<274>votre convalescence que ne feraient des calculs. Je ne m'étonne pas que le héros de l'amitié ait choisi un tel sujet; j'en attends les premières scènes avec impatience. Scipion, César, Auguste, firent des tragédies; cur non Federicus?

V. A. R. me fait trop d'honneur, elle oppose trop de bonté à mes malheurs; j'ai fait tant de changements à la Henriade, que je suis obligé de lui envoyer l'ouvrage tout entier, avec les corrections. Si elle ordonne la voie par laquelle il faut lui faire tenir l'ouvrage qu'elle protége, elle sera obéie. Je suis trop heureux, malgré mes ennemis; je la remercie mille fois, et tout ce que vous daignez me dire pénètre mon cœur. Que je bavarderais, si ma déplorable santé me permettait d'écrire davantage! Je suis à vos pieds, monseigneur. Je ne respire guère; mais c'est pour Émilie et pour mon dieu tutélaire.

Je suis avec le plus profond respect et la plus tendre reconnaissance, etc.

81. A VOLTAIRE.

Remusberg, 8 mars 1739.

Mon cher ami, depuis la dernière lettre que je vous ai écrite, ma santé a été si languissante, que je n'ai pu travailler à quoi que ce pût être. L'oisiveté m'est un poids beaucoup plus insupportable que le travail et que la maladie. Mais nous ne sommes formés que d'un peu d'argile, et il serait ridicule au suprême degré d'exiger beaucoup de santé d'une machine qui doit, par sa nature, se détraquer souvent, et qui est obligée de s'user pour périr enfin.

Je vois, par votre lettre, que vous êtes en bon train de corriger vos ouvrages. Je regrette beaucoup que quelques grains de cette sage critique ne soient pas tombés sur la pièce que je vous ai adressée. Je ne l'aurais point exposée au soleil, si ce n'avait été dans l'intention qu'il la purifiât. Je n'attends point de louanges de Cirey, elles ne me sont point dues; je n'attends de vous que