<6>C'est dans ces moments que j'ai senti que les avantages de la naissance, et cette fumée de grandeur dont la vanité nous berce, ne servent qu'à peu de chose, ou pour mieux dire à rien. Ce sont des distinctions étrangères à nous-mêmes, et qui ne décorent que la figure. De combien les talents de l'esprit ne leur sont-ils pas préférables! Que ne doit-on pas aux gens que la nature a distingués par ce qu'elle les a fait naître! Elle se plaît à former des sujets qu'elle doue de toute la capacité nécessaire pour faire des progrès dans les arts et dans les sciences; et c'est aux princes à récompenser leurs veilles. Eh! que la gloire ne se sert-elle de moi pour couronner vos succès! Je ne craindrais autre chose, sinon que ce pays, peu fertile en lauriers, n'en fournît pas autant que vos ouvrages en méritent.

Si mon destin ne me favorise pas jusqu'au point de pouvoir vous posséder, du moins puis-je espérer de voir un jour celui que depuis si longtemps j'admire de si loin, et de vous assurer de vive voix que je suis avec toute l'estime et la considération due à ceux qui, suivant pour guide le flambeau de la vérité, consacrent leurs travaux au public,



Monsieur,

Votre affectionné ami,
Frederic, P. R. de Prusse.

2. DE VOLTAIRE.

Paris,a 26 août 1736.



Monseigneur,

Il faudrait être insensible pour n'être pas infiniment touché de la lettre dont V. A. R. a daigné m'honorer. Mon amour-propre en


a Cette lettre, datée de Paris dans toutes les éditions, doit avoir été écrite à Cirey, où Voltaire se trouvait alors. M. Beuchot est de la même opinion. Voyez, son édition des Œuvres de Voltaire, t. LII, p. 262.