<283>auteur également ennemi de la tyrannie et de la rébellion. V. A. R. est encore assez bonne pour m'ordonner de lui rendre compte des changements que j'ai faits. J'obéis.

1o Le changement le plus considérable est celui du combat de d'Ailly contre son fils.a Il m'a paru que cette aventure, touchante par elle-même, n'avait pas une juste étendue, qu'on n'émeut point les cœurs en ne montrant les objets qu'en passant. J'ai tâché de suivre le bel exemple que Virgile donne dans Nisus et Euryale. Il faut, je crois, présenter les personnages assez longtemps aux yeux pour qu'on ait le temps de s'y attacher. J'aime les images rapides, mais j'aime à me reposer quelque temps sur des choses attendrissantes.

Le second changement le plus important est au dixième chant. Le combat de Turenne et d'Aumale me semblait encore trop précipité. J'avais évité la grande difficulté qui consiste à peindre les détails; j'ai lutté, depuis, contre cette difficulté, et voici les vers :

O Dieu! cria Turenne, arbitre de mon roi, etc.b

Je suis, je crois, monseigneur, le premier poëte qui ait tiré une comparaison de la réfraction de la lumière, et le premier Français qui ait peint des coups d'escrime portés, parés et détournés.

In tenui labor; at tenuis non gloria, si quem
Numina laeva sinunt auditque vocatus Apollo.c

Numina laeva, ce sont ceux qui me persécutent; et vocatus Apollo, c'est mon protecteur de Remusberg.

Pour achever d'obéir à mon Apollon, je lui dirai encore que j'ai retranché ces quatre vers qui terminent le premier chant :

Surtout en écoutant ces tristes aventures,
Pardonnez, grande reine, à des vérités dures
Qu'un autre eût pu vous taire, ou saurait mieux voiler,
Mais que Bourbon jamais n'a pu dissimuler.


a La Henriade, chant VIII, v. 205 et suivants.

b L. c., chant X, v. 107.

c Virgile, Géorgiques, livre IV, v. 6 et 7.