et, en attendant, vous me ferez plaisir de vous patienter jusqu'à ma prochaine tournée en Silésie, d'où je compte vous rapporter des nouvelles excellentes sur l'état de vos affaires. Je vous remercie, au surplus, des vœux que vous faites en ma faveur, en priant Dieu par contre, etc.

277-aEncore quinze jours de patience, mon cher comte, et vos affaires iront bien.

69. AU MÊME.

Potsdam, 21 juillet 1777.

Monsieur le comte de Hoditz, vous me ferez plaisir de vous patienter encore. L'essentiel est que vous soyez en règle avec la cour de Vienne, et, quant à Sporni, dès que votre plein pouvoir sera arrivé, on ne manquera pas de le congédier; le reste sera également arrangé à votre satisfaction. Vous pouvez être très-<249>tranquille sans vous chagriner davantage. Sur ce, monsieur le comte, je prie Dieu, etc.

278-aUn peu de patience, mon cher comte; Rome ne fut pas bâtie dans un jour.

70. AU MÊME.

Potsdam, 28 juillet 1777.

Monsieur le comte de Hoditz, le mémoire pour l'arrangement de votre affaire de Rosswalde m'est parvenu par votre lettre d'hier. Vous pouvez compter que je m'acquitterai de la commission aussi bien que je pourrai. Tranquillisez-vous, en attendant, et prenez patience; vous savez que les choses ne vont pas si vite à la cour de Vienne qu'on le pense. Je parlerai, à mon arrivée en Silésie, au baron de Riedesel,278-b qui viendra me trouver le 20 d'août; je le garderai jusqu'au 24, jour de son départ pour Vienne, où il ne sera de retour que le 27, et, comme l'accès n'est pas très-facile chez les grands de ce pays-là, il lui faudra bien encore quelques jours pour saisir l'occasion d'insinuer le tout au comte de Kaunitz. Attendez donc patiemment la définition de votre affaire; j'en augure assez favorablement pour croire qu'elle se terminera bien et selon vos désirs. Sur ce, je prie Dieu, etc.

71. AU MÊME.

Potsdam, 4 août 1777.

Monsieur le comte de Hoditz, je remarque avec plaisir, par votre lettre d'aujourd'hui, le tendre intérêt que vous ne cessez <250>de prendre à ce qui me regarde. Recevez-en mes remercîments, et soyez persuadé que je vous sais infiniment gré des vœux que vous faites en ma faveur, ainsi que de vos sentiments de dévotion et de zèle pour ma personne. Quant à votre Rosswalde, je verrai de vous aider autant qu'il dépendra de moi; mais il n'y aura guère moyen de rien régler définitivement avant le retour du baron de Riedesel à Vienne. La manière dont je lui recommanderai vos intérêts doit vous tranquilliser entièrement. Sur ce, etc.

279-aUn peu de patience, mon cher comte; les affaires ne se traitent pas aussi vite que vont les idées.

72. AU MÊME.

Potsdam, 10 août 1777.

Monsieur le comte de Hoditz, j'ai trouvé dans votre lettre d'hier les nouveaux points relatifs à l'arrangement de vos affaires. Soyez certain que je ferai l'impossible en votre faveur, et que je n'omettrai rien de tout ce qui pourra contribuer à la réussite de vos vues. J'ai reçu aujourd'hui mes lettres de Vienne. La façon dont cette cour s'explique à votre sujet est des plus obligeantes, et les dispositions favorables qu'elle paraît vous conserver semblent lever toutes les difficultés. Tranquillisez-vous seulement, en attendant avec patience la décision de votre sort, persuadé comme vous devez l'être qu'elle répondra entièrement à vos désirs. Sur ce, monsieur le comte de Hoditz, etc.

<251>

73. AU MÊME.

Neisse, 20 août 1777.

Monsieur le comte de Hoditz, pour vous prouver que je ne vous ai point oublié, je suis bien aise de vous marquer que vos affaires prennent bon train, et je compte vous donner en son temps là-dessus des avis qui ne manqueront pas de vous faire plaisir. Sur ce, monsieur le comte, je prie Dieu, etc.

280-aSi vous renoncez à l'entretien de votre jardin, vous pourrez avoir quatre mille neuf cents florins de revenu net.

74. AU MÊME.

Potsdam, 15 septembre 1777.

Monsieur le comte de Hoditz, je vous sais un gré parfait de la part que vous prenez à l'état de ma santé, et vous remercie des vœux que vous faites pour l'accélération de mon rétablissement, qui, j'espère, ne tardera pas. La sincérité qui règne dans vos procédés ne me laissant nul doute sur la nature de vos sentiments, il m'est toujours agréable de vous témoigner combien je vous estime. Sur ce, etc.

75. AU MÊME.

Potsdam, 26 septembre 1777.

Monsieur le comte de Hoditz, vous ne cessez de me fournir de nouvelles preuves bien agréables de vos sentiments de dévotion <252>et de zèle. L'on ne saurait être plus sensible que je le suis à celles que renferme votre lettre d'hier, qui les exprime de la manière la plus flatteuse. Je les agrée avec le même plaisir que mon rétablissement vous a causé, et je désire, en retour, de vous voir vivre en bonne santé dans la retraite que vous vous êtes choisie, sans qu'aucune incommodité ni inquiétude puisse altérer le contentement et le bien-être dont vous jouissez aujourd'hui à ma grande satisfaction. Sur ce, etc.

76. AU MÊME.

Potsdam, 24 octobre 1777.

Monsieur le comte de Hoditz, l'on ne saurait exprimer avec plus de force et de vivacité le zèle et l'attachement dont vous faites profession pour ma personne. Votre lettre d'hier est remplie de sentiment; les assurances flatteuses qu'elle renferme excitent ma sensibilité, et me dédommagent bien de l'intérêt que j'ai pris jusqu'ici à tout ce qui vous regarde. Je suis ravi d'apprendre la satisfaction que vous éprouvez dans votre particulier; elle ne manquera pas d'influer avantageusement sur votre santé, ce qui me fera plaisir. Sur ce, je prie Dieu, etc.

282-aBon courage, mon cher comte, prenez des médecines, guérissez-vous, et vous aurez encore du plaisir dans le monde, tandis que vous y vivrez.

77. AU MÊME.

Potsdam, 17 décembre 1777.

Monsieur le comte de Hoditz, si j'ai eu beaucoup de plaisir à vous faire éprouver quelque effet de ma bienveillance et de mon <253>estime, je n'en ressens pas moins à la lecture de la lettre que vous venez de m'écrire, et suis sensible à la gratitude que vous m'y témoignez. Sur ce, etc.

78. AU MÊME.

Berlin, 18 janvier 1778.

Monsieur le comte de Hoditz, autant que le nouvel exposé de vos sentiments m'a fait plaisir, avec autant de peine ai-je appris par votre lettre que mylord Marischal a eu une attaque d'apoplexie. Je souhaite bien ardemment que celle-ci n'ait point de suites, et que plutôt, à mon retour, j'aie la consolation de vous trouver tous les deux dans un état de convalescence qui me permette d'espérer de posséder encore longtemps deux personnes d'un mérite et d'un attachement aussi distingué. Sur ce, etc.

79. AU MÊME.

Potsdam, 24 janvier 1778.

Monsieur le comte de Hoditz, vous me donnez à l'époque de l'anniversaire de mon jour de naissance une preuve bien agréable de la vivacité de vos sentiments zélés et affectueux, par les félicitations que vous me présentez dans votre lettre d'aujourd'hui, que je trouve remplie de l'effusion d'un cœur reconnaissant et sensible. Je vous sais gré des vœux sincères que vous faites en ma faveur; ils me sont garants d'une source de félicité par le plaisir que j'aurai de vous faire éprouver en tout temps les effets de ma bienveillance et de mon estime. Les vœux que je vous fais en échange sont que vous vous portiez parfaitement bien, et que l'état de votre santé soit tout à fait rétabli et bien durable. Je vous recommande pour cet effet de ménager votre santé et <254>d'éloigner avec soin tout ce qui pourrait altérer votre bien-être et votre contentement, qui m'intéressera toujours. Sur ce, etc.

80. AU MÊME.

Potsdam, 1er mars 1778.

Monsieur le comte de Hoditz, l'assiduité que vous avez à m'entretenir de votre attachement et de votre dévotion ne saurait m'être que fort agréable, et vous ne devez pas craindre de devenir importun. Ce n'est pas une petite satisfaction pour moi de voir les vœux que vous formez en ma faveur. Soyez assuré que c'est particulièrement pour avoir plus d'occasions de vous témoigner combien j'y suis sensible que j'en désire l'accomplissement autant que la continuation de votre bien-être. Sur ce, etc.

81. AU MÊME.

Potsdam, 5 mars 1778.

Monsieur le comte de Hoditz, l'épanchement de votre cœur dans votre lettre d'aujourd'hui m'a infiniment attendri. Mais, mon cher comte, ne vous abandonnez pas à ces idées sombres qui paraissent agiter votre âme sensible. Souvenez-vous que vous êtes philosophe, et que notre sort ne dépend pas de notre direction. Votre propre expérience vous a appris plus d'une fois que tout vient à point à qui peut attendre. Suivez cette maxime, et tranquillisez-vous par l'assurance que je vous aime et que je ne vous abandonnerai jamais. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait, monsieur le comte de Hoditz, en sa sainte et digne garde.

<255>

XV. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC MYLORD MARISCHAL (MAI 1754 - 1778.)[Titelblatt]

<256><257>

1. A MYLORD MARISCHAL.

(Mai 1754.)

Vous saurez qu'il y a un homme, à Paris, du plus grand mérite, qui ne jouit pas d'avantages de la fortune proportionnés à ses talents et à son caractère. Je pourrais servir d'yeux à l'aveugle déesse, et réparer au moins quelques-uns de ses torts. Je vous prie d'offrir, par cette considération, une pension de douze cents livres287-a à M. d'Alembert; c'est peu pour son mérite, mais je me flatte qu'il l'acceptera en faveur du plaisir que j'aurai d'avoir obligé un homme qui joint la bonté du caractère aux talents les plus sublimes de l'esprit. Vous qui pensez si bien, vous partagerez avec moi, mon cher mylord, la satisfaction d'avoir mis un des plus beaux génies de la France dans une situation plus aisée. Je me flatte de voir M. d'Alembert ici; il a promis de me faire cette galanterie dès qu'il aura achevé son Encyclopédie. Pour vous, mon cher mylord, je ne sais quand je vous reverrai; mais soyez persuadé que ce sera toujours trop tard, eu égard à l'estime et à l'amitié que j'ai pour vous.

2. DE MYLORD MARISCHAL.

Neufchâtel, 22 septembre 1754.



Sire,

Je suis arrivé, il y a deux jours, las comme un chien, par les mauvais chemins et le mauvais temps, quoique en approchant d'ici il <258>s'était remis au beau. En entrant en Suisse, la première nuit on me donna au cabaret des cerises, la seconde des fraises et des framboises. J'avais une belle peur, car les cerises encore n'étaient-elles pas mûres; mais dans le château où la bonté de V. M. m'a donné les invalides, j'ai jusqu'à cette heure un temps d'Espagne et la plus belle vue du monde. J'ai déjà essuyé bien des harangues; chacun en particulier et chaque corps en corps m'en fait, et j'en ai bien encore qui m'attendent. Ma grandeur s'acquitte très-mal des réponses; j'ai mieux fait à l'église ce matin, où l'ennui du sermon aura sans doute passé pour un air de contrition. J'espère que la Vénérable Classe288-a a été édifiée de ma contenance; j'ai naturellement le museau triste et de Calvin. Dans huit jours les cérémonies se finiront, et je supplie V. M. de croire que je ferai vos affaires de mon mieux, et que j'ai l'honneur d'être avec la plus parfaite reconnaissance et le plus profond respect

de Votre Majesté
le très-humble et très-obéissant et très-fidèle serviteur,
Le Maréchal d'Écosse.

3. A MYLORD MARISCHAL.

Le 31 décembre 1754.

Mon cher mylord, je suis fort étonné de la barbarie qui règne encore dans les lois de votre gouvernement, après que j'ai abrogé dans tout le pays les restes des usages sauvages de nos anciens Germains. Vous me ferez plaisir et je vous autorise à faire cesser incessamment et la question,289-a et la pénitence des Madeleines.289-b Je sens bien que je serai obligé d'envoyer là-bas quelqu'un de la <259>justice pour mettre le droit sur le même pied qu'on l'a établi ici. Je vous félicite d'avoir attrapé la fin des harangues, mais je me flatte que vous en aurez pour demain, et, si je ne croyais vous importuner, j'y ajouterais volontiers une cicéronienne de ma part, quoique j'espère que vous croirez bien sans harangue que je vous souhaite mille biens le 1er de janvier comme le dernier de décembre, et que je suis avec toute l'estime et l'amitié possible votre fidèle ami.

Plus de Voltaire, mon cher mylord. Ce fou est allé à Avignon,289-c où ma sœur l'a mandé. Je crains fort qu'elle ne s'en repente bientôt.

4. AU MÊME.

Le 20 (février 1755).

Mon cher gouverneur, je suis charmé de vous voir occupé d'objets si utiles pour votre petite province. On voit que les lois de tout pays se sont ressenties du temps dans lequel on les a créées, et il restait un coin de barbarie dont enfin on viendra à bout de détruire les restes. Nous avons ici un hiver qui fait paroli au vôtre. De ma vie je n'en ai vu d'aussi vilain; il a été funeste à bien du inonde. Madame de Keyserlingk290-a en est morte, et votre ami Gorin,290-b après avoir lutté longtemps contre les infirmités et les faiblesses qu'il avait gagnées dans la campagne du jeune Édouard, a enfin succombé; il est mort dans quatre jours d'une fièvre inflammatoire. Je suis bien aise que sa longue maladie m'ait empêché de faire véritablement connaissance avec lui, ce qui me l'aurait fait regretter davantage. Il a la consolation rare après sa mort que tout le monde dit du bien de lui. Adieu, mon <260>cher mylord; je vous souhaite longue vie, un climat chaud, du plaisir en quantité, et que vous n'oubliiez pas vos amis, du nombre desquels j'espère que vous me comptez.

5. AU MÊME.

Potsdam, 29 juillet 1755.

Mylord, j'ai reçu votre lettre du 12 de ce mois avec la pièce que vous avez voulu me communiquer. Sans vouloir entrer dans les questions pour et contre de vos ecclésiastiques au sujet de l'abolition des pénitences publiques, il n'est point du tout nécessaire que vous délibériez davantage avec eux sur ce point; je suis leur suprême évêque, ma volonté seule décide en pareil cas selon tous les droits, et par mon autorité je vous charge de passer outre et d'abolir tout à fait ces pénitences publiques comme abusives et scandaleuses. J'attends, au reste, votre rapport sur le succès que l'on peut se promettre de l'établissement de la loterie projetée. Sur ce, je prie Dieu, etc.

6. AU MÊME.

(Potsdam) 8 février (1756).

Ne m'accusez point de paresse, mon cher mylord; j'ai été si prodigieusement occupé depuis un temps (vous jugez bien de quoi291-a), qu'il m'a été impossible de vous écrire; l'agitation dure encore, et il faudra bien un mois pour que je puisse regagner la tranquillité propre à notre correspondance. Je ne vous en ai pas moins <261>d'obligation des graines de melon que vous avez eu la bonté de m'envoyer, ainsi que de la doctrine tolérante que vous vous efforcez d'introduire dans votre gouvernement. Ce serait couronner l'œuvre que de faire réussir cette loterie dont personne ne veut. Je crois qu'il faut être dissipateur et prodigue pour avoir du crédit; je vois que cela réussit partout; il faudra imiter les autres.

On menace votre gouvernement de Voltaire,291-b d'un tremblement de terre, de madame Denis et d'une comète; il ne faut qu'un de ces fléaux pour tout détruire. J'espère qu'il en sera de ces conjectures comme de bien d'autres. On a prophétisé à peu près les mêmes malheurs à la reine de Hongrie; j'en excepte Voltaire. Elle a indiqué des jeûnes, des prières; on expose le venerabile à Vienne. Sans doute qu'après cela le bon Dieu y pensera plus d'une fois avant que d'entamer l'Autriche. On vous dira sans doute, mon cher mylord, que je suis un peu moins jacobite292-a que je ne l'ai été; ne me prenez point en haine pour cela, et soyez persuadé que je vous estime toujours également. Adieu.

7. MYLORD MARISCHAL A SON FRÈRE LE FELD-MARÉCHAL KEITH.

Le 12 février 1756.

Hospodin General, j'ai écrit au Roi par ce courrier, le priant de me donner mon congé. Je lui dis seulement que je me trouve trop chargé d'affaires, et que je serai toujours reconnaissant (ce qui est bien vrai) de sa bonté de m'avoir donné une douce re<262>traite dans mes vieux jours, mais que l'effet ne répond pas à son intention par la situation et train d'affaires du pays; et il est sûr que j'en ai trop. Je vois chaque jour de nouvelles raisons à me déterminer au parti d'une retraite absolue : mon âge, mon peu de connaissances en affaires de procès et de droit, les embarras des priviléges mal expliqués, et puis l'impossibilité de contenter les ministres. Je viens de recevoir un rescrit, par ordre exprès du Roi, qui dit : « Quoique vous m'ayez assuré par votre très-humble rapport du ...... que le magistrat de Neufchâtel n'ait pas accordé depuis votre arrivée dans le pays le droit de bourgeoisie dudit lieu à personne, et que mes hauts intérêts ne soient pas négligés à cet égard, j'ai pourtant vu, par un placet que Jonas Gélieu, etc. m'a envoyé, etc., qu'un jeune étranger, qui en a offert deux mille écus, a acheté, depuis, cette bourgeoisie. » Puis on ajoute : « Vous aurez soin de vous informer et de me mander qui est ce jeune étranger, et si ledit magistrat lui a accordé le droit de bourgeoisie sans ma permission préalable, que je ne me souviens pas d'avoir donnée, et que je me suis réservée expressément, moyennant un rescrit en date ...... 1750. » Je n'entre point en dispute sur ceci avec les ministres; j'envoie simplement un certificat du chancelier et un autre du secrétaire de la ville, qu'il ne s'en est pas fait de bourgeois, et que par conséquence j'ai dit vrai. Je me contenterai de la polenta et de ne point être obligé de passer ma vie qui me reste à m'excuser sur des choses où je ne crois pas avoir tort, et je me retirerai en même temps d'un emploi où, avec les meilleures intentions du monde, je pourrais, par ignorance, avoir souvent tort.

Si mes affaires avaient été rangées de chez moi un peu mieux, j'aurais resté ici; mais, ne l'étant pas, je ne connais qu'à Saint-Marc où je pourrais vivre.

<263>

8. A MYLORD MARISCHAL.

(Février 1756.)

Je vous vois quitter à regret une place, mon cher mylord, qui sera toujours mal remplie par votre successeur. Vous pouvez choisir tel endroit pour votre demeure qu'il vous plaira, sûr que j'y donnerai les mains toutes fois et quantes l'endroit se trouvera à ma disposition. Je trouve heureux ceux qui, à un certain âge, peuvent se retirer des affaires, et ce bonheur me paraît d'autant plus grand, que je crains fort de n'en jouir jamais. Des projets, des soins, des embarras, voilà tout ce que fournissent les grandeurs humaines. Quand on a vu quelquefois cette lanterne magique, on en a tout son soûl; mais malheur au Savoyard qui la porte! Toutes nos peines n'aboutissent souvent qu'à vouloir rendre des gens heureux, qui ne veulent point l'être, à régler l'incertitude de l'avenir, qui renverse nos projets. Quand tout cela s'est fait pendant un nombre d'années, voici le moment où il faut décamper, et, calcul fait, on trouve qu'on a vécu pour les autres, et point pour soi-même. Mais chaque machine est faite pour un certain usage, la pendule pour marquer les heures, le tournebroche pour rôtir, les meules d'un moulin pour tourner. Tournons donc, puisque tel est mon lot; mais soyez persuadé que, pendant que je tourne malgré moi, personne ne s'intéresse plus à votre repos philosophique que votre ami de tous les temps et de toutes les situations où vous vous trouverez. Adieu.

9. AU MÊME.

(Potsdam) ce 17 (mars 1756).

La poste d'aujourd'hui, mon cher mylord, m'a apporté deux de vos lettres. Dans la première, vous me dites tant de choses obligeantes, qu'elles ne peuvent qu'augmenter l'amitié et la recon<264>naissance que j'ai pour vous. Je vois ensuite qu'il faudra absolument devenir mauvais économe pour avoir du crédit; mais je suis encore incertain si le jeu vaudra la chandelle.

Vous avez fait une alliance suisse là-bas, qui fera grand plaisir à MM. les Neufchâtelois. Pour moi, mon cher mylord, je ne fais que des misères politiques; j'essaye d'accorder des gens peu accordables. Je voudrais qu'on ne se détruisît pas en Europe pour savoir qui péchera des merluches,295-a et qu'on prît moins à cœur la possession de la montagne d'Apalache295-a et des déserts de la Cayenne,295-a où ni vous ni moi n'irons jamais, et qui rapporteront très-peu aux heureux qui s'assureront cette possession. J'aurais de quoi ajouter bien des autres, si je voulais, à la suite de ceux-ci; mais je les supprime par prudence, sentant l'impossibilité qu'il y a à rendre le monde raisonnable, et que le plus sûr parti est de laisser aller le monde comme il va.

Je vous fais mille remercîments des peines que vous vous êtes données pour me commander un tableau chez Pompeo. Je serais fort tenté d'en avoir deux de Mengs et un de Costanzi. Ces deux de Mengs pourraient être l'Éducation d'Adonis et celui295-b de Tirésias. Il pourrait les rendre pendants, et celui de Costanzi295-c pourrait faire le pendant de celui que fait Pompeo.295-d Il faudrait accorder des prix, mais il est inouï qu'on ait donné des arrhes sur un tableau. On avance aux orfèvres quand on commande des vaisselles d'argent, mais jamais aux peintres. Je vous laisse le maître de régler les prix et les accords comme vous le jugerez à propos, vous assurant, mon cher mylord, que vous n'avez aucun meilleur ami que moi.

<265>

10. AU MÊME.

(Potsdam) ce 21 (mars 1756).

Je vous demande pardon, mon cher mylord, de la grande ânerie que j'ai faite de vous donner des commissions pour des tableaux d'Italie, qui devaient s'adresser à votre frère. J'avais, ce jour-là, beaucoup à faire, et, ne prenant garde ni à la main, ni à la date de la lettre, qui était du maréchal, je vous ai répondu au lieu de lui répondre. Vous ne pouvez pas me trouver aussi ridicule que je me trouve moi-même; aussi en suis-je tout confus. Je vous pourrais parler de l'Europe et des grandes affaires, je pourrais trouver toutes sortes de belles excuses; mais vous savez aussi bien que moi que l'Europe, grâce au ciel, ne repose pas sur mes épaules, et qu'elle ira son train sans que je m'en mêle. Ainsi je me contente de vous avouer ingénûment ma bévue. Je ne sais ni ce que les Français ni les Anglais feront; s'ils font des méprises comme la mienne, et s'ils envoient aux Indes orientales des ordres faits pour l'Amérique, j'espère qu'ils nous apprêteront à rire. Je voudrais que de part et d'autre ils fussent plus raisonnables; mais malheureusement il n'y a rien de moins sensé que l'homme tant de fois défini par excellence un animal raisonnable. Ceux qui définissent les hommes ne les connaissent pas; pour moi, si j'osais hasarder mon petit avis sur les attributs de notre espèce, j'aurais grande envie de nous définir : des animaux bavards qui raisonnent selon leurs passions. C'est à vous, mon cher mylord, qui avez plus couru le monde que moi, à examiner mon sentiment pour voir si ma définition est bonne, ou non. Vous êtes bien sûr de mes bénédictions, et de tout ce que compromet mon pouvoir spirituel et temporel, je n'y trouve à redire que l'efficacité; vouloir du bien aux gens n'est pas tout, le grand article est de leur en faire. N'oubliez pas, je vous prie, vos amis du Nord, et comptez toujours sur la véritable estime avec laquelle je suis votre fidèle ami.

<266>

11. AU MÊME.

(Sans-Souci) 12 juin (1756).

Vous me flattez agréablement, mon cher mylord, de l'espérance de vous revoir. Vous pouvez venir hardiment; il ne gèle point ici, nous avons le plus beau temps du monde; j'espère donc de vous recevoir vers la mi-juillet, où je crois que le maréchal sera de retour de ses eaux. Je n'ai point écrit à Voltaire, comme vous le supposez; l'abbé de Prades est chargé de cette correspondance. Pour moi, qui connais le fou, je me garde bien de lui donner la moindre prise. Je crois que vous saurez bon gré à la revue de Magdebourg de ce que ma lettre est courte. Je pars dans peu297-a pour y voir des troupes. Adieu, mon cher mylord; conservez-moi votre amitié, et soyez sûr de la mienne.

12. AU MÊME.

(Sans-Souci) ce 20 (juin 1756).

Je vous répondrais volontiers, mon cher mylord, plus catégoriquement; mais dans la crise présente je suis si accablé d'affaires, que je vous demande en grâce le temps de pouvoir penser à Neufchâtel à mon aise. J'espère que vous voudrez donc bien avoir patience avec un pauvre politique qui se démène dans son petit recoin comme le diable dans un seau d'eau bénite. Vous assurant de la parfaite estime avec laquelle je suis votre fidèle ami, etc.

<267>

13. AU MÊME.

Après la bataille de Kolin, 18 juin 1757.

Les grenadiers impériaux sont une troupe admirable; ils défendaient une hauteur que ma meilleure infanterie n'a jamais pu emporter. Ferdinand a attaqué sept fois, mais inutilement. A la première, il s'est emparé d'une batterie qu'il n'a pu garder. Les ennemis avaient l'avantage d'une artillerie nombreuse et bien servie; elle fait honneur à Lichtenstein,298-a qui en est directeur. La Prusse seule peut le lui disputer. J'avais trop peu d'infanterie. Toute ma cavalerie était présente, et a été oisive, à un coup de collier près, que j'ai donné avec mes gendarmes et quelques dragons. Ferdinand attaquait sans poudre, mais en revanche les ennemis n'ont pas épargné la leur. Ils avaient pour eux les hauteurs, des retranchements et une artillerie prodigieuse. Plusieurs de mes régiments ont été fusillés. Henri a fait des merveilles. Je tremble pour mes dignes frères; ils sont trop braves. La fortune m'a tourné le dos. Je devais m'y attendre; elle est femme, et je ne suis pas galant. Je devais prendre plus d'infanterie; vingt-trois bataillons ne suffisaient pas pour déloger soixante mille hommes d'un poste avantageux. Les succès, mon cher lord, donnent souvent une confiance nuisible; nous ferons mieux une autre fois. 298-bQue dites-vous de cette ligue qui n'a pour objet que le marquis de Brandebourg? Le Grand Électeur serait bien étonné de voir son petit-fils aux prises avec les Russes, les Autrichiens, presque toute l'Allemagne, et cent mille Français auxiliaires. Je ne sais s'il y aura de la honte à moi à succomber, mais je sais qu'il y aura peu de gloire à me vaincre.

<268>

14. AU MÊME.

Faubourg de Breslau, 9 décembre 1757.



Mon cher mylord,

Je vous remercie, mon cher mylord, de la part que vous prenez à nos avantages. Le mauvais état de mes affaires de Silésie m'avait obligé d'y accourir après la bataille de Weissenfels.299-a Le 5 de ce mois, nous avons attaqué la grande armée autrichienne auprès de Lissa; la fortune nous a été favorable, et ils ont beaucoup souffert. Nous avons cent soixante-trois officiers des leurs prisonniers, dont deux lieutenants-généraux, au delà de vingt mille soldats, cent soixante-cinq canons, quarante-trois étendards ou drapeaux, et plus de trois mille chariots de bagage. Je suis actuellement occupé à reprendre Breslau, tandis que le général Zieten les talonne. Quando avrai fine il mio tormento!299-b Adieu, mon cher mylord; je vous embrasse.

15. AU MÊME.

(Breslau) 7 février (1758).

Je vous suis, mon cher mylord, très-obligé de votre souvenir; nous avons ici tant de gens qui pensent à la Suisse, que je vous prie de me débarrasser des Suisses qui se sont offerts chez vous. Je cours, mon cher mylord, les grandes aventures; les rois, les empereurs et les gazetiers se sont déchaînés contre moi. Mais j'espère de battre ou de faire battre les uns et les autres. Voilà, mon cher mylord, ma ferme intention, et j'attends philosophiquement l'événement, persuadé que l'inquiétude ne sert de rien, et qu'il n'arrivera que ce qu'il plaira au destin ou au hasard. Adieu, <269>mon cher mylord; je vous souhaite beaucoup de repos pendant les troubles d'Allemagne, et que vous n'oubliiez pas votre ami pendant qu'il court les grandes aventures.

16. AU MÊME.

Grüssau, 20 mars 1758.

Nous sommes condamnés à guerroyer encore cette année, mon cher mylord, et, grâce au ciel et au prince Ferdinand, les Français passeront bientôt le Rhin avec leur garantie de la paix de Westphalie, qui, par parenthèse, est devenue la meilleure de leurs fermes générales. Je suis ici dans les montagnes à couvrir le siége de Schweidnitz, qui va commencer dans peu de jours. Je ne sais quelle sera la fin de cette campagne, mais il est très-sûr que nous y ferons de notre mieux pour qu'elle soit bonne.

Vous m'envoyez une lettre de M. Le Commun, auquel je souhaite le sens commun; il a une machine infernale, dit-il, que quelqu'un a inventée pour détruire le genre humain. Qu'il la porte à Lucifer, s'il le veut; je lui payerais davantage le secret de bien guérir la c..... p.... ou les fièvres malignes. Je vous embrasse, mon cher mylord. Si tout le monde regardait les choses avec des yeux aussi philosophiques que nous deux, la paix serait rétablie il y a longtemps; mais nous avons affaire à des gens maudits de Dieu, puisqu'ils sont dévorés d'ambition; c'est pourquoi je les donne à tous les diables. Ne doutez, mon cher mylord, de l'amitié et de la considération que je ne cesserai d'avoir pour vous qu'en perdant le sentiment et la vie.

<270>

17. AU MÊME.

Königingrätz, 20 juillet (1758).

Mon cher mylord, je n'ai pas douté de la part que vous prendriez à la mort de mon pauvre frère.301-a C'est un grand sujet d'affliction pour moi; mais je n'ai pas seulement le temps de le pleurer. Voici, mon cher mylord, de nouveaux ennemis auxquels il faut résister. C'est un métier de chien que je fais. Si la moindre mesure me manque, je suis perdu. Veuille le ciel mettre une fin heureuse à cette dure carrière! D'Alembert en parle à son aise; mais nous qui sommes jugés non sur nos mesures, mais sur les événements, le moindre revers nous rend et malheureux, et ridicules encore. Adieu, mon cher mylord; vivez en paix à Colombier, et faites dire des messes pour l'âme de votre ami qui est en purgatoire. Je vous embrasse de tout mon cœur.

18. AU MÊME.

Schönfeld, 25 septembre 1758.

Vous êtes curieux, dites-vous, mon cher mylord, d'apprendre des détails de cette bataille302-a dont vous me faites des compliments. Comme j'ai été continuellement en mouvement depuis ce temps-là, vous aurez trouvé la relation qui en a été publiée fort sèche. Tout ce que je puis vous en dire, c'est que les Russes n'ont aucuns généraux. Ils ne savent pas faire la guerre avec l'art des peuples policés, d'où vient que le soldat, faisant un faux emploi de sa valeur, est facilement mis en déroute. Notre cavalerie a presque tout fait. L'ennemi a perdu vingt-six mille morts sur la place. Cela paraît prodigieux, mais cela est très-vrai. Nous <271>avons outre cela six généraux, quatre-vingts officiers et passé deux mille hommes de prisonniers. On compte les blessés que les Russes ont traînés avec eux au nombre de neuf mille hommes. Voilà le gros de l'affaire, et ce qui a été le résultat de cette sanglante journée. Depuis, les mouvements du maréchal Daun et de l'armée de l'Empire m'ont obligé d'accourir de ce côté-ci, où j'ai été arrêté jusqu'à présent par les postes de ces gens-là.302-b L'on dirait que le mont Caucase, ou le pic de Ténériffe, ou les Cordillères ont enfanté les généraux autrichiens; dès qu'ils voient une montagne, ils sont dessus; ils sont amoureux des rochers et des défilés à la folie. Cela rend la guerre pénible et longue, ce qui ne me convient ni l'un ni l'autre. J'aurai encore six semaines à danser sur la corde; dès que l'hiver sera venu, et que vous saurez la fin du spectacle, je vous répondrai plus au long sur tout ce que vous voudrez m'interroger. Adieu, mon cher ami; je vous embrasse.

19. AU MÊME.

Ramsen (Rammenau), 4 octobre 1758.

J'ai reçu, mon cher mylord, une de vos lettres, du 10 août. Je mets son retardement sur le compte de tous les contre-temps qu'amène la guerre. Je suis d'autant plus sensible aux marques de votre amitié, que depuis longtemps je suis en butte à la haine de l'Europe entière; c'est le cas d'un homme qui ressent d'autant mieux les agréments de la société, qu'il en a été privé depuis longtemps. Je crois, tout comme vous, que Cartouche, le comte Kaunitz, l'abbé de Bernis, Palmstjerna, etc., etc., etc., ont une âme toute pareille; mais la différence qu'il y a, c'est que la justice pouvait faire rouer Cartouche,303-a et que nos politiques modernes sont au-dessus de toute juridiction. Ils se tiennent tranquilles dans leurs cours, tandis que leurs satellites jouent les scènes <272>les plus sanglantes. Il faut la patience du bonhomme Job pour supporter tout ceci, et je préférerais la fièvre du pauvre Maupertuis303-b aux inquiétudes de la vie que je mène, car on voit la fin de l'une, et pas de l'autre. Il est vrai que l'on commence à parler de ces gens qui, au lieu de porter des chapeaux, entortillent leurs têtes de mousseline; mais cela est loin encore. Quoi qu'il en arrive, mon cher mylord, heureux ou malheureux, mort ou vif, vous pouvez compter que, tant que durera mon existence, vous aurez en moi un fidèle ami.

20. AU MÊME.

Doberschütz, 19 octobre 1758.

304-aC'est avec bien des regrets, mylord Maréchal d'Écosse, que je vous annonce la mort de mon brave maréchal Keith;304-b et, comme si tous les malheurs devaient se réunir pour m'accabler, la princesse de Baireuth, cette sœur la plus chérie, et qui mérita le plus de l'être, vient aussi de m'être enlevée.304-c Dieu vous conserve et vous ait en sa sainte garde!

304-dQuelle triste nouvelle et pour vous, et pour moi!

<273>

21. AU MÊME.

Dresde, 23 novembre 1758.

Il ne nous reste, mon cher mylord, que de mêler et confondre nos larmes sur nos pertes. Si ma tête contenait un réservoir de pleurs, il ne pourrait suffire à ma douleur. Notre campagne est finie, et il n'en est rien résulté de part et d'autre que la perte de bien des honnêtes gens, le malheur de bien des pauvres soldats estropiés pour toujours, la ruine de quelques provinces, le ravage, le pillage et l'incendie de quelques villes florissantes. Voilà, mon cher mylord, les exploits qui font frémir l'humanité, tristes effets de la méchanceté et de l'ambition de quelques hommes puissants qui immolent tout à leurs passions désordonnées! Je vous souhaite, mon cher mylord, rien qui ait le moindre rapport à ma destinée, mais tout ce qui lui manque. C'est le seul moyen pour que vous soyez heureux; j'y prends part plus que personne en qualité de votre ancien ami, qualité que je conserverai jusqu'au tombeau.

22. AU MÊME.

Dresde, 8 décembre 1758.

Sans déchirer encore nos blessures, mon cher mylord, en y portant une main indiscrète, je passe le sujet de nos afflictions et de nos armes pour en venir à votre voyage d'Espagne. Je reconnais en cela les marques de votre amitié et le désir que vous avez à servir un État que votre ami gouverne. Je fournirai à la somme que vous exigez pour votre voyage. Il sera difficile de vous donner des instructions; on ne sait pas même certainement si l'Espagne voudra prendre sur elle la médiation de la paix. En cas que cela soit, vous êtes persuadé d'avance que j'aimerais mieux <274>mourir mille fois que de consentir à des conditions de paix flétrissantes pour la Prusse; que peut-être on pourrait même tirer quelques avantages d'un accommodement; et, comme c'est un préalable de captiver la faveur des médiateurs, personne que vous n'est plus fait à se faire aimer et à rendre respectable et aimable la cour qui vous emploie. Je ne puis vous donner des instructions précises avant que nos ennemis ne commencent à parler, ou que les organes par lesquels ils veulent communiquer leurs intentions ne nous les expliquent. Vous m'apprenez que mes ennemis me calomnient jusqu'à l'Escurial. J'y suis accoutumé : je n'entends que mensonges répandus sur mon sujet; je ne suis presque nourri que d'infâmes satires et que d'impostures grossières que la haine et l'animosité ne cessent de publier en Europe. Mais on s'accoutume à tout; Louis XIV devait être à la fin aussi dégoûté et rassasié des flatteries dont il avait sans cesse les oreilles pleines que je le suis de tout le mal qu'on dit de moi. Ce sont des armes indignes que les grands princes ne devraient jamais employer contre leurs égaux; c'est se dégrader mutuellement et apprendre au public à rire de ce que l'intérêt des princes devrait lui rendre respectable. Qu'importent ces petites humiliations de l'amour-propre? Nos ennemis nous font souvent du bien en nous persécutant :

Au Cid persécuté Cinna dut sa naissance.306-a

Je les abandonne donc à tous les mouvements de leur haine, à toute la fureur de leur ressentiment, pour vous assurer, mon cher mylord, que, tant que je vivrai, vous pourrez compter sur la constance et la solidité de mon amitié.

<275>

23. AU MÊME.

Dresde, 9 décembre 1758.

J'aime la paix, comme vous le dites, mon cher mylord, autant qu'un autre, et peut-être encore par des sentiments d'humanité qui sont assez inconnus à vos politiques. Reste à savoir les conditions auxquelles on peut la conclure; c'est la pierre de touche, et qui doit décider de son acheminement. Il est sûr que, si tout le monde y trouve son compte, avec un coup de plume chacun pourra s'en retourner satisfait chez soi; mais, s'il s'agit d'une trêve et qu'il faudra dans quelques années se baigner de nouveau dans le sang, ce ne serait pas la peine de suspendre à présent l'exercice dans lequel on est de s'entr'égorger. Faites que ces gens qui se disent si pacifiques commencent à articuler les conditions d'accommodement, que l'on voie où ils visent et à quoi l'on peut s'attendre d'eux; c'est par où il leur faut tâter le pouls. S'ils s'en tiennent à des paralogismes vagues, c'est un signe certain qu'ils n'ont d'autre but que de semer la défiance et la zizanie entre mes alliés et moi; s'ils s'expliquent, s'ils parlent, je pourrais communiquer leurs propositions à mes alliés, desquels je ne me séparerai jamais, et ces ouvertures pourront donner lieu à une négociation en forme, ou à la tenue d'un congrès. Voilà mes idées. Je les crois justes et naturelles; voir venir, faire parler les autres, se concerter avec mes alliés, c'est ce qui me convient et que je dois faire. Mendier la paix, fléchir devant des ennemis qui m'ont persécuté d'une manière cruelle et atroce, voilà ce que je ne ferai jamais. Adieu, mon cher ami; je pars demain pour Breslau,307-a où j'établis mon quartier, vous assurant de la constance des sentiments que je vous ai voués pour la vie.

<276>

24. AU MÊME.

Breslau, 2 janvier 1759.

J'ai vu, mon cher mylord, par la lettre que vous avez écrite à Eichel,308-a ce que vous désirez de moi touchant vos affaires. Je me fais un plaisir de pouvoir vous être utile. Je parlerai dès demain à M. Mitchell308-b de ce que vous souhaitez. Je ne traiterai point mon intercession avec froideur, mais avec tout le zèle de l'amitié; je négocierai chaudement, et, s'il y a moyen de vous contenter, je l'obtiendrai. Je vous prie néanmoins de penser que la réussite de l'affaire ne dépend pas de moi, que les ministres et les gens en place sont pour l'ordinaire durs; et, accoutumés comme ils le sont à des recommandations journalières, ils n'en font pas grand cas. Mais de quoi je puis vous assurer, et sur quoi vous pouvez compter, c'est que je ne vous manquerai pas, et que, n'eussé-je qu'une chemise, je la partagerais avec vous.

Je crois que j'ai deviné l'article que vous avez barré dans votre lettre. On dit le roi d'Espagne malade de corps et d'esprit, prêt à abdiquer et prêt à descendre au tombeau. Vous jugez dans quelle situation cette crise jette les personnes attachées au gouvernement. On parle de Don Carlos; on croit qu'il veut avoir l'Espagne et garder le royaume de Naples. Il a raison, mais d'autres ne l'entendent pas ainsi; ceux qui veulent percer dans l'avenir croient que tout ce brouillamini pourrait mener à une guerre en Italie, au moins brouiller ces deux chers amis qui se tendent la main pour m'assassiner très-chrétiennement et très-apostoliquement. Mais ce n'est pas de quoi je m'embarrasse; je n'ai que mon épée et ma juste cause pour moi, et je me persuade que ce hasard qui fait éclore des événements si extraordinaires en amènera peut-être quelqu'un d'heureux; et, si cela n'arrive pas, il faut également prendre son parti. Adieu, mon cher mylord; je vous embrasse de tout mon cœur.

<277>

25. AU MÊME.

(Breslau) 18 janvier (1759).

Mon cher mylord, j'ai reçu deux de vos lettres, l'une concernant l'héritage de votre respectable frère, l'autre touchant les affaires d'Espagne. J'ai fait ce que vous exigez de moi, c'est-à-dire, autant que les lois me permettent de me mêler d'un testament militaire et de la volonté de ceux qui sont morts en combattant pour l'État.309-a Pour ce qui regarde le second article, je crois que, si vous différez votre voyage de quelques semaines, ce ne sera qu'un bien, pour que l'on voie premièrement si le roi d'Espagne demeurera sur le trône, s'il mourra, et quelle face les affaires prendront à Madrid. Car il n'est pas apparent que, tandis que l'on est occupé à régler la succession, ou qu'un nouveau roi voudra s'affermir sur le trône, on emploie ces premiers moments à se mêler d'une médiation. Mais après que cela se sera un peu éclairci, alors je crois que votre voyage pourra être très-utile. Je crois que vous devez avoir reçu à présent les deux cents pistoles. Pour la lettre que vous me demandez, je vous l'écrirai sans grande peine; ce sont mes sentiments, qui ne me coûteront aucune contrainte à exprimer. Adieu, mon cher mylord; je vous embrasse. N'oubliez pas un pauvre diable qui, ne croyant pas trop au purgatoire, en éprouve toutes les horreurs dans ce monde-ci.

NB. Je dois vous avertir qu'on est à présent en France plus éloigné de la paix que jamais. Le duc de Choiseul est l'esclave de Vienne. On a trop exagéré le mérite de Bernis lorsqu'il était en faveur; on le blâme trop à présent. Il ne méritait ni l'un ni l'autre.310-a

<278>

26. AU MÊME.

(Breslau) ce 11 (février 1759).

Je reçois votre lettre, mon cher mylord, et j'y vois votre départ pour Nice; je suis bien aise de vous envoyer en même temps un extrait de mes lettres d'Angleterre, par lequel vous verrez que j'ai heureusement réussi dans la commission que vous m'avez donnée. Je vous en fais mes compliments de tout mon cœur, en vous assurant que rien n'altérera l'estime que j'ai pour vous.

27. FRÉDÉRIC AU ROI D'ANGLETERRE.

Breslau, 6 janvier 1759.



Monsieur mon frère,

Votre Majesté ne désapprouvera pas si je lui écris aujourd'hui pour lui demander une faveur qui sera en même temps un acte de clémence de sa part. Je sais combien elle y est portée par sa générosité naturelle; ainsi, bien loin de lui faire de la peine, je crois lui faire plaisir en lui fournissant une occasion de plus à manifester sa bonté et sa miséricorde. Il s'agit de mon vieil ami, le frère du maréchal Keith qui a été malheureusement tué à Hochkirch. Il a suivi dans sa jeunesse, et plein de préjugés que ses parents lui inspiraient, le parti auquel sa famille a été autrefois attachée. Il sent lui-même combien, dans des temps de troubles et de discordes civiles, il est facile de s'égarer. Il implore la clémence de V. M., et lui demande pardon du passé, non pas pour rentrer en possession des biens qui lui ont été confisqués, mais pour être habile de pouvoir jouir d'une succession d'un de ses cousins qui vient de mourir depuis peu. Je suis sûr que V. M. voudra bien faire quelque chose pour lui; je me rends sa caution, et je suis prêt de répondre pour lui, d'autant plus que quiconque ne penserait pas comme moi sur les intérêts de <279>V. M. et de ses royaumes ne serait jamais compté au rang de mes amis.

Je suis avec la plus haute considération,



Monsieur mon frère,

de Votre Majesté
le bon frère,
Federic.

28. DE MYLORD MARISCHAL.

Valence, 24 mars 1759.

.....311-aVous m'avez fait le plus grand bonheur qu'on peut faire à un homme, en disant que vous répondrez de moi. Je ne vous tromperai pas, Sire, ni le roi d'Angleterre; il peut en être bien sûr. Selon les gazettes, il m'a accordé ma grâce, etc.

29. A MYLORD MARISCHAL.

Landeshut, 11 mai 1759.

Je ne sais pas, mon cher mylord, si jamais je mangerai des melons de vos graines, mais je sais bien que nous avons eu ici, le 24 de mars, dans les montagnes, deux pieds de neige. Cet endroit fait un poste excellent vis-à-vis de l'ennemi, mais, au demeurant, un séjour très-désagréable. Les opérations de mon frère Henri en Bohême ont été aussi heureuses que l'expédition du prince Ferdinand contre les Français a mal tourné. J'ai donné <280>la chasse aux Autrichiens qui s'étaient aventurés légèrement en Haute-Silésie; mais tout cela n'est point décisif, c'est le prélude d'une tragédie, où quelque malheureux périt toujours. Mon frère entame à présent les cercles; je ne sais pas encore quels seront ses succès. S'il réussit, cela deviendra décisif pour la campagne. J'ai trop d'ennemis; cependant, avec un peu de fortune de notre côté et un peu de sottise du leur, on en peut venir à bout. Mais j'ai perdu tous mes amis, mes proches et mes plus intimes connaissances. A l'âge de cinquante ans, on forme difficilement de nouvelles liaisons, et qu'est-ce que la vie sans les agréments de la société? Vos affaires, mon cher mylord, sont arrangées en Angleterre de la façon que vous l'avez désiré, et l'on ne néglige rien pour vos intérêts; j'en ai encore fait écrire à Knyphausen,312-a à Londres. Le roi d'Espagne, auquel je souhaite d'ailleurs tout bien, fait semblant de mourir, et ne meurt pas; s'il était mort tout de suite, il y a quatre mois, sa mort aurait pu opérer une diversion; à présent, on en a pu prévenir les effets. Je n'ai plus de bonheur, beaucoup de jaloux et d'ennemis; c'est à tout prendre une situation abominable; mais j'y suis une fois, et je m'en tirerai ou j'y périrai. Adieu, mon cher mylord; mangez de bons fruits, et, tandis que vous êtes dans un paradis terrestre, n'oubliez pas vos amis qui sont en purgatoire.

30. AU MÊME.

Reich-Hennersdorf, 4 juin 1759.

Je crains bien, mon cher mylord, que vous ne ferez pas grand' chose dans l'endroit où vous vous trouvez. Selon les nouvelles que je reçois, le roi d'Espagne, sans espérance de se remettre, pourra encore traîner longtemps. Le voyage de Lyon est absolument de l'invention de la cour de Versailles, et ne contient rien de réel; le roi de Naples a été très-fâché de la nouvelle qu'on en <281>a débitée. En un mot, je ne compte pas du tout sur les ressources que je pourrais tirer d'Espagne; ou bien je me soutiendrai moi seul, ou je périrai de la belle mort. Je crois que dans peu de jours notre situation se décidera. Cet homme à toque papale313-a sera obligé de prendre un parti, et je ne suppose pas que cela se passe en douceur. Cet événement influera beaucoup pour la campagne, et donnera la supériorité à l'un ou à l'autre parti. Je me flatte de l'avoir; c'est à l'événement à en décider. Adieu, mon cher mylord; je vous embrasse.

31. AU MÊME.

Reitwein, 16 août 1759.

Mylord, j'ai exactement reçu vos deux lettres du 26 de juin et du 7 de juillet, qui me sont entrées à la fois. Comme elles sont toutes deux en chiffre, je ne saurais vous y faire pour le présent aucune réponse, n'ayant pas sur moi votre chiffre; je me réserve donc d'y répondre en son temps. Sur quoi je prie Dieu, etc.

314-aMon cher mylord, la fortune me tourne le dos et ne me seconde plus; c'en est fait.314-b

32. DE MYLORD MARISCHAL.



Sire,

Je prends la liberté d'offrir à Votre Majesté deux livres de tabac, parce qu'il me paraît très-bon; et, si vous voulez entrer en so<282>ciété de commerce de tabac à votre très-fidèle serviteur, et que vous ayez quelque morceau de porcelaine, magot de la Chine ou laque, dont vous ne faites nul cas, j'en aurai du tabac. Il n'y a que de pareilles choses que je puis donner à mes marchands de tabac, qui sont une dame du palais de la reine d'Espagne et son ministre, M. Whal. Le commerce se fera sous mon nom.

33. A MYLORD MARISCHAL.

315-aJe vous suis très-obligé, mon cher mylord, des bonnes graines de melon que vous avez la bonté de m'envoyer. Je ne vous prendrai point votre tabac; je ne suis point d'humeur à détrousser un pauvre voyageur, ni de violer les droits de l'hospitalité. Je ne vous en ai pas une moindre obligation, et je ferai venir des magots de Berlin et de Chine pour votre correspondante.

34. AU MÊME.

Leipzig, 9 mars (1761).

J'ai reçu, mon cher mylord, votre lettre avec bien du plaisir. Je vous vois sur votre départ d'Angleterre et prêt à retourner à Colombier, où des dissensions civiles et des soi-disant schismes vous attendent.315-b Croyez-moi, vous ferez taire vos docteurs plus vite que nous n'accorderons les têtes politiques de l'Europe, quoique, <283>à vous dire vrai, l'éternité des peines m'embarrasse moins que le chaos des prétentions que la cupidité de tant de souverains forme.

Vous saurez comme nous sommes parvenus à chasser les Français de la Hesse. Le prince Ferdinand assiége actuellement Cassel. Veuille le ciel que ces succès accélèrent la paix, dont l'Europe et nous surtout avons grand besoin. Ne vous inquiétez pas tant pour mon tabac, mon cher mylord; cela n'en vaut pas la peine. Celui d'Amsterdam ne m'est pas encore délivré; je crois, pour l'avoir, que je serai obligé d'intenter un procès au marchand qui le retient; mais que cela ne vous inquiète pas.

J'ai été charmé des procédés du roi d'Angleterre à votre égard; je regarde tout le bien qui vous arrive comme si c'était à moi-même qu'il arrivât, et ce n'est qu'une vertu bien pure qui s'attire une amitié pareille. Jouissez-en longtemps, mon cher mylord, et comptez-moi toujours au rang de vos vrais et sincères amis. Adieu.

35. AU MÊME.

Meissen, 11 (avril 1761).

J'apprends, mon cher mylord, que vous êtes sur votre départ de Londres. Je souhaite que les vents vous mènent sans accident en Espagne, et de là à Colombier. L'on propose un congrès; nous autres l'avons accepté. C'est à savoir ce qui en résultera. Je crois que ce sera une paix séparée entre la France et l'Angleterre, et que nous autres guerroierons encore jusqu'à la fin de l'année. Si vous voyez M. Whal, faites-lui, s'il vous plaît, mes compliments. Je ne sais s'il ne conviendrait pas aux Espagnols d'envoyer au congrès tout comme les autres puissances; ils ont des objets importants à discuter avec la maison d'Autriche, et je crois qu'ils y pourraient tenir leur coin. Je me borne à faire des vœux pour vous, mon cher mylord, jusqu'à votre arrivée à Colombier, en vous assurant que, dans toutes les occasions, vous <284>me trouverez disposé à vous servir et à vous donner des marques de la véritable estime que j'ai pour vous. Adieu.

36. AU MÊME.

Breslau, 12 janvier 1762.

Mylord, le contenu de votre lettre du 28 décembre dernier, et ce que vous m'y dites à l'occasion de l'entretien que vous avez eu avec le sieur de Rossières m'est une nouvelle preuve de votre façon de penser pour mon service, et les soins que vous prenez de mes intérêts ne sauraient que vous mériter une reconnaissance sincère de ma part. Je doute presque, par ce que vous m'en dites, de votre prompt retour à Neufchâtel. Le tabac d'Espagne que vous m'avez envoyé vient à la fin de m'arriver. Je le trouve bon par excellence, et vous remercie bien des soins que vous avez bien voulu prendre pour me faire plaisir. Sur ce, je prie Dieu, etc.

317-aJe vous suis obligé, mon cher mylord, de cette amitié qui vous fait penser sans cesse à tout ce qui me regarde. Je vous assure que j'y suis on ne saurait plus sensible. Je ne sais comment vous regagnerez votre gouvernement; je ne me fie point à ces passe-ports de Versailles. Ce n'est pas à présent la mode dans ce pays-là de m'obliger; vous savez que tout est mode en France, et que nous sommes de la vieille et surannée. Nous sommes devenus des collets montés; il faut être à présent Autrichien ou, qui pis est, Russe, pour prendre dans ce pays, et je n'ai pas envie de devenir ni l'un ni l'autre pour plaire à ces gens-là. Je vous remercie de l'admirable tabac que je viens enfin de recevoir. Si la Providence avait autant de soin de mes affaires que vous en avez de mon nez, tout irait bien. Je vous souhaite un heu<285>reux voyage, et je vous assure que mon amitié et mon estime vous accompagnent partout.

37. AU MÊME.

(Breslau) 10 avril 1762.

Mon nez est bien le plus impertinent nez de l'univers, mon cher mylord. Je suis honteux des soins qu'il vous donne; je vous en demande pardon, et je serais plus confus encore, si je ne savais que vous compatissez aux faiblesses de vos amis, et que depuis longtemps vous avez eu une indulgence singulière pour mon nez. Je suis bien aise de vous savoir heureusement de retour dans votre gouvernement; vous y goûterez quelque repos. Pour moi, il y a une grande péripétie dans ma situation. Je me reviens comme un mauvais auteur qui, ayant fait une tragédie embrouillée, a recours à un dieu de machine pour trouver un dénoûment. L'empereur de Russie fait des merveilles, je lui ai les plus grandes obligations. Nous irons loin avec cet homme; il est capable de forcer les obstinés à la paix.318-a Je suis dans des accès de négociation qui, j'espère, me prépareront une bonne campagne. Il faut encore faire celle-ci; j'espère et je crois que ce sera la dernière. Je soupire bien après la paix, mon cher mylord; ballotté par la fortune, vieux et décrépit comme je le suis, il n'y a plus qu'à cultiver mon jardin. Adieu, mon cher et vieil ami; je me flatte toujours de vous revoir encore un jour, si je vis, et que la paix se fasse. Je vous embrasse de tout mon cœur.

<286>

38. AU MÊME.

Breslau, 21 avril 1762.

Je voudrais être le favori des Muses et de Neptune, mon cher mylord, pour vous assister lorsque vous avez besoin de vent ou de vers; mais je ne suis favori de personne, et, de plus, persécuté par tous les disciples que Machiavel a engendrés en Europe, je n'ai pour moi que Dieu, ma juste cause et l'empereur de Russie. Vous peignez si bien l'opiniâtreté femelle, que Raphaël n'ajouterait rien au tableau; dans le cas dont il s'agit, il y a beaucoup d'ambition, un désir immodéré de dominer, et une haine aussi franche qu'il y en ait jamais eu. Une femme agitée par ces passions, et qui a une armée, fait la guerre jusqu'à l'épuisement. Notre campagne commencera plus tôt qu'on ne l'avait cru; je ne suis point prophète, de sorte que je suis réduit d'attendre les événements pour juger de quel côté la fortune se déclarera. J'admire que M. Chavigni319-a s'amuse à troubler votre petit théâtre; cela ne peut provenir que d'un fonds d'inquiétude extrême, car je n'y vois aucun but. Dans cette subversion de l'Europe, il faut bien qu'on sente quelque secousse à Neufchâtel du grand mouvement qui fait trembler toute la masse que nous habitons. Je ne sais ni quand ni comment nous aurons la paix; il n'y a pas apparence qu'elle soit générale cette année. Elle me fuit comme Daphné devant Apollon. Tout mon argent s'en va en chevaux, en armes, en magasins, et il ne me reste rien pour des pendules. Ainsi, mon cher mylord, je vous remercie de la peine que vous vouliez prendre d'en commander. Vous me réjouissez par l'espérance que vous me donnez de vous revoir un jour; cette idée entre si agréablement en mon esprit, que je l'y laisse s'établir, quoique l'époque de vous embrasser ne me paraisse pas aussi proche. Adieu, mon cher mylord; je vous remercie des graines de melon; prenez de la tranquillité à Colombier, et soyez assuré que, en quelque lieu que vous vous transportiez, mon amitié et mon estime vous suivront partout.

<287>

39. AU MÊME.

Breslau, 14 mai 1762.

Votre lettre m'a été bien rendue, mon cher mylord. Je vois que vous continuez d'être mécontent de vos Neufchâtelois; si vous ne voulez plus les gouverner, il faudra les abandonner à leur turpitude, et vous en agirez comme vous le voudrez. Pour moi, je suis si accablé d'affaires, que je laisserai vos Suisses disputer sur l'éternité des peines, sans m'embarrasser de l'opinion la plus orthodoxe ou la plus philosophique. Vous faites trop d'honneur à moi, indigne, de me croire inspiré par Pallas; je voudrais fort l'être, mais je crois que je finirai par les Petites-Maisons, vu l'espèce de conspiration qu'ont tramée les princes et les rois pour me faire tourner la tête. Il n'y a que mon divin empereur de Russie dont je ne cesserai de publier les louanges tant que je vivrai. Je crois que le ciel l'a fait naître pour prouver au monde que la vertu est très-compatible avec les qualités du trône. Il n'en est pas de même de vos compatriotes, mon cher mylord; il faudrait un Astolphe pour chercher de certaines fioles que je soupçonne fort que saint Jean leur garde dans la lune.320-a Voilà la saison des opérations qui va commencer, et je me tiens ici comme un sot; mais ne va pas à Corinthe qui veut.320-b Les affaires politiques et militaires sont à présent dans un étrange chaos; il faut quelque dieu de machine pour débrouiller tout cela. Le ciel nous assiste! Je vous prie de redoubler vos souhaits pour nous; si les vœux des honnêtes gens sont favorablement reçus des dieux, les vôtres doivent être efficaces. Adieu, mon cher mylord; j'ai la tête surchargée, je ne vous écrirais que des pauvretés, si je continuais. Continuez-moi votre amitié, et soyez persuadé de la mienne.

<288>

40. AU MÊME.

Dittmannsdorf, 29 juillet 1762.

Donnons, mon cher mylord, asile au malheureux. Ce Rousseau321-a est un garçon singulier, philosophe cynique qui n'a que la besace pour tout bien. Il faut l'empêcher, tant que cela se pourra, d'écrire, parce qu'il traite des matières scabreuses qui exciteraient des sensations trop vives dans vos têtes neufchâteloises, et occasionneraient des clameurs de tous vos prêtres enclins à la dispute et pleins de fanatisme. Je me trouve ici vis-à-vis du maréchal Daun, de ses canons et de ses montagnes. On l'a presque arraché d'auprès de Schweidnitz, dont nous nous préparons à faire le siége. J'ai eu ici pendant quinze jours une vingtaine de mille Russes; je n'ai fait que passer, ils n'y étaient déjà plus.321-b Toute leur armée retourne en Russie, et nous restons bons amis, aux secours près, que je perds.321-c Le prince Ferdinand fait des merveilles; les Français vont abandonner la Hesse et Göttingue. Quelle suite de prospérités pour les Anglais sur mer et par terre! Il ne leur faut qu'un ministre habile pour profiter, à la paix, de la situation brillante où les ont mis leurs armes.

Adieu, mon cher mylord; mon nez est plein de reconnaissance du tabac dont vous avez la bonté de le fournir. Je ne vous dis rien de moi; vous savez que je suis votre ami à toute épreuve.

41. AU MÊME.

Péterswaldau, 1er septembre 1762.

Votre lettre, mon cher mylord, au sujet de Rousseau de Genève m'a fait beaucoup de plaisir. Je vois que nous pensons de même; <289>il faut soulager ce pauvre malheureux, qui ne pèche que par avoir des opinions singulières, mais qu'il croit bonnes. Je vous ferai remettre cent écus, dont vous aurez la bonté de lui faire donner ce qu'il lui faut pour ses besoins. Je crois, en lui donnant les choses en nature, qu'il les acceptera plutôt que de l'argent. Si nous n'avions pas la guerre, si nous n'étions pas ruinés, je lui ferais bâtir un ermitage avec un jardin, où il pourrait vivre comme il croit qu'ont vécu nos premiers pères. J'avoue que mes idées sont aussi différentes des siennes qu'est le fini de l'infini; il ne me persuaderait jamais à brouter l'herbe et à marcher à quatre pattes. Il est vrai que tout ce luxe asiatique, ce raffinement de bonne chère, de volupté et de mollesse, n'est point essentiel à notre conservation, et que nous pourrions vivre avec plus de simplicité et de frugalité que nous ne le faisons; mais pourquoi renoncer aux agréments de la vie, quand on en peut jouir? La véritable philosophie, ce me semble, est celle qui, sans interdire l'usage, se contente à condamner l'abus; il faut savoir se passer de tout, mais ne renoncer à rien. Je vous avoue que bien des philosophes modernes me déplaisent par les paradoxes qu'ils annoncent. Ils veulent dire des vérités neuves, et ils débitent des erreurs qui choquent le bon sens. Je m'en tiens à Locke, à mon ami Lucrèce, à mon bon empereur Marc-Aurèle; ces gens nous ont dit tout ce que nous pouvons savoir, à la physique d'Épicure près, et tout ce qui peut nous rendre modérés, bons et sages. Après cela, il est plaisant qu'on nous débite que nous sommes tous égaux, et que par conséquent nous devons vivre comme des sauvages, sans lois, sans société et sans police, que les beaux-arts ont nui aux mœurs,323-a et autres paradoxes aussi peu soutenables. Je crois que votre Rousseau a manqué sa vocation; il était sans doute né pour devenir un fameux cénobite, un Père du désert, célèbre par ses austérités et ses macérations, un Stylite. Il aurait fait des miracles, il serait devenu un saint, et il aurait grossi l'énorme catalogue du Martyrologe; mais à présent il ne sera regardé qu'en qualité de philosophe singulier, qui ressuscite après deux mille ans la secte de Diogène. Ce n'est pas la peine de brouter l'herbe, ni de se brouiller avec tous les philosophes ses con<290>temporains. Défunt Maupertuis m'a conté de lui un trait qui le caractérise bien. A son premier voyage de France, Rousseau subsistait à Paris de ce qu'il gagnait à copier de la musique. Le duc d'Orléans apprit qu'il était pauvre et malheureux, et lui donna quelque musique à transcrire pour avoir occasion de lui faire quelque libéralité. Il lui envoya cinquante louis; Rousseau en prit cinq, et rendit le reste, qu'il ne voulut jamais accepter, quoiqu'on l'en pressât, disant que son ouvrage ne valait pas davantage, et que le duc d'Orléans pouvait mieux employer cette somme en la donnant à des gens plus pauvres et plus paresseux que lui. Ce grand désintéressement est sans contredit le fond essentiel de la vertu; ainsi je juge que votre sauvage a les mœurs aussi pures que l'esprit inconséquent.

Je passe de votre sauvage philosophe à des sauvages en habit blanc qui ont moins de mœurs que lui, contre lesquels nous nous battons journellement, mais qui cependant, jusqu'à présent, ne nous écrasent pas encore. Nous faisons le siége de Schweidnitz à leur barbe; ils ont voulu s'y opposer, mais la fortune s'est déclarée pour le prince de Bevern et pour nous.324-a La place est aux abois, la garnison a voulu capituler; ce sont dix mille hommes toujours bons à prendre. Si je les laissais sortir, ils se percheraient sur de si hautes montagnes, que dans dix ans je ne les y prendrais pas; mais avec un peu de patience nous les aurons. Voilà, mon cher mylord, un abrégé de notre campagne, et, je crois, autant qu'il vous en faut pour contenter votre curiosité. Il y a beaucoup d'apparence que cette campagne sera la dernière de cette malheureuse guerre. Je reprends l'espérance de vous revoir encore, et c'est une des idées qui me réjouissent le plus; je ne vous le dissimule point, mon cher mylord, j'aime votre excellent caractère, et je crois retrouver encore en vous une partie de ce que j'ai perdu et que je regrette. Adieu, mon cher mylord. Si Rousseau ne trouve point de philosophe digne de sa confiance, je me flatte au moins que vous comptez sur mon amitié, qui ne se démentira jamais.

<291>

42. AU MÊME.

Meissen, 26 novembre 1762.

J'ai reçu, mon cher mylord, votre lettre et celle du philosophe sauvage. Il faut avouer que l'on ne saurait pousser le désintéressement plus loin qu'il le fait; c'est un grand pas à la vertu, si ce n'est la vertu même. Il veut que je fasse la paix; le bonhomme ne sait pas la difficulté qu'il y a d'y parvenir, et, s'il connaissait les politiques avec lesquels j'ai affaire, il les trouverait bien autrement intraitables que les philosophes avec lesquels il s'est brouillé.

Nous allons entrer dans les quartiers d'hiver; la campagne est heureusement écoulée.

Vous me demandez mon portrait; je ne sais, mon cher mylord, s'il en existe. Je vous envoie une figure plus aimable que la mienne, et qui vous fera plus de plaisir; il est bien juste que je donne une tabatière à celui qui m'a tant fourni de tabac. Vos Anglais me donnent bien de la tablature, et votre cher compatriote Bute325-a est un singulier seigneur. Adieu, mon cher mylord; comptez toujours sur mon amitié, car mon cœur est tout à vous.

43. AU MÊME.

Leipzig, 28 janvier 1763.

Votre lettre, mon cher mylord, m'a trouvé au milieu des agitations les plus vives. Nous sommes sur le point de faire la paix; la négociation se pousse avec vigueur; je ne veux être ni dupe, ni fripon, et faire la meilleure paix que comportent les conjonctures où je me trouve. Voilà bien des soins et des embarras; toutefois je les préfère à ceux qu'exige l'ouverture d'une nouvelle campagne, trop heureux, après sept actes, de trouver la fin d'une mauvaise pièce dont j'ai été acteur malgré moi. Voilà un dénoû<292>ment auquel on ne se serait pas attendu il y a un an. Je ne sais s'il sera du goût de votre compatriote, qui, me semble, se prépare à lui un dénoûment plus funeste par la façon despotique dont il exerce sa puissance sur une nation libre. Mais laissons-le agir, et revenons-en à ce qui nous regarde. Je me flatte donc, mon vieil ami, mon cher mylord, que la paix me procurera la consolation de vous revoir; je crois que nous signerons le mois prochain, et que cette grande affaire se terminera heureusement. Représentez-vous un homme qui a longtemps été battu par la tempête sur mer, et qui aperçoit enfin la terre où il va aborder. Voilà précisément mon cas; je me réjouis si fort de cet heureux aspect, que quelquefois je le révoque en doute; mais, grâce au ciel, il y a trop de réalité pour ne rien craindre à l'avenir. J'espère d'être au mois d'avril de retour auprès de mes pénates et de mes foyers domestiques, et veuille le destin que je ne les quitte jamais pour une raison semblable! Enfin, mon cher mylord, voilà un grand hasard d'esquivé, et le repos, dont tout le monde avait tant de besoin, sur le point de se rétablir dans toute l'Europe. Je suis bien persuadé que vous participez à ma joie, et que vous la partagez avec moi. Adieu, mon cher mylord; je vous écrirai dès que je serai déchargé de la grosse besogne qui m'occupe à présent, et que mon travail commencera à s'alléger. Occupé ou désœuvré, je serai toujours le même pour vous, c'est-à-dire, votre fidèle ami; je me flatte que vous en êtes bien persuadé.

44. AU MÊME.

(Potsdam) ce 24 (avril 1763).

J'ai trouvé ici à mon arrivée, mon cher mylord, de l'occupation pour six mois, et de l'ouvrage qui est dur, pénible et désagréable. Cependant il faut y passer. Vous me faites espérer de vous voir, ce qui me fait un sensible plaisir. Je reconnais ici toutes les murailles de ma patrie, mais je n'y retrouve plus mes connaissances; <293>vous ferez donc ici ma consolation. Je comprends que les hirondelles annonceront votre venue, et que le soleil, plus vigoureux qu'il n'est à présent, vous accompagnera. Voudriez-vous bien, avant votre départ, écrire à Rome? Je voudrais pouvoir engager Battoni à venir ici en service;327-a mais il faut savoir ce qu'il demande, et s'il est raisonnable. Adieu, mon cher mylord; les affaires m'interrompent, et j'en ai à tout moment de nouvelles; soyez persuadé que personne ne vous aime ni ne vous estime plus que moi.

45. DE MYLORD MARISCHAL.

Londres, 14 août 1763.



Sire,

Je suis arrivé ici après un voyage incommode et même difficile par les pluies. Cela est passé, mais je m'afflige à penser aux mêmes difficultés encore; car, quoique je n'aie pas osé répondre à votre bonté à me dire de revenir, vu mon âge avancé, je ne renonce pas à cette douce espérance. J'ai le cœur rempli de reconnaissance de vos bienfaits, et serai toute ma vie avec le plus profond respect, Sire, etc.

Permettez que je remercie très-humblement V. M. de sa bonté envers une honnête Musulmane327-b que moi, indigne, ai tirée des griffes de Satanas.

<294>

46. A MYLORD MARISCHAL.

Sans-Souci, 4 septembre 1762 (1763).328-a

Je suis bien aise, mon cher mylord, de vous savoir heureusement arrivé à Londres; je souhaite que vous arriviez de même dans vos montagnes, et que vous y trouviez tous les agréments que vous méritez si bien. On dit que Jean-Jacques ne vous suivra pas, de sorte que vos Écossais ne verront point le sauvage helvétique; ils n'en seront pas fort à plaindre, et M. Hume vous dédommagera au centuple de ce que vous pourriez perdre à la société de Jean-Jacques. M. d'Alembert est parti; il va entreprendre un grand voyage. Il veut parcourir les beautés de l'Italie ancienne et moderne; je serais bien de la partie, si la chèvre n'était obligée de brouter où elle est attachée. Adieu, mon cher mylord; l'espérance que vous me donnez de vous revoir me console de votre absence, et je me flatte encore qu'avant de mourir j'aurai le plaisir de vous embrasser.

47. AU MÊME.

Sans-Souci, 16 février 1764.



Mon cher mylord,

Je commence ma lettre par vous dire, mon cher mylord, que le temps est si doux et si serein dans cette contrée, que je passe mes jours à la campagne. C'est à Sans-Souci, où j'ai reçu votre lettre. <295>Je ne m'étonne point que les Écossais se battent pour vous conserver chez eux, qu'ils veuillent avoir de votre race et conserver vos ossements. Vous avez de votre vivant le sort qu'Homère eut après sa mort; plusieurs villes se disputèrent l'honneur d'être sa patrie; je le disputerais bien avec les habitants d'Édimbourg pour vous posséder. Si j'avais des vaisseaux, je méditerais une descente en Écosse pour en enlever mon cher mylord et pour l'amener ici. Mais nos barques de l'Elbe sont peu propres à une pareille expédition, et mon imagination se met en frais inutiles pour inventer le projet de votre enlèvement. Il n'y a que sur vous que je puisse compter; je souhaite que le temps soit assez rude dans vos montagnes pour vous faire désirer un ciel plus tempéré. Vous me donnez des espérances que je saisis avidement. J'ai été l'ami de votre défunt frère, je lui avais des obligations; je suis le vôtre de cœur et d'âme. Voilà mes titres, voilà les droits que j'ai sur vous. On ne vous forcera point ici à faire l'étalon; vous n'aurez ni prêtres ni procureurs à redouter; vous vivrez ici dans le sein de l'amitié, de la liberté et de la philosophie. Il n'y a que cela dans le monde, mon cher mylord; quand on a passé par toutes les métamorphoses des états, quand on a goûté de tout, on en revient là. Je travaille ici à écrire mes sottises politiques et guerrières;329-a je lis les Géorgiques de Virgile le soir, au coin de mon feu, et le matin je fais donner au diable mon jardinier, qui dit que Virgile et moi nous n'avons pas le sens commun, et que nous n'entendons rien à son métier. Pour moi, je suis honteux que mon érudition soit si peu prisée, et le lendemain c'est à recommencer. Voilà, mon cher mylord, un récit fidèle de la vie que je mène dans ma retraite.

J'ai ici deux de mes neveux de Brunswic330-a qui promettent beaucoup, et qui ont trouvé l'art de réunir, à leur âge, la vivacité de la jeunesse avec la sagesse des vieillards. Ils sont remplis de connaissances, et ils ont un désir ardent de s'instruire sur tout ce qui est digne d'être appris. Je finis ma lettre en vous appre<296>nant, mon cher mylord, que mon chèvrefeuille est sorti, que mon sureau va débourgeonner, et que les oies sauvages sont déjà de retour. Si je savais quelque chose de plus capable de vous attirer, je le dirais également; car je n'ai pas la présomption que ce peut être l'amitié et l'estime avec laquelle je suis, mon cher mylord, etc.

48. AU MÊME.

Berlin, 7 avril 1764.

J'ai reçu, mon cher mylord, votre lettre à mon retour de Silésie, où j'ai été panser les plaies que la guerre avait faites à cette province. Je suis charmé de l'espérance que vous me donnez de nous revoir; j'ai toujours espéré que cette consolation me resterait encore. Votre graine de fraises est très-bien arrivée; mon jardinier l'a, et j'espère que je pourrai vous en offrir dans mon jardin. Ces Mémoires dont vous parlez, et que je viens d'achever, me convainquent de plus en plus qu'écrire l'histoire est compiler les sottises des hommes et les coups du hasard. Tout roule sur ces deux articles, et voilà comme le monde va depuis l'éternité. Nous sommes une pauvre espèce qui se donne bien du mouvement pendant le peu de temps qu'elle végète sur ce petit atome de boue qu'on nomme le monde. Quiconque coule ses jours dans la tranquillité et le repos, jusqu'à ce que sa machine se décompose, est peut-être plus sensé que ceux qui, par tant de circuits tortueux et hérissés d'épines, descendent au tombeau. Malgré cela, je suis obligé de tourner comme la roue d'un moulin que l'eau pousse, parce qu'on est entraîné par son destin, et qu'on n'est pas maître de faire ou de laisser ce que l'on veut.

Le beau temps vient d'arriver; je vais me sauver dans mon jardin pour examiner à mon aise les progrès du printemps, voir éclore et fleurir, et, pour me servir d'une expression de Fontenelle, je prendrai la nature sur le fait, in flagranti.

<297>Adieu, mon cher mylord; portez-vous toujours bien, n'oubliez pas les absents, et soyez persuadé que je suis le meilleur et le plus fidèle de vos amis.

49. AU MÊME.

Ce 3 (1764).

Je pensais et je devais présumer, mon cher mylord, que vous seriez persuadé d'être toujours bien reçu ici; mais, comme vous voulez qu'on vous le dise, je le répète, et vous assure qu'en hiver, en été, de nuit ou de jour, dans toutes les saisons, tous les temps et toutes les heures, vous serez reçu ici à bras ouverts par votre fidèle ami.

50. DE MYLORD MARISCHAL.

(1778?)

Lord Marischal se met aux pieds de Sa Majesté, la remercie de sa bonté de s'informer de sa santé. Sa vue s'est affaiblie depuis quelques jours, ses jambes ne valent rien, ni sa tête, ni la mémoire; sourd par-dessus le marché, il est un très-mauvais convive à table. Mais si V. M. fait un repas à l'ancienne égyptienne, j'y trouverai place très-dignement.332-a

<298><299>

APPENDICE.

I. LETTRES DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU A FRÉDÉRIC.

1.

(Motiers-Travers) septembre (juillet) 1762.



Sire,

J'ai dit beaucoup de mal de vous; j'en dirai peut-être encore. Cependant, chassé de France, de Genève, du canton de Berne, je viens chercher un asile dans vos États.333-a Ma faute est peut-être de n'avoir pas commencé par là; cet éloge est de ceux dont vous êtes digne. Sire, je n'ai mérité de vous aucune grâce, et je n'en demande pas; mais j'ai cru devoir déclarer à V. M. que j'étais en son pouvoir, et que j'y voulais être; elle peut disposer de moi comme il lui plaira.

2.

(Motiers-Travers, 30) octobre 1762.



Sire,

Vous êtes mon protecteur et mon bienfaiteur, et je porte un cœur fait pour la reconnaissance; je viens m'acquitter avec vous, si je puis.

<300>Vous voulez me donner du pain;333-b n'y a-t-il aucun de vos sujets qui en manque? Otez de devant mes yeux cette épée qui m'éblouit et me blesse; elle n'a que trop fait son devoir, et le sceptre est abandonné. La carrière est grande pour les rois de votre étoffe, et vous êtes encore loin du terme; cependant le temps presse, et il ne vous reste pas un moment à perdre pour aller au bout.334-a

Puissé-je voir Frédéric le juste et le redouté couvrir ses États d'un peuple nombreux dont il soit le père, et J.-J. Rousseau, l'ennemi des rois, ira mourir au pied de son trône.

3.

Wootton, 30 mars 1766.



Sire,

Je dois au malheur qui me poursuit deux biens qui m'en consolent : la bienveillance de mylord Maréchal, et la protection de V. M. Forcé de vivre loin de l'État où je suis inscrit parmi vos peuples, je garde l'amour des devoirs que j'y ai contractés. Permettez, Sire, que vos bontés me suivent avec ma reconnaissance, et que j'aie toujours l'honneur d'être votre protégé, comme je serai toujours votre plus fidèle sujet.

<301>

II. LETTRE DE FRÉDÉRIC AU FELD-MARÉCHAL JACQUES KEITH.

Potsdam, 2 juin 1749.

J'ai été véritablement charmé de voir, par la lettre que vous venez de me faire du 31 du mois dernier, que l'état de votre santé commence à se remettre; et, bien que les expédients que vous y détaillez ne pourront que faire avancer votre rétablissement, je crois pourtant que vous ferez fort bien et même qu'il est indispensablement nécessaire de vous conformer aux avis des médecins et de suivre leurs ordonnances, car, dans l'état où vous vous trouvez, il faut tout éprouver pour recouvrer une santé ferme et durable. Si mes souhaits s'accomplissent, ne doutez pas que je n'aie bientôt le plaisir et la satisfaction de vous voir, entièrement rétabli, auprès de moi, pour vous témoigner moi-même la joie que j'en aurai et vous convaincre par là de mon entière estime. Et sur ce, je prie Dieu, etc.

335-aManstein335-b m'assure qu'il n'y a rien à craindre pour votre santé. C'est la plus agréable nouvelle qu'il pouvait m'apprendre. Cependant, mon cher maréchal, je vous conseille par amitié d'observer un régime rigoureux, car la poitrine est de toutes les parties du corps la plus délicate et qu'il faut le plus ménager. Après que vous vous êtes donné à moi, ce qui vous reste à faire, c'est de me conserver ce présent, dont je fais un très-grand cas.335-c


103-a De la main du Roi.

107-a « Engraissé avec des noix, » comme dit le baron dans sa lettre d'envoi au Roi.

109-a Le baron de Pöllnitz, en félicitant, le 8 avril, le Roi sur le rétablissement de sa santé, lui avait demandé la permission d'envoyer à l'impératrice de Russie sa description du carrousel fait à Berlin le 25 août 1750. Catherine II donna un carrousel à Saint-Pétersbourg en 1766.

11-a Lucrèce, De la nature des choses, livre V, v. 1 et 2 :

Quis potis est dignum, etc.

11-b Le Méchant.

110-a De la main du Roi.

111-a De la main du Roi.

111-b Catone in Utica, opéra de Hasse, 1732, et Orfeo, opéra de Graun, 1752.

118-a De la main du Roi.

123-a De la main de Frédéric.

124-a Le lieutenant-colonel de Hacke, adjudant général et favori de Frédéric-Guillaume Ier, est mentionné t. XVI, p. 54 et 90, où le Roi lui donne par plaisanterie le nom de Crochet.

124-b De la main de Frédéric.

125-a De la main de Frédéric.

125-b Cette lettre à Sylla, c'est-à-dire au prince Léopold d'Anhalt-Dessau, est du 31 janvier 1739, et se trouve dans l'ouvrage de M. Léopold d'Orlich, Geschichte der schlesischen Kriege, Berlin, 1841, t. I, p. 290.

125-c Voyez t. XVI, p. 180, 260, 261 et 410, et t. XVII, p. 60 et 61.

126-a De la main du Roi.

127-a De la main du Roi.

127-b Minute autographe.

128-a Ce mot, fidèlement copié sur l'original, est probablement l'abréviation de Schleswig.

128-b Voyez t. IV, p. 112.

129-a Réflexions sur quelques changements à introduire dans la façon de faire la guerre. Breslau, 21 décembre 1758. Voyez les Écrits de Frédéric sur l'art militaire.

135-a Personnage de la tragédie de Mithridate, de Racine. Ce passage est une allusion aux représentations théâtrales qui faisaient partie des plaisirs de Frédéric pendant son séjour à Rheinsberg, en 1736. Voyez le Journal secret du baron de Seckendorff. A Tubingue, 1811, p. 159 et 160. Voyez aussi t. XVI, p. 368.

136-a Le général Fouqué se trouvait alors à Glatz.

136-b De la main du Roi.

136-c A Brandebourg.

137-a Médecin du Roi. Voyez t. XIII, p. 34, et t. XIX, p. 38.

137-b Ces deux mots font peut-être allusion au nom de Constant que Frédéric portait comme chevalier de l'ordre de Bayard, qu'il avait institué à Rheinsberg et dont Fouqué était grand maître. Voyez ci-dessus, p. 126.

139-a Voyez t. I, p. 200, t. VI, p. 251, t. X, p. 173, et t. XVIII, p. 181.

140-a Voyez ci-dessus, p. 34.

140-b Achmet-Effendi, envoyé turc à Berlin. Voyez ci-dessus, p. 104, et Friedrich der Grosse, eine Lebensgeschichte, von J. D. E. Preuss, t. II, p. 433-435.

147-a Le prince Léopold d'Anhalt, que Frédéric mentionne, t. XVI, p. 92, sous le nom de la Barbe, et ci-dessus, p. 125, sous celui de Sylla.

148-a Probablement le prince héréditaire de Brunswic. Voyez t. IV, p. 157 et 209; t. V, p. 6-11; t. VI, p. 251, §. 18; t. XII, p. 25, et t. XIX, p. 137.

149-a Premier jardinier du Roi.

15-a Considérations sur les motifs à la vertu déduits du principe de l'amour de soi-même (par Steinbart), Berlin, 1770.

15-b L. c., p. 31-36.

150-a Le colonel de Nimschöffsky. Voyez t. IV, p. 221, et t. V, p. 127 et 223.

150-b Le Roi aimait les truffes et faisait venir tous les ans un pâté du Périgord. Fouqué avait amené de la Croatie quelques chiens dressés à déterrer les truffes. On trouva dans les environs de Magdebourg et de Halberstadt des truffes qui ne le cédaient point à celles d'Italie, et Fouqué, en ayant fait faire un pâté à la façon de ceux du Périgord, l'envoya au Roi, qui le trouva très-bon. (Note de M. Büttner.)

152-a Maître d'hôtel du Roi. Voyez t. XIII, p. 98. et t. XIX, p. 69, 93 et 108.

159-a Voyez t. XIX, p. 446 et 447.

159-b Le lieutenant-colonel Gaspard-Fabien-Gottlieb de Luck, qui commandait alors le régiment de Fouqué, no 33. Voyez t. VI, p. 173.

163-a La margrave Sophie de Schwedt, sœur du Roi, était morte le 13 novembre 1765. Voyez, ci-dessus, p. 139.

163-b Lorsque le Roi établit la ferme générale du tabac, il vint une fois à parler à Fouqué, pendant qu'il était chez lui, à Brandebourg, de l'avantage des intéressés, et lui conseilla d'y prendre part. Fouqué fit des difficultés, préférant les intérêts plus modiques, mais plus sûrs, qu'il tirait de la Landschaft, à Berlin. Le Roi entra là-dessus dans sa chambre, et revint bientôt après avec une somme considérable qu'il remit à Fouqué. « Voici, lui dit-il, de l'argent que je vous apporte pour que vous en achetiez des actions de tabac. » (Note de M. Büttner.)

164-a De la main du Roi, probablement.

166-a Voyez t. XVI, p. XII, et 203-209.

167-a II Samuel, chap. IX, v. 6-8.

168-a Voyez l'Évangile selon saint Luc, chap. V, v. 39.

172-a M. Cothenius, que le Roi envoya au général Fouqué, fut très-bien reçu. On lui laissa à peine le temps de s'informer de la santé du général. De là vient qu'il fut peu satisfait de sa docilité et de sa diète. (Note de M. Büttner.)

174-a M. de Rexin. Voyez t. IV, p. 208, et t. V, p. 121.

178-a Le 4 octobre, le prince Guillaume V d'Orange épousa la princesse Frédérique-Sophie-Wilhelmine, fille unique du feu Prince de Prusse, née le 7 août 1751. Voyez t. VI, p. 19, 246 et 250, §. 15.

180-a L'Éloge du prince Henri. Voyez t. VII, p. II et III, p. 43-56, et t. XIX, p. 466 et 468.

181-a Ces six vers, un peu changés par le général Fouqué, sont tirés de la quatrième et de la neuvième strophe de l'hymne de Benjamin Schmolck, pasteur à Schweidnitz, mort en 1737; elle commence ainsi :

Das Grab ist da, hier steht mein Bette,
Da ich den Tod umarmen soll, etc.

187-a Voyez t. VI, p. 26-28.

189-a Voyez t. IV, p. 136.

19-a Les mots me dites manquent dans l'original.

192-a De la main du Roi.

197-a Voyez t. VI, p. 25.

197-b Le prince Louis, né à Potsdam le 5 novembre 1773, et mort le 28 décembre 1796.

201-a Voyez t. XI, p. 182, 187, 214, etc.; t. XVIII, p. 96; et t. XIX, p. 397 et 444.

201-b Le comte Ignace Krasicki arriva à Berlin le 14 octobre, et logea au château de Potsdam du 19 au 31. Le 1er novembre, il inaugura l'église catholique de Berlin; le Prince de Prusse et le prince Frédéric de Brunswic assistaient à la cérémonie. Il séjourna de nouveau à Potsdam, auprès du Roi, du 2 au 15 mars 1774, et retourna dans son évêché le 18.

205-a Henriette-Christine-Caroline-Louise, princesse de Deux-Ponts-Birkenfeld, née le 9 mars 1721, épousa le 12 août 1741 le prince héréditaire, depuis landgrave Louis IX de Hesse-Darmstadt; elle mourut le 30 mars 1774. Le Prince de Prusse épousa en secondes noces la seconde fille de cette princesse. Voyez t. VI, p. 25 et 63.

205-b Cette urne, placée sur le tombeau de la Landgrave, dans le jardin du château de Darmstadt, porte l'inscription suivante : Hic jacet Henr. Christina Carol. Lov. Hass. Princ. Femina sexu. Ingenio vir. N. VII. Id. Mart. A. MDCCXXI. D. O. III. Kal. Apr. A. MDCCLXXIV. S. E. T. L.

221-a Voyez t. IX, p. I et II.

222-a Jean-Charles Hedlinger, né en 1691 dans le canton de Schwytz, mort en 1771, à sa terre au bord du lac des Quatre-Cantons. Il a gravé, pour l'Académie de Berlin, une belle médaille dont la face présente le buste du Roi et l'inscription : Fridericus Rex Academiae Protector. MDCCXLVII. Au revers on lit ces mots, entourés d'une couronne de laurier : Scientiarum Et Litterarum Incremento.

222-b Voyez t. VII, p. I-III, et 37-42.

227-a Il n'y a jamais eu dans l'armée prussienne de colonel appelé Hafner ni de Hafner.

229-a Le mot trop est omis dans le manuscrit.

23-a Frédéric Skorzewski, filleul du Roi. Le titre de comte lui fut confirmé le 19 avril 1787.

230-a La lettre du comte d'Argenson à Euler, datée de Versailles, 15 juin 1755, se trouve dans l'Éloge de monsieur Léonard Euler, par Nicolas Fuss. Saint-Pétersbourg, 1783, in-4, p. 56.

231-a De la main du Roi.

233-a De la main du Roi.

234-a De la main du Roi.

235-a Voyez ci-dessus, p. 213, la lettre de Frédéric à M. de Domaschnew, du 17 novembre 1776.

241-a De la main du Roi.

242-a Pour la visite que le Roi fit au comte, à Rosswalde, à la fin d'août 1765.

242-b De la main du Roi.

243-a Le comte de Schaffgotsch. Voyez t. XIX, p. 430.

243-b De la main du Roi.

244-a De la main du Roi.

245-a Le mot brunze vient de brynza, nom slave du fromage de brebis qui se fait dans les Karpathes orientaux, et que le commerce transporte jusqu'à Bude, Vienne, Prague et Varsovie. C'est dans la lettre du Roi au comte de Hoditz, Leipzig, 25 février 1761, que nous trouvons ce mot pour la première fois. « J'ai été, dit-il, charmé au possible de la lettre polie dont vous avez accompagné le brunze que vous m'avez envoyé. » Il écrit au même, le 10 novembre 1766 : « J'ai été bien aise du brunze que vous m'avez envoyé, et il m'a fait d'autant plus de plaisir, que l'abbé de Hradisch vous l'avait remis. »

245-b De la main du Roi.

246-a De la main du Roi.

247-a De la main du Roi, probablement.

248-a Le 27 août, Frédéric écrivit de Glatz au comte de Hoditz : « Je compte d'être demain à Neisse. »

248-b Le 6 septembre.

250-a Post-scriptum ajouté par Frédéric à une lettre officielle.

252-a Voyez t. VI, p. 31.

252-b De la main du Roi.

253-a Henri-Guillaume d'Anhalt. Voyez t. V, p. 115 et 239, et t. VI. p. 166.

254-a Post-scriptum ajouté par Frédéric à une lettre officielle.

254-b De la main du Roi.

256-a Le chirurgien-major Fuchs, comme on le voit par des lettres postérieures.

257-a Voyez t. XIII, p. 80-85.

259-a De la main du Roi.

260-a De la main du Roi.

260-b Post-scriptum ajouté par Frédéric à une lettre officielle.

268-a Voyez l'Épître au comte de Hoditz, t. XIII, p. 139-143.

268-b De la main du Roi.

27-a L'Art de la guerre. Voyez t. X, p. I-V, et p. 259-318.

27-b Maurice de Saxe, maréchal de France. Voyez t. XVII, p. IV-VI, et p. 333-345.

272-a Le Mémorial d'un mondain, par M. le comte Max. Lamberg, C. de LL. MM. II. RR. AA. Au Cap-Corse, 1774. L'auteur y fait mention de Frédéric, p. 14 et 54. Le comte de Hoditz avait aussi recommandé à Frédéric, le 2 ou le 3 septembre 1770, lors de son séjour à Rosswalde, la comédie allemande du baron d'Ayrenhoff intitulée Der Postzug. Voyez t. VII, p. 109.

272-b De la main du Roi.

277-a De la main du Roi.

278-a De la main du Roi.

278-b Voyez t. VI, p. 159.

279-a De la main du Roi.

280-a De la main du Roi.

282-a De la main du Roi.

287-a Voyez ci-dessus, p. 57.

288-a Titre que l'on donne à Neufchâtel à la compagnie des pasteurs, autorité ecclésiastique supérieure.

289-a Voyez t. IX, p. 32.

289-b Abolie en Prusse le 20 juin 1746.

289-c C'est à Lyon que Voltaire alla rendre ses devoirs à la margrave de Baireuth, au mois de novembre 1754. Voyez ci-dessus, p. 62.

29-a Œuvres d'Ovide, édition royale, 1750, en deux volumes in-8. Voyez t. XVIII, p. 89.

29-b Œuvres d'Horace, de la traduction du P. Sanadon. Restitutis omissis. Édition royale, 1747, in-8. Avec le portrait d'Horace. Voyez J.-D.-E. Preuss, Friedrich der Grosse als Schriftsteller, Ergänzungsheft, p. 38-40.

29-c Voyez t. I, p. 78.

29-d Voyez t. IX, p. 91.

29-e Jean-François Melon, mort à Paris en 1738, auteur de l'Essai politique sur le commerce, qui parut en 1734, avait publié, en 1729, Mahmoud le Gasnevide, histoire orientale, fragment traduit de l'arabe, avec des notes. C'est, dit Lenglet-Dufresnoy, une histoire allégorique de la régence. Nous présumons que c'est ce dernier ouvrage que Frédéric appelle un roman politique. M. Melon avait été secrétaire du duc d'Orléans, régent de France.

290-a Veuve du baron de Keyserlingk (Césarion), colonel et adjudant général du Roi; elle était morte le 15 février.

290-b Peut-être Goryn, ou Goring.

291-a Allusion au traité signé à Londres le 16 janvier 1756, et à l'arrivée du duc de Nivernois à Berlin, le 12 du même mois. Voyez t. IV, p. 36 et 37.

291-b Le 29 octobre 1755, Voltaire avait écrit à l'abbé de Prades, dans une lettre destinée à être communiquée au Roi : « J'ai un petit monastère auprès de Lausanne, sur le chemin de Neuf-+ châtel, et, si ma santé me l'avait permis, j'aurais été jusqu'à Neufchâtel pour voir mylord Marischal; mais j'aurais voulu pour cela des lettres d'obédience. »

292-a Voyez t. XIX, p. 48.

295-a Voyez t. IV, p. 16-18, t. VI, p. 10, et t. XVIII, p. 127.

295-b Le Roi veut dire le Jugement de Tirésias.

295-c Apollon poursuivant Daphné.

295-d Le pendant du tableau du chevalier Placido Costanzi, peint par le chevalier Pompeo Battoni, représente les Noces de Psyché. Voyez la Description de tout l'intérieur des deux palais de Sans-Souci, de ceux de Potsdam et de Charlottenbourg, par Matthieu Oesterreich. Potsdam, 1773, in-4, p. 41.

297-a Le Roi partit le 15.

298-a Voyez t. IV, p. 10, et t. XIV, p. 286.

298-b Les lignes qui terminent cette pièce sont citées dans l'Éloge du roi de Prusse (par le marquis de Guibert), Londres, 1787, p. 151, comme faisant partie d'une lettre adressée à Voltaire.

299-a La bataille de Rossbach, gagnée le 5 novembre. Voyez t. IV, p. 172.

299-b Voyez t. XIX, p. 119.

3-a Voyez t. X, p. 11-13.

30-a Troisième édition, 1740.

301-a Auguste-Guillaume, Prince de Prusse, mort à Oranienbourg le 12 juin 1758.

302-a La bataille de Zorndorf.

302-b Voyez t. IV, p. 236 et 237.

303-a Voyez t. XIX, p. 418.

303-b Maupertuis mourut à Bâle le 27 juillet 1759. Voyez t. XVII, p. VIII et IX.

304-a De la main de M. de Catt, à qui Frédéric avait adressé, le 15 octobre 1758, le billet suivant, que nous tirons des Mémoires (manuscrits) de ce lecteur du Roi : « Écrivez une lettre bien touchante au pauvre mylord Marischal sur la mort de son frère. Je perds là une bonne tête. Que dira mylord Marischal? J'entre d'avance dans ses inquiétudes. »

304-b Le feld-maréchal Keith, tué d'un coup de feu à la bataille de Hochkirch, le 14 octobre, était né le 11 juin 1696, au château d'Inverugie, près de Peterhead, en Écosse. Voyez t. II, p. 25; t. IV, p. 6, 240-242; t. X, p. 226; et t. XII, p. 108-116.

304-c Le 14 octobre. Voyez t. IV, p. 252 et 253.

304-d De la main du Roi.

306-a Boileau, Épître VII, A M. Racine, v. 52. Le cardinal de Richelieu s'efforça de faire tomber le Cid, de Corneille, représenté pour la première fois en 1636, et ce poëte donna en 1640 sa tragédie de Cinna, son chef-d'œuvre.

307-a Le Roi arriva à Breslau le 14.

308-a Conseiller intime de Cabinet.

308-b Envoyé de la Grande-Bretagne à la cour de Frédéric. Voyez t. XII, p. 224.

309-a Voyez Varnhagen d'Ense, Leben des Feldmarschalls Jakob Keith, Berlin, 1844, p. 263.

31-a « Voilà comment la raison fournit d'apparence à divers effets. C'est un pot à deux anses, qu'on peut saisir à gauche et à dextre. » (Montaigne, Essais, liv. II, chap. XII, vers la fin.)

310-a Voyez t. IV, p. 38, 255 et 256; t. X, p. 123; t. XIX, p. 21 et 25; et ci-dessus, p. 303.

311-a Ce fragment répond à la lettre précédente, que Frédéric avait communiquée à mylord Marischal.

312-a Envoyé de Prusse.

313-a Le feld-maréchal Daun. Voyez t. IV, p. 253-255, et t. XV, p. X, XI, 132 et 133, 134 et 135, 136-138, etc.

314-a De la main du Roi.

314-b Voyez t. V, p. 22.

315-a Cette réponse se trouve, dans le manuscrit, sur la même feuille que la lettre précédente.

315-b Au mois d'avril 1758, le pasteur de la Sagne, nommé Prince, appuyé par son consistoire, se plaignit à la Classe de Neufchâtel de ce que M. Petitpierre, pasteur de la Chaux-de-Fonds, prêchait la doctrine de la non-éternité des peines. Le Roi voulut en vain conserver ce dernier; il fut destitué.

317-a De la main du Roi.

318-a Voyez t. XIX, p. 358.

319-a Théodore de Chavigni, diplomate français. Il mourut à Paris en 1771.

32-a Proverbes de Salomon, chap. XVI, v. 32. Voyez t. XIX, p. 52.

320-a Voyez le Roland furieux de l'Arioste, chant XXXIV, stances 82-87.

320-b Voyez Horace, Épîtres, liv. I, ép. 17, v. 36.

321-a Voyez t. IX, p. 224 et 246; et t. XVIII, p. 249.

321-b Voyez t. XII, p. 214.

321-c Voyez t. XIX, p. 375.

323-a Voyez t. IX, p. x, et 195-207.

324-a Le 16 août. Voyez t. V, p. 225.

325-a Voyez t. V, p. 173 et suivantes.

327-a Voyez ci-dessus, p. 295. Frédéric voulait faire venir Battoni pour remplacer Antoine Pesne, mort le 5 août 1757. Voyez t. XIV, p. IV, V, et 34-37.

327-b Mylord Marischal parle ici d'Émété (Emetullah), fille d'un capitaine de janissaires. Elle avait été retirée, encore enfant, des ruines d'Oczakow à la prise de cette ville par les Russes, en 1737, et le général Keith, frère de lord Marischal. la lui avait donnée. Voyez d'Alembert. Éloge de milord Maréchal, p. 63 et 64.

328-a Le Roi a en effet écrit 1762; mais il faut lire 1763, parce qu'en septembre 1762 il était encore en campagne (à Péterswaldau). Ce fut d'ailleurs le 22 juin 1763 que d'Alembert vint à Potsdam rendre ses devoirs au Roi, et le 15 août de la même année qu'il demanda la permission de retourner chez lui. C'est précisément pendant cette visite de d'Alembert et en sa présence que mylord Marischal prit congé du Roi, dans l'intention d'aller s'établir définitivement en Écosse; cependant il changea bientôt d'idée, et revint à Sans-Souci. Voyez l'Éloge de milord Maréchal, par d'Alembert, p. 47.

329-a Voyez t. IV, p. II.

330-a Les princes Frédéric et Guillaume. Voyez, t. XIII, p. 6-9, l'Épître que Frédéric a adressée à ces deux jeunes princes.

332-a Voyez Hérodote, livre II, ch. 78.

333-a Voyez ci-dessus, p. 321.

333-b Voyez ci-dessus, p. 322.

334-a Dans le brouillon de cette lettre, il y avait à la place cette phrase : « Sondez bien votre cœur, ô Frédéric! Vous convient-il de mourir sans avoir été le plus grand des hommes? »; et à la fin de la lettre cette autre phrase : « Voilà, Sire, ce que j'avais à vous dire; il est donné à peu de rois de l'entendre, et il n'est donné à aucun de l'entendre deux fois. » (Note de l'édition des Œuvres de J.-J. Rousseau publiée en 1797.)

335-a De la main du Roi.

335-b Colonel et adjudant général. Voyez t. IV, p. 97, 135, 147 et 151.

335-c Voyez Varnhagen d'Ense, Leben des Feldmarschalls Jakob Keith, Berlin, 1844, p. 102.

34-a Le mot mamamouchi, forgé par Molière (Le Bourgeois gentilhomme, acte IV, scène V), n'a de rapport avec aucun mot turc ou arabe.

36-a Frédéric désigne plus clairement cette femme galante dans son Épître à Rottembourg, t. X, p. 93.

36-b Michel-Louis Vernage, médecin vanté par Voltaire, naquit en 1697, et mourut en 1771. Jean Astruc, médecin français distingué, né en 1684, mourut en 1766.

37-a M. Toussaint. Voyez t. IX, p. 90 et 91.

37-b Jean Senac, premier médecin de Louis XV depuis 1752, mourut le 20 décembre 1770.

38-a Mylord Tyrconnel, envoyé français.

4-a Voyez t. XVII, p. 153.

4-b

Au roi de Prusse.
Du trône et des plaisirs voler à la victoire.
Par soi-même asservir des peuples belliqueux,
Au sein de la puissance, au faîte de la gloire,
Penser en homme vertueux,
Aux arts anéantis donner un nouvel être,
Les protéger en roi, les embellir en maître,
Éclairer les mortels et faire des heureux,
Aux jours de gloire et de génie
Des Césars et des Antonins
C'était l'ouvrage de la vie
Et les destins divers de divers souverains.
Mais le héros nouveau de l'Europe étonnée
Sait faire des vertus, des talents, des travaux
De tant de différents héros
L'histoire d'un seul homme et celle d'une année.

Cette poésie est la seule qui ait été adressée à Frédéric par Gresset, dans les Œuvres de qui elle se trouve, t. I. p. 117 de l'édition stéréotype, Paris, chez Didot, 1817.

42-a Alfane est le nom du cheval du géant Gradasse dans le Roland amoureux du Bojardo et dans le Roland furieux de l'Arioste. Quelques étymologistes ont cru en effet que le nom espagnol Alfane dérivait de celui d'Éole, dieu des vents.

42-b L'abbé de Prades. Voyez t. XIV, p. 125-132, et t. XIX, p. 43, 46, 53 et 55.

43-a Voyez t. XV, p. VI, et p. 61-67; et t. XVII, p. VIII et IX.

43-b M. de Valori, précédemment envoyé français à Berlin. Voyez t. XVII, p. VI et 347-352.

46-a Voyez t. X, p. II.

48-a Voltaire, alors à Colmar, n'arriva que le 12 décembre à Genève, qu'il quitta presque aussitôt pour se réfugier au château de Prangins, dans le Pays de Vaud. Sa première lettre datée des Délices, près de Genève, est du 8 mars 1755. Nous présumons que c'est encore Voltaire que le Roi désigne, quelques lignes plus bas, par le nom de fou, comme il le fait dans ses lettres à Jordan, du 28 novembre 1740, et à Algarotti, du 9 février 1754. Voyez t. XVII, p. 79, et t. XVIII, p. 106.

48-b Le comte Algarotti, alors à Venise. Voyez t. XVIII, p. I et II, et p. 104 et suivantes.

48-c Voyez t. XIX, p. I.

50-a M. d'Argens.

51-a Maupertuis, président de l'Académie de Berlin. Voyez ci-dessus, p. 43.

51-b Voyez t. X, p. 248-258.

56-a Voyez t. XV, p. IV, et p. 35-60.

57-a Successeur de mylord Marischal, qui avait été nommé gouverneur de Neufchâtel le 18 juillet 1754.

57-b Une pension de douze cents livres. Voyez la correspondance du Roi avec d'Alembert.

57-c Madame de Sévigné écrivait au comte de Bussy, Paris, 4 décembre 1668, au sujet du mariage de sa fille avec le comte de Grignan : « Le public paraît content; c'est beaucoup, car on est si sot, que c'est quasi sur cela qu'on se règle. »

58-a Voyez t. II, p. 121-123, t. III, p. 63, et t. XIX, p. 44.

6-a Ces douze vers rappellent la Variation d'un passage de Zaïre, t. XIV, p. 203 et 204.

6-b Voyez les Œuvres de Gresset, t. II, p. 243-251.

60-a Voyez t. XIV, p. 36, et t. XVIII, p. 58.

62-a Voltaire écrit à Thieriot, Lyon, 3 décembre 1754 : « Le hasard, qui conduit les aventures de ce monde, m'a fait rencontrer au cabaret, à Colmar et à Lyon, madame la margrave de Baireuth, sœur du roi de Prusse, qui m'a accablé de bontés et de présents. »

64-a Voyez t. XIX, p. 170.

64-b Voyez les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XIV, p. 421 et 422.

66-a Une des sources de Spa.

67-a Proprement Villaume. Voyez t. XIX, p. 301.

68-a Amélie, ou le duc de Foix, tragédie de Voltaire, 1752.

7-a Voyez les Souvenirs d'un citoyen (par Formey), t. II, p. 250-252.

70-a Pour Berlin. Voyez t. IV, p. 37, et t. XIX, p. 356.

70-b A l'occasion des noces du prince Ferdinand, frère cadet du Roi. Voyez t. XIV, p. xx, et p. 443-462.

74-a Cet ouvrage a été intitulé plus tard : Poëme sur la Loi naturelle.

80-a M. de Catt, dans les papiers de qui nous avons trouvé cette lettre, fut chargé d'y répondre. Le Roi avait écrit de sa main au dos : « Faites-lui des compliments obligeants de ma part.Federic. »

85-a Cette note a été écrite par le Roi lui-même au dos de la lettre ci-dessus, au quartier général de Chrudim, probablement le 8 mai 1742.

85-b Voyez t. XVII. p. 177.

87-a De la main du Roi.

88-a Voyez t. XV, p. XX. no XXVIII, p. XXI, no XXIX, p. 208-210, et 211-213.

89-a De la main du Roi.

9-a Ces deux hommes étaient venus d'Amiens pour fonder à Berlin une fabrique dite de manchester. Ils succombèrent dans une contestation qu'ils eurent avec le ministre des finances de Hagen, et ils furent ruinés. Voyez Frédéric le Grand, ou Mes souvenirs de vingt ans de séjour à Berlin, par Thiébault, t. IV, p. 87 de l'édition de 1804.

90-a Cette date est inexacte ou quant au lieu, ou quant au jour et à l'année. Frédéric n'était pas à Hermsdorf le 26 août 1744.

91-a La première édition de ces Mémoires parut à Amsterdam en 1734, en quatre volumes in-12, qui contiennent les derniers voyages de l'auteur, faits de 1729 à 1733, et racontés en cinquante-quatre lettres.

92-a Le baron de Pöllnitz corrigea ses Mémoires, et en présenta, en 1745, le premier volume à la reine douairière Sophie-Dorothée, à qui il les dédia. Plus tard il retoucha encore son ouvrage, comme on peut le voir dans l'édition de 1791, la seule qui en ait été faite, et qui fut publiée à Berlin par F.-L. Brunn, d'après le manuscrit de 1754, sous le titre de : Mémoires pour servir à l'histoire des quatre derniers souverains de la maison de Brandebourg royale de Prusse. Le manuscrit présenté en 1745 à la reine douairière, rédigé en forme de lettres et renfermant les règnes de l'électeur Frédéric-Guillaume et de Frédéric Ier, se trouve à présent dans la bibliothèque de M. Benoni Friedländer.

93-a De la main du Roi.

94-a Le marquis d'Argens dit dans sa lettre à Frédéric, du 17 avril 1760 : « Si je ne savais que le baron de Pöllnitz est à Magdebourg, je croirais qu'il vous a dévoilé tous les secrets de cette sainte mère Église dans laquelle il est entré pour la troisième fois. » Voyez t. XIX, p. 174. Le baron de Pöllnitz, né calviniste, fit sa première abjuration en 1717.

95-a Ce retranchement avait réduit les appointements du baron à douze cents écus.

I-a Voyez t. XVI, p. 303.

I-b Voyez t. X, p. 11-13.

I-c Voyez ci-dessous, p. 4.

II-a Nous avons copié sur l'autographe cette lettre de Gresset au marquis d'Argens.

II-b Voyez t. XVI, p. XIII, et 211-218.

II-c Voyez t. XI, p. 57 et 58, t. XVII, p. 32, et t. XIX, p. 20.

II-d Voyez t. IX, p. VI et VII, et 99-114.

III-a Voyez Berlinische Nachrichten von Staats- und gelehrten Sachen, 1765, 12 février, no 19, et Helden-, Staats- und Lebensgeschichte Friedrichs des Andern. Frankfurt und Leipzig, 1770, t. IX, p. 446.

III-b Voyez t. VI, p. 88.

IV-a Voyez t. III, p. 45.

IV-b Voyez t. XIX, p. 189. Voyez aussi les Causeries du lundi, par C.-A. Sainte-Beuve, de l'Académie française. Paris, 1851, t. III, p. 114.

IX-a La correspondance entre Frédéric et le général Fouqué, telle qu'elle se trouve dans les Mémoires de Büttner, a été reproduite par les éditeurs des Œuvres posthumes de Frédéric le Grand, roi de Prusse, (Bâle) 1788, t. V, p. 1-312.

IX-b Les numéros 7, 61 et 67 de notre édition.

IX-c Les numéros 1-7, 16, 66, 67, 73, 110 et 111 de notre édition.

VI-a Voyez t. XVII, p. 261, 277 et 278; le baron de Pöllnitz y figure, p. 271, sous le titre de satyre boiteux, et p. 277 sous celui de notre infirme satyre. Voyez aussi l. c., p. 123, 141, 148, 150, 153 et 177.

VI-b Les numéros 1, 2, 11, 12 et 27.

VI-c Les numéros 4, 6 et 7.

VI-d Les numéros 24 et 35

VI-e Le numéro 6.

VII-a Les numéros 42, 44 et 45.

VII-b Voyez les Mémoires du baron de La Motte Fouqué (publiés par G.-A. Büttner). A Berlin, 1788, t. I, p. 6, et t. II, p. 259-270.

VII-c Voyez les lettres de Frédéric à Jordan, du 13 avril 1739 (t. XVII, p. 58), et à Fouqué, du 19 juin 1740 (ci-dessous, p. 127).

VIII-a Voyez t. V, p. 53-55.

VIII-b Voyez l'ouvrage de M. K.-W. de Schöning, Der siebenjährige Krieg, t. II, p. 320 et 325.

X-a Les numéros 17, 19, 20, 22, 24, 57, 58, 60, 61, 62, 64, 71, 74, 76, 78 et 104 de notre édition. Les dates de quelques-unes de ces lettres, que nous avons mises entre parenthèses, ont été ajoutées par M. Büttner dans ses Mémoires du général Fouqué; elles ne se trouvent pas dans les originaux.

X-b Le numéro 15 de notre édition.

X-c Le numéro 13 de notre édition.

X-d Le numéro 14 de notre édition.

X-e En français, numéro 8 de notre édition.

X-f Le numéro 111 de notre édition.

XI-a Voyez t. IV, p. 137 et t. V, p. 56.

XIII-a L'Académie de Saint-Pétersbourg fut fondée le 25 décembre 1725.

XIV-a Voyez la lettre de Voltaire à Frédéric, du 21 décembre 1775, et la réponse de celui-ci, du 10 janvier 1776.

XIV-b Voyez la correspondance de Frédéric avec M. de Suhm, t. XVI, p. 429, 432 et 434.

XV-a Voyez t. VI, p. 251, no 23.

XVI-a Les numéros 3, 5 et 7 de notre édition.

XVI-b Voyez t. IV, p. 110, et t. III, p. 148.

XVI-c Mémoires de Frédérique-Sophie-Wilhelmine, margrave de Baireuth. Brunswic, 1810, t. II, p. 204-206.

XVI-d Frédéric écrivait à l'électrice douairière Antonie de Saxe, Breslau, 8 septembre 1768 : « Nous avons ici un comte Hoditz qui a beaucoup de goût et des dispositions heureuses pour les arts. »

XVII-a Voyez ci-dessous, p. 242.

XVII-b Voyez t. XIII, p. 80-85, ainsi que les lettres de Frédéric à l'électrice douairière Antonie de Saxe, du 24 mars 1771, et à Voltaire, du 1er mai 1771. Voyez aussi les Berlinische Nachrichten von Staats und gelehrten Sachen, 1771, den 25. April, no 50.

XVII-c Voyez ci-dessous, p. 264 et 265, nos 48 et 49.

XVII-d Voyez t. V, p. 21.

XVIII-a On lit dans les Souvenirs de la marquise de Créquy, 1710-1810, Paris, 1834, t. I, p. 138 : « Milord George Keith. ..... On voit imprimé partout, d'après d'Alembert, qu'il était né en 1685; mais il m'a dit souvent qu'il était né le 3 décembre 1686. »

XVIII-b Voyez t. V, p. 40 et 41.

XVIII-c Voyez H. L. Manger's Baugeschichte von Potsdam, Berlin, 1789, p. 277.